Intervention de Michel Billout

Réunion du 11 janvier 2011 à 14h30
Débat sur l'avenir de la politique agricole commune

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Il serait également nécessaire, à l’avenir, de simplifier le versement des aides de la PAC. Cette année, par exemple, les éleveurs ont rencontré des difficultés à cet égard, entre la modulation de 8 %, le versement des aides en plusieurs fois et l’application des coefficients stabilisateurs.

Ces aides sont nécessaires, mais elles ne constituent toujours pas des réponses adaptées au problème des revenus des exploitants. La question du revenu agricole doit selon nous prendre une place centrale dans la réforme de la politique agricole commune. Il est urgent de mettre un terme au dumping social au sein de l’Union européenne et de procéder à une harmonisation par le haut des salaires et des normes sociales pour les travailleurs du secteur. À cet égard, nous estimons que la « convergence des aides » peut être utilisée comme un levier incitatif.

Le Parlement européen, dans sa résolution sur l’avenir de la politique agricole commune après 2013, considère que « la PAC doit répondre immédiatement aux effets de la crise économique sur les entreprises agricoles, tels que le manque d’accès au crédit pour les agriculteurs, les pressions exercées sur les revenus agricoles et la hausse du chômage dans les zones rurales ». Il estime à ce titre que la réduction des paiements directs dans le cadre du premier pilier aurait des conséquences dévastatrices.

Nous soutenons ces positions ; il convient d’étendre l’application du principe de subsidiarité, de plafonner les aides et de les lier à l’emploi.

À l’inverse, les propositions de la Commission relatives à la rémunération du travail restent très en deçà de nos attentes. Aucun mécanisme comparable au système de préférence communautaire n’est proposé.

Malgré la crise du secteur laitier et l’importance avérée des instruments d’intervention publique sur le marché, la Commission souhaite rationaliser et simplifier les outils existants. Il est vrai qu’un certain nombre d’entre eux risquent de tomber sous le coup des accords de Doha. Comme nous l’avons dit, les restitutions à l’exportation devraient être interdites dans le cadre de l’OMC, et les droits de douane et les contingents largement limités.

La suppression des quotas pour le lait et, à moyen terme, pour le sucre dans le cadre d’un marché ouvert aboutira à une baisse des prix au détriment des producteurs, en situation de dépendance face aux secteurs de la transformation et de la grande distribution.

Nous regrettons d’ailleurs que la Commission n’aborde pas la question de la répartition de la valeur ajoutée dans la filière agroalimentaire, et nous sommes très sceptiques quant à l’efficacité de la contractualisation pour corriger le déséquilibre des relations commerciales.

Enfin, il serait regrettable que la nouvelle politique agricole s’affranchisse de la question de la dépendance de l’Europe en matière de protéines, au moment où l’ensemble des productions européennes riches en protéines végétales ne couvrent que 24 % des besoins des élevages, et seulement 1 % des besoins en soja.

Pour répondre à ces besoins, l’Union européenne se tourne vers l’extérieur, notamment vers le continent américain. Or les importations de protéines végétales posent des problèmes majeurs sur plusieurs plans.

D’abord, les producteurs sont dépendants de la fluctuation des prix des produits sources de protéines végétales, notamment du tourteau de soja. Ces prix sont susceptibles d’augmenter avec la croissance de la demande à l’échelle mondiale, en particulier de celle des pays d’Europe centrale et orientale et de l’Asie.

Ensuite, ces productions ont un impact social et environnemental important, notamment en Amérique du Sud, d’où provient 85 % du soja importé par l’Union européenne, du fait des changements directs et indirects d’affectation des sols – selon l’IEEP, l’Institute for european environmental policy, la hausse des prix du soja en 2007 aurait amené un doublement en quatre mois des surfaces soumises à la déforestation –, de l’utilisation accrue de pesticides et de la pression exercée sur les petits paysans.

Pour conclure, aux yeux des membres du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, l’agriculture ne peut être considérée comme un secteur marchand banal. Notre position sur ce point est claire : il faut sortir l’agriculture du cadre de l’OMC.

En effet, les politiques agricoles et alimentaires doivent être détachées de toute forme de dumping social, économique ou environnemental. Des règles nouvelles doivent prévaloir : soutien à l’agriculture paysanne et à la pêche artisanale, fondé sur les connaissances agro-écologiques ; prix agricoles rémunérateurs et non spéculatifs ; relocalisation des productions ; promotion de garanties sociales et environnementales ; valorisation des circuits courts et limitation des échanges à la diversification.

Il s’agit là d’enjeux humains et environnementaux incontournables. Pour nous, la sécurité alimentaire reste le défi central pour l’agriculture, non seulement pour l’Union européenne, mais pour le monde. Selon la FAO, la demande alimentaire mondiale devrait doubler d’ici à 2050. Aujourd’hui, en Europe, plus de 40 millions de personnes pauvres ne bénéficient pas d’une alimentation suffisante. La politique agricole que nous mènerons ne sera ni juste, ni solidaire, ni susceptible de garantir des prix rémunérateurs, un développement durable des territoires et la préservation des ressources naturelles si elle reste soumise aux politiques commerciales déterminées au sein de l’OMC. Non seulement le système actuel est délétère pour l’agriculture européenne, mais il conduit à exploiter indignement les pays du Sud et à affamer les populations. Lors de la réunion de Paris pour l’avenir de la PAC, qui s’est tenue le 10 décembre 2009, vous déclariez, monsieur le ministre, que « l’agriculture, c’est la conception que l’on se fait de notre avenir en Europe et de l’avenir de l’Europe dans le monde ». Cet avenir, nous souhaitons le garantir à notre agriculture, mais certainement pas au détriment des pays du Sud, ni pour le plus grand profit des spéculateurs !

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