Intervention de Gérard César

Réunion du 11 janvier 2011 à 14h30
Débat sur l'avenir de la politique agricole commune

Photo de Gérard CésarGérard César :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le mois de novembre dernier, les discussions en vue de la définition de la future politique agricole commune se sont engagées à la suite de la publication des propositions de la Commission européenne.

Ce débat arrive donc au bon moment, et je remercie MM. Jean-Paul Emorine et Jean Bizet, co-présidents du groupe de travail sur la réforme de la politique agricole commune, auquel j’ai l’honneur de participer, de l’avoir amorcé au travers de leur remarquable rapport d’information.

Symbole fort de l’Union européenne, la PAC est la première des politiques communautaires, la plus ancienne et la plus intégrée, mais elle est aussi la plus discutée, et l’échéance de 2013 amènera, sans aucun doute, un retour des rapports de force, que le Président Nicolas Sarkozy et vous-même, monsieur le ministre, avez anticipé dans le cadre de l’accord franco-allemand. Des rencontres fructueuses avec nos collègues polonais et allemands se sont en outre tenues récemment à l’Assemblée nationale, en présence de MM. Bizet et Emorine.

L’Union européenne va devoir redéfinir, pour la période 2014-2020, une vision stratégique, à la fois économique, sociale et environnementale, qui ne soit pas un simple réajustement. De nouvelles attentes fortes sont aujourd’hui exprimées par nos concitoyens, notamment en matière sanitaire, et l’on ne peut bien entendu pas les ignorer.

Depuis sa création, la PAC a connu plusieurs évolutions, notamment pour éliminer les excédents ou se soumettre aux exigences de l’Organisation mondiale du commerce. La production a ainsi été régulée par le biais de l’instauration de quotas, du recours à la mise en jachère et de la réduction des prix de référence. Parallèlement, les aides aux agriculteurs et les aides à la production ont été découplées et les marchés agricoles ouverts.

Aujourd’hui, nous le savons, la PAC doit relever de nouveaux défis. L’enjeu majeur, à mon sens, est de poursuivre l’adaptation des structures agricoles dans un marché de plus en plus ouvert. Soyons lucides, cette ouverture ne sera pas remise en question dans le cadre des négociations sur la future PAC ; nous n’assisterons pas au retour de mesures plus ou moins protectionnistes. La seule voie consiste à mettre l’accent sur la gestion des marchés et la modernisation des structures et des exploitations agricoles, ainsi que sur l’organisation économique des producteurs telle que l’a prévue la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. En tant que rapporteur de cette loi, je profite de cette occasion pour vous remercier, monsieur le ministre, de la publication des textes relatifs aux filières du lait et des fruits et légumes, intervenue avant le 31 décembre, comme vous nous l’aviez promis.

Dans un monde où les échanges ont été libéralisés et sont appelés à se développer, les pouvoirs publics peuvent contribuer à accompagner les évolutions. Je pense notamment à la régulation et à l’amélioration de la transparence des marchés. Le rôle des organisations professionnelles et, surtout, interprofessionnelles dans la gestion des filières et la couverture des risques doit être modernisé et renforcé.

Les exploitations devront également poursuivre leur modernisation, là aussi avec l’aide des pouvoirs publics. En cinquante ans, le nombre d’exploitations est passé de 2, 3 millions à 326 000 dans notre pays. Aucun autre secteur économique n’a connu une telle évolution.

Pourtant, il faut continuer à s’adapter, par l’accroissement des surfaces, l’utilisation de nouveaux équipements et l’accès aux innovations technologiques. Une bonne anticipation de cette exigence incontournable suppose, monsieur le ministre, que la question ne soit pas taboue.

Un autre enjeu tient à la conversion environnementale de l’agriculture, qui exige une politique et un soutien à long terme. Les attentes de la société en matière de préservation de l’environnement et de qualité sanitaire des aliments ont été intégrées dans la PAC. C’est une excellente chose, toutefois cette politique doit absolument être lisible, à la fois dans ses objectifs et dans ses résultats. Or, pour l’instant, on a le sentiment de se trouver dans une jungle technocratique. Ces défauts, qu’il faudra corriger, ne remettent cependant pas en cause l’orientation de la PAC vers une gestion durable des ressources naturelles.

Par ailleurs, les freins à la recherche agronomique – autre sujet qui fâche – doivent être levés. Comment ne pas voir que l’innovation conditionne la marche vers de nouvelles pratiques agricoles durables et économiquement viables ? Vous le savez, monsieur le ministre, la recherche pâtit lourdement, en France, du rejet obsessionnel des OGM. Cette opposition rejaillit sur l’ensemble des recherches en vue de l’amélioration des plantes. Nous devons donc avoir le courage de mettre fin à ce blocage français, qui pénalise lourdement l’agriculture tant européenne que nationale. Comment l’agriculture pourrait-elle se passer à la fois des intrants chimiques et des biotechnologies ? La France prend un retard considérable par rapport à d’autres pays qui, eux, avancent.

La PAC doit enfin, à mon sens, relever le défi de la prise en compte de l’entrée de nouveaux pays au sein de l’Union, dont le nombre de membres est passé, en moins de dix ans, de quinze à vingt-sept, ce qui a entraîné une augmentation de plus de 64 % du nombre des exploitations agricoles. Cela a renforcé les disparités agricoles, au moment où un nouvel équilibre se mettait en place après les élargissements précédents.

Jusqu’à présent, les nouveaux entrants ont géré leur adhésion et leurs réformes internes ; leur arrivée dans l’Union n’a pas produit ses pleins effets sur l’économie agricole européenne, mais il faut s’attendre à ce que la concurrence intra-européenne s’accroisse, introduisant une contrainte supplémentaire à la modernisation des structures. Il faut s’attendre aussi à ce que ces pays soient plus exigeants et s’attachent à préserver une PAC forte, à condition bien sûr qu’elle leur soit favorable.

Dans ce contexte, on imagine aisément que les débats sur le budget de la PAC pour l’après-2013 seront particulièrement durs. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le traité de Lisbonne a renforcé les pouvoirs du Parlement européen, qui doit désormais approuver la PAC dans le cadre de la cogestion. Il est difficile de prévoir ce que sera le rapport des forces au Parlement européen, mais, de toute évidence, celui-ci pèsera certainement en faveur d’une redistribution des aides. Il est donc probable, monsieur le ministre, que l’agriculture française devra franchir une nouvelle étape d’adaptation avec des soutiens budgétaires réduits, dans un contexte politique européen difficile.

Si nous voulons une véritable PAC, il est indispensable de maintenir le budget agricole à son niveau de ces dernières années. À cet égard, je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir communiqué, voilà quelques jours, des données relatives aux aides à l’investissement en 2008 et en 2009.

En définitive, l’enjeu, pour l’agriculture française, tient à notre capacité à définir ensemble une vision politique ambitieuse. Un cadre politique est indispensable, car il est toujours source de confiance et de stabilité. La définition de la future PAC nécessitera un vrai débat, d’ailleurs déjà entamé, mais surtout une volonté forte de l’ensemble des acteurs politiques et socioprofessionnels, qui devront œuvrer pour que tous les agriculteurs puissent vivre de leur travail.

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