Intervention de Jean-François Mayet

Réunion du 11 janvier 2011 à 14h30
Débat sur l'avenir de la politique agricole commune

Photo de Jean-François MayetJean-François Mayet :

Monsieur le ministre, je souhaite tout d’abord saluer la politique que vous conduisez pour répondre à la crise que traverse l’agriculture, notamment par la mise en œuvre, l’année dernière, d’un plan de soutien.

La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ainsi que les différentes initiatives prises sur votre instigation à l’échelon communautaire en vue de la mise en place d’outils d’intervention et d’une meilleure régulation des marchés des produits agricoles sont pertinentes et bienvenues.

L’année 2011 sera essentielle pour l’avenir de la PAC. Dans la perspective des travaux et des négociations que vous conduirez à ce titre, je souhaite évoquer les préoccupations des agriculteurs de mon département.

S’agissant tout d’abord du maintien du budget agricole communautaire, la communication de la Commission a réhabilité la production et la sécurité alimentaires en tant que premiers objectifs de la PAC. Pour les atteindre, il faut disposer d’un budget à la hauteur des ambitions affichées.

Dans mon département, grâce aux références économiques issues des réseaux ROSACE, les soutiens sont à la limite de ce qui est nécessaire pour assurer la viabilité de la plupart des systèmes d’exploitation dans un contexte de forte progression des charges. Or, à mi-parcours de la réforme de la PAC, la « ferme Indre » a déjà perdu 13 millions d’euros sur les 134 millions d’euros dont elle bénéficiait auparavant.

De plus, dans notre département, 480 agriculteurs sont éligibles au dispositif d’accompagnement spécifique. L’importance de ce nombre révèle la situation fragile d’un grand nombre d’exploitations.

Une autre source d’inquiétude tient à la volatilité des cours, due à la mondialisation de l’économie : elle provoque une instabilité des cours à laquelle les exploitations de notre département, le plus souvent de type familial et occupant une ou deux unités de travail humain, ou UTH, sont incapables de faire face.

Les distorsions de concurrence liées à la mise en place de normes européennes exigeantes, induisant une perte de compétitivité par rapport aux produits importés, constituent également un motif de préoccupation. Les mêmes normes devraient s’appliquer aux produits agricoles européens et aux produits en provenance des pays tiers, que ce soit en termes d’hygiène, de pesticides, de santé ou de bien-être des animaux.

La redéfinition des zones défavorisées ne manque pas non plus de susciter des inquiétudes. Dans notre département, par exemple, les aides spécifiques destinées à compenser l’existence de handicaps naturels sont indispensables, notamment pour appuyer l’installation de jeunes agriculteurs. Il est essentiel que le nouveau zonage n’exclue pas les territoires comprenant des sols présentant un handicap naturel, que ce soit pour faire de la culture ou de l’élevage, car dans le cas contraire l’activité agricole y serait fortement déstabilisée.

Par ailleurs, les réformes qui se sont succédé n’ont jamais tenu compte du caractère de « zone intermédiaire » commun à une quinzaine de départements agricoles. Il s’agit de zones de transition entre plaine et montagne, de zones mixtes qui ne sont spécialisées ni en élevage ni en grandes cultures, mais où les exploitations de polyculture-élevage sont très dépendantes de la PAC et restent souvent à l’écart des mesures destinées à favoriser l’une ou l’autre de ces productions.

J’évoquerai enfin la dépendance des éleveurs du bassin allaitant par rapport au marché italien : on constate en effet, depuis un certain nombre d’années, au gré des crises sanitaires, un accroissement des difficultés de commercialisation, vers l’Italie notamment.

Monsieur le ministre, pour répondre à ces préoccupations, plusieurs pistes peuvent être envisagées.

En premier lieu, des mesures plus efficaces de régulation des marchés pourraient être mises en œuvre.

Il s’agirait de mettre en place des mécanismes flexibles pour toutes les productions stockées, de renforcer le pouvoir de marché des producteurs par leur regroupement, pour contractualiser sur les volumes et sur les prix dans un cadre sécurisé, d’améliorer la connaissance et la transparence des marchés dans toute l’Europe en matière de volumes et de prix, car seule la transparence permettra un partage équitable de la valeur ajoutée, de garantir au consommateur européen le même niveau de sécurité alimentaire pour les produits importés que pour les produits issus de l’agriculture communautaire.

En second lieu, un dispositif de paiements directs pour toutes les productions, plus simple, plus lisible, avec une harmonisation des normes dans toute l’Europe, pourrait être instauré. Pour cela, plusieurs corrections doivent être apportées à la situation actuelle.

Il faudrait d’abord, tout en prévoyant une période de transition, sortir du système sclérosant des droits à paiement unique. En effet, fondé sur les références de 2000, de 2001 et de 2002, il est de plus en plus décalé par rapport à la réalité du terrain.

Au sein du premier pilier, l’aide complémentaire verte doit être construite, en termes de contraintes, sur le modèle de l’existant, notamment celui des bonnes conditions agro-environnementales.

Les soutiens couplés doivent être suffisants pour mobiliser des aides, notamment pour l’élevage au sein du bassin allaitant, l’économie de ces zones étant très fragile et très dépendante de l’agriculture.

Par ailleurs, il est nécessaire de mettre en place un dispositif permettant de prendre en compte les handicaps de certaines zones. Par exemple, mon département, dont 82 % de la superficie est classée en zone défavorisée, se trouve pénalisé depuis le début de l’histoire agricole contemporaine.

Enfin, la politique de développement rural doit prendre en considération les spécificités des territoires pour y favoriser l’installation de jeunes agriculteurs, la modernisation des exploitations en place et l’innovation. Elle doit être souple et dotée d’outils adaptables aux contextes locaux. Ainsi, une simplification de la mise en œuvre des mesures agro-environnementales élaborées localement aurait un intérêt certain pour les bassins de captage dans mon département.

Il en va de même pour le soutien aux filières territorialisées, dont plusieurs peuvent être des sources importantes d’emplois, telles, dans l’Indre, les AOC caprines, la lentille verte du Berry, la pisciculture de la Brenne, l’engraissement de taurillons.

Monsieur le ministre, je sais que votre mobilisation en faveur de la mise en place d’une politique agricole commune plus conforme aux attentes de nos agriculteurs français est totale, dans le droit fil de l’« appel de Paris » lancé sur votre initiative, voilà plus d’un an.

Les préoccupations et les propositions que j’ai évoquées, illustrées par le cas de mon département, se retrouvent, vous le savez bien, à l’échelon national. Au nom de l’ensemble de nos agriculteurs, je vous remercie par avance de votre action. Nous savons pouvoir compter sur vous.

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