Intervention de Roland Ries

Réunion du 11 janvier 2011 à 14h30
Débat sur l'avenir de la politique agricole commune

Photo de Roland RiesRoland Ries :

C’est pourquoi l’élu urbain que je suis a souhaité prendre la parole dans un débat qui, en vérité, nous concerne tous.

Aujourd'hui, l’avenir de la PAC se trouve au centre des négociations sur les perspectives financières européennes pour la période 2014-2020.

Chacun peut le constater, les objectifs initiaux de la PAC, inscrits dans le traité de Rome, se sont en quelque sorte perdus dans les sables au fil des ans, notamment parce que les dogmes du marché et de la libre concurrence se sont largement imposés. Pourtant, ces objectifs restent tout à fait d’actualité. En effet, la PAC devait permettre d’assurer un niveau de vie décent à la population agricole, de stabiliser les marchés, car les fluctuations incessantes des prix dues à la spéculation financière menacent en permanence la sécurité de nos approvisionnements, et d’assurer des prix raisonnables aux consommateurs.

Le 17 novembre dernier, le nouveau commissaire européen à l’agriculture et au développement rural, Dacian Ciolos, a donc présenté une communication prévoyant des orientations pour une nouvelle PAC de l’après-2013. La discussion est lancée dans toute l’Union européenne sur cette base et le débat que nous entamons ce soir contribuera, je l’espère, à orienter les futures dispositions législatives qui seront présentées par la Commission européenne en juillet prochain.

Dans sa communication, la Commission explique que les marchés agricoles sont aujourd’hui caractérisés par l’incertitude et la volatilité croissantes des prix. Elle semble ainsi reconnaître les effets négatifs du libre marché et de la dérégulation qui ont orienté la PAC ces dernières années.

La Commission souligne la spécificité de l’activité agricole par rapport aux autres activités économiques, l’alimentation étant un bien essentiel à la survie de l’homme. Le rôle premier de l’agriculteur doit bien être la production de nourriture et, étant donné l’augmentation de la population mondiale, il est primordial que l’agriculture européenne maintienne sa capacité de production, contrairement à ce qui a pu parfois être dit.

La Commission souligne également le rôle de l’agriculture dans l’équilibre des territoires, et semble ainsi remettre en question les processus de spécialisation et de concentration des exploitations qui ont caractérisé la PAC ces dernières années. L’activité agricole demeure le « moteur » de l’économie rurale ; elle concourt à l’identité des régions et la PAC doit donc permettre de la pérenniser sur l’ensemble du territoire européen.

La Commission souligne enfin les liens forts qui unissent l’activité agricole et la protection de l’environnement : sans ressources naturelles préservées, il n’y a pas d’agriculture viable ; à l’inverse, sans agriculture, la préservation des espaces naturels n’est pas assurée. La Commission met donc l’accent sur les enjeux multiples, à la fois économiques, sanitaires, sociaux, territoriaux et environnementaux, liés à l’agriculture.

Le groupe socialiste du Sénat ne peut que se réjouir de ces premières orientations, qui semblent renouer avec les objectifs fondamentaux de la PAC : l’indépendance et la sécurité alimentaires, la garantie d’un revenu décent pour l’ensemble des agriculteurs, la cohésion sociale et territoriale, la valorisation de la diversité des terroirs, la protection de l’environnement et la solidarité européenne.

De même, nous approuvons le nouveau principe posé par la Commission d’une répartition des aides plus équilibrée entre États membres et entre filières. C’est, en effet, une nécessité pour que la PAC retrouve sa légitimité. Ainsi, la Commission souhaite mettre en place une réforme tendant à instaurer davantage d’équité, avec un revenu de base pour l’ensemble des agriculteurs européens, une aide supplémentaire pour le « verdissement » de l’agriculture et pour les régions à contraintes naturelles spécifiques, ainsi qu’un plafonnement des aides. Un maximum d’aide pour les grandes exploitations et un soutien minimal pour les petites exploitations seraient ainsi instaurés.

Cependant, le groupe socialiste regrette que la Commission, dans sa communication, n’aborde pas directement la question budgétaire, pourtant primordiale, qui conditionne la mise en œuvre d’une réforme ambitieuse. En ce qui nous concerne, nous sommes favorables au maintien a minima du pourcentage global actuel du budget européen consacré à la PAC.

En outre, le groupe socialiste considère que les propositions de la Commission restent très limitées en matière de régulation des marchés. Elle se contente de prévoir un filet de sécurité en cas de crise. Aucune proposition ne vise à éviter la survenue des crises et à empêcher la volatilité des prix, phénomène que la crise du lait a illustré dans un passé récent.

Nous estimons, pour notre part, que les objectifs de cette réforme ne pourront être atteints que par une régulation du marché agricole à l’échelon tant européen que mondial. Selon nous, il est important de réguler l’offre agricole via des objectifs de production, des indices de prix, des mesures de stockage.

De même, il nous semble nécessaire de revaloriser la place de notre agriculture dans le commerce mondial et dans les politiques de développement. Pour que les échanges commerciaux soient plus justes, chacune des parties doit respecter les mêmes règles du jeu, les mêmes normes sociales, environnementales, sanitaires. En effet, le respect des normes qui leur sont imposées engendre des coûts importants pour les agriculteurs européens, ce qui les empêche d’être compétitifs face aux pays tiers, dont les producteurs ne sont pas tenus par de telles normes.

Nous proposons donc que soit pris en compte, à l’échelle mondiale, un principe de réciprocité dans les échanges alimentaires. À défaut, nous pourrions renforcer le principe de préférence communautaire en instaurant des « écluses tarifaires ». Il va sans dire qu’au sein même de l’Union européenne, nous devons rechercher une harmonisation en matière de droit fiscal et de droit du travail, afin d’éviter les situations de concurrence déloyale internes à l’’espace communautaire.

Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les messages que je souhaitais délivrer au nom du groupe socialiste à l’occasion de ce débat.

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