Intervention de Jacques Blanc

Réunion du 11 janvier 2011 à 14h30
Débat sur l'avenir de la politique agricole commune

Photo de Jacques BlancJacques Blanc :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord me féliciter de l’organisation d’un tel débat : nous commençons bien l’année !

Le Sénat démontre ainsi sa capacité de travail, d’anticipation pour répondre aux évolutions amenées par le traité de Lisbonne. La réforme de la PAC conditionne la sécurité alimentaire de l’Union européenne et le maintien des équilibres territoriaux, en particulier dans les zones de montagne, qui me sont chères ! §

Nous avons la chance, dans notre pays, d’avoir pu compter sur des ministres de l’agriculture porteurs d’une volonté politique forte de promouvoir l’agriculture à l’échelon européen. Vous vous inscrivez dans cette lignée, monsieur le ministre, et je m’en réjouis.

Nous avions eu avec votre prédécesseur, Michel Barnier, un débat sur le bilan de santé de la PAC. Sous l’influence de la France, un certain nombre de décisions allant dans le bon sens ont ensuite été prises sur le plan communautaire. La nécessité d’une PAC et du maintien d’outils de régulation a été réaffirmée, même s’il est vrai que certaines aides doivent être réorientées, en particulier au profit des zones défavorisées et des éleveurs en difficulté.

Avec une grande force de conviction, monsieur le ministre, vous avez su convaincre les Allemands de s’engager à nos côtés dans la définition d’une nouvelle politique agricole, ce qui n’était pas forcément évident au départ, et vous avez amené vingt-deux pays membres de l’Union européenne à reconnaître la nécessité d’une régulation. Nous pouvons donc vous faire confiance pour garder le cap de la politique agricole commune et la faire évoluer de manière à répondre aux attentes des consommateurs en matière de sécurité alimentaire tout en permettant à de petites exploitations agricoles de vivre et de faire vivre l’ensemble de nos territoires.

Il s’agit là d’un enjeu de société, et non de la défense des seuls agriculteurs. L’orateur qui m’a précédé a eu raison d’indiquer que les élus des territoires ruraux ne devaient pas avoir le monopole des interventions sur la PAC, qui est la seule politique communautaire. Ce dernier point m’amène d’ailleurs à souligner que, en matière de dépenses – on reproche volontiers à la PAC de coûter cher –, les comparaisons avec d’autres secteurs sont, pour cette raison, impossibles : par exemple, il n’existe pas de politique communautaire de la recherche, ce domaine étant essentiellement une compétence nationale.

Nous souhaitons tous le maintien d’une politique agricole commune. Il est important de l’affirmer, car la tentation d’une renationalisation a parfois pu se faire jour en Europe.

En ce qui concerne la vocation alimentaire de l’agriculture, je ne prétends pas que le problème se pose dans les mêmes termes que pour notre approvisionnement en métaux et en terres rares, sujet sur lequel la commission des affaires étrangères m’a demandé de rédiger un rapport, mais la sécurité et la qualité alimentaires représentent des enjeux fondamentaux dans un monde dont la population croît rapidement. Ne l’oublions pas, la qualité de l’alimentation conditionne la qualité de la vie, parfois même la survie. M. Bizet regrettait tout à l’heure que la communication de la Commission n’évoque pas suffisamment la finalité alimentaire de l’agriculture : il est vrai qu’il faut y insister.

Une autre vocation de la PAC est la préservation des ressources naturelles et de la qualité de notre environnement. Ce matin même, j’ai plaidé pour le classement par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité des causses des Cévennes, au titre de l’agropastoralisme. En effet, ce sont les agriculteurs qui, par leur travail, ont façonné nos paysages et fait la qualité de notre environnement. L’œuvre de l’homme est indispensable à la préservation des milieux naturels. Il faut en avoir conscience ! Cela étant, sortons d’un faux débat : si l’agriculteur est un acteur de la protection de l’environnement, il ne doit pas être transformé en jardinier. C’est pourquoi il importe de trouver un équilibre entre soutien financier régulé à la production et prise en compte des missions spécifiques accomplies par les agriculteurs au bénéfice de nos sociétés, en particulier dans les zones de montagne. Cela nous ramène aux premier et deuxième piliers de la PAC.

Le lien entre activité agricole et environnement est patent. Récemment, les jeunes agriculteurs se sont réunis en Lozère – c’était là un bon choix de leur part ! –, à la Baraque des Bouviers, pour demander le maintien de l’indemnité compensatoire de handicap naturel, qui est indispensable, et de la prime à la vache allaitante, ainsi que des aides spécifiques à la modernisation des bâtiments d’élevage, à la mécanisation, à l’installation des jeunes. Enfin, ils ont appelé de leurs vœux un soutien aux initiatives innovantes, affirmant ainsi avec force que le monde agricole est capable d’innover sur ces territoires. En un mot, ils veulent une vraie politique agricole.

Monsieur le ministre, vous allez devoir vous battre pour que les pseudo-intellectuels parfois fatigués de certains pays du Nord, qui ne comprennent rien aux problèmes de l’agriculture, ne viennent pas imposer leurs vues. §Vous avez toute notre confiance !

Par ailleurs, la stratégie de Lisbonne a mis en exergue la nécessité d’assurer la cohésion territoriale. À cet égard, je suis le plus heureux des hommes, monsieur le ministre, car le fait que l’aménagement du territoire relève désormais également de vos responsabilités vous permettra de promouvoir conjointement à Bruxelles une vraie politique agricole commune et une authentique politique de cohésion territoriale.

L’Europe a un message à porter : son modèle agricole est exemplaire et permet le maintien de la vie sur l’ensemble de son territoire. Ce modèle, je sais que vous avez la volonté et la détermination de le défendre, monsieur le ministre. Les travaux remarquables réalisés par le Sénat sur ce sujet vous y aideront. L’Europe doit se mobiliser pour construire une société mettant l’homme au cœur des territoires, en particulier de montagne. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre !

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