Pour un éleveur de bovins de race Salers ou Blonde d’Aquitaine, qui produit de la viande de qualité, il est inacceptable que le prix de référence soit celui de la viande de vache de réforme, dont la qualité et les propriétés gustatives ne sont pas les mêmes. Nous voulons remédier à cette situation dans les mois à venir. C’est, je le répète, l’une de mes priorités absolues.
Pour défendre efficacement la politique agricole commune à l’échelon européen, nous devons également être en mesure de formuler des propositions nouvelles. Nous l’avons fait à propos de la filière laitière, en acceptant de renoncer aux quotas laitiers pour essayer de bâtir une nouvelle régulation. Nos propositions en la matière ont été reprises dans le paquet « lait ». Nous avons également été le premier grand État européen à dire qu’il fallait abandonner les références historiques, parce qu’elles sont inacceptables pour un certain nombre de nos partenaires, par exemple la Pologne.
Maintenant que la politique agricole commune a été replacée au centre du débat et son caractère stratégique réaffirmé, que la proposition surréaliste avancée par certains de réduire son budget de 30 % à 40 % a été écartée, de même que l’idée absurde selon laquelle l’agriculture serait moins importante que l’éducation ou l’innovation, quelles perspectives s’ouvrent devant nous ?
La nouvelle politique agricole commune, c’est d’abord cette régulation des marchés pour laquelle je me bats depuis près de deux ans et dont la notion commence, me semble-t-il, à faire son chemin dans les esprits européens.
La régulation ne s’opère pas contre le marché, elle l’améliore ; la régulation n’est pas une notion tombée du ciel, elle découle de la simple observation de la réalité de la volatilité des prix des matières premières agricoles ; la régulation n’est pas qu’un mot, ce sont désormais des décisions concrètes, comme en témoigne le paquet « lait » adopté par la Commission européenne.
Ainsi, lorsque la Commission indique qu’elle est prête à modifier le droit de la concurrence européen, que les producteurs pourront désormais se regrouper jusqu’à représenter 3, 5 % de l’ensemble de la production laitière communautaire, il s’agit d’une véritable révolution. Cela signifie que près d’un tiers des producteurs français pourront, s’ils le souhaitent, se rassembler et négocier collectivement, en position de force, le prix du lait avec les industriels.
Je rappelle en effet que, avant ce « paquet lait » et ces décisions en matière de régulation, les producteurs de lait français ne pouvaient pas se regrouper à plus de 400 pour négocier le prix du lait avec des industriels tels que Sodiaal, Danone ou Lactalis.
C’est bien la preuve que la régulation n’est pas qu’un mot et qu’elle se traduit par des actes. La régulation ne tient pas simplement à une meilleure organisation du marché ; elle est aussi une affaire d’équité et de justice pour les producteurs.
La nouvelle politique agricole commune, c’est aussi le maintien des deux piliers, qui, comme l’a rappelé à juste titre Jean-Paul Emorine, est essentiel. Il est également essentiel de refuser dans le premier pilier une aide unique à l’hectare, laquelle n’aurait pas de sens. En effet, les niveaux de développement économique et de rémunération entre les pays européens, ainsi que les systèmes sociaux, restent trop différents pour que nous puissions accepter une aide unique.
Entre la remise en cause des références historiques, que j’approuve parce qu’elle est juste, et l’aide unique à l’hectare, que je refuse parce qu’elle est injuste, nous trouverons une solution équilibrée pour les aides directes.
La nouvelle politique agricole commune, c’est une plus grande légitimité des aides financières apportées aux exploitations, comme vous l’avez tous souligné ici, mesdames, messieurs les sénateurs, toutes tendances politiques confondues. Une politique qui représente près de 46 % de l’ensemble du budget européen, soit des dizaines de milliards d’euros distribués chaque année, se doit d’être équitable et légitime. Si nous voulons gagner la bataille de la politique agricole commune vis-à-vis des 500 millions de citoyens européens, il faut donner une nouvelle légitimité aux aides directes.
Cette nouvelle légitimité passe par un rééquilibrage du budget entre les États membres. Nous y sommes prêts, nous avons fait un geste en ce sens, comme je l’ai indiqué à nos amis polonais.
La nouvelle politique agricole commune, c’est également ce que le commissaire européen Dacian Ciolos a appelé le « verdissement » de la PAC.
Je suis favorable au verdissement de la PAC, qui ne me fait pas peur, parce que je pense que c’est tout à l’honneur de l’Union européenne de défendre une agriculture respectueuse de l’environnement. C’est une singularité européenne dont nous pouvons être fiers. Ce verdissement nous permettra de gagner la bataille de la légitimité aux yeux des citoyens européens.
Toutefois, il y a verdissement intelligent et verdissement stupide, pour dire les choses clairement.