J’évoquerai maintenant le G20 et la régulation des marchés. Comme je l’ai indiqué au début de mon intervention, il nous faut lutter contre la volatilité des prix des matières premières agricoles. La France a été le premier pays à placer ce sujet au cœur des débats du G20, ce qui est une très bonne chose.
Pour la première fois dans l’histoire de ce forum ou du G8, les vingt ministres de l’agriculture des pays les plus riches de la planète se réuniront en mai ou en juin prochain. Pour la première fois, nous proposerons un certain nombre de mesures concrètes.
Tout d’abord, nous insisterons sur la nécessaire transparence des marchés, notamment sur les stocks. Comment pourrions-nous en effet lutter contre la volatilité des prix alors que personne ne connaît aujourd'hui avec précision l’état des stocks de blé, de riz ou de maïs dans le monde ? Les spéculateurs auraient tort de ne pas spéculer sur les matières premières agricoles alors qu’il n’y a dans ce domaine aucune transparence, qu’aucune information n’est disponible et qu’il n’existe pas de statistiques coordonnées sur le niveau des stocks. La spéculation se nourrit de l’absence d’informations.
La première des choses à faire est donc d’instaurer de la transparence et de mettre en œuvre des bases de données communes afin de disposer d’informations sur les stocks. L’enjeu est crucial et cet objectif sera difficile à atteindre, car c’est là un sujet stratégique pour des pays tels que la Chine ou l’Inde, mais je pense que nous pouvons progresser.
Ensuite, nous devons travailler à une meilleure coordination des responsables politiques au plus haut niveau. Nous ne pouvons pas admettre que perdure un système qui permet à la Russie, en l’absence d’outil de coordination, de décider unilatéralement, sans prévenir personne, de ne plus exporter de blé, alors qu’elle est l’un des premiers pays producteurs au monde. Cela conduit à une augmentation de 20 % du prix du blé en une nuit ! Cela n’est pas possible. Des échanges d’information et une coordination sont nécessaires.
Enfin, il faut moraliser les marchés financiers qui traitent des matières premières agricoles. Comme je l’ai déjà dit, l’écart entre la réalité physique des échanges agricoles et la réalité financière des volumes traités sur ces marchés est une des raisons de la spéculation et l’un des problèmes auxquels nous devons remédier. Sur ce point, j’ai fait un certain nombre de propositions techniques à nos partenaires américains et j’espère que nous pourrons progresser.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques éléments que je souhaitais vous présenter ce soir.
Pour terminer, je tiens à vous remercier de ce débat, car il est très important que la question de la politique agricole commune soit portée sur la place publique afin que chaque citoyen en France et en Europe, et non pas seulement le Gouvernement, les responsables politiques et les parlementaires, puisse s’en saisir.
À mon sens, il y a derrière la politique agricole commune un modèle politique singulier. Ce modèle permet de lutter contre l’uniformisation des produits agricoles. Il nous permet de refuser d’avoir tous le même régime alimentaire partout sur la planète. Il respecte les exploitations de taille raisonnable. Il permet de prendre en compte l’environnement, la sécurité sanitaire et le bien-être des animaux dans la production agricole.
Certes, c’est un modèle singulier, auquel, il est vrai, nos partenaires américains, sud-américains ou d’autres pays n’adhèrent pas. Il n’en demeure pas moins un beau modèle. Ce n’est pas parce qu’il est peut-être économiquement plus coûteux que d’autres qu’il n’est pas politiquement valable. Ce n’est pas parce que d’autres estiment que seul le prix compte que nous devons nous aligner sur le moins-disant agricole.
Une fois encore, il est tout à notre honneur de défendre à travers la politique agricole commune un modèle de civilisation européen singulier et valable.