Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 19 octobre 2006 à 10h00
Secteur de l'énergie — Article 2 bis

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Nous souhaitons supprimer le texte proposé par l'amendement de la commission pour le I de l'article 28 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000.

La commission souhaite doter la CRE de pouvoirs généraux en matière du marché du gaz et de l'électricité. Or nous nous opposons formellement à cette conception du secteur de l'énergie.

Nous estimons, pour notre part, qu'il ne s'agit pas d'un marché, l'énergie étant non pas une marchandise comme une autre, mais un bien commun de l'humanité.

Ainsi, la CRE n'a aucune raison d'être. Si une instance doit exister dans ce secteur, c'est non pas pour opérer le déclin de l'opérateur historique, mais bien pour préserver les intérêts des usagers, qui ne peuvent être garantis dans le cadre de la libéralisation.

Pour cette raison, le groupe communiste républicain et citoyen a déposé une série de sous-amendements tendant à limiter les compétences de la Commission de régulation de l'énergie au profit de l'Observatoire national du service public de l'électricité et du gaz.

Je rappelle également que la directive communautaire n'oblige en aucun cas les États membres à créer une autorité indépendante. Aux termes de l'article 22 de la directive, celle-ci leur impose simplement de prévoir les « mécanismes appropriés et efficaces de régulation, de contrôle et de transparence afin d'éviter tout abus de position dominante, au détriment notamment des consommateurs, et tout comportement prédateur ».

La place octroyée aux pouvoirs publics dans la régulation du système électrique reste donc ouverte. Le Gouvernement a fait le choix de se rallier à la position du Conseil de la concurrence, en prévoyant la mise en place d'une autorité de régulation indépendante, quelque peu semblable, d'ailleurs, à l'ARCEP, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, dans le domaine des télécommunications.

La question, mes chers collègues, est de savoir si ce modèle est pertinent. Le secteur électrique ne peut, à mon sens, être comparé ni à celui des télécommunications ni à celui de l'audiovisuel, dans la mesure où l'électricité constitue un « produit de première nécessité », comme le reconnaît d'ailleurs l'article 1er de la loi de 2000, et touche directement à notre indépendance nationale.

C'est pourquoi nous prônons une primauté de l'autorité politique sur l'autorité dite « indépendante », dans le but de confier au Gouvernement la responsabilité d'arrêter la programmation et de fixer l'objectif de la politique énergétique.

Dans la même logique, l'État - en l'occurrence les ministres chargés de l'économie et de l'énergie - doit pouvoir fixer les tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution, tout en veillant à ne pas créer des discriminations entre les différents opérateurs.

Peut-on accepter, mes chers collègues, qu'à l'image de ce qui se passe dans le secteur des télécommunications le ministre compétent soit réduit au simple rôle de « porte-plume » de l'autorité de régulation, sans avoir la possibilité de formuler une contre-proposition ou un avis différent ?

Il convient de préciser qu'une proposition émanant de la CRE serait, en l'espèce, à prendre ou à laisser, excluant ainsi totalement le ministre du processus décisionnel. Cette éventualité est d'autant plus inacceptable dans le domaine de l'électricité. C'est la raison pour laquelle nous proposerons également de rétablir l'autorité du ministre sur des décisions qui engagent l'organisation du secteur.

À l'heure où chacun se désespère de voir la politique submergée par l'économie et le marché, il serait de bon aloi de limiter au minimum l'érosion des compétences des pouvoirs publics et de préserver ainsi la maîtrise publique de la politique énergétique et, par là même, des outils de régulation du secteur via la fixation des tarifs.

Tel est le sens de ce sous-amendement.

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