Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 19 octobre 2006 à 10h00
Secteur de l'énergie — Article 2 bis

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Dans un souci de clarté, nous souhaitons remplacer, à propos de la libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz, l'expression « au bénéfice des consommateurs » par l'expression « qui doit bénéficier au consommateur final », plus impérative sur la garantie des intérêts des usagers. Cependant, nous ne nous faisons bien évidemment aucune illusion sur le fait que le marché puisse être bénéficiaire aux usagers.

La libéralisation du secteur de l'énergie était supposée correspondre, pour les usagers, à une forte baisse des prix pour une qualité de service équivalente, voire supérieure. Que n'a-t-on entendu à ce sujet ? La concurrence libre et non faussée devait se faire dans l'intérêt des usagers, comme le prétendaient le Gouvernement et la Commission européenne. C'était même la justification principale de sa mise en oeuvre.

Or la réalité est tout autre. Vous le savez, mes chers collègues, l'ouverture à la concurrence dans le secteur de l'énergie s'est traduite par une explosion des tarifs pour les usagers et les entreprises, les premières concernées.

Ainsi, l'ouverture à la concurrence s'est traduite, pour les professionnels, par une augmentation de leur facture de plus de 75 % sur les cinq dernières années. Depuis 2002, l'écart entre les tarifs dits libres et les tarifs administrés atteint 66 % pour l'électricité, selon le cabinet d'étude Nus Consulting.

Plus récemment encore, entre avril 2005 et avril 2006, l'augmentation a atteint 48 % dans le secteur de l'électricité. Comment prétendre alors que la libéralisation équivaut à la baisse des tarifs quand les faits sont si têtus ? Un certain nombre d'entreprises ont d'ailleurs formulé des réclamations tendant à revenir au système actuel et à reprendre les tarifs réguliers.

Pourquoi ne pas soumettre à nos partenaires européens le projet d'insérer systématiquement des clauses de réversibilité dans les directives, une réversibilité engagée justement sur la base de bilans contradictoires ?

Bref, nous estimons que l'ouverture à la concurrence ne permet pas de satisfaire à l'intérêt des usagers et que, pire encore, selon votre logique, monsieur le ministre, elle porte un coup fatal à la compétitivité de notre économie, notamment dans le secteur électrointensif.

Pour comprendre ce phénomène, il faut revenir sur les bases mêmes de la libéralisation.

L'objectif des privatisations est de livrer aux actionnaires privés le patrimoine national, de priver l'État de moyens de peser utilement sur l'économie, de laisser toute régulation à la main invisible du marché. Cela aboutit, dans le secteur énergétique, à ce que ces formidables outils industriels que sont EDF et Gaz de France, et qui ont permis de construire l'indépendance énergétique de la France, soient aujourd'hui livrés aux plus offrants, sous réserve d'être rentables pour le capital privé.

Nous ne pouvons adhérer à cette vision de la société, où tout modèle de solidarité et de coopération serait abandonné au bénéfice de la mise en concurrence des profits des grandes entreprises.

Tel est le sens de ce sous-amendement, que je demande au Sénat d'adopter, bien que je ne me fasse aucune illusion.

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