Intervention de Jean-Pierre Bel

Réunion du 19 octobre 2006 à 10h00
Secteur de l'énergie — Article 3

Photo de Jean-Pierre BelJean-Pierre Bel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 3 nous donne l'occasion de redire avec force que, pour nous, la maîtrise du prix de l'énergie est fondamentale.

Il nous faut revenir sur cette notion de bien public, c'est-à-dire un bien de première nécessité, indispensable à la vie.

C'est pour nous l'occasion également d'affirmer que les services publics constituent les leviers indispensables des politiques de lutte contre les inégalités sociales.

Pouvoir s'éclairer, se chauffer représente une nécessité pour la vie de chacun de nos concitoyens. Pouvoir le faire, sans aucune discrimination, à des prix abordables et soumis à une péréquation sur l'ensemble du territoire national, répond à une mission de service public.

Les choix énergétiques se situent bien au coeur des enjeux de société. Dans cette perspective, les entreprises publiques comme GDF et EDF constituent des outils indispensables pour définir les principales orientations stratégiques énergétiques compatibles avec les intérêts nationaux - les investissements à long terme, l'indépendance énergétique - et apportent une réponse aux besoins de nos populations.

L'énergie a des effets structurants sur l'économie, au sens où les décisions qui concernent le secteur énergétique engagent l'économie sur le long terme.

À ce titre, la maîtrise de la politique tarifaire constitue un élément essentiel de la régulation du secteur énergétique. Elle est le pendant de l'indépendance énergétique ; en d'autres termes, la perte de la maîtrise des prix est révélatrice d'une perte d'indépendance énergétique.

Nous le savons tous, le prix de l'énergie pèse de plus en plus fortement sur leurs dépenses courantes de nos concitoyens.

À ce propos, permettez-moi de vous livrer un commentaire. Nous observons aujourd'hui une différence croissante entre, d'une part, l'évolution « officielle » des prix, l'inflation mesurée par les indicateurs de l'INSEE, et, d'autre part, le ressenti, le vécu des populations quant à leur pouvoir d'achat.

Plus concrètement, la facture annuelle de chauffage au gaz d'un pavillon est passée de 630 euros en 1999 à 811 euros en 2005 et à 1 047 euros en 2006 !

Les hausses tarifaires cumulées de 2004 à 2006 ont ainsi atteint plus de 30 %, soit un taux largement supérieur à celui de l'augmentation des coûts d'approvisionnement.

Vous nous dites que la propriété publique de GDF n'a pas empêché la majoration des prix du gaz. Mais ce n'est absolument pas une réponse au risque de montée vertigineuse de ces prix à la suite de la privatisation et ce n'est pas une raison pour laisser le marché seul maître de l'évolution des tarifs du gaz et de l'énergie.

Vous le reconnaissez d'ailleurs vous-même, monsieur le ministre, puisque vous instituez, par cet article, un tarif social de vente du gaz. C'est donc bien - ou du moins on peut l'interpréter ainsi - que vous ne faites pas confiance au seul marché. Nous estimons, quant à nous, que le marché ne peut effectivement pas, à lui seul, assurer l'égal accès de tous à ce bien fondamental.

De plus, le manque à gagner créé par ce tarif social serait compensé par une taxe sur les producteurs d'énergie nucléaire et hydroélectrique, c'est-à-dire EDF, taxe qui pèsera inévitablement sur les coûts de production de l'opérateur et, par la suite, sur les coûts de l'électricité. Elle viendra, à son tour, alimenter la hausse du tarif réglementé. C'est un cercle vicieux que nous récusons.

Bien sûr, ce projet de loi maintient, à titre transitoire, un tarif réglementé. C'est l'objet de l'article 3 que nous examinerons ultérieurement.

Mais on peut imaginer qu'une fois privatisé, le nouvel opérateur privé fera tout son possible pour échapper au tarif réglementé, au nom de la libre concurrence, et nous craignons qu'il n'ait les moyens d'imposer à l'État un alignement sur le prix du marché.

Nous proposons, au contraire, le maintien durable d'un tarif réglementé, parce que le prix de l'énergie représente un facteur essentiel de la compétitivité des entreprises - pour celles qui ont renoncé au tarif régulé - et parce que le prix de l'énergie pèse fortement sur le pouvoir d'achat des ménages.

Nous avions d'ailleurs proposé la création d'une couverture énergétique universelle pour les personnes défavorisées, proposition qu'il eût sans doute été opportun d'examiner.

Nous considérons également que la multiplication des situations de précarité et d'exclusion rend encore plus criante la nécessité de renforcer le dispositif des tarifs sociaux du gaz, comme de l'électricité.

Dans ce but, nous avons déposé, sur cet article, cinq amendements visant à améliorer la notion de tarif social du gaz et en faire un outil de solidarité véritable pour les personnes en difficulté.

L'accès à l'énergie est évidemment lié à la question du prix, donc à l'instauration de ce tarif social, que nous appelons de nos voeux en déposant ces amendements.

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