Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 19 octobre 2006 à 10h00
Secteur de l'énergie — Article 3

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en créant un tarif social de vente du gaz naturel, le Gouvernement veut afficher la volonté de protéger les plus démunis contre des prix trop élevés. En réalité, cela ne va pas bien loin.

L'architecture même de l'article 3 illustre les limites de cette volonté. Son objet est de protéger les intérêts des consommateurs les plus modestes ; mais, alors que la création du tarif spécial tient en quelques lignes, ce sont presque deux pages qui, dans le texte transmis au Sénat, détaillent la façon dont les fournisseurs pourront s'en accommoder !

L'article 3 précise par ailleurs que les clients domestiques pourront bénéficier de cette tarification « à leur demande », comme c'est d'ailleurs le cas pour l'électricité. Or, comme chaque fois que la mise en oeuvre d'un droit n'est pas automatique, un décalage important apparaîtra entre le nombre de personnes qui peuvent y prétendre et le nombre de celles qui en bénéficieront réellement, et nous savons bien que ce sont justement les personnes les plus démunies, donc les plus concernées, qui ont le moins accès à l'information. Alors, que soit au moins instauré un dispositif leur permettant d'être informées de leur droit !

Autre difficulté, le texte renvoie à un décret en Conseil d'État la fixation du plafond de revenus en dessous duquel le droit à la tarification sociale sera ouvert ; cette disposition laisse planer un flou inacceptable sur une question qui a d'ailleurs été effleurée hier soir.

Quant à la commission des affaires économiques, elle propose d'aligner les modalités d'application du tarif social du gaz sur la tarification spéciale « produit de première nécessité » qui existe en matière d'électricité : le plafond retenu pour cette dernière par le décret du 8 avril 2004 est de 5 520 euros par an, soit 460 euros par mois, à peine l'équivalent de celui qui a été fixé pour la CMU.

Autant dire que le dispositif ne profitera qu'à une toute petite partie de la population, même si celle-ci est encore bien trop importante au regard de ce que devrait être la situation des individus en France au iiie millénaire. Or la pauvreté, les difficultés matérielles ne touchent pas seulement les titulaires de minima sociaux : elle touche aussi de plus en plus de salariés mal payés, de travailleurs à temps partiel et, parmi eux, de nombreuses femmes élevant seules leurs enfants ; toutes ces personnes subiront de plein fouet les augmentations de prix auxquelles il faut s'attendre avec la libéralisation du secteur de l'énergie. Au demeurant, ils les subissent déjà, et leurs difficultés de vie s'en sont accrues.

Pour mieux prendre en compte ces situations, une solution serait de faire bénéficier de la tarification sociale de l'électricité et du gaz les foyers non imposables au titre de l'impôt sur le revenu.

Par ailleurs, ce dispositif est intitulé « tarification spéciale de solidarité » : solidarité entre les actionnaires et les plus démunis ? Ce serait nouveau, et de toute façon inconcevable : les deux sont antinomiques. Vous n'avez d'ailleurs pas manqué de plafonner la contribution dont devront s'acquitter les fournisseurs à un niveau, soulignons-le, bien plus bas que pour l'électricité. Le taux étant fondé sur le tarif réglementé et le dispositif étant applicable y compris pour les consommateurs ayant fait le choix de l'éligibilité, plus le prix auquel vendront les fournisseurs sera élevé, plus leur contribution sera, en proportion, amoindrie. Bel exemple de solidarité !

La réalité, c'est que la solidarité s'exercera une nouvelle fois entre les consommateurs, comme c'est le cas pour l'électricité ! Je rappelle que, alors que les opérateurs devaient prendre en charge la contribution au service public de l'électricité, une loi a modifié en 2003 le système de financement de la solidarité envers les plus pauvres et instauré une taxe due par les consommateurs sur chaque kilowattheure. Un impôt supplémentaire qui touche tous les citoyens, y compris les plus modestes ! Je n'oublie pas non plus que les opérateurs avaient alors exigé de pouvoir augmenter les prix pour financer cette contribution !

Vous comprendrez, mes chers collègues, que tout cela ne peut qu'entretenir nos craintes quant à l'avenir, concernant bien sûr les familles les plus pauvres, les plus modestes, mais aussi l'ensemble des particuliers.

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