Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 19 octobre 2006 à 15h00
Secteur de l'énergie — Article 3 bis

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Nous souhaitons par ce sous-amendement souligner l'hypocrisie des dispositions du nouvel article 3 bis. Vous proposez la mise en place d'un tarif réglementé dit d'ajustement du marché permettant aux clients qui ont exercé leur éligibilité de revenir au tarif réglementé majoré de 30 %. Ce tarif serait applicable de plein droit pour une durée de deux années renouvelables. Cette modalité est contestée par la commission des affaires économiques du Sénat.

Nous pensons pour notre part que cette concession de la majorité parlementaire n'est qu'un pansement sur une jambe de bois.

En effet, à l'Assemblée nationale, vous avez plaidé, monsieur le ministre délégué, pour le « maintien des tarifs réglementés » en espérant ainsi répondre aux inquiétudes légitimes des consommateurs qui ont vu leur tarif exploser. Selon vous, « aucun lien ne peut être établi entre la détention du capital et la politique tarifaire », cette dernière étant censée être validée par la Commission de régulation de l'énergie.

Pourtant, le rapporteur à l'Assemblée nationale admettait lui-même que « pour certains opérateurs et le régulateur, l'ouverture des marchés emportent à terme la disparition des tarifs réglementés ». Toutes les craintes sont donc fondées. Notre rapporteur a lui aussi des doutes puisqu'il propose un rendez-vous dans deux ans.

Nous ne devons pas oublier l'exemple de la libéralisation de l'électricité, qui atteste cette dérive des prix. Aussi ces nouveaux articles proposant un tarif transitoire de deux ans plafonné à 30 % au-dessus du tarif réglementé apparaissent bien comme une piètre mesure si l'on considère que, après ces deux années, les tarifs ne seront plus réglementés.

Si les marchés sont laissés seuls ou sous le contrôle de la Commission de régulation de l'énergie, qui est à même de définir les prix, on voit ce qui se passe ! Le prix du gaz, par exemple, a grimpé de 23 % depuis 2004, date du changement de statut de GDF. Selon son président, une nouvelle hausse se justifie par le manque à gagner de GDF, du fait de l'envolée du cours du pétrole sur lequel celui du gaz est indexé... Or les bénéfices de l'entreprise ont explosé au premier semestre, avec une hausse de 44 % principalement due à la flambée de la facture des usagers !

Il est en effet assez étonnant que l'on puisse nous soutenir que la hausse des tarifs est due à la hausse des prix du pétrole, alors même que les profits n'ont jamais été aussi importants. Ces profits sont donc réservés aux seuls actionnaires et ne bénéficient ni aux usagers ni au développement industriel de l'entreprise.

Il est en fait difficile de ne pas voir dans cette politique redistributive l'ombre de la fusion, GDF souhaitant conforter sa rentabilité pour ne pas avoir à réviser à son détriment, à la veille de son mariage avec Suez, la fameuse « parité » des actions des deux entreprises.

Au-delà, le débat se trouve relancé sur la profitabilité de la vente du gaz aux consommateurs avec un tarif réglementé pratiqué aujourd'hui par l'entreprise publique qui reste « parmi l'un des plus bas d'Europe », comme l'admet Jean-François Cirelli.

Comment pourra-t-il en être de même demain, quand les actionnaires privés majoritaires feront pression pour augmenter cette rentabilité ?

Nous estimons donc que la notion de tarif réglementé provisoire est comparable à une escroquerie intellectuelle, puisque le but n'est pas l'ajustement du marché dans l'intérêt des consommateurs mais bien l'ajustement des tarifs au marché pour satisfaire le besoin insatiable de rentabilité des capitaux investis.

Nous ne pouvons accepter ce nouveau mécanisme qui correspond, à terme, à la fin des tarifs réglementés.

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