Cet après-midi, notre collègue Jean Arthuis a motivé, à plusieurs reprises, ses amendements relatifs au tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché par le fait qu'EDF prendrait en otage ses propres clients. L'entreprise publique, a-t-il souligné, en profiterait pour conclure de nouveaux contrats avec des tarifs encore différenciés, ajoutant au désordre ambiant.
En résumé, nous sommes confrontés à des problèmes d'un niveau inégalé. Mais agiter l'épouvantail d'EDF et faire de l'énergéticien public le seul responsable des désordres du marché est un peu rapide !
De la même manière, il est un peu facile de vouer à la vindicte Sonatrach et Gazprom, sociétés algérienne et russe de production gazière et pétrolière, en les rendant coupables de la hausse des prix ! N'oublions pas que, sur les dix producteurs de gaz en Europe, cinq d'entre eux représentent 80 % du marché ; il s'agit d'Exxon Mobil, de Shell, de Total, de BP et de Statoil.
Au demeurant, je crois savoir qu'en bonne application du principe de patriotisme économique le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie vient d'accorder à Gazprom une licence pour vendre et distribuer du gaz dans notre pays.
L'écran de fumée ne tient pas devant la réalité des faits. La réalité des faits, c'est que le prix du kilowattheure électrique est fixé par référence au prix du pétrole. Or ce dernier engraisse très largement, aujourd'hui, les groupes transnationaux qui font de l'extraction pétrolière et gazière leur activité principale.
La hausse des prix du gaz et du pétrole, c'est du bonheur pour Exxon Mobil, Shell, Total ou BP, toutes sociétés qui se placent en chef de file du capitalisme international et dont les résultats, depuis 2004, connaissent une véritable explosion.
Prenons le seul exemple de Total, notre pétrolier national : en 2004, le groupe a réalisé un chiffre d'affaires de 122 milliards d'euros ; il est parvenu à un résultat opérationnel de 16, 7 milliards d'euros et à un résultat net de 11, 1 milliards d'euros permettant de distribuer un dividende de 17, 99 euros par action.
En 2005, grâce à la hausse des prix du pétrole et du gaz, que Total exploite notamment en mer du Nord - c'est la première zone où se fournit la France, ne l'oublions pas -, son chiffre d'affaires est passé à 143, 1 milliards d'euros, le résultat opérationnel a dépassé les 24 milliards d'euros et le résultat net les 12, 6 milliards d'euros, ce qui a permis le versement d'un dividende de 20, 78 euros par action.
Au moins, la hausse des prix du pétrole et du gaz n'est pas perdue pour tout le monde, et l'on peut raisonnablement penser qu'une partie des actionnaires de Total a pu, grâce à la valorisation de ses actions, bénéficier d'une remise indirecte sur sa propre facture.
Je crois savoir que les chiffres du premier semestre de 2006 sont aussi florissants que ceux de 2005, sinon plus, puisque Total a annoncé un résultat net de plus de 9 milliards d'euros pour cette période.
Alors, plutôt que de crier haro sur EDF et ses oeuvres sociales, entre autres, criez donc de temps en temps, chers collègues de la majorité, sur ces entreprises du secteur pétrolier qui engrangent des profits records, situation contre laquelle, selon vous, on ne peut rien faire, notamment à cause de la globalisation et de la mondialisation.
Je donne rendez-vous à M. Arthuis : pourquoi ne pas faire subir aux compagnies pétrolières, à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances, une petite ponction fiscale complémentaire destinée, par exemple, à financer le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché ? Cela constituerait une alternative, qui ne serait pas inintéressante, à ce qui nous est proposé avec cet article 3 ter.
En effet, ne l'oublions pas, ce tarif sera toujours payé, en dernière instance, par les mêmes, c'est-à-dire par tous les usagers de l'électricité, y compris les plus modestes, qui n'auront jamais fait jouer la moindre éligibilité depuis 2000 !
C'est ce qu'il importait de dire, me semble-t-il, au terme de la discussion de cet article.