Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 9 septembre 2010 à 9h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Article 17 A

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Nous abordons le chapitre de la vidéosurveillance. Le Gouvernement nous propose de remplacer le terme : « vidéosurveillance » par le terme : « vidéoprotection ». Je pense qu’il s’agit là d’entretenir une mystification selon laquelle l’installation de caméras de vidéo dans l’ensemble de l’espace public protégerait nos concitoyens de tout risque d’agression, minime ou grave.

J’ose dire que cette manœuvre peut faire sourire tant est dérisoire la tentative de jouer encore une fois avec la sémantique afin d’ancrer dans les esprits le bien-fondé de la vidéosurveillance. Au-delà, les élus de mon groupe entendent demander la suppression de cet article et la vaste entreprise de réécriture qu’il occasionnera.

Pour ma part, je pense que les mots ont un sens. Dans ce cas, la vidéosurveillance n’a rien de protecteur. Elle ne peut en aucun cas être assimilée à une forme de protection. La vidéosurveillance intervient en effet la plupart du temps a posteriori, une fois que les infractions sont commises, pour en éclairer le déroulement ou, éventuellement, pour permettre l’identification des auteurs. L’exemple assez caractéristique de la Grande-Bretagne démontre qu’il est largement illusoire de vouloir généraliser la vidéosurveillance. Le fait qu’une infraction soit filmée n’empêche pas qu’elle ait lieu.

À l’aune du fiasco – je pense qu’on peut employer ce terme – que constitue la vidéosurveillance dans tous les pays qui l’ont expérimentée, il paraît tout à fait exagéré de prétendre qu’il s’agirait d’une protection. D’autres pays ont tenté l’expérience et font état d’une inutilité de ces systèmes qui, en réalité, ne font que déplacer la délinquance vers des lieux non surveillés.

Je rappelle que tout cela a un coût. En 2009, le fonds interministériel de prévention de la délinquance, ou FIPD, avait déjà prévu d’y consacrer une enveloppe de 28 millions d’euros sur un budget total de 37 millions d’euros, et ce pour un taux d’élucidation de 1 %.

J’ai aussi cité, lors de la discussion générale, l’exemple de la ville de Saint-Etienne, dotée de dispositifs de vidéosurveillance depuis 2001. Si l’on additionne les coûts de l’installation, de l’aménagement d’un centre de supervision et de la maintenance, cela représente annuellement la modique somme de 1, 3 million d’euros, pour un taux d’élucidation de 1 % !

Je prendrai l’exemple de deux villes similaires dans le département du Rhône. Si l’on compare l’évolution de la délinquance de voie publique respectivement dans une ville qui a fortement investi dans ce domaine et dans une autre ville qui n’a pas souhaité s’y engager, on observe que la baisse est la plus forte dans la commune ne bénéficiant d’aucune caméra sur la voie publique. En termes de lutte contre la délinquance, ces exemples confirment donc que, si la vidéosurveillance a des effets, ceux-ci sont extrêmement faibles au regard de son coût.

On pourrait me rétorquer que l’opinion est largement favorable à la vidéosurveillance. Il est vrai que des études montrent que 50 % de la population se dit « favorable », et 21% « très favorable ». Dans le même temps, 15 % des personnes consultées estiment qu’il y a trop de caméras, et 33 % qu’il y en a déjà suffisamment. Les populations ne sont donc pas favorables à une surveillance généralisée.

D’ailleurs, on ne leur demande jamais aux populations leur avis sur la mise en place de la vidéosurveillance sur leur territoire. Elles ne sont informées ni du coût ni du « mode d’emploi » des installations. Tout cela reste dans une grande opacité et leur est imposé, alors que des fonds publics sont utilisés. Le marché de la vidéosurveillance a en effet explosé, passant de 473 millions d’euros en 2000 à 750 millions en 2006. C’est donc un marché assez juteux pour des entreprises privées de surveillance, qui ont la charge d’installer et de veiller à la maintenance de ces caméras. Il me semble ainsi que l’on assiste à une privatisation rampante du domaine public.

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