J’ai déjà fait part de mes réserves à l’égard de la généralisation de la vidéosurveillance.
L’article 17 ne se contente pas d’organiser le cadre juridique de la vidéosurveillance : de manière plus offensive, il procède à une véritable privatisation de cet outil, qui pourra désormais être utilisé par des opérateurs privés pour quadriller l’espace public.
La possibilité offerte aux personnes morales de droit privé de mettre en œuvre un système de vidéosurveillance sur la voie publique a pour conséquence la privatisation graduelle de cet espace, sous couvert de lutte contre le terrorisme, le vol ou les agressions.
Ces motifs flous vont permettre un quadrillage toujours plus important de l’espace public par des caméras, dites aujourd’hui de vidéoprotection, mais qui ne réduisent en réalité que le champ du respect de la vie privée des individus.
Demain, chaque coin de rue sera filmé, non pas par des caméras installées par l’État, mais par des caméras privées, à l’usage privé d’opérateurs privés.
En effet, la personne qui se promènera dans la rue, aux abords des installations et bâtiments, sera filmée, enregistrée, et n’aura aucun droit sur ces images. En revanche, si elle entre dans le bâtiment, un autre cadre juridique s’appliquera : elle sera informée de l’existence d’un système de vidéosurveillance, et pourra alors consulter les images.
Deux régimes juridiques, l’un sans aucune protection et l’autre beaucoup plus protecteur, vont donc s’appliquer à la même personne filmée par le même système de vidéosurveillance. Il est absurde qu’une personne soit moins bien protégée devant un bâtiment qu’à l’intérieur : le même régime protecteur doit s’appliquer dans les deux cas de figure, avec les mêmes droits d’accès et les mêmes droits à la protection de l’image.
Vous avez choisi une protection à géométrie variable du droit à la vie privée pour opérer une privatisation scandaleuse de l’espace public, tout cela au mépris des libertés individuelles.
Telle est la vraie question de fond : l’État organise la privatisation de la sécurité publique, en donnant à des opérateurs privés la possibilité de visionner et d’épier l’espace public. Nous trouvons cette orientation très grave.
L’État cherche à se défausser d’une mission de service public sur le secteur privé. Nous savons que la vidéosurveillance a un coût : au lieu d’assumer sa politique, la majorité souhaite confier à d’autres le soin d’investir et de payer.
Nous ferons d’ailleurs la même remarque en ce qui concerne l’injonction qui pourra être faite aux collectivités territoriales de se doter d’un système de vidéosurveillance : là encore, la majorité veut faire payer aux communes ce que l’État doit normalement prendre lui-même en charge, en contradiction avec le principe de libre administration des collectivités territoriales.
Le présent amendement a donc pour objet de supprimer cette faculté offerte aux personnes morales de droit privé, réservant ainsi la mise en œuvre de systèmes de vidéosurveillance dans l’espace public aux seules personnes morales de droit public.