J’entendrai d’ailleurs d’autres maires, de toutes les sensibilités politiques, à cette occasion.
Les amendements présentés par Mmes Borvo Cohen-Seat, Boumediene-Thiery et Klès sur la délégation de compétence en matière de visionnage des images de la voie publique à des personnes privées, qui se recoupent largement, soulèvent une vraie question, à laquelle il convient d’apporter une vraie réponse.
À cet égard, le projet de loi précise clairement que ne sont déléguées ni la tâche de maintien de l’ordre ni la mission de police judiciaire.
La personne privée éventuellement choisie comme délégataire pourra seulement visionner en temps réel les images de la voie publique : il n’est nullement question de lui permettre de visionner les enregistrements réalisés non plus que de la faire entrer, aussi peu que ce soit, dans une mission de police.
La personne privée qui visionne les terminaux des caméras – au même titre d’ailleurs que l’agent public, que l’agent municipal – est donc exactement dans la même position que l’homme de la rue qui, à l’occasion, peut être témoin d’une infraction.
Dans un tel cas, cette personne privée n’aura d’autres ressources que celles dont dispose tout un chacun : elle alertera les forces de police, qui sont seules habilitées à intervenir.
De surcroît, ce travail de visionnage est très encadré.
À mon sens, il n’y a donc pas là de danger en termes de libertés publiques.
Les amendements identiques n° 137 et 318 rectifié ont pour objet de supprimer la faculté pour une personne privée d’installer un système de vidéoprotection permettant de filmer les abords des installations et bâtiments visés à l’alinéa 12 de l’article 17, au motif qu’il s’agirait, selon Mme Assassi, d’une « privatisation rampante » de l’espace public.
Naturellement, cette faculté est encadrée puisqu’elle ne concerne que les lieux « susceptibles d’être exposés à des actes de terrorisme ou particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol ».
Dans la pratique actuelle, cela inclut la protection de certains commerces et celle, par les établissements bancaires, des bornes de retrait d’espèces, mais aussi la protection de diverses institutions et lieux cultuels qui bénéficient aujourd'hui de cette possibilité dont je ne crois pas qu’il serait bon de les priver demain, car il s’agit tout de même d’un élément important en termes de dissuasion.
Les amendements n° 221 et 220, présentés respectivement par M. Anziani et par M. Gautier, visent quant à eux à limiter ce type de protection « aux abords immédiats » des bâtiments et installations.
Étant, comme vous, monsieur Anziani, juriste, je me suis demandé, avant même de me prononcer sur le fond de l’amendement, si l’expression « aux abords immédiats » était plus précise que l’expression « aux abords » et donc moins porteuse de difficultés d’interprétation et de contentieux. Très franchement, je ne le pense pas.
Convenons par ailleurs que la pratique actuelle montre que cette approche est vraiment trop réductrice s’agissant d’une possibilité de surveillance et de protection optimale, de surcroît respectueuse d’un certain nombre de règles.
Si l’autorisation d’installer des caméras est limitée aux quelques mètres qui entourent le bâtiment – si tant est que telle est la définition des « abords immédiats », et combien de mètres, d’ailleurs ? –, l’exploitant restera largement « aveugle », y compris s’agissant d’emplacements très proches, alors que l’installation de caméras aux abords des bâtiments et installations peut permettre de filmer, par exemple, les voies d’accès, et non pas seulement la cour ou le perron, ce qui améliore l’anticipation et la protection.
Je ne vois donc pas où est la difficulté, mais je vois en revanche très bien quelles difficultés soulèveraient la définition que vous proposez !
Vous souhaitez également que la commune donne son accord avant qu’une personne privée puisse installer un système de vidéoprotection pour protéger les abords de ses installations.
Je vous rappelle que la mise en place d’un système de vidéoprotection est subordonnée à une autorisation du préfet, après avis d’une commission présidée par un magistrat. L’article 17 prévoit en outre l’information du maire de la commune.
Faut-il encore que les maires donnent leur accord ? Je ne pense pas que ceux-ci demandent véritablement à le faire.
J’estime qu’il n’y a pas là de difficulté particulière et, cette fois encore, je me range à l’avis de la commission.
L’amendement n° 320 rectifié, dans lequel vous proposez, madame Escoffier, que le visionnage de la voie publique par des personnes privées soit subordonné à l’accord de l’autorité dont relève ladite voie publique, appelle la même réponse : le système prévu est déjà suffisamment protecteur.
De même, s’agissant de votre amendement n° 319 rectifié – amendement de repli qui prévoit l’autorisation de la commission départementale de vidéosurveillance pour le visionnage d’images de la voie publique par une personne privée –, je rappelle que le visionnage d’une partie de la voie publique est soumis à l’autorisation du préfet et, dans le cas d’une demande d’installation d’un système de vidéoprotection par une personne privée, comme dans tout autre cas, la commission départementale sera amenée à donner son avis préalablement à la décision préfectorale.
C’est la règle posée par la loi du 21 janvier 1995 et que le Conseil constitutionnel a reconnue comme protectrice de la vie privée.
À propos de l’amendement n° 222, présenté par M. Anziani, je dirai simplement que l’installation de systèmes de vidéoprotection dans des locaux d’habitation relève non pas du présent projet de loi, mais des règles de gestion des copropriétés, plus précisément de l’article L. 127-1 du code de la construction et de l’habitation ainsi que de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
Cet amendement n’a donc pas véritablement de sens dans le présent texte.
Les amendements n° 139, 224, 140 et 225 visent à remplacer l’avis de la Commission nationale de la vidéoprotection par un avis conforme de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; pour ma part, j’estime que la commission des lois a trouvé un équilibre qui constitue un bon compromis, auquel je me range.
Sur l’amendement n° 141 de Mme Assassi, avant de me rapprocher de l’avis favorable de la commission en m’en remettant à la sagesse du Sénat, je veux tout de même préciser, pour que cela ait été dit, les raisons de la réticence initialement manifestée par le Gouvernement.
La liberté du commerce et de l’industrie est un principe constitutionnellement garanti. Dès lors, la loi peut-elle apporter à cette liberté plus que des restrictions limitées en soumettant son exercice à des autorisations ou à des interdictions ponctuelles ?
Cet amendement, en permettant de reconduire, sans limite de durée, une mesure de fermeture administrative risque de faire débat, au stade notamment du contrôle du Conseil constitutionnel, du fait du caractère absolu de la mesure.
Je reconnais cependant qu’il s’agit d’une réticence de forme, d’autant qu’il y a toujours la possibilité pour le préfet de faire procéder à un nouveau contrôle ; j’ai également entendu les arguments « pratico-pratiques », auxquels je me range.
Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
Sur les amendements n° 142, 226 et 44, je n’entrerai pas dans le débat sur la dimension idéologique des arguments.
L’idée, madame Boumediene-Thiery, n’est vraiment pas de ficher, de « fliquer » - ou que sais-je encore ! – nos concitoyens en cas de manifestations.
À vous comme à ceux de vos collègues qui sont plus modérés que vous - dans ce débat et sur ce point, mais je respecte bien sûr votre position –, qui souhaitent que l’on opère au cas par cas, je n’ai pourtant pas besoin de rappeler ce qui s’est passé en maintes circonstances.
Malgré le bon travail d’anticipation des risques qui est réalisé, peut-on systématiquement savoir à l’avance si une manifestation sera ou non perturbée par des casseurs, dont l’intervention a d’ailleurs pour effet de dénaturer une expression inscrite dans le champ démocratique ? La réponse est non, et il y a de nombreux cas où les choses se sont mal passées sans que cela ait été prévisible, tout au moins en termes de proportion.
L’objet du projet de loi, je crois que vous l’avez tous compris, n’est pas de restreindre les libertés individuelles, et notamment celle de manifester ; bien au contraire, il vise à permettre le déroulement des manifestations dans de bonnes conditions.
Il ne s’agit pas davantage d’épier les manifestants ou les spectateurs d’un événement. Personne ne nous ferait un tel procès d’intention ! D’ailleurs, le système de vidéo est temporaire puisqu’il est appelé à disparaître à la fin de l’événement.
Notre démarche n’a d’autre but que de faire en sorte que les manifestations se déroulent dans de bonnes conditions pour tout le monde, à commencer par les manifestants eux-mêmes afin qu’ils puissent faire entendre leur message démocratique. Il y a eu suffisamment d’exemples de manifestations qui ne se sont pas bien passées, au grand dam des manifestants et de leurs propres services d’ordre, pour que les uns et les autres comprennent la position du Gouvernement.
Je reconnais avoir « balayé » un peu rapidement ces amendements, dont beaucoup se recoupent, et je n’ai peut-être pas répondu à toutes les questions, mais telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement partage les avis émis par la commission.