Je le dis d’emblée, ces amendements ne visent pas à condamner le scanner corporel, mais à poser un certain nombre de questions, qui, je le pense, sont pertinentes.
Je comprends tout à fait qu’après la catastrophe qui aurait pu se produire le 25 décembre dernier sur le vol Amsterdam-Detroit, durant lequel un passager a tenté de déclencher un engin explosif qu’il portait sur lui, nous devions prendre toutes les mesures nécessaires de protection. Nous pouvons heureusement nous féliciter que cet attentat qui se voulait meurtrier ait échoué, même si les raisons en sont purement matérielles et indépendantes de la volonté du jeune homme.
Nous aimerions donc savoir si le scanner nous permettra d’atteindre les objectifs que nous nous assignons. Nous le souhaitons, je le répète.
D’abord, les modèles présentés sont-ils suffisants ? L’article 18 bis vise les modèles à « ondes millimétriques », c'est-à-dire que l’appareil s’arrête à la surface de la peau et ne pénètre pas dans le corps, contrairement à certains modèles à rayons X utilisés, me semble-t-il, aux États-Unis. Vous pourrez peut-être nous le préciser, monsieur le ministre, car vous avez plus de compétences que moi en la matière.
On met donc en place un scanner qui peut détecter certains objets – métalliques, liquides ou autres – sur un passager, mais qui ne peut pas visualiser l’intérieur du corps. Or, nous le savons, il est possible d’ingérer des capsules de drogue ou même des explosifs. Comment arriver à régler cette question de la limite du scanner, qui peut être essentielle en matière d’attentat ? Les terroristes, sachant que les objets situés à l’intérieur du corps ne peuvent pas être visualisés, seront tentés d’utiliser cette possibilité.
Vous avez vous-même reconnu le 11 février dernier devant la commission des lois, monsieur le ministre, que le scanner n’était pas la panacée. Il offre certes une garantie, mais elle n’est pas totale ; il reste une incertitude.
J’ajoute que des interrogations subsistent sur le coût du modèle. Pourrions-nous avoir des précisions sur ce point ? Le prix, estimé à un million de dollars par unité au mois de février, s’établirait aujourd'hui à environ 200 000 dollars. Vos services ont sans doute pu, depuis, affiner ces estimations.
Nous posons donc la question du rapport coût-efficacité. Finalement, ce dispositif, qui va coûter très cher, permettra essentiellement de fluidifier le passage lors des contrôles à l’aéroport – il ne sera plus nécessaire d’enlever ses chaussures, etc., comme le soulignait Mme Catherine Troendle. Toutefois, le dispositif d’imagerie ne permettant pas la visualisation interne du corps, ce coût est-il acceptable simplement pour fluidifier le passage sans assurer une sécurité maximale ?
La réponse que nous donnons est claire, sans ambigüité : nous pensons que oui. Le système doit cependant être davantage encadré. Nous comprenons tout à fait les réticences qui se sont exprimées concernant les images produites. Un représentant de la haute autorité nous indiquait d'ailleurs que l’on pouvait distinguer les silhouettes, les volumes et les formes. N’est-ce pas une atteinte à l’intimité ?
Il est vrai que des précautions ont été ajoutées, notamment par la commission des lois. Il nous semble que nous pourrions davantage nous inspirer des recommandations de la CNIL qui, après tout, n’est pas une mauvaise adresse en la matière. Tel est l’objet de la série d’amendements que nous présentons.
La CNIL recommande, par exemple, d’utiliser des représentations schématiques du corps et de rendre flous le visage et les parties intimes de l’anatomie. Quelle est l’objection, politique ou technique, qui nous empêcherait de suivre cette recommandation ?
Ensuite, elle préconise que la visualisation des images se fasse dans des locaux interdits au public et soit circonscrite à des personnes habilitées. Est-il scandaleux de reprendre cette recommandation ?
En outre, la CNIL précise que l’analyse des images doit être accomplie par une personne du même sexe que la personne qui en fait l’objet. Cette disposition existe déjà pour les palpations de sécurité. Elle pourrait s’appliquer sans difficulté en la matière.
Enfin, vous prévoyez une durée d’expérimentation de trois ans qui nous semble excessive. Compte tenu des expérimentations qui ont déjà été réalisées à Nice et à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, ainsi que des savoir-faire acquis à l’étranger, nous préférerions que cette durée d’expérimentation soit réduite à un an.