Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année dernière, au cours du même débat, nous nous étions élevés contre le projet de loi de finances pour 2007 qui entérinait la plus grande baisse d'effectifs jamais enregistrée dans la fonction publique à ce jour, avec la suppression de plus de 15 000 postes.
Que dire cette année alors que ce triste record est battu puisque 22 900 suppressions de postes sont prévues pour 2008.
Les principaux perdants sont l'enseignement scolaire, avec plus de 11 000 postes, la défense, avec 6 000 postes, les finances avec 2 800 postes, l'intérieur avec 2 300 postes et l'écologie avec 1 200 postes.
Quoi qu'en pense M. le Premier ministre, il s'agit là d'un réel « plan de rigueur », comme l'a évoqué Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ?
Les récentes cacophonies au sein de la majorité traduisent d'ailleurs la difficulté du Gouvernement à expliquer ses mesures. Toute la rhétorique pour légitimer les suppressions d'emplois se résume au verbe « moderniser » et au vocable « mérite », mais cela ne tient pas !
Comme l'expliquait dernièrement le Premier ministre, « la réforme générale de l'État qui satisfait tout le monde mais qui ne se traduit par aucune suppression d'aucun établissement sur le territoire, ça n'existe pas ». Si l'on suit son raisonnement, ce qui existe, c'est la réforme de l'État qui ne satisfait que quelques personnes et qui se traduit par la suppression d'un grand nombre d'établissements publics.
M. Fillon ne dit rien d'autre lorsqu'il annonce, au début d'octobre, que « la réforme de l'État supposera que chacun d'entre nous accepte qu'il y ait moins de services, moins de personnel, moins d'État sur son territoire ». Mais qui va souffrir le plus de cette diminution des services si ce n'est les couches les plus basses de la société ? Quel sens donner aux missions de service public ? Quels sont les objectifs, pour quels besoins à satisfaire ?
Comment accepter de supprimer des postes dans l'éducation alors même que le système éducatif français peine à remédier à l'échec scolaire de milliers de jeunes ? Il suffit de nier l'existence d'inégalités d'accès à l'éducation, comme le fait avec talent M. Darcos. En effet, selon le ministre de l'éducation nationale, « lorsqu'on était 100 et qu'on est ramenés à 99 et des poussières, on est capable de rendre le même service ».
M. le ministre considère donc que le service actuel de l'éducation est suffisant et que l'échec scolaire, la situation désastreuse de certaines zones d'éducation prioritaires, le chômage de masse des jeunes ou l'illettrisme ne sont pas des problèmes.
L'ensemble des services publics est pourtant de plus en plus touché par les restrictions budgétaires. Citons le cas de l'hôpital public : la disparition des établissements de proximité est déjà à l'oeuvre et entraîne une concentration des « plateaux techniques » dans les grandes agglomérations, créant ainsi des inégalités territoriales majeures. Pour les personnels de santé, la récente proposition de rémunérer quatre jours de RTT travaillés - l'application du « travailler plus pour gagner plus » -n'a guère soulevé l'enthousiasme, compte tenu du très grand nombre d'heures supplémentaires déjà accumulées. Le besoin en personnel est pourtant criant dans ce secteur.
Nous pouvons aussi prendre l'exemple plus récent de la justice.
La réforme de la carte judiciaire prévoit la suppression de près de 23 tribunaux de grande instance sur 181 et de 176 tribunaux d'instance sur 473 ainsi que de 63 conseils de prud'hommes. Or, selon des documents internes à la Chancellerie, le coût de cette réforme serait largement supérieur aux 500 millions d'euros évoqués par Rachida Dati. Quelque 900 millions d'euros seraient nécessaires pour régler la question immobilière. Il n'est pas étonnant que, dans ce contexte, la réforme de la carte judiciaire suscite autant de protestations de la part des professions judiciaires et des élus de tous bords.
Le discours « modernisateur », « pragmatique », « rationnel » qu'invoque le Gouvernement pour légitimer son action s'essouffle donc assez rapidement, à tel point qu'une partie de la majorité - des élus locaux pour la plupart - s'élève contre les mesures drastiques imposées par ce budget.
Comment, en effet, légitimer des économies budgétaires réalisées sur le dos des services publics alors que, dans le même temps, des cadeaux fiscaux sont faits aux franges les plus riches de la société ?