Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 9 septembre 2010 à 15h00
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Article 21

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

L’article 21 vise à donner un régime juridique aux activités privées de renseignement économique. Il illustre une nouvelle fois la propension du Gouvernement à abandonner certaines de ses missions régaliennes en matière de sécurité et à confondre la défense d’intérêts privés avec celle de l’intérêt général.

Cet article met également en œuvre les conceptions du Président de la République, qui a souvent affirmé vouloir « une coproduction public-privé de la sécurité » et un partage des responsabilités entre l’État, les collectivités locales et les acteurs privés.

C’est une nouvelle doctrine des politiques publiques de sécurité qui risque ainsi d’être appliquée. Celle-ci ne cesse de réduire la place et les pouvoirs de l’État. C’est pour cette raison, par exemple, que l’État transfère des compétences et de plus en plus de responsabilités aux communes, surtout quand il s’agit de partager les dépenses, en donnant de nouveaux outils juridiques aux maires ou bien en attribuant de nouvelles missions et de nouveaux pouvoirs aux polices municipales.

C’est aussi la raison du développement de ce que je persiste à appeler la « vidéosurveillance », qui vise à compenser la réduction des missions de surveillance de la police nationale et à pallier l’absence de policiers sur le terrain.

En outre, vous prévoyez d’étendre aux entreprises privées le droit de filmer la voie publique.

C’est également parce que vous voulez réduire la place et le rôle de l’État que les entreprises privées de sécurité sont appelées à jouer un rôle encore plus important. L’objet de l’article 21, sous prétexte de moralisation et de sécurisation juridique d’activités privées de renseignement économique, est précisément de les légitimer, de les légaliser et d’accorder de nouveaux pouvoirs aux entreprises qui exercent ce type d’activité.

Le développement des entreprises privées de sécurité et la place qu’elles tiennent désormais inquiète et irrite un certain nombre de responsables policiers et d’organisations syndicales, d’abord pour des raisons de principe, car ils considèrent que l’ordre et la sécurité publics étant avant tout une responsabilité de l’État, ils doivent à ce titre rester un service public. Ils observent aussi que la tendance à la privatisation de la sécurité peut donner lieu à de graves dérives et qu’elle s’opère sur fond de diminution des effectifs de policiers et de gendarmes. Je ne reviendrai pas sur les chiffres, qui ont suffisamment été évoqués.

Ainsi, si le secteur privé de la sécurité tient ses promesses de recrutement, comme il s’y est engagé l’an dernier dans une convention signée avec le secrétaire d’État chargé de l’emploi, ses effectifs – environ 190 000 salariés aujourd'hui – devraient dans quelques années être supérieurs aux 220 000 policiers et gendarmes.

Enfin, l’article 21, qui est placé dans un chapitre traitant de la protection des intérêts fondamentaux de la nation, crée un amalgame entre la protection et le développement des intérêts économiques de notre pays et l’activité de sociétés privées chargées de la défense et de la protection d’intérêts privés. Cet amalgame est d’autant plus inacceptable qu’il existe déjà dans ce domaine un délégué interministériel et des services spécialisés chargés de mettre en œuvre une politique publique du renseignement économique.

Il est tout aussi inacceptable qu’au nom du respect de la législation européenne cet article prévoie que ces activités, parce qu’elles entrent dans la catégorie des services, puissent être exercées sur le territoire national par des sociétés étrangères.

Nous attirons donc l’attention sur les dangers que représente, pour l’équilibre de nos institutions républicaines, la part croissante prise par les entreprises privées de sécurité.

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