La Cour des comptes a d'ailleurs récemment épinglé cette politique en critiquant l'exonération des stock-options. Les 8, 5 milliards d'euros de plus-values distribués en 2005 qui, souligne Philippe Seguin, constituent bien « un revenu lié au travail, donc normalement taxables » ont entraîné « une perte de recette de plus de 3 milliards d'euros ». « Les cent premiers bénéficiaires devraient toucher chacun une plus-value de plus de 500 000 euros et les cinquante premiers de plus de 100 millions d'euros. On a parlé de moralisation de ces formules, voilà une piste toute trouvée », a conclu la Cour des comptes.
Dans son rapport, la Cour des comptes trace d'autres pistes pour trouver des recettes supplémentaires, en montrant du doigt les médecins libéraux qui pratiquent des dépassements d'honoraires, ce qui « met en cause le principe de l'égal accès aux soins » et aussi l'État, qui doit plus de 10 milliards d'euros à la sécurité sociale.
Des solutions bien plus égalitaires existent, mais elles sont totalement absentes de ce projet de loi de financement. En réalité, le Gouvernement n'a aucun projet de société, il n'a qu'une vision à court terme et conflictuelle, ignorant les revendications, les désirs et les besoins de l'immense majorité des citoyens pour satisfaire les intérêts privés d'une partie du monde économique et financier.
L'objectif visé est clair : il s'agit de confier progressivement les missions de service public au secteur privé. France Télécom, La Poste, AREVA, EDF et aujourd'hui GDF sont autant d'entreprises qui assuraient des missions de service public et qui sont aujourd'hui privatisées ou transformées en sociétés anonymes, et donc soumises aux règles des marchés financiers.
Il en est de même pour l'ANPE qui, depuis la loi de programmation pour la cohésion sociale, a perdu son monopole du placement des demandeurs d'emploi, et qui doit aujourd'hui partager cette mission avec les agences de placement privées, sans que le chômage soit résorbé pour autant.
Dans ce contexte, les récentes grèves et les manifestations de la fonction publique pour la revalorisation des salaires sont plus que compréhensibles ; elles sont nécessaires et légitimes.
En juillet dernier, une enquête de l'INSEE contestée par le Gouvernement indiquait que le salaire net moyen des fonctionnaires avait diminué de 0, 9 % en euros constants en 2005. Les fonctionnaires ont perdu 6 % de leur pouvoir d'achat depuis 2000. Interrogé sur ce problème, M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique, répondait en octobre dernier : « Depuis la présentation du budget 2008, les marges de manoeuvre sont réduites. Aucun calendrier n'est fixé ». Un mois plus tard, la situation est au point mort.
Après ce bref rappel de la situation, qui pourrait encore soutenir que les choix du Gouvernement ne sont pas idéologiques ? L'argument de rationalisation de la machine administrative ne tient pas. Le but réel est limpide : il s'agit, à court terme, de démanteler les services publics, de réduire leurs missions et la représentation territoriale de nombre d'entre eux, de diminuer les effectifs et de briser les statuts.
Vous nous faites croire que la modernité technologique suppose la suppression de fonctionnaires. De la visioconférence en justice à la déclaration d'impôt par internet, vous semblez oublier que l'homme et les nouvelles technologies, loin de s'opposer, se complètent pour une meilleure satisfaction des besoins de chacun en renforçant la qualité des services publics.
Cette volonté politique de réduire les effectifs témoigne de votre aveuglement : vous ne voyez pas l'urgence de développer certaines missions, comme l'enseignement, par exemple ; vous dénigrez la demande de plus en plus forte de proximité, en créant des distorsions entre zones urbaines et zones rurales. C'est le service minimum, c'est l'inégalité sociale et territoriale et c'est la porte grande ouverte à la privatisation. C'est le pire des choix !