Intervention de Jean Desessard

Réunion du 9 septembre 2010 à 21h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Articles additionnels après l'article 23

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Ma seconde remarque concerne l’inutilité des peines planchers. Le postulat selon lequel les peines planchers ont un caractère dissuasif a été démenti en pratique non seulement par les chiffres mais également par les études qui ont été publiées par les chercheurs.

En revanche, les peines planchers, que vous renforcez aujourd’hui en muselant les juges, ont un effet dramatique sur le travail des magistrats : d’un côté, la loi fixe l’obligation de motivation de leurs décisions, ce qui est synonyme d’un rallongement des procédures, et, d’un autre côté, ils sont traités de laxistes parce qu’ils ne vont pas assez vite et ne condamnent pas assez.

La loi, comme cet amendement, met en place un piège à responsabilité. Les magistrats n’ayant plus le temps de motiver toutes leurs décisions, les seuils minimums de peines planchers s’appliqueront de manière automatique et, s’ils prennent le temps de motiver leurs décisions, le traitement des affaires en sera ralenti.

Dans les deux cas, les magistrats resteront la cible privilégiée de vos attaques incessantes.

Par ailleurs, le dispositif que vous nous proposez avec cet amendement porte atteinte au principe d’individualisation des peines. Le juge n’est plus libre d’adapter la peine à la personnalité de l’auteur de l’infraction, alors qu’il s’agit d’un des principes fondamentaux du droit pénal français.

Dorénavant, pour pouvoir appliquer des peines inférieures aux seuils fixés par votre amendement, les juges devront spécialement motiver leur décision, ce qui limite leur liberté d’intervention, donc d’individualisation de la peine.

Petit à petit, vous grignotez ce qu’il reste d’indépendance et d’impartialité, en dégradant les conditions de travail des magistrats et en les désignant comme les possibles responsables de la délinquance.

Nous refusons toute extension des peines planchers, tout comme la stigmatisation déplorable de la magistrature que vous semblez organiser.

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