La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Monique Papon.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 390, tendant à insérer un article additionnel après l’article 23.
L'amendement n° 390, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article 132-19-1 du code pénal, il est inséré un article 132-19-2 ainsi rédigé :
« Art. 132-19-2. - Pour les délits de violences volontaires commis avec une ou plusieurs circonstances aggravantes ou pour les délits commis avec la circonstance aggravante de violences, la peine d'emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Six mois, si le délit est puni de trois ans d'emprisonnement ;
« 2° Un an, si le délit est puni de cinq ans d'emprisonnement ;
« 3° Dix-huit mois, si le délit est puni de sept ans d'emprisonnement ;
« 4° Deux ans, si le délit est puni de dix ans d'emprisonnement.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l'emprisonnement en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. »
II. - Au premier alinéa de l'article 20-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, la référence : « et 132-19-1 » est remplacée par les références : « 132-19-1 et 132-19-2 ».
La parole est à M. le ministre.
Lors de mon intervention au cours de la discussion générale, j’ai évoqué la question des peines planchers, dont le principe avait été retenu au moment de l’adoption de la loi du 10 août 2007. Aujourd’hui, le dispositif fonctionne.
Cependant, la délinquance évoluant et les atteintes aux personnes étant devenues un sujet de préoccupation constant, nous pensons que cette mesure, initialement limitée aux seuls cas de récidive, devrait être élargie à certains primo-délinquants qui commettent les délits les plus graves, notamment en matière d’actes de violences. C’est pourquoi il est proposé d’étendre l’application des peines planchers à certaines violences aggravées. D’ailleurs, certains événements récents nous y encouragent.
Le sous-amendement n° 423, présenté par MM. Longuet et J. Gautier, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 8 de l'amendement n° 390
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. 132-19-2. - Pour les délits de violences volontaires aggravées pour lesquels la peine encourue est égale à dix ans d'emprisonnement et ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à quinze jours, la peine d'emprisonnement ne peut être inférieure à deux ans.
« Ce même seuil s'applique également pour les délits commis avec la circonstance aggravante de violences dès lors que la peine encourue est égale à dix ans et que les violences ont entraîné une incapacité de travail supérieure à quinze jours.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l'emprisonnement en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. »
La parole est à M. Gérard Longuet.
Ce sous-amendement vise à modifier l’amendement n° 390 du Gouvernement tendant à étendre les peines planchers. Vous avez rappelé avec raison, monsieur le ministre, que ce dispositif, institué par la loi du 10 août 2007, a démontré son efficacité. Les juridictions y recourent. Ce système a été validé par le Conseil constitutionnel, car il respecte le principe de l’individualisation des peines dès lors que des dérogations peuvent être prévues.
Jacques Gautier et moi-même, après avoir entendu nos collègues de la commission des lois, à laquelle nous n’avons pas l’honneur d’appartenir, avons estimé que nous pourrions répondre à leurs préoccupations tout en défendant le point de vue majoritaire des membres du groupe UMP. Ces derniers souhaitent donner aux magistrats tous les éléments et les atouts nécessaires pour mener une politique de lutte contre la délinquance et faire en sorte que les peines planchers puissent être appliquées non seulement aux récidivistes, comme le prévoit la loi précitée, mais également aux personnes qui ont commis des actes graves et qui, tout en étant des primo-délinquants pour le délit visé, méritent cependant de connaître l’autorité de la justice, notamment de se voir opposer le principe de la peine minimale.
Pour bien concentrer le dispositif en cause sur son objet véritable, à savoir sanctionner les violences les plus graves, nous vous proposons, par le biais du sous-amendement n° 423, que deux conditions cumulatives, qui n’étaient pas prévues jusqu’à présent, soient réunies pour pouvoir prononcer des peines planchers à l’égard des primo-délinquants.
Premièrement, la peine encourue par l’auteur des violences ou du délit commis avec la circonstance aggravante de violences doit être égale à dix années d’emprisonnement. Il s’agit en effet d’un délit majeur.
Deuxièmement, l’interruption totale de travail qui résulte desdites violences doit être supérieure à quinze jours.
Permettez-moi en cet instant, monsieur le ministre, d’exprimer une conviction que partagent très largement les membres du groupe UMP. L’amendement relatif aux peines planchers pose la question de l’harmonisation, au plan national, des décisions de justice rendues à l’égard d’auteurs d’actes de violences.
Nous, législateur, respectons l’autonomie du juge, en particulier du juge du siège, qui, compétent dans une affaire, peut individualiser la peine et prend sa décision, en référence au code, certes, mais en toute liberté, en toute responsabilité. Pour autant, au plan national, une unité, une harmonisation, une homogénéisation des décisions de justice doivent être recherchées pour que nos compatriotes n’aient pas le sentiment que, selon le lieu du jugement – au nord ou au sud de la Loire, à l’Est ou à l’Ouest, dans une grande agglomération ou dans un petit tribunal –, le délinquant fait l’objet d’un traitement totalement différent.
Si l’action publique fonctionnait et si les instructions données au parquet – ce dernier peut toujours faire un appel a minima –, étaient suffisantes, il ne serait peut-être pas nécessaire de faire référence aux peines planchers. Mais nombre de personnes considèrent que le parquet doit être coupé de l’action publique, alors qu’il a justement pour fonction de défendre la société au nom d’un projet dont le responsable légitime est le garde des sceaux, représentant l’exécutif.
Faute de l’homogénéisation, de l’unité nécessaire à l’application du droit, nous nous sommes résignés à accepter le principe de la peine plancher, qui a l’immense mérite de donner des indications et de montrer à nos compatriotes qu’il n’y a pas autant de justices que de tribunaux.
L’amendement n° 390 vise à étendre aux primo-délinquants auteurs de violences aggravées ou de délits commis avec violences le dispositif de la loi du 10 août 2007 relatif aux peines planchers, à l’heure actuelle applicable uniquement en cas de récidive.
Les objectifs poursuivis par le Gouvernement me paraissent légitimes. Face à la multiplication des incidents contre les forces de l’ordre, il me semble en effet nécessaire d’apporter une réponse ferme à de telles violences inacceptables.
Pour autant, la commission a estimé que le dispositif proposé pourrait poser un problème de constitutionnalité, car il aboutirait, par exemple, à condamner obligatoirement à six mois de prison l’auteur de violences aggravées n’ayant entraîné aucune incapacité totale de travail, y compris lorsque ce dernier n’a jamais commis d’infraction auparavant. Une telle mesure a semblé, dans certaines hypothèses, contraire à l’objectif de réinsertion.
Pour ces raisons, le sous-amendement présenté par nos collègues Gérard Longuet et Jacques Gautier tend à limiter ce dispositif aux violences particulièrement graves ayant entraîné chez la victime une incapacité totale de travail supérieure à quinze jours. À titre personnel, j’y suis totalement favorable. Ce texte correspond tout à fait aux souhaits du Président de la République. Toutefois, lors de sa réunion tout à l’heure, la commission des lois a émis un avis défavorable.
Même avis que le rapporteur, madame la présidente.
Sourires
Depuis longtemps, je considère qu’il est souvent difficile de faire partie de la minorité dans une assemblée. Aujourd’hui, et encore plus après avoir entendu votre intervention pleine d’embarras, monsieur le rapporteur, je m’aperçois qu’il est certainement aussi très difficile d’appartenir à la majorité…
Il est inexact, mon cher collègue, que seuls certains membres de la commission des lois aient manifesté leur désaccord à l’égard de l’amendement n° 390, qui a reçu un avis unanimement défavorable mercredi dernier. Ce soir, le sous-amendement n° 423 a connu le même sort, certes à la majorité seulement, cette fois-ci.
Il n’est donc pas facile d’être membre de la majorité dans une assemblée et pour de multiples raisons. Certains ont la noble ambition d’entrer au Gouvernement, d’autres celle – louable – d’être réélus… En tout cas, mes chers collègues de la majorité, vous vous sentez sans doute unis, comme les doigts de la main, par un pacte majoritaire qui ne souffre évidemment pas la moindre rébellion ou plutôt, ce mot étant trop fort, la moindre indiscipline. Vous venez de nous donner encore une fois un exemple de cet état de fait au cours de cette semaine.
Ainsi, mercredi, lors de la réunion de la commission des lois qui s’est tenue à neuf heures trente, l’amendement n° 390 a été repoussé à l’unanimité de ses membres et non par quelques délinquants de gauche obéissant à leur sensibilité. La commission avait alors estimé qu’elle ne pouvait pas accepter d’étendre les peines planchers comme le propose le Président de la République. Puis, lors de la dernière réunion de la commission tout à l’heure, à dix-neuf heures trente, le même avis défavorable a été émis. Que va-t-il se passer maintenant, à vingt et une heures quarante-cinq ? J’ai des craintes !
Je n’irai pas jusqu’à dire que j’ai des certitudes, car j’ai encore confiance dans la force intellectuelle et morale des uns et des autres.
Je suppose cependant que certaines insinuations ont dû être émises, qu’un rappel à l’ordre à la meute, si je puis dire, a été effectué au sein de la majorité, et que ses membres ont repoussé l’idée de désavouer le Président de la République en refusant les trois mesures qu’il avait annoncées dans un propos très enflammé le 30 juillet dernier à Grenoble.
D’une certaine façon, je comprends tout cela, et je constate, d’ailleurs, sans vouloir vous blesser, mes chers collègues, l’évaporation de ceux qui avaient manifesté avec beaucoup de courage mercredi : ce soir, ils sont moins nombreux en séance. Pour les autres, je crains non pas une évaporation mais une sorte de soumission.
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Mais, bien sûr, il vous faut garder la tête haute, et pour cela vous bricolez.
J’ai bien entendu les explications de M. Gérard Longuet. D’ailleurs, je vous en félicite, mon cher collègue, vous avez fait beaucoup d’efforts, mais cela se voyait un peu trop. Avec une énergie besogneuse, vous avez essayé de nous expliquer que le sous-amendement changeait la face de l’amendement et que, finalement, il fallait le voter dans l’intérêt de la justice, des victimes et, sans doute, du groupe UMP et de son électorat…
Vous ne pouvez pas faire passer l’art du rafistolage pour un art du juste milieu !
Ce sous-amendement ne change pas grand-chose. La ficelle est trop grosse. Elle est même si grosse qu’elle ressemble à une matraque qui s’abat sur le Sénat ! Et ce n’est pas la première fois. Cette matraque s’abat sur le Sénat chaque fois qu’il veut lever la tête, penser et dire autrement.
L’exemple des peines planchers est flagrant. Il s’agissait, dans le débat de mercredi, de savoir si l’on étendait encore une fois les peines planchers, cette fois-ci aux non-récidivistes, aux primo-délinquants. Le débat ne portait pas sur autre chose !
Nombre de voix républicaines de haute conscience se sont élevées pour dire que ce n’était pas la peine, qu’il ne s’agissait que d’effets de manche. Ce sont certains d’entre vous qui se sont exprimés ainsi, et parfois hors de cet hémicycle.
Et ce soir, que nous a-t-on mitonné ? On garde le même principe en ajoutant quelques conditions. Voilà la porte de sortie : Vous pouvez ainsi partir la tête haute ! En réalité – et Jean-Pierre Sueur le dira mieux que moi – on voit bien l’issue de tout cela : les députés achèveront la besogne.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mes propos s’inscrivent dans la parfaite continuité de ce qu’a excellemment dit Alain Anziani.
Ce qui est en jeu ici c’est, une fois encore, l’idée que nous nous faisons du Parlement. Les faits sont évidents, ils viennent d’être rappelés : il y a eu unanimité, pas une voix ne s’est élevée, au sein de la commission, contre le refus d’étendre les peines planchers.
Pourquoi serait-il intolérable que, sur un tel sujet, le Sénat de la République ait une idée différente de celle de l’exécutif ? Pourquoi faut-il déférer aux effets d’annonce estivaux de l’exécutif ? À quoi sert le Parlement ? Ces questions sont clairement posées.
Si l’on se réfère – et le compte rendu fera foi – aux arguments qui ont été produits au sein de la commission des lois pour refuser cet amendement de manière unanime et, si l’on prend connaissance du sous-amendement, on ne voit pas en quoi ces mêmes arguments ne s’appliqueraient pas.
Dans l’amendement, il est question de peines d’une durée de deux ans, dix-huit mois, un an, six mois ; dans le sous-amendement, il n’est question que d’une durée de deux ans.
Mais voilà, si l'amendement avait été repoussé, le sujet n’aurait plus pu être abordé à l’Assemblée nationale. Or il fallait que l’Assemblée nationale puisse rétablir la globalité du texte, vous le savez parfaitement.
Pourquoi vous prêtez-vous à ce jeu ? J’aimerais que vous vous exprimiez à ce sujet.
Nos institutions sont en cause. En effet, parmi nous, à la fois des membres du groupe UMP, du parti socialiste, du parti communiste, des centristes, des Verts, bref, des membres de toutes les formations politiques ont en commission des lois refusé d’étendre les peines planchers.
Nous faisons tous confiance aux juges de ce pays et nous savons qu’il faut prendre en compte la personnalité de ceux qui se présentent devant les tribunaux ainsi que les circonstances. Les juges ont la capacité de juger. Il n’est pas nécessaire que la loi leur tienne la main tous les jours, qu’il s’agisse de multirécidivistes, de récidivistes ou de non-récidivistes.
Nous voyons donc apparaître ici, dans la lumière crue, le poids de l’exécutif et la faiblesse d’un certain nombre de nos collègues qui défèrent. C’est désolant.
Je ne comprends pas, moi non plus, comment M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur peuvent nous expliquer pratiquement le contraire de ce que la commission a voté. Bien sûr, M. le rapporteur a son point de vue personnel, je n’en disconviens pas.
Mais, monsieur le rapporteur, j’eusse aimé que vous preniez, comme M. le président de la commission, la peine de défendre avec zèle et fougue ce qu’a été la position de la commission.
Tel aurait été un fonctionnement normal des institutions. Vous le savez, ce n’est pas parce que nous aurions continué à faire confiance aux juges de la République française sur ces sujets qu’il y aurait eu des problèmes ! On a le droit d’avoir un point de vue différent de celui de l’exécutif sur le pouvoir des juges.
Il est clair que nous ne pouvons pas continuer ainsi. Si l’on continue de bafouer les décisions unanimes du Sénat, l’on s’engage sur un mauvais chemin et pour nos institutions et pour notre République.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
L’objet de l’amendement n° 390 et du sous-amendement n° 423 est de renforcer le dispositif des peines planchers en l’étendant aux violences aggravées, abandonnant ainsi le seul critère de la récidive jusqu’ici retenu par notre droit.
Ma première remarque concerne l’extension démesurée des peines planchers aux violences aggravées. Je rappelle que la droite a rallongé la liste des circonstances aggravantes, et que cet allongement, croisé avec le dispositif des peines planchers, aura des conséquences très graves pour notre droit.
Une bagarre dans un lycée pourra dorénavant entraîner l’application du dispositif des peines planchers : six mois fermes pour une bagarre dans un lycée.
Nous sommes bien au-delà des exigences constitutionnelles de proportionnalité et de nécessité des peines, que le Conseil constitutionnel a clairement rappelées dans sa décision du 9 août 2007 relative aux peines planchers.
L’état de récidive figurait en effet comme l’élément central qui a permis au Conseil de valider le dispositif des peines planchers. La récidive légale constitue selon lui un élément de gravité nécessaire et suffisant.
Or votre amendement, monsieur le ministre, supprime cet élément pour rendre les peines planchers applicables aux délits de violences aggravées.
Le sous-amendement de MM. Longuet et Gautier n’y change rien : s’il réserve ces peines planchers aux délits de violences aggravées les plus élevés dans l’échelle des peines, il reste tout de même déconnecté de l’état de récidive.
Cette extension méconnaît gravement le principe de nécessité des peines et ne manquera pas d’être censurée par le Conseil constitutionnel.
Ma seconde remarque concerne l’inutilité des peines planchers. Le postulat selon lequel les peines planchers ont un caractère dissuasif a été démenti en pratique non seulement par les chiffres mais également par les études qui ont été publiées par les chercheurs.
En revanche, les peines planchers, que vous renforcez aujourd’hui en muselant les juges, ont un effet dramatique sur le travail des magistrats : d’un côté, la loi fixe l’obligation de motivation de leurs décisions, ce qui est synonyme d’un rallongement des procédures, et, d’un autre côté, ils sont traités de laxistes parce qu’ils ne vont pas assez vite et ne condamnent pas assez.
La loi, comme cet amendement, met en place un piège à responsabilité. Les magistrats n’ayant plus le temps de motiver toutes leurs décisions, les seuils minimums de peines planchers s’appliqueront de manière automatique et, s’ils prennent le temps de motiver leurs décisions, le traitement des affaires en sera ralenti.
Dans les deux cas, les magistrats resteront la cible privilégiée de vos attaques incessantes.
Par ailleurs, le dispositif que vous nous proposez avec cet amendement porte atteinte au principe d’individualisation des peines. Le juge n’est plus libre d’adapter la peine à la personnalité de l’auteur de l’infraction, alors qu’il s’agit d’un des principes fondamentaux du droit pénal français.
Dorénavant, pour pouvoir appliquer des peines inférieures aux seuils fixés par votre amendement, les juges devront spécialement motiver leur décision, ce qui limite leur liberté d’intervention, donc d’individualisation de la peine.
Petit à petit, vous grignotez ce qu’il reste d’indépendance et d’impartialité, en dégradant les conditions de travail des magistrats et en les désignant comme les possibles responsables de la délinquance.
Nous refusons toute extension des peines planchers, tout comme la stigmatisation déplorable de la magistrature que vous semblez organiser.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Nous avons assisté à un tour de passe-passe qui n’est pas totalement inédit. Nous n’avons pas la mémoire courte, cela s’est déjà produit.
Ce tour prend en l'occurrence une tournure déplorable et détestable. La commission des lois a rejeté à l’unanimité, lors de sa première réunion, cet amendement. Nous avons ensuite constaté que d’aucuns voulaient mettre de l’ordre dans la majorité. Ce n’était pas si facile, il a fallu passer par le biais d’un sous-amendement parlementaire portant sur l’amendement du Gouvernement. Tout cela ne trompe personne.
La commission des lois s’est réunie lors de la suspension de séance. La question était d’importance et l’on aurait pu penser que les soutiens fervents de l’amendement ou du sous-amendement auraient au moins été présents pour expliquer comment ils avaient changé d’avis.
Il n’en a rien été. Apparemment, les membres de la commission des lois qui soutiennent le Gouvernement sont absents quand il s’agit de défendre les propositions du Président de la République.
On ne sait pas exactement comment la conviction de nos collègues a pu être emportée par le petit tour de passe-passe qui consiste à ramener la question sur le tapis avec le sous-amendement de M. Longuet. C’est dommage, cela nous aurait aidés à comprendre.
M. le rapporteur a tenté de nous l’expliquer. En réalité, il n’a pas expliqué grand-chose si ce n’est que, avant, il n’était pas d’accord avec l’amendement du Gouvernement, et que maintenant il l’était !
Tout cela donne un piètre spectacle du Sénat, des parlementaires et des rapports entre l’exécutif et le législatif ! Mais, malheureusement, c’est ainsi depuis un certain nombre d’années ; il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
Comme vous ne donnez aucune explication, je vais être claire : ce que vous recherchez, ce sont les peines automatiques.
Celles-ci existent ailleurs, et avec un certain succès : aux États-Unis, elles ont permis d’envoyer trois millions de personnes en prison ! Ramené à la population de la France, cela équivaudrait à 600 000 personnes... Il s'agit d’une véritable méthode de gouvernement, dont les résultats ne sont pas extraordinaires car, que je sache, il y a toujours énormément de délinquance et de violence aux États-Unis. Les peines automatiques, qui permettent d’envoyer beaucoup plus de monde en prison, ne sont donc pas vraiment concluantes. Elles n’ont pas un effet décisif sur la délinquance, c’est le moins que l’on puisse dire…
D'ailleurs, vos propos sont remplis de contradictions, monsieur le ministre : vous affirmez que la délinquance baisse à tous points de vue mais qu’il est nécessaire de renforcer les peines parce qu’elle est de plus en plus importante. Voilà grosso modo à quoi revient votre discours Il est vrai que vous n’êtes plus à une contradiction près.
Nous refusons donc les peines automatiques, même appelées peines planchers. Vous avez d'ailleurs dévoilé vos intentions, monsieur Longuet, car vous avez affirmé qu’il fallait harmoniser les sanctions prononcées.
Or une peine proportionnée et individualisée n’implique pas forcément une telle harmonisation à travers le pays.
Il peut y avoir une moyenne des peines prononcées, certes, mais pas une véritable harmonisation.
Naturellement, s’il existe des peines automatiques, on parviendra peut-être à une meilleure harmonisation des sanctions, mais on aura violé un principe qui est bien ancré dans notre droit, ce qui nous différencie d’autres pays, à savoir l’individualisation des peines. Et, bien entendu, on aura mis à mal une autre règle fondamentale, à savoir l’indépendance de la justice.
Amendements, sous-amendements, re-amendements, re-sous-amendements : nous voterons contre tous ces textes, et je déplore que nous n’ayons pas un débat franc sur ce sujet !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Nous sommes en désaccord avec le Gouvernement sur la forme et sur le fond.
Les deux à la fois, monsieur le ministre !
Nous sommes en désaccord sur la forme parce que vous avez utilisé une procédure qui est conforme à la Constitution et à nos règles, certes, mais qui n’honore pas vraiment le Parlement. Ce soir, après ce que nous avons vécu lors des deux réunions de la commission, nous n’avons guère de raisons d’être fiers de notre travail législatif…
Cette LOPPSI a été conçue il y a plus d’un an. Elle a été votée à l’Assemblée nationale, puis elle est venue ici. On y travaille depuis plusieurs mois. Or, au tout dernier moment, des éléments fondamentaux ont été apportés par le Gouvernement à travers des amendements – ce qui est tout à fait possible –, à la suite des déclarations qui ont eu lieu cet été et que l’on connaît.
Ces dispositions n’ont pas reçu l’assentiment de la commission des lois, c’est le moins qu’on puisse dire. Puis, nous avons vu arriver tout à l’heure trois sous-amendements, au demeurant tout à fait intéressants bien sûr, signés notamment par MM. Gérard Longuet et Jacques Gautier. Ces textes sont passés devant la commission des lois, qui les a rejetés.
Au-delà de ce vote, que l’on peut comprendre parce que l’heure était tardive et que certains de nos collègues n’ont pu assister à cette réunion, que s’est-il passé ? Trois sous-amendements très importants ont été présentés au dernier moment devant la commission des lois pour y être soumis à une discussion dont on peut presque dire qu’elle ne fut que de façade ! Ce n’est pas du travail législatif sérieux !
Je ne crois pas que ce soit bon pour l’image du Parlement. Il s'agit d’une méthode qui, je l’espère, ne sera pas rééditée.
Sur le fond, les auteurs de l’amendement et du sous-amendement qui nous sont présentés posent tout de même des questions importantes. En effet, on va permettre l’application de peines planchers à des primo-délinquants. Il s'agit là d’une décision grave, importante, nouvelle et qui revient sur certains de nos principes.
Quel est l’objectif visé ? Tout d’abord, les trois amendements et sous-amendements dont nous discutons révèlent, je le répète, une méfiance manifeste vis-à-vis des magistrats, même si on laisse à ces derniers la possibilité de prononcer une peine inférieure par une décision motivée. Ces textes sont tout à fait significatifs. Ils prouvent que notre système pose problème, me semble-t-il. Mais, si tel est le cas, il faut le dire clairement et ne pas se contenter d’adopter des mesures qui, au fond, ne changeront pas grand-chose.
En effet, si elles sont très importantes en ce qui concerne les principes, parce qu’elles permettront ensuite d’aller au-delà, ces dispositions n’auront guère de conséquences pratiques, parce que vous précisez dans le texte du sous-amendement : « Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ».
Tout à fait, monsieur Longuet ! Je reconnais qu’avec cette disposition vous laissez malgré tout aux magistrats la possibilité d’apprécier la peine prononcée.
Néanmoins, je comprends parfaitement votre méthode, ou plutôt votre stratégie, car vous êtes à l’évidence des prestidigitateurs du droit.
Qu’est ce que tout cela veut dire ? En réalité, le Gouvernement entend signifier à l’opinion que, en instaurant les peines planchers, il a fait le maximum pour lutter contre la délinquance et agir avec fermeté. Et si ces mesures ne sont pas appliquées, c’est la faute des magistrats !
Tel est le message médiatique que vous voulez faire passer. Comme le soulignait avant-hier à juste titre Jean-Pierre Chevènement, votre méthode est d’agiter le chiffon rouge, pour essayer de montrer que tous ceux qui n’appartiennent pas à la majorité ne veulent pas lutter contre la délinquance, ne sont pas suffisamment fermes, etc. Or ce n’est pas parce que nous ne voterons pas ces amendements et sous-amendements que nous sommes opposés à la fermeté.
M. le ministre ne veut pas résoudre le problème ! Il a intérêt à ce qu’il y ait toujours de la délinquance !
M. Jacques Mézard. Si nous votions ces textes, vous seriez très malheureux, parce que vous cherchez en fait à diviser le pays ! Ce ne sont pas de bonnes méthodes, car ces dispositions ne changeront strictement rien à la délinquance. Il s'agit ici non pas d’améliorer la justice, mais, purement et simplement, de délivrer un message médiatique !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Vous le savez, summum jus, summa injuria disait Cicéron, c'est-à-dire « justice extrême est extrême injustice ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Il m’a fallu siéger deux ans au Sénat pour entendre les propos qui ont été tenus ce soir !
J’ai entendu ce soir à la gauche de l’hémicycle une série de discours tous plus beaux les uns que les autres !
M. Louis Nègre. Ah, les grands principes ! Toutefois, à aucun moment, les grands esprits qui les brandissent n’ont parlé des victimes !
Vives exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Chers collègues, rendez-vous un soir dans un commissariat et rencontrez des victimes !
Pour l’instant, lisez ce qui est écrit noir sur blanc dans le texte de ce sous-amendement, madame Borvo Cohen-Seat : sont visés « des délits de violences volontaires – volontaires, j’insiste sur ce point – aggravées pour lesquels la peine encourue est égale à dix d’emprisonnement ». En France, pour écoper d’une peine d’une telle durée, il faut en faire beaucoup ! En plus, nous précisons encore, nous posons des conditions et ajoutons : « ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à quinze jours ».
Madame Borvo Cohen-Seat, avez-vous déjà vu ce que c’est que quinze jours d’incapacité de travail ? Moi, oui ! Je sais ce que c’est ! Je trouve pour ma part que les mesures que nous prenons contre un délinquant qui commet de telles violences volontaires – personne ne l’a forcé à démolir quelqu’un ! –, sont tout à fait justifiées.
Aujourd'hui, parce que vous êtes primo-délinquant, vous êtes automatiquement excusé !
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Nous sommes dans une société d’assistanat et d’irresponsabilité. Le message que nous faisons passer, quels que soient vos cris, chers collègues de l’opposition, c’est : « Vous pouvez commettre des infractions, casser et démolir » ! Et c’est très grave, car il s'agit d’attaques non pas contre les biens, mais contre les personnes. Vous les supportez, vous les laissez passer en affirmant que, finalement, l’auteur des violences ne doit pas être condamné car il avait de multiples raisons d’agir de cette façon. Et la victime, personne n’en parle jamais !
De grâce, pensez un peu aux Français ! Pensez aux victimes, et vous verrez que votre point de vue commencera à se rééquilibrer.
Pour conclure, j’ajouterai que ce sous-amendement me paraît tout à fait normal, d’autant que, par une décision spécialement motivée, le juge pourra toujours passer outre la peine plancher en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion qu’il présente.
Ainsi, le message que nous voulons faire passer est que nous en avons assez de voir des délinquants qui démolissent des gens tout simplement parce qu’ils ont décidé de le faire.
M. Louis Nègre. Nous, la représentation nationale, nous souhaitons nous opposer fermement à ces gens-là.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le ministre, la commission des lois avait estimé qu’une extension indéfinie des peines planchers ne respectait pas les principes définis par le Conseil constitutionnel. Je rappelle tout de même que, aux termes de la loi du 10 août 2007, ces mesures devaient remplir un certain nombre de conditions et rester exceptionnelles.
Aussi, dès lors que l’amendement du Gouvernement visait des peines de trois ans, cinq ans ou sept ans, la commission avait unanimement jugé qu’une telle disposition était excessive.
D’une manière générale, certains adressent des signaux positifs à certaines catégories de fonctionnaires, ce qui est tout à fait normal, tandis que d’autres les stigmatisent.
Vous voulez que je précise ma pensée, madame Borvo Cohen-Seat ! Certains ne parlent que des bavures policières. D’autres affirment que la justice est laxiste…
Or, dans une société, rien n’est plus important que la justice. Pour ma part, je prétends que la grande majorité des magistrats de notre pays accomplissent leur travail avec conscience et dans le souci de l’intérêt public. Bien entendu, monsieur le ministre, on voit dans les journaux que quelques juges prennent des décisions, d'ailleurs contraires à leur code de déontologie, parce qu’ils agissent en fonction d’une idéologie et non selon les principes qui devraient être ceux de tout magistrat.
Toutefois, ce n’est pas parce que quelques personnes se comportent ainsi qu’il faut mettre en cause l’immense majorité de la magistrature et désespérer les juges. Il n'y a rien de plus dangereux !
C'est pourquoi, s’agissant des peines planchers, monsieur le ministre, nous sommes plutôt enclins à considérer aujourd'hui, comme nous l’étions déjà en 2007, qu’il vaut mieux que le parquet fasse appel si des juges déraillent vraiment.
Cela étant, les peines planchers sont une indication. Monsieur Mézard, vous avez dit que la juridiction pouvait prononcer une peine inférieure. C’était déjà le cas avec la loi de 2007, sinon la disposition serait totalement anticonstitutionnelle. Le juge peut décider de ne pas appliquer ces peines pour telle ou telle raison ou d’en prononcer une autre.
Pour ma part, je ne cherche pas à faire plaisir aux uns et aux autres ; je suis assez libre : quand je dis non, c’est non. Je vous donnerai donc mon sentiment en toute honnêteté, car j’estime que certains principes doivent être préservés. C’est d’ailleurs le rôle du Sénat.
J’estime donc que ces peines planchers doivent être réservées aux infractions les plus graves et ne doivent pas être excessives. Il ne faudrait pas qu’elles soient encore étendues, car cela poserait alors un véritable problème de constitutionnalité. Il ne faut jamais tenter de passer en force quand on est à peu près sûr de subir la censure du Conseil constitutionnel.
C’est alors un double échec politique, selon moi. Il faut donc être attentif à ce point.
Tel qu’il est rédigé, le sous-amendement permet que, lorsque des faits très graves sont commis – nous en reparlerons lors de la discussion du sous-amendement que j’ai déposé –, deux ans de prison peuvent être requis. Toutefois, j’espère qu’aucun magistrat, sauf pour des raisons particulières – cela peut arriver –, ...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ... n’appliquera jamais cette disposition et que, vis-à-vis d’un délinquant qui aura commis un acte ayant entraîné quinze jours d’interruption temporaire de travail pour lequel il est susceptible d’encourir une peine de dix ans de prison, la justice saura se montrer sévère.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 423.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 268 :
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 390.
M. Jean Desessard. Je rappellerai tout d’abord que le vote par scrutin public, tel qu’il est pratiqué au Sénat, est anticonstitutionnel. Je le précise pour ceux qui aiment bien respecter les lois, et je me demande s’il faudra instaurer une peine plancher pour que cette disposition soit enfin appliquée !
Sourires
La Constitution précise que chaque parlementaire peut porter une voix en plus de la sienne et une seule.
Mais si ! Je vais chercher un exemplaire de la Constitution et je vous le lirai !
Le vote est personnel et chaque personne ne peut porter qu’un seul mandat en plus du sien.
Vous soutenez que ce n’est pas dans la Constitution ? Moi, j’affirme le contraire ! Nous aurons la réponse sous peu…
J’en viens à mon propos.
M. Nègre a déclaré que lui, il connaissait les victimes, alors que ce n’était pas notre cas. Voilà qui est formidable !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.
Ce n’est pas cela qui nous différencie, monsieur ! Vous n’allez pas jouer à celui qui connaît le plus de victimes, car nous sommes tous concernés par les incivilités.
Ce qui nous distingue, c’est la réponse qu’il convient d’apporter !
Vous considérez que la délinquance existe parce qu’il n’y a pas assez de peines ou que celles-ci ne sont pas assez lourdes. Pour notre part, nous estimons que c’est à cause d’un mal-être social, d’une désespérance sociale, des quartiers défavorisés, de la précarité ; cela n’a rien à voir avec la nature de la peine.
Ce sont tous ces facteurs qui créent un sentiment de non-intégration dans la société française.
Vous avez certainement lu dans les journaux des articles sur les tueurs d’enfants en Chine : ceux-ci pénètrent dans une école et tuent un certain nombre d’enfants. Il s’agit non pas d’un cas isolé, mais d’un véritable phénomène qui est expliqué par le fait que ces individus souffrent d’un mal-être social.
Pensez-vous qu’ils se sont penchés sur le code pénal avant de passer à l’acte ? On le sait, en Chine, ce qui les attend, c’est la peine de mort. Ce n’est donc évidemment pas cela qui les empêche de commettre des actes odieux, abominables.
Cela n’a donc aucun lien avec la lourdeur de la peine. C’est un autre type de société qu’il faut proposer, c’est une intégration qu’il faut réussir.
D’aucuns pourraient en déduire que nous avons simplement des divergences – certains seraient plus répressifs, d’autres le seraient moins – et que nous voulons proposer des solutions différentes.
Mon intervention va beaucoup plus loin, car c’est plus grave que cela !
En effet, dans la mesure où le Gouvernement, par les différentes lois sociales qu’il instaurera, empêchera la résolution des problèmes sociaux, le mal-être social, loin de disparaître, s’amplifiera, ce qui provoquera une augmentation de la délinquance et des incivilités. Nous constaterons alors que les peines planchers que vous avez prévues aujourd'hui n’auront servi à rien.
Face à cette situation, le Président de la République ou d’autres déclareront que cette réponse est insuffisante et qu’il en faut plus, toujours plus. Vous continuerez d’aller dans ce sens, mais à quoi cela aboutira-t-il ? Cela ne permettra pas la résolution des problèmes. Cela conduira au contraire à un système qui restreindra les libertés, qui n’envisagera plus les situations avec humanisme et qui apportera non pas une réponse sociale aux problèmes sociaux, mais une réponse policière et répressive, sans liberté.
Par conséquent, parce que vous refusez de résoudre les problèmes sociaux, vous nous construisez une société policière.
Je mets aux voix l'amendement n° 390, modifié.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 269 :
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23.
Pour ceux qui prétendent connaître la Constitution, et qui affirment que voter avec cent quarante mandats n’est pas anticonstitutionnel, je vais lire l’article 27 de la Constitution : « Tout mandat impératif est nul…
Heureusement ! Mais l’expérience est collective !
… La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. »
Comme je ne vous vois pas approuver, je vais le répéter : « Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. »
Donc, lorsque quelqu’un ici vote avec plus d’un mandat, c’est anticonstitutionnel.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
C’est vous qui avez demandé un scrutin public ! De toute façon, à mains levées, vous auriez été également minoritaires !
Je ne vous parle pas de votre petite tambouille ! Je dis simplement que c’est anticonstitutionnel.
Quelqu’un dans cet hémicycle a cru devoir dire qu’il connaissait la Constitution et que ce que j’avançais était faux ; c’est pourquoi j’ai pris la peine d’aller chercher le texte de la Constitution et de lire l’article 27.
Monsieur le grand connaisseur de la Constitution, vous pourrez toujours me dire que ce n’est pas écrit ! Eh bien permettez-moi de vous remettre le texte pour que vous puissiez vérifier par vous-même.
M. Jean Desessard se rend au banc de la commission et remet à M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois, le texte de la Constitution.
Mme la présidente. Monsieur Desessard, il s’agit d’une coutume observée depuis 1958, qui n’a jamais été contestée par les groupes et qui a même été validée par le Conseil constitutionnel.
Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.
Elle n’a jamais été validée par le Conseil constitutionnel, madame la présidente, puisque celui-ci n’a pas été saisi de cette question !
L'amendement n° 389, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase des derniers alinéas des articles 221-3 et 221-4 du code pénal, après les mots : « acte de barbarie », sont insérés les mots : « ou lorsque le meurtre a été commis sur un magistrat, un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la gendarmerie, un membre du personnel de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique, à l'occasion de l'exercice ou en raison de ses fonctions ».
La parole est à M. le ministre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’actualité de ces derniers mois nous a montré que les délinquants n’hésitaient pas à faire feu sur les fonctionnaires de police, sur les militaires de la gendarmerie nationale, notamment quand il s’agit de leur échapper.
Ces actes doivent tout naturellement être sanctionnés avec fermeté et il faut donner la certitude que sera appliquée une sanction exemplaire. Tuer un représentant des forces de l’ordre ou tout autre représentant de l’État est naturellement intolérable, tant pour la famille de la personne que sur un plan symbolique puisque, à travers les victimes, c’est bien évidemment la puissance publique que l’on vise, c’est l’autorité de l’État que l’on défie, c’est même la solidité de nos institutions que l’on met en cause.
L’état de droit ne doit pas être synonyme de faiblesse mais de justice, d’ordre et d’autorité, lorsque l’essentiel est en jeu. Il faut donc que ces quelques individus sachent que, si la réclusion criminelle à perpétuité est d’ores et déjà prévue par la loi pour sanctionner leurs actes, ils seront désormais assurés qu’une telle peine prononcée à leur encontre ne pourra plus être aménagée pendant au moins trente ans. C’est l’objet de cet amendement.
Le sous-amendement n° 421, présenté par MM. Hyest, Longuet et About, est ainsi libellé :
Alinéa 2 de l'amendement n° 389
Après les mots :
ou lorsque le meurtre a été commis
insérer les mots :
en bande organisée ou avec guet-apens
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le ministre, la commission des lois avait examiné la question de la période de sûreté de trente ans. Je signale que peine incompressible et période de sûreté ne sont pas des notions tout à fait équivalentes. Mais on ne peut sans doute pas demander à tous nos concitoyens d’être des fins connaisseurs du code pénal et il est parfois plus simple, pour s’expliquer, de parler de peine incompressible.
Il y a peine incompressible quand la période de sûreté est portée à trente ans ou, si la réclusion criminelle à perpétuité a été prononcée, quand la cour d’assises décide que le condamné ne pourra pas bénéficier d’une mesure d’individualisation. La période de sûreté de trente ans ou portant sur la totalité de la peine n’est toutefois applicable que pour des actes particulièrement graves puisque, pour le moment, elle concerne les meurtres de mineurs précédés ou accompagnés de tortures ou d’actes de barbarie. Le caractère particulièrement odieux de ces crimes avait en effet justifié que le législateur porte la peine de sûreté à trente ans alors que, depuis un certain nombre d’années, elle était de vingt-deux ans pour les crimes graves.
Pourquoi ces périodes de sûreté, monsieur le ministre ? Parce que l’on estime que les personnes sont particulièrement dangereuses et susceptibles de récidiver. Du reste, on a ensuite créé, pour cette même raison, la surveillance de sûreté et la rétention de sûreté.
Eu égard à cet objectif, monsieur le ministre, nous avons eu un doute lors de la première réunion de la commission des lois : est-ce que tout meurtre de policier ou de dépositaire de l’autorité publique peut relever des sanctions les plus graves en matière de période de sûreté ?
Depuis cette réunion, j’ai réfléchi et je considère que, à partir du moment où il y a volonté délibérée de tuer un magistrat, un préfet – il faut se souvenir du préfet Erignac ! –, des policiers, à partir du moment où il y a guet-apens – récemment, à la faveur d’un incendie, on a attiré des policiers pour les « caillasser » et les tuer –, à partir du moment où l’on se trouve face à des comportements aussi asociaux, les cours d’assises doivent pouvoir appliquer la période de sûreté prévue pour d’autres cas. La volonté délibérée et le caractère odieux de ces crimes portent en effet à croire que les auteurs des faits seraient en mesure de récidiver.
Toutefois, monsieur le ministre, vous comprenez bien qu’on ne peut pas étendre cette possibilité à l’infini, sauf à la priver de son sens. Une telle mesure ne doit donc viser que les faits les plus graves. C’est la raison pour laquelle, par ce sous-amendement, nous entendons restreindre quelque peu le champ d’application de la mesure que vous proposez. Il me semble néanmoins que ce sous-amendement correspond parfaitement à vos propos et à l’objectif rappelé par le Président de la République à Grenoble.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois, applaudit.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 389 et le sous-amendement n° 421 ?
La commission a émis un avis identique sur le sous-amendement et l’amendement.
L’amendement n° 389 a pour objet d’étendre les hypothèses dans lesquelles la cour d’assises peut appliquer la période de sûreté – c’est-à-dire la période pendant laquelle aucune mesure d’aménagement de peine n’est possible – à la durée totale de la peine en cas de meurtre ou d’assassinat.
Actuellement, la période de sûreté peut être portée par décision spéciale de la juridiction jusqu’aux deux tiers de la peine ou, en cas de condamnation à la réclusion à perpétuité, à vingt-deux ans ; il s’agit de l’article 132-23 du code pénal. La seule exception concerne le meurtre ou l’assassinat d’un mineur de quinze ans précédé ou accompagné de viol, de tortures ou d’actes de barbarie, pour lequel la cour d’assises peut décider que la période de sûreté s’applique à la durée totale de la peine prononcée.
Dans une première version présentée par le Gouvernement à la commission en juin, l’extension de la peine dite « incompressible » ne concernait que le meurtre ou l’assassinat d’un policier ou d’un gendarme. Plusieurs des membres de notre commission se sont alors étonnés que ces dispositions ne concernent pas d’autres fonctionnaires, notamment les policiers municipaux.
Le nouveau dispositif proposé par le Gouvernement avec l’amendement n° 389 apparaît à cet égard plus cohérent puisqu’il autorise la cour d’assises, par décision spéciale, à prononcer la période de sûreté sur toute la durée de la peine pour le meurtre ou l’assassinat de toute personne dépositaire de l’autorité publique, à l’occasion de l’exercice ou en raison de ses fonctions.
Néanmoins, dans sa majorité, la commission des lois a donné un avis défavorable sur cet amendement, au motif, en particulier, que la période de sûreté vise les personnes d’une particulière dangerosité, contre lesquelles la société doit se prémunir, dangerosité caractérisée non seulement par l’extrême gravité des actes, mais aussi par les circonstances singulières dans lesquels ils sont commis.
Le code pénal prévoit ainsi que la peine incompressible est applicable aux meurtres de mineurs lorsqu’ils sont accompagnés de tortures ou d’actes de barbarie. À cet égard, le champ d’application du dispositif prévu par le Gouvernement à l’amendement n° 389 n’est pas apparu suffisamment encadré aux yeux de la commission des lois, ainsi que le président Hyest vient de l’indiquer.
Le sous-amendement n° 421 répond à cette objection en prévoyant que la peine incompressible ne serait applicable à l’auteur d’un meurtre contre une personne dépositaire de l’autorité publique que si ce crime est commis en bande organisée ou avec guet-apens.
En effet, la bande organisée ou le guet-apens, qui constituent d’ailleurs des causes traditionnelles d’aggravation des peines dans notre droit pénal, traduisent un degré de préparation qui est par lui-même l’indicateur d’une extrême dangerosité.
À titre personnel, notamment à la lumière des explications fournies par M. Jean-Jacques Hyest, je suis favorable à ce sous-amendement et je le voterai. La commission des lois a, quant à elle, émis un avis défavorable.
Le Gouvernement a entendu avec beaucoup d’intérêt les explications parfaitement claires qui ont été présentées par Jean-Jacques Hyest et émet par conséquent un avis tout à fait favorable sur ce sous-amendement.
J’ai été quelque peu étonnée, pour ne pas dire plus, de la démonstration faite par Jean-Jacques Hyest il y a quelques instants.
Il a expliqué que, historiquement, les peines de sûreté avaient été instituées non pas tant pour dissuader l’auteur potentiel d’un crime particulièrement grave que pour protéger la société, la mettre à l’abri de criminels dangereux et suspects d’être prêts à récidiver.
Il nous explique par ailleurs que les temps ont changé et qu’il faudrait poser un regard différent sur l’utilité et la vocation des peines planchers.
Tout à l’heure, pendant l’intervention de Jean Desessard, j’ai entendu quelqu’un, sur les travées de l’UMP, dire de manière particulièrement acerbe : « Le malaise social, le malaise social… Quand quelqu’un commet un viol, ce n’est tout de même pas du malaise social ! »
Mes chers collègues, je vous pose la question : quel est donc le violeur que la perspective d’une peine lourde suffirait à dissuader, quand la psychiatrie pénitentiaire est en loques, que la prise en charge en prison est inexistante et que le suivi à la sortie reste largement théorique ? Quel est le violeur que la perspective d’une peine lourde convaincrait de changer son regard sur les femmes et de ne plus les « chosifier » ? Quel est l’homme ou la femme qu’une période de sûreté de vingt-deux ans n’aurait pas suffi à dissuader de commettre un crime, mais qui serait pris d’effroi à la perspective d’encourir une période de sûreté de trente ans, au point de remettre en cause son funeste projet ?
L’amendement n° 389 instaure une période de sûreté de trente ans ou une peine perpétuelle incompressible pour les assassins de personnes dépositaires de l’autorité : policiers, gendarmes, magistrats, etc.
Je ne conteste évidemment pas la nécessité de lutter de manière implacable contre les assassinats de membres de nos forces de police, de gendarmerie ou de l’administration pénitentiaire : ce sont des crimes qui, au-delà du chagrin et de la souffrance qu’ils provoquent chez les proches des victimes, constituent en eux-mêmes une négation de l’ordre républicain.
Toutefois, il ne faudrait pas, une fois de plus, légiférer sous le coup de l’émotion. L’amendement qui nous est proposé est la transposition d’une déclaration que le Président de la République a faite à la suite de la mort d’un policier de Dammarie-les-Lys. À cette occasion, M. Nicolas Sarkozy avait annoncé une peine de réclusion criminelle à perpétuité systématique, assortie d’une peine de sûreté incompressible de trente ans pour les assassins de policiers.
Il faut évidemment rappeler ici encore une fois que les peines automatiques n’existent pas en France, qu’elles sont contraires à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
D’ailleurs, chacun le sait, les peines dont il est question en l’espèce ne sont et ne seront ni automatiques ni systématiques, contrairement à ce que laisse penser le Président de la République, pourtant juriste.
Pour les meurtres de policiers ou de gendarmes, la peine encourue aujourd’hui est la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de vingt-deux ans. Même si elle est portée à trente ans, comme vous le souhaitez, rien ne pourra empêcher un jury populaire de ne pas suivre la peine encourue, et de prononcer, par exemple, une peine de quinze ou vingt ans.
Ainsi, la décision finale reviendra au juge, en vertu de son pouvoir d’individualisation de la peine, que vous le souhaitiez ou non.
La modification que vise à introduire le sous-amendement n° 421, ajoutant une circonstance aggravante à celle qui était déjà prévue par l’amendement du Gouvernement, ne suffit pas, à mes yeux, à rendre cette disposition constitutionnelle.
Vous l’aurez compris, nous ne voterons ni l’amendement n° 389 ni le sous-amendement n° 421, qui participent de l’instrumentalisation des faits divers que nous dénonçons depuis hier.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Sans reprendre le discours que j’ai tenu à propos de l’amendement et du sous-amendement précédents, je me demande comment nous pourrions occulter le tour de passe-passe qui vous amène soudainement à considérer que ce que vous disiez hier n’est plus vrai aujourd'hui !
Cela étant, il serait intéressant que vous nous précisiez la durée réelle des peines actuellement prononcées pour les assassins de personnes dépositaires de l’autorité publique, car je ne crois pas qu’il y ait des jurys qui prononcent des peines inférieures à trente ans. Il est donc quelque peu pernicieux de laisser croire qu’aujourd'hui, en France, les assassins de policiers, de gendarmes, de magistrats ou d’autres détenteurs de l’autorité publique ne seraient condamnés qu’à des peines finalement mineures.
Par ailleurs, en quoi l’élévation du niveau de la peine encourue – ou même celui des peines qui sont généralement prononcées – serait-il dissuasive ? Historiquement, rien de tel n’a été constaté. Comme vous le savez, l’abolition de la peine de mort n’a pas fait croître le nombre de crimes dans notre pays.
Les formes de violence évoluent ! Les bandes armées sont un phénomène qu’on ne connaissait pas auparavant !
Certes, mais il y a toujours eu des actes de terrorisme. Souvenez-vous d’Action directe !
N’allez pas me dire que c’est la première fois que des personnes, seules ou à plusieurs, volontairement, car il s’agit bien d’assassinats volontaires…
M. Jean-Jacques Hyest. Par définition, un assassinat est un acte volontaire !
Marques d’ironie sur les travées de l ’ UMP.
Je le précise, car il faut savoir précisément de quoi nous parlons !
Je reprends : vous n’allez tout de même pas me dire que le fait que des personnes assassinent, de façon organisée et préméditée, des détenteurs de l’autorité publique constitue une nouveauté ! Car, au fond, vous parlez de ce type de crimes comme s’il n’y en avait jamais eu auparavant. Ils revêtent peut-être aujourd'hui des formes différentes, mais y en a-t-il davantage ?
Admettons néanmoins que ce soit le cas. Encore faudrait-il prouver, je le répète, que le niveau des peines encourues et prononcées est dissuasif. Vous aurez en tout cas les plus grandes difficultés à démontrer que les assassins de personnes dépositaires de l’autorité publique bénéficient d’une quelconque clémence de la part de la société et des jurys : c’est totalement faux !
Encore une fois, on s’empresse de répondre à l’émotion suscitée par un fait divers. À l’heure où nous parlons, l’émotion est sans doute retombée, mais il faut courir après le Président de la République, sans réfléchir, et ce alors même que nombre d’entre vous contestent le procédé et manifestent leur désapprobation, au moins en commission des lois.
Qu’on le veuille ou non, on porte ainsi un coup aux principes du droit. Car, quel que soit le regard que porte la société, et donc les juges, sur les assassins de personnes dépositaires de l’autorité publique, chaque coupable a droit à une peine individuelle.
L’amendement et le sous-amendement ont pour objet, cela a été rappelé, de porter la peine de sûreté de vingt-deux à trente ans pour les assassinats de personnes dépositaires de l’autorité publique, tels des policiers ou des magistrats.
Aujourd’hui, vous l’avez d’ailleurs indiqué, monsieur Hyest, la peine de sûreté de trente ans existe déjà, dans le cas très précis d’un meurtre de mineur, accompagné de circonstances aggravantes : tortures ou actes de barbarie.
Animé par le souci qu’évoquait Mme Borvo, j’ai cherché à savoir combien de peines de sûreté de trente ans avaient été prononcées contre de tels assassins, il est vrai particulièrement haïssables. Il y en a eu trois, pour des meurtres de nouveau-nés, accompagnés d’actes de torture. À l’évidence, il s’agit de cas psychiatriques : si, aujourd’hui, la peine de sûreté les maintient en prison, c’est peut-être aussi parce que les asiles psychiatriques ne les ont pas accueillis.
C’est par cette question que nous devons engager la réflexion : qu’est-ce qui justifie d’étendre à d’autres cas une peine qui existe déjà dans le code pénal pour un cas très précis ?
Je comprends tout à fait le souci de protéger les personnes dépositaires de l’autorité publique, et en particulier nos forces de l’ordre. Celles-ci accomplissent un travail extrêmement difficile, elles prennent des risques pour nous tous, dans l’intérêt du bien public. En s’exposant ainsi, certains policiers et gendarmes perdent la vie, ce qui est évidemment inacceptable.
Cela étant, on pourrait pousser le raisonnement plus loin et se dire que, finalement, les infirmières, les médecins, ou d’autres professions encore, …
… sont susceptibles de subir les mêmes exactions, en conséquence de quoi leurs auteurs mériteraient d’être punis des mêmes peines.
Je pense à cette personnalité extrêmement trouble qu’est Youssouf Fofana. Voilà quelqu’un qui a torturé sa victime jusqu’à la mort, animé, sans doute, par un esprit raciste : pourquoi ne serait-il pas, lui aussi, susceptible de se voir infliger une condamnation assortie de la même période de sûreté ?
Il y a donc dans la proposition qui nous est faite quelque chose qui ne va pas. L’horreur ne se partage pas : si c’est horrible dans un cas, ça l’est aussi dans l’autre.
Mais poursuivons la réflexion et posons-nous une autre question : tout cela est-il bien constitutionnel ? Je voudrais saluer justement le travail effectué, notamment par M Hyest, lui qui, semble-t-il, est l’inspirateur du sous-amendement n° 421, …
… pour faire entrer dans les rails constitutionnels un texte qui, à l’évidence, s’en écartait. Il est d’ailleurs très étonnant que le Gouvernement nous ait présenté un texte manifestement inconstitutionnel.
Il est tout de même extraordinaire que le Gouvernement ait pu mettre sur la table une proposition vouée à être censurée par le Conseil constitutionnel ! Franchement, vous ne vous aidez pas vous-mêmes !
En définitive, tout le travail sagace de M. Hyest va-t-il suffire ? Je n’en suis pas sûr, car notre Constitution renvoie à un certain nombre de textes, qui eux-mêmes exigent un certain nombre de circonstances. Or il ne me paraît pas évident que ces dernières soient réunies. Une incertitude pèse donc encore aujourd'hui sur le plan constitutionnel.
M. le ministre de l’intérieur, très souvent, met en avant la nécessité d’être pragmatique et efficace. C’est au fond le credo de toute son action. Mais, en l’espèce, est-ce vraiment du pragmatisme ? Pense-t-on vraiment que la main de la personne qui s’apprête à assassiner un policier va trembler davantage parce que cette personne saura qu’elle encourt une peine de sûreté de trente ans plutôt que de vingt-deux ans ? Croit-on qu’elle accède à une rationalité telle qu’elle puisse être amenée à renoncer face à la perspective d’encourir désormais huit années de prison supplémentaires ? Malheureusement, on le sait, la psychologie du criminel est étrangère à un raisonnement de ce genre. On l’a dit à propos de la peine de mort : il est largement prouvé que celle-ci n’a jamais eu d’effet dissuasif.
En tout état de cause, la mesure qui nous est ici proposée est sans doute inconstitutionnelle et, à tout le moins, inefficace.
Je m’associe aux propos de notre collègue Alain Anziani et je souhaite réagir à ce que j’ai entendu tout à l’heure. Pour ma part, je préfère encore, surtout en cette matière, me référer à l’Antiquité plutôt qu’en revenir à la Préhistoire !
Au fond, qu’est-ce qui nous est proposé ? Alain Anziani a très justement remis les choses en perspective, rappelant que la peine de sûreté de trente ans n’avait été prononcée, jusqu’à présent, que dans trois cas. Encore une fois, le plus important aux yeux du Gouvernement, c’est d’envoyer un message médiatique à nos concitoyens.
Soyons clairs : ce sont les cours d’assises qui peuvent prononcer de telles peines. Nous sommes quelques-uns, dans cet hémicycle, à connaître de près leur fonctionnement pour y avoir œuvré d’une manière ou d’une autre, au service de la victime ou de l’accusé.
Croyez bien que les trois magistrats professionnels et les jurés qui composent une cour d’assises mesurent toute la gravité des infractions dont ils ont à connaître – il s’agit, par définition, d’actes criminels – et des choix qu’ils vont être amenés à faire.
Or le fait d’en « rajouter » systématiquement, hier en matière de peines planchers, aujourd’hui pour des « peines plafonds », n’a rien à voir avec la réalité du terrain.
M. Louis Nègre manifeste son désaccord.
Mon cher collègue, nous savons ce qu’est un commissariat, ce qu’endure une victime. Vous n’avez pas le monopole de la victime !
Je sais, par expérience, comment les choses se passent : les magistrats et les jurés ont une conscience aiguë du poids des décisions qu’ils vont prendre.
De toute façon, ce n’est pas parce que l’on instaure une peine incompressible de trente ans que l’on crée une obligation : une cour d’assises restera totalement libre de ses choix. Ce n’est pas parce qu’on augmentera la force des armes de répression que l’on poussera magistrats et jurés à aller dans telle ou telle direction. Ils ont conscience de ce qu’ils font et disposent déjà, en ce domaine, d’un arsenal tout à fait adapté. Au regard des quelques cas qui pourraient être visés en théorie, la mesure qui nous est proposée ne servira, dans la pratique du terrain, strictement à rien. Voilà la réalité !
J’ajoute que, comme vous, je me soucie de la protection des forces de l’ordre et des dépositaires de l’autorité publique, mais aussi des gardiens de prison. Or, quand les gardiens de prison ont affaire à des détenus qui purgent une peine incompressible de trente ans, ils sont face à des gens qui sont encore plus des fauves !
Comme les gardiens de prison le rappellent très souvent à juste titre, il faut toujours laisser une marge : il ne s’agit pas tant de donner au détenu une lueur d’espoir que de permettre aux gardiens de donner des indications aux magistrats par rapport à une éventuelle sortie.
Aussi, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous le dis par expérience : ces mesures ne sont pas bonnes, elles ne sont pas sages. Voilà pourquoi la majorité de mon groupe ne votera ni cet amendement ni ce sous-amendement.
Je m’associe pleinement aux arguments qu’ont développés mes collègues MM. Anziani et Mézard, mais je souhaiterais y ajouter quelques remarques.
Parmi les motivations de ce durcissement du code pénal, j’ai entendu l’idée selon laquelle il fallait rétablir un certain respect envers les forces de l’ordre. C’est là un objectif parfaitement louable : oui, le respect est dû à ces hommes et à ces femmes qui risquent quotidiennement leur vie pour notre sécurité. Mais il s’agit, d’une manière plus générale, de rétablir le respect vis-à-vis de l’ensemble des détenteurs de l’autorité publique.
Or il me semble que, plutôt que par des peines incompressibles, cela passe d’abord par le respect, au plus haut niveau de l’État, de ces détenteurs de l’autorité publique que sont les élus et par le respect du Parlement. Tout cela irait plus de soi si l’on gouvernait dans le respect des fonctions et missions de chacun, et non avec un autoritarisme orgueilleux, qui s’exerce solitairement ; si l’on respectait la justice et son indépendance, sans se permettre de commenter ses décisions ; si l’on adoptait une attitude mesurée, au lieu de se complaire dans la déclamation, notamment quand il s’agit de délinquance ; si l’on évitait les jugements publics à l’emporte-pièce et les condamnations par voie de presse.
En un mot comme en cent, l’éducation et l’apprentissage du respect se font d’abord par l’exemplarité et la mesure des propos, des attitudes et des décisions, notamment lorsqu’il est question de délinquance.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
M. Louis Nègre. Là encore, ce que je viens d’entendre me sidère. Car vous avez beau être près des victimes, vous n’en parlez jamais !
Rires et exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Puis-je vous prier, pour la seconde fois, chers collègues, de me laisser parler ?…
M. Louis Nègre. En écoutant les orateurs précédents, je me disais que nous étions vraiment à la Haute Assemblée, et même à la « très haute assemblée », car nous planions dans des sphères très élevées !
Sourires sur certaines travées de l ’ UMP.
Nous avons tous constaté l’augmentation des violences contre les personnes. Alors, que faisons-nous ? J’attends vos réponses, chers collègues...
Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
On nous dit : « N’en rajoutez pas ! Il n’y a pas d’exemplarité de la peine et l’augmentation du quantum de la peine ne servira à rien ! » Si l’on suit votre raisonnement, il suffit de les bénir, et on n’en parle plus !
Eh bien, contrairement à ce que vous pensez, la peine incompressible existe, elle est même perpétuelle : c’est celle qui est infligée à la victime ! La victime, elle, elle est morte ! Et cette peine incompressible qu’elle purge ne prête à aucune discussion parce qu’il n’est pas possible de ressusciter les gens !
Alors, face à cette délinquance violente, quels sont les moyens qu’a la société pour faire passer, non pas un message médiatique, comme le prétendait M. Mézard, mais un message tout simple, consistant à dire que notre société n’accepte pas cette violence-là, que notre société prendra les dispositions nécessaires pour la combattre ? Moi, je considère que le Président de la République a bien raison de fixer les orientations qui sont traduites dans ce qui nous est proposé !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur Nègre, gardez votre discours pour dans deux ans : vous pourrez tenir exactement le même !
M. Nègre nous a demandé ce que nous proposions, nous, de faire.
J’observe que la droite est au pouvoir depuis un certain temps et qu’elle parle beaucoup de sécurité. Alors, j’ai regardé les statistiques : le nombre de policiers n’a-t-il pas baissé de 10 % ?
M. Alain Fouché. Le ministre a déjà répondu, mais vous n’étiez pas là !
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
M. Jean Desessard. S’il a déjà répondu, je m’en tiendrai là… Il a sans doute fait remonter le nombre depuis que j’ai lu ces statistiques !
Rires
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
En conséquence un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 23.
L'amendement n° 375, présenté par M. Zocchetto, est ainsi libellé :
Après l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 706-154 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. - 706-154 - Par dérogation aux dispositions de l'article 706-153, l'officier de police judiciaire peut être autorisé, par tout moyen, par le procureur de la République ou le juge d'instruction à procéder, aux frais avancés du Trésor, à la saisie d'une somme d'argent versée sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts. Le juge des libertés et de la détention, avisé par le procureur de la République, ou le juge d'instruction se prononce par ordonnance motivée sur le maintien ou la mainlevée de la saisie dans un délai de dix jours à compter de sa réalisation.
« L'ordonnance prise en application du premier alinéa est notifiée au ministère public, au titulaire du compte et, s'ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce compte, qui peuvent la déférer à la chambre de l'instruction par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance. Cet appel n'est pas suspensif. Le titulaire du compte et les tiers peuvent être entendus par la chambre de l'instruction. Les tiers ne peuvent pas prétendre à la mise à disposition de la procédure.
« Lorsque la saisie porte sur une somme d'argent versée sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts, elle s'applique indifféremment à l'ensemble des sommes inscrites au crédit de ce compte au moment de la saisie et à concurrence, le cas échéant, du montant indiqué dans la décision de saisie. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis donc saisie d’un amendement n° 424, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois, dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 375.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
Cet amendement vise à modifier à la marge la loi du 9 juillet 2010 sur les saisies et confiscations en matière pénale. Lors de l’examen de cette loi, le Sénat avait souhaité, sur proposition de notre collègue François Zocchetto, rapporteur de cette loi, que les saisies les plus importantes soient autorisées par le JLD en enquête préliminaire ou en flagrance.
Une telle procédure ne paraît pas tout à fait adaptée aux saisies sur comptes courants, qui nécessitent d’agir très rapidement. C’est pourquoi le présent amendement adapte à la marge le dispositif de la loi de juillet 2010 pour prévoir que, pour les seules saisies sur comptes courants, l’OPJ pourra être autorisé par le procureur de la République. L’équilibre souhaité par le Sénat n’est pas bouleversé puisque le JLD devra se prononcer dans un délai de dix jours sur le maintien ou la levée de la saisie.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 23.
L'amendement n° 102 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Hérisson, est ainsi libellé :
Après l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 721 du code de procédure pénale est abrogé.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 103 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Hérisson, est ainsi libellé :
Après l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l'article 721-1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de mauvaise conduite du condamné en détention, le juge de l'application des peines peut être saisi par le chef d'établissement ou sur réquisition du procureur de la République aux fins de retrait, à hauteur de trois mois maximum par an et de sept jours par mois, de cette réduction de peine. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 391, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article 723-29 du code de procédure pénale, après les mots : « pour lesquels le suivi socio-judiciaire est encouru » sont insérés les mots : « ou d'une durée supérieure ou égale à cinq ans pour un crime ou un délit commis une nouvelle fois en état de récidive légale ».
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement concerne l’extension de la surveillance judiciaire, c’est-à-dire, en clair, les bracelets électroniques.
Comme vous le savez, cette mesure de surveillance judiciaire est actuellement limitée aux personnes condamnées à une peine supérieure ou égale à sept ans d’emprisonnement pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est en cours. Ces conditions excluent donc qu’elle soit appliquée à des délinquants condamnés pour des délits de violences, de vol ou de trafic de stupéfiants.
La dangerosité de ces personnes justifie, aux yeux du Gouvernement, qu’elles soient soumises à des mesures de contrôle à l’issue de leur détention. L’objectif est très simple : il s’agit de limiter les risques de récidive.
Le Gouvernement propose donc, par cet amendement, d’étendre le champ de cette mesure à toutes les personnes condamnées une nouvelle fois en état de récidive légale à une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans.
Concrètement, cela signifie que ces condamnés, s’ils n’ont bénéficié d’aucun aménagement de peine et si une expertise a conclu à leur dangerosité, pourront être placés sous le contrôle d’un juge dès leur libération. Ils pourront se voir imposer un certain nombre d’obligations, notamment le port d’un bracelet électronique. L’objectif, vous le comprenez, est d’éviter une sortie « sèche » de délinquants condamnés pour des infractions graves en prolongeant leur surveillance hors des murs de la prison.
Le présent amendement prévoit d’élargir le champ de la surveillance judiciaire aux personnes condamnées à une peine de prison effective de cinq ans ou plus lorsque ces personnes ont précédemment été condamnées pour un même crime ou un même délit commis pour la troisième fois.
Dans la mesure où la surveillance judiciaire est strictement limitée dans le temps à une durée équivalente aux réductions de peines obtenues par le condamné et qu’elle constitue une « modalité d’exécution de la peine », comme l’a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision du 8 décembre 2005, cette extension de son champ aux multirécidivistes ne paraît pas soulever de difficulté juridique. Elle constituera, en outre, un outil supplémentaire permettant à l’autorité judiciaire de mieux lutter contre la récidive.
La commission des lois a donc donné un avis favorable.
Au fond, il s’agit là d’une peine qui succède à la peine. Certes, cela existe déjà, mais, avec cet amendement, on étend le champ d’application puisqu’on abaisse le seuil. Autrement dit, on en « rajoute » encore un peu.
Cela m’inspire deux réflexions.
Premièrement, à quoi sert la prison ? Finalement, ce qu’on nous dit, c’est que, lorsqu’une personne est libérée après sept ou, désormais, cinq ans de prison, il faut lui mettre un bracelet électronique pour continuer à la surveiller, ce qui signifie que toutes les actions qu’on a pu conduire à l’intérieur de la prison n’ont servi à rien.
Ce débat avait déjà eu lieu dans cet hémicycle il y a un peu plus d’un an, au sujet de la loi pénitentiaire. Nous avons alors été quasiment unanimes à souhaiter que la prison ne serve pas seulement à punir – car elle doit servir à punir, je le dis nettement –, mais qu’elle serve aussi à prévenir, et que donc, notamment, elle favorise l’insertion.
C’est tout de même un aveu d’échec que de maintenir une surveillance au bout de tant d’années de prison. C’est admettre que ce qui s’est passé en prison n’a eu, en termes d’insertion, aucun résultat.
Ma seconde observation concerne la démarche même du Gouvernement. Je ne comprends pas – ou je comprends trop bien – pourquoi on ne veut pas conserver une vision générale du code de procédure pénale. Il est tout de même assez extraordinaire que, d’un côté, le garde des sceaux soit en train de travailler à une réforme du code de procédure pénale, et que, de l’autre, par petits morceaux, on modifie plusieurs dispositions de ce même code, alors qu’il n’y a pas d’urgence manifeste à ravaler certaines parties de ce code avant d’avoir l’architecture d’ensemble de sa réforme.
Il est effectivement tout à fait déplorable que le code de procédure pénale soit modifié ainsi par petits bouts.
Là, il ne s’agit plus d’une horreur contre laquelle nous devrions à tout prix faire quelque chose ; il s’agit seulement d’en mettre encore un peu plus dans la peine après la peine.
Au fond, il y a quelques membres de la majorité qui ont pensé qu’il était possible d’améliorer les prisons, de les rendre plus efficaces, c’est-à-dire de faire en sorte qu’on n’y entre pas pire qu’on y est entré. Ils ont été mollement suivis… Du reste, on ne peut pas dire que la loi pénitentiaire, qui contient donc malgré tout quelques avancées, soit mise en œuvre rapidement.
À côté de ceux-là, il y a tous ceux qui ne croient nullement à une amélioration de la prison et qui, au contraire, réclament toujours plus de prison, ou de surveillance après la prison, et le plus longtemps possible.
Quoi qu’il en soit, puisque la garde des sceaux prépare depuis déjà pas mal de temps une réforme du code de procédure pénale, nous n’allons pas, ici, commencer à le détricoter ou le retricoter !
Je dirai la même chose au sujet de l’amendement suivant, qui est franchement « fort de café » puisqu’il tend, par le biais de cette loi, à casser la justice des mineurs alors même qu’une discussion globale doit s’engager sur ce thème.
Permettez-nous de vous rappeler, monsieur le ministre, que nous sommes le législateur. N’agissez donc pas comme si nous étions quasiment inutiles ! Nous allons bientôt être appelés à examiner une réforme de la procédure pénale et de la justice des mineurs, ce qui prendra nécessairement un certain temps. Alors, de grâce, ne nous forcez pas la main en cherchant à nous faire adopter sans attendre des dispositifs qui, une fois encore, n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.
Cet amendement vise à limiter le risque de récidive. Il est donc bienvenu.
Nous ne parlons pas ici de primo-délinquants, mais de délinquants d’habitude, ceux-là mêmes qui amènent la population à douter de l’efficacité de l’action des pouvoirs publics : comment ces gens-là, qui ont déjà été sanctionnés une fois, deux fois, trois fois, peuvent-ils continuer ?
Nous, nous sommes pour l’action. Nous ne sommes pas pour la philosophie ou la théorie.
Nous sommes pour la protection de nos concitoyens, notamment en nous opposant à ceux qui ont déjà commis une infraction grave, qui ont été sanctionnés, mais qui recommencent. Ne trouvez-vous pas légitime que, contre ces gens-là, la société prenne un certain nombre de dispositions ?
Cet amendement est particulièrement équilibré puisqu’il vise des personnes en état de récidive légale et dont – condition supplémentaire – une expertise a établi la dangerosité.
Vous êtes donc en train de nous expliquer que, bien qu’une expertise ait conclu à leur dangerosité, il faudrait les relâcher dans la nature sans prendre aucune précaution ! C’est contraire au bon sens et à la raison !
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23.
L'amendement n° 388 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi modifiée :
1° La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 5 est complétée par les mots : « ou par la procédure de convocation en justice prévue par l'article 8-3 » ;
2° Après l'article 8-2, il est inséré un article 8-3 ainsi rédigé :
« Art. 8-3. - Le procureur de la République peut poursuivre un mineur devant le tribunal pour enfants dans les formes de l'article 390-1 du code de procédure pénale si des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires et si des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies, le cas échéant, à l'occasion d'une procédure antérieure à un an.
« La convocation précise que le mineur doit être assisté d'un avocat et, qu'à défaut de choix d'un avocat par le mineur ou ses représentants légaux, le procureur de la République ou le juge des enfants font désigner par le bâtonnier un avocat d'office.
« La convocation est également notifiée dans les meilleurs délais aux parents, au tuteur, à la personne ou au service auquel le mineur est confié.
« Elle est constatée par procès-verbal signé par le mineur et la personne visée à l'alinéa précédent, qui en reçoivent copie. »
La parole est à M. le ministre.
Il est nécessaire, dans les affaires les plus simples et pour les mineurs dont la personnalité a déjà fait l’objet d’investigations, notamment à l’occasion de procédures remontant à moins d’un an, que le procureur de la République puisse saisir directement le tribunal pour enfants.
Le sous-amendement n° 422, présenté par MM. Longuet et J. Gautier, est ainsi libellé :
Alinéa 5 de l'amendement n° 388 rectifié.
Après les mots :
pénale si des investigations
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
supplémentaires sur les faits ne sont pas nécessaires et si ce mineur a déjà été jugé dans les six mois précédents pour des infractions similaires ou assimilées et qu'à cette occasion, tous les renseignements utiles sur sa personnalité et son environnement social et familial ont déjà été recueillis.
La parole est à M. Gérard Longuet.
Ce sous-amendement vise à préciser que le procureur de la République peut convoquer un mineur délinquant directement devant le tribunal pour enfants sans passer par une phase préalable de mise en examen par le juge des enfants dès lors que le mineur a été jugé dans les six mois précédents pour des infractions similaires ou assimilés.
L’intervention du juge des enfants permet de mieux connaître la personnalité du mineur délinquant. En effet, le juge s’efforce de trouver dans son mode de vie et son environnement les raisons qui peuvent expliquer sa fragilité, sa faiblesse, ses tentations. On peut considérer que, si le mineur a été jugé pour des infractions similaires ou assimilées dans les six mois précédents, le dossier est le même : cela permet de gagner du temps. Tous les pénalistes savent en effet que la rapidité de la justice – sans que cette justice soit pour autant expéditive – permet aux délinquants les plus jeunes et les plus faibles de mieux établir le lien entre le délit et la peine.
Je saisis l’occasion qui m’est ici donnée pour répondre à notre collègue Jean-Pierre Sueur.
J’ai été membre de la commission des lois à l’Assemblée nationale, puis au Sénat. Je peux donc comprendre et partager la culture juridique des commissaires.
Cela étant, je préside un groupe que les électeurs ont voulu important – c’est même le plus important du Sénat –, mais dont tous les membres ne siègent pas à la commission des lois. Le fait qu’ils s’expriment avec conviction et parfois même avec passion, comme notre ami Louis Nègre, montre leur volonté d’apporter rapidement des solutions aux problèmes qui préoccupent nos compatriotes.
Vous le savez, monsieur Sueur, ces situations sont vécues douloureusement dans un trop grand nombre de villes, même si, comme M. Hortefeux l’a rappelé, le taux d’élucidation a singulièrement progressé et les actes violents ont nettement diminué. Il faut dire que, depuis 2002, il y a une cohérence dans l’action dont vous êtes aujourd’hui le prolongateur, monsieur le ministre.
Il n’est pas donc pas anormal, cher collègue, que nous recherchions des synthèses. Les membres de mon groupe se sont efforcés, comme c’est leur responsabilité et leur devoir, de travailler avec l’exécutif pour essayer de rapprocher les points de vue. Ce n’est pas désavouer ou abaisser la fonction parlementaire que de débattre au sein d’un groupe à partir du texte de la commission – j’imagine que le groupe socialiste a aussi des débats –, puis de rechercher des solutions constructives permettant aux uns et aux autres de mieux se comprendre. Si nous n’agissions pas ainsi, vous pourriez nous accuser d’être suivistes vis-à-vis de l’exécutif ou d’être indifférents à son action. Nous ne sommes ni l’un ni l’autre. Notre groupe défend simplement ses convictions.
Je voudrais terminer par une observation.
Nous sommes, vous et nous, par définition, puisque nous sommes sénateurs, défenseurs du bicamérisme. Nous entendons être respectés par l’Assemblée nationale, mais nous devons également respecter celle-ci, notamment en lui permettant d’avoir un débat dont la jurisprudence, dite « de l’entonnoir », du Conseil constitutionnel pourrait la priver.
C’est parce que nous avons nos convictions et que nous respectons l’Assemblée nationale que nous avons présenté des amendements qui, ne vous en déplaise, monsieur Sueur, permettent de faire progresser le travail législatif au service de nos compatriotes.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.
L’amendement n° 388 rectifié tend à étendre aux mineurs la procédure de convocation par officier de police judiciaire – OPJ – aujourd’hui applicable aux seuls majeurs.
Pendant longtemps, le seul mode de poursuite possible contre les mineurs était l’ouverture d’une information judiciaire afin que le juge d’instruction ou le juge des enfants puisse mettre en œuvre, avant le jugement, des investigations sur la personnalité du mineur et des mesures éducatives provisoires.
Face à l’évolution de la délinquance des mineurs et à l’exigence de sanctionner rapidement les infractions commises par ces derniers, des procédures ont été créées afin d’accélérer les procédures de jugement.
Depuis 1996, la convocation par OPJ aux fins de jugement permet au parquet de convoquer par OPJ un mineur devant le juge des enfants, ce dernier ne pouvant toutefois prononcer que des mesures éducatives.
La loi du 5 mars 2007 a réformé la procédure de présentation immédiate, inspirée de la procédure de comparution immédiate applicable aux majeurs, mais en l’assortissant d’un certain nombre de garanties supplémentaires.
L’amendement n° 388 rectifié vise à étendre les outils dont dispose le parquet pour obtenir le jugement rapide d’un mineur délinquant par le tribunal pour enfants en ouvrant au procureur de la République la possibilité de convoquer un mineur par OPJ lorsque les faits sont clairs et que le parquet dispose déjà d’éléments récents sur la personnalité du mineur.
Cet amendement a posé un certain nombre de difficultés à la commission des lois.
Sur le fond, il étend à l’ensemble des mineurs, sans aménagement ni distinction d’âge, la procédure de convocation par OPJ applicable aux majeurs.
Le sous-amendement n° 422 apporte une amélioration en restreignant le champ de l’amendement au cas où le mineur a déjà été jugé pour des faits similaires au cours des six mois précédents.
À titre personnel, je suis très favorable à ce sous-amendement. Cependant, je dois dire que la commission a émis un avis défavorable.
Par ce dispositif, vous nous proposez un bouleversement profond de la justice des mineurs. De manière aussi prompte que soudaine – l’amendement date en effet de la semaine dernière et le sous-amendement d’il y a quelques heures –, vous voulez rompre avec l’inspiration du Conseil national de la Résistance, à laquelle vous vous référez pourtant bien souvent, et c’est heureux.
Cette inspiration n’est pourtant pas caduque et elle contient une vérité vieille comme le monde : un enfant n’est pas un adulte en miniature. Il faut donc se soucier de ce qu’il est, de ce qu’il va devenir, en ayant une obsession : lui proposer une insertion, lui offrir une formation. Ces considérations sont donc forcément différentes de celles qui s’attachent à un adulte.
J’ai essayé de comprendre pourquoi vous vouliez introduire un tel bouleversement.
Vous défendez l’idée selon laquelle il faut faire vite parce qu’une justice bien comprise est une justice rapide. Cet argument peut effectivement être envisagé, je le reconnais bien volontiers. Néanmoins, il existe déjà une procédure permettant de présenter rapidement un mineur au juge des enfants. Elle pourrait être utilisée plus fréquemment. Si l’on n’y a pas recours plus souvent, si les dossiers sont si longs à traiter, c’est peut-être, pardonnez-moi de le dire, pour une raison triviale : le manque de moyens. Lorsqu’on dote la justice française d’un budget qui est le trente-troisième ou le trente-cinquième d’Europe, il ne faut pas s’étonner ensuite que notre justice soit plus lente qu’ailleurs. Il y avait donc peut-être d’autres solutions à trouver !
Le danger de cette rupture, qui n’est pas complètement écarté par le sous-amendement, est que le juge statuera sur le cas d’un mineur sans connaître exactement sa situation. Vous prévenez l’argument en disant que seuls seront ainsi traités les cas des mineurs ayant fait l’objet d’une condamnation dans les six mois précédents, ce qui aura donné lieu à un dossier étayé sur leur personnalité et leur environnement.
Mais vous oubliez une chose : si la condamnation date de six mois, l’infraction, elle, est plus ancienne. Or le propre d’un mineur est d’avoir une personnalité qui évolue rapidement. Si vous dressez son portrait psychologique au mois de janvier, vous ne pouvez pas être sûr que ce portrait sera encore exact au mois de juillet.
De plus, vous touchez là à un domaine qui est celui du ministère de la justice. Vous venez piétiner les plates-bandes de la garde des sceaux au moment même où celle-ci, Mme Borvo le rappelait, décide d’engager une réforme de l’ordonnance de 1945. Ne serait-il pas plus cohérent d’aborder la justice des mineurs dans le cadre de cette réforme, en prenant tout le temps nécessaire ? Nous verrions alors si, oui ou non, elle doit être modifiée. Pourquoi, monsieur le ministre, engagez-vous ainsi une sorte de course-poursuite avec votre collègue du Gouvernement ?
On est vraiment tenté, à propos de cet amendement, de retourner au Gouvernement les arguments qu’il nous oppose au sujet de la garde à vue.
En effet, pourquoi retoucher l’ordonnance de 1945 alors qu’une réforme globale devant aboutir à un code de la justice des mineurs est prévue ? Pourquoi le Gouvernement ne s’applique-t-il pas à lui-même les principes qu’il nous impose s’agissant de la réforme de la procédure pénale ?
L’amendement du Gouvernement et le sous-amendement de M. Longuet me conduisent à poser une question simple : est-il concevable que l’on ne prenne pas le temps d’évaluer la personnalité, la situation familiale, sociale et scolaire de l’enfant avant de le traduire devant la justice ?
Loin de moi de sous-estimer l’exaspération ressentie par les policiers, le découragement exprimé par les éducateurs et les juges devant ces mineurs qui leur sont présentés à intervalles réguliers pour des faits dont la gravité tient d’abord à leur répétition même. Loin de moi de nier l’irritation que peut susciter le sentiment d’impunité éprouvé par certains d’entre eux. Il faut ici le redire : chaque fait délictueux doit être sanctionné. Cependant, la sanction doit être proportionnée, comprise et associer diverses mesures, des réparations, mais aussi des dispositifs éducatifs.
En outre, elle doit évidemment être signifiée dans des délais rapprochés. Faut-il pour autant refuser que les conditions permettant d’évaluer la situation réelle de l’enfant soient réunies ? Bien sûr que non. En refusant de traduire l’enfant devant le juge des enfants, en arguant du fait qu’il a été jugé quelques mois à peine avant le nouveau délit, vous empêchez de réunir les conditions permettant d’affirmer que sa situation n’a pas changé, que son environnement social et familial n’a pas évolué. Vous vous privez de permettre au tribunal de disposer des éléments suffisants pour conclure.
Beaucoup de choses, dans la vie d’un adolescent, peuvent se passer en six mois ou en un an. Il s’agit donc de disposer non pas d’éléments suffisants, mais de tous les éléments.
L’amendement qui nous est proposé constitue d’une certaine façon une offense au travail exigeant et difficile effectué par la protection judiciaire de la jeunesse. Ne court-circuitons pas ce travail nécessaire et fondamental, qui fait partie, je le crois, des principes fondamentaux de notre justice des mineurs. Les juges eux-mêmes insistent d’ailleurs beaucoup sur l’intérêt de voir les enfants de façon régulière. Ils les voient plus régulièrement que les policiers qui les interpellent ou que les juges qui les verront en comparution immédiate.
Parce que nous ne pensons pas possible de modifier à ce point l’équilibre général de notre droit, nous voterons contre le sous-amendement n° 422 et contre l’amendement n° 388 rectifié.
Je ne pense pas du tout que le dispositif qui nous est proposé bouleverse fondamentalement notre justice des mineurs.
En revanche, je pense que, tel qu’il est modifié par le sous-amendement de M. Longuet, l’amendement du Gouvernement permet d’apporter un certain nombre de précisions utiles.
Je fais partie de ceux qui, au sein de la commission des lois, avaient voté contre l’amendement du Gouvernement : je considérais en effet qu’il n’était pas complet. Or le sous-amendement procède aux ajouts nécessaires.
Retenu dans les studios de RFI, je n’ai malheureusement pas pu assister à la réunion de la commission des lois de ce soir. Quoi qu'il en soit, dans quelques instants, je voterai en faveur du dispositif tel qu’il nous est désormais proposé.
J’estime en effet que la justice des mineurs doit prendre en compte deux éléments : d’une part, la personnalité du mineur, d’autre part, sa psychologie. Lorsqu’un mineur est jugé plusieurs mois après les faits, cela n’a plus de sens pour lui. À l’instar de la punition des parents, le jugement doit intervenir tout de suite après les faits, sinon il n’est pas compris du mineur, qui a en quelque sorte l’impression d’avoir été amnistié. La rapidité de la réponse pénale est donc souvent nécessaire.
Il fallait trouver un équilibre ; je pense que c’est le cas s’agissant de jeunes qui ont fait l’objet d’une condamnation récente et sur qui la justice dispose de tous les éléments.
J’ajoute que je suis un peu surpris par l’argument sur la fréquence des visites chez le juge des enfants. C’est oublier que le tribunal pour enfants est présidé par un juge des enfants. Pour le coup, madame Voynet, on pourrait vous reprocher de ne pas lui faire confiance ! Au vu des réquisitions du procureur de la République et des arguments de l’avocat, ce président aura en effet la possibilité de renvoyer l’affaire s’il estime que la convocation est précipitée. D’autres investigations pourront alors être menées s’il considère qu’elles sont nécessaires à une bonne administration de la justice.
Faisons donc confiance au tribunal pour enfants qui sera saisi. S’il juge que le recours à cette procédure est justifié, car elle permet au jeune de comprendre qu’il est sanctionné pour ce qu’il vient de faire, il la mettra en œuvre. Au contraire, s’il considère qu’il ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour statuer immédiatement, il saura procéder, comme il le fait dans toute procédure, par un renvoi afin d’obtenir des éclaircissements supplémentaires.
Par conséquent, le vote de cet amendement et de ce sous-amendement ne pose aucune difficulté. §
Cette fois-ci, on invoque non plus Cicéron ou la Préhistoire, mais le Conseil national de la Résistance ! Or nous ne sommes plus ou dans l’immédiat après-guerre ! Nous ne sommes plus en 1945 ! Depuis, mes chers collègues, le monde a changé, il a évolué !
Nous avons aujourd'hui affaire à des mineurs qui sont malheureusement différents de ceux de la fin des années quarante ou des années cinquante. La société doit gérer le problème non seulement des majeurs récidivistes, mais également des délinquants mineurs récidivistes.
Le sous-amendement qui nous est soumis a manifestement été élaboré avec une attention toute particulière et il me paraît particulièrement équilibré.
Que fait-on face à des mineurs délinquants récidivistes ? Je constate que la procédure qui nous est proposée concerne des mineurs venant d’être jugés, donc des récidivistes.
Dès lors que ces enfants ont été jugés, c’est qu’on leur a expliqué qu’il ne fallait pas qu’ils recommencent. J’ai été assesseur dans un tribunal pour enfants pendant des années et je me souviens que c’est ce que faisaient le président du tribunal et les assesseurs : ils parlaient avec les enfants. Or ces jeunes recommencent. C’est bien que le message n’est pas totalement passé ! Certes, on peut repartir pour un cycle complet, qui prendra encore une fois plus d’un an, et pendant lequel le mineur se dira : « Tiens, il ne se passe rien, tout va très bien ! ». Mais ce n’est pas ainsi que l’on fait évoluer un mineur : il faut marquer un coup d’arrêt.
J’ajoute, à l’intention de ceux de nos collègues qui n’ont manifestement pas bien lu ce qui nous est proposé, que cette procédure ne pourra être mise en œuvre que si trois conditions cumulatives sont réunies.
Il me semble que ce dispositif permettra de faire face à une réalité que l’on ne rencontre pas sous les ors du palais du Luxembourg, mais à laquelle nous sommes confrontés sur le terrain.
M. Jacques Mézard. Je crois que notre excellent collègue Louis Nègre a une vision kafkaïenne de la justice.
Sourires
Cet amendement et ce sous-amendement, qui nous sont soumis tardivement – le sous-amendement a été déposé ce soir –, remettent en cause l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.
Le but est de faire ne sorte que la justice des mineurs soit rendue le plus vite possible afin que le jeune délinquant prenne rapidement connaissance de la décision du tribunal et, en cas de sanction, que celle-ci soit appliquée peu après la commission des faits.
Mais on entend aussi souvent l’argument contraire. On a en effet constaté, dans les procédures concernant des enfants, qu’il arrivait que le juge traîne volontairement un peu, parfois en raison de difficultés de greffe, parfois parce qu’il a à traiter un nombre d’affaires important, mais aussi, dans certains cas, parce qu’il souhaite voir de quelle façon l’enfant va évoluer pendant un certain nombre de mois. Puisque vous avez été assesseur, monsieur Nègre, vous vous en êtes certainement rendu compte.
J’en viens maintenant au sous-amendement. J’aimerais que ses auteurs m’apportent des précisions sur ce que sont juridiquement des « infractions similaires ou assimilées », car elles ne sont pas énumérées.
La question ne s’adressait pas à moi, mais j’y répondrai tout de même.
M. Jean-Pierre Sueur. Parce que vous n’êtes pour rien dans la rédaction du sous-amendement ?...
Sourires
Pour illustrer la notion d’infractions similaires ou assimilées, on peut prendre l’exemple du vol et du recel.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23.
L'amendement n° 415, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 34-3 du code des postes et des communications électroniques est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces terminaux devront être bloqués dans un délai de quatre jours ouvrés à compter de la réception par l'opérateur concerné de la déclaration officielle de vol, transmise par les services de police ou de gendarmerie. »
La parole est à M. le ministre.
Le vol de téléphones portables, qui devient, chacun le sait, un phénomène extrêmement massif – il y a eu 157 000 vols de téléphones portables déclarés au cours de l’année 2009 –, appelle une réaction.
En l’état actuel du droit, la victime d’un vol de téléphone portable appelle l’opérateur le plus rapidement possible afin de bloquer la puce de son appareil. Cette opération présente l’avantage non négligeable de l’exonérer du paiement de l’usage frauduleux qui peut être fait de sa ligne. En revanche, le téléphone portable reste, lui, toujours utilisable et peut donc être vendu, en France ou à l’étranger.
Le blocage pur et simple du téléphone apparaît incontestablement aujourd'hui comme la meilleure solution. En effet, une fois bloqué, le téléphone volé ne pourra plus être utilisé, faute d’accès au réseau des opérateurs sur le territoire national.
Il faut le savoir, un blocage de cette nature existe déjà, mais il nécessite que la victime dépose une plainte auprès d’un service de police en précisant certaines données techniques du téléphone et qu’elle adresse ensuite le procès-verbal à l’opérateur. Sur la base des expériences récentes, il apparaît que le tiers des victimes n’informe pas les opérateurs de tels vols.
Je propose donc que l’opérateur de téléphonie mobile bloque automatiquement le téléphone dans un délai de quatre jours ouvrés à compter de la transmission de la déclaration officielle de vol par les services de police ou de gendarmerie.
Au demeurant, une telle mesure n’occasionnera pas de frais supplémentaires pour les opérateurs, avec lesquels nous avons longuement discuté de cette mesure.
Je précise en outre que notre proposition concerne environ 80 % de la délinquance constatée en la matière. En clair, cette mesure devrait empêcher le recel des téléphones volés.
On peut établir un parallèle entre le dispositif que nous vous proposons d’instituer aujourd'hui et, en d’autres temps, l’installation d’autoradios codés dans les voitures.
Vous le voyez, il s’agit avant tout d’une mesure pratique.
Le présent amendement tend à simplifier la procédure de blocage des téléphones volés, afin d’empêcher leur utilisation ultérieure.
Jusqu’à présent, l’opérateur ne bloquait le téléphone, en plus de la carte SIM, que si la victime lui faisait parvenir le procès-verbal de sa déclaration de vol. Désormais, la police et la gendarmerie transmettront directement la déclaration de vol à l’opérateur, qui devra bloquer le téléphone dans un délai de quatre jours.
Cette disposition devrait permettre de mieux lutter contre le vol de téléphones portables.
La commission a émis un avis très favorable sur cet amendement.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23.
(Suppression maintenue)
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 10 septembre 2010 à neuf heures trente, à quatorze heures trente, le soir et la nuit :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (n° 518, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois (n° 517, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 518, 2009-2010).
Avis de M. Jean Faure, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 480, 2009-2010).
Avis de M. Aymeri de Montesquiou, fait au nom de la commission des finances (n° 575, 2009 2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.