Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 9 septembre 2010 à 21h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Articles additionnels après l'article 23, amendement 389

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Tout à l’heure, pendant l’intervention de Jean Desessard, j’ai entendu quelqu’un, sur les travées de l’UMP, dire de manière particulièrement acerbe : « Le malaise social, le malaise social… Quand quelqu’un commet un viol, ce n’est tout de même pas du malaise social ! »

Mes chers collègues, je vous pose la question : quel est donc le violeur que la perspective d’une peine lourde suffirait à dissuader, quand la psychiatrie pénitentiaire est en loques, que la prise en charge en prison est inexistante et que le suivi à la sortie reste largement théorique ? Quel est le violeur que la perspective d’une peine lourde convaincrait de changer son regard sur les femmes et de ne plus les « chosifier » ? Quel est l’homme ou la femme qu’une période de sûreté de vingt-deux ans n’aurait pas suffi à dissuader de commettre un crime, mais qui serait pris d’effroi à la perspective d’encourir une période de sûreté de trente ans, au point de remettre en cause son funeste projet ?

L’amendement n° 389 instaure une période de sûreté de trente ans ou une peine perpétuelle incompressible pour les assassins de personnes dépositaires de l’autorité : policiers, gendarmes, magistrats, etc.

Je ne conteste évidemment pas la nécessité de lutter de manière implacable contre les assassinats de membres de nos forces de police, de gendarmerie ou de l’administration pénitentiaire : ce sont des crimes qui, au-delà du chagrin et de la souffrance qu’ils provoquent chez les proches des victimes, constituent en eux-mêmes une négation de l’ordre républicain.

Toutefois, il ne faudrait pas, une fois de plus, légiférer sous le coup de l’émotion. L’amendement qui nous est proposé est la transposition d’une déclaration que le Président de la République a faite à la suite de la mort d’un policier de Dammarie-les-Lys. À cette occasion, M. Nicolas Sarkozy avait annoncé une peine de réclusion criminelle à perpétuité systématique, assortie d’une peine de sûreté incompressible de trente ans pour les assassins de policiers.

Il faut évidemment rappeler ici encore une fois que les peines automatiques n’existent pas en France, qu’elles sont contraires à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

D’ailleurs, chacun le sait, les peines dont il est question en l’espèce ne sont et ne seront ni automatiques ni systématiques, contrairement à ce que laisse penser le Président de la République, pourtant juriste.

Pour les meurtres de policiers ou de gendarmes, la peine encourue aujourd’hui est la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de vingt-deux ans. Même si elle est portée à trente ans, comme vous le souhaitez, rien ne pourra empêcher un jury populaire de ne pas suivre la peine encourue, et de prononcer, par exemple, une peine de quinze ou vingt ans.

Ainsi, la décision finale reviendra au juge, en vertu de son pouvoir d’individualisation de la peine, que vous le souhaitiez ou non.

La modification que vise à introduire le sous-amendement n° 421, ajoutant une circonstance aggravante à celle qui était déjà prévue par l’amendement du Gouvernement, ne suffit pas, à mes yeux, à rendre cette disposition constitutionnelle.

Vous l’aurez compris, nous ne voterons ni l’amendement n° 389 ni le sous-amendement n° 421, qui participent de l’instrumentalisation des faits divers que nous dénonçons depuis hier.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion