Intervention de Alain Anziani

Réunion du 9 septembre 2010 à 21h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Articles additionnels après l'article 23

Photo de Alain AnzianiAlain Anziani :

Par ce dispositif, vous nous proposez un bouleversement profond de la justice des mineurs. De manière aussi prompte que soudaine – l’amendement date en effet de la semaine dernière et le sous-amendement d’il y a quelques heures –, vous voulez rompre avec l’inspiration du Conseil national de la Résistance, à laquelle vous vous référez pourtant bien souvent, et c’est heureux.

Cette inspiration n’est pourtant pas caduque et elle contient une vérité vieille comme le monde : un enfant n’est pas un adulte en miniature. Il faut donc se soucier de ce qu’il est, de ce qu’il va devenir, en ayant une obsession : lui proposer une insertion, lui offrir une formation. Ces considérations sont donc forcément différentes de celles qui s’attachent à un adulte.

J’ai essayé de comprendre pourquoi vous vouliez introduire un tel bouleversement.

Vous défendez l’idée selon laquelle il faut faire vite parce qu’une justice bien comprise est une justice rapide. Cet argument peut effectivement être envisagé, je le reconnais bien volontiers. Néanmoins, il existe déjà une procédure permettant de présenter rapidement un mineur au juge des enfants. Elle pourrait être utilisée plus fréquemment. Si l’on n’y a pas recours plus souvent, si les dossiers sont si longs à traiter, c’est peut-être, pardonnez-moi de le dire, pour une raison triviale : le manque de moyens. Lorsqu’on dote la justice française d’un budget qui est le trente-troisième ou le trente-cinquième d’Europe, il ne faut pas s’étonner ensuite que notre justice soit plus lente qu’ailleurs. Il y avait donc peut-être d’autres solutions à trouver !

Le danger de cette rupture, qui n’est pas complètement écarté par le sous-amendement, est que le juge statuera sur le cas d’un mineur sans connaître exactement sa situation. Vous prévenez l’argument en disant que seuls seront ainsi traités les cas des mineurs ayant fait l’objet d’une condamnation dans les six mois précédents, ce qui aura donné lieu à un dossier étayé sur leur personnalité et leur environnement.

Mais vous oubliez une chose : si la condamnation date de six mois, l’infraction, elle, est plus ancienne. Or le propre d’un mineur est d’avoir une personnalité qui évolue rapidement. Si vous dressez son portrait psychologique au mois de janvier, vous ne pouvez pas être sûr que ce portrait sera encore exact au mois de juillet.

De plus, vous touchez là à un domaine qui est celui du ministère de la justice. Vous venez piétiner les plates-bandes de la garde des sceaux au moment même où celle-ci, Mme Borvo le rappelait, décide d’engager une réforme de l’ordonnance de 1945. Ne serait-il pas plus cohérent d’aborder la justice des mineurs dans le cadre de cette réforme, en prenant tout le temps nécessaire ? Nous verrions alors si, oui ou non, elle doit être modifiée. Pourquoi, monsieur le ministre, engagez-vous ainsi une sorte de course-poursuite avec votre collègue du Gouvernement ?

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