Monsieur le président, mes chers collègues, comment pouvons-nous en cet instant reprendre comme si de rien n’était l’examen du projet de loi « Grenelle I », alors que nos concitoyens manifestent dans toutes les villes de notre pays et que la mobilisation est d’une ampleur quasi inédite ?
Monsieur le secrétaire d’État, votre gouvernement fait preuve d’une certaine contradiction en soutenant simultanément les orientations du Grenelle de l’environnement et la révision générale des politiques publiques, la RGPP.
Pour vous en convaincre, je ne vous donnerai qu’un exemple. Vous avez rayé de la carte judiciaire des tribunaux installés de longue date dans certaines villes, mais avez-vous effectué le bilan carbone des déplacements – parfois cent kilomètres – auxquels les justiciables sont aujourd'hui contraints s’ils veulent se faire entendre par une juridiction et pouvoir obtenir gain de cause ? C’est en véritable déménagement du territoire dont les conséquences sont en contradiction avec les orientations du Grenelle.
Le Gouvernement va devoir choisir entre la RGPP et le « Grenelle ».
Par ailleurs, si la mobilisation est si importante aujourd’hui dans notre pays, c’est bien parce que le volet social du pacte de relance manque cruellement.
Quelles sont les priorités de nos concitoyens ? Le pouvoir d’achat et le logement.
Je ne renie pas les investissements réalisés en faveur de la production. Il faut bien sûr investir, en particulier pour l’avenir. Ce n’est pas moi, adepte de la recherche et développement, qui dirai le contraire. Mais, s’il n’y a pas de demande, à quoi sert le soutien à la production ? À l’heure actuelle, nous ne pouvons que constater l’importance des stocks de voitures alignées dans les parkings de nos constructeurs.
Mieux vaudrait s’intéresser au pouvoir d’achat et permettre au moins à nos concitoyens de se nourrir. Or vous savez tous dans quelles proportions la fréquentation de l’ensemble des institutions caritatives – les Restos du Cœur, le Secours populaire, notamment – a augmenté.
Et que penser de ces travailleurs pauvres qui n’arrivent ni à nourrir correctement leur famille ni à payer leur loyer, notamment à la suite de la « bulle » immobilière que nous avons connue ? C’est tout simplement immoral !
Dans un tel contexte, comment continuer, aussi calmement, aussi sereinement, la mise en œuvre de la RGPP, et nous soumettre ce projet de loi, dont par ailleurs nous partageons les objectifs ? Il y a là une contradiction formelle, et les habitants de notre pays la ressentent sur le terrain. C’est pourquoi ils manifestent aujourd’hui.