Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 29 janvier 2009 à 15h00
Mise en œuvre du grenelle de l'environnement — Article 10

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 10 vise le développement de l’usage du ferroviaire pour le transport des marchandises et insiste sur le caractère prioritaire qui doit être accordé à ce développement.

On ne peut qu’approuver ces objectifs, qui chiffrent l’augmentation de la part de marché du non-routier figurant au II, même si des précisions, telles l’année de référence et l’exclusion du mode aérien, peuvent être utilement ajoutées, et qui annoncent, aux termes du I, la prise en compte des enjeux économiques et territoriaux dans les choix d'investissements de l'État en matière d'infrastructures.

Une vision globale et de long terme est en effet absolument nécessaire dans l’appréhension de la notion de bénéfice, qui doit inclure l’intérêt environnemental et l’intérêt économique pour le maintien et le développement des bassins de vie dont dépendent emploi et pouvoir d’achat.

Or, s’agissant du fret de proximité et de la gestion des wagons isolés, ces objectifs suscitent certaines questions.

Si le recours aux opérateurs de proximité est prévu, et même encouragé au septième alinéa de l’article, il laisse cependant dubitatif, dès lors que l’ouverture à la concurrence livrerait le secteur aux seuls critères de rentabilité financière de court terme. Pour quelles raisons un opérateur privé irait-il s’intéresser à un secteur déficitaire et déserté par la SNCF précisément en raison de son caractère non rentable ? Rappelons la fermeture de 262 gares de fret en 2007.

J’illustrerai mon propos par un exemple concret, précis, significatif.

Une société du groupe Bayer implantée à Marle, bourg rural de 2 500 habitants, utilise depuis bientôt trente ans le transport ferroviaire pour l’approvisionnement par wagons isolés, à partir de l’Allemagne, de son site axonais. La ligne empruntée, de faible trafic, est mixte et permet le transport de voyageurs et de fret.

Après avoir menacé de réduire fortement la fréquence des services, voire de supprimer purement et simplement toute approche de proximité voilà quelques années, la SNCF vient d’informer l’entreprise d’une forte majoration des tarifs justifiée par la faible rentabilité du service rendu. Cette décision ne prend pas en compte les investissements réalisés par Bayer afin d’assurer la réception des wagons ou encore l’augmentation du trafic propre de l’usine.

Nous mesurons les conséquences d’une telle décision.

Tout d’abord, d’un point de vue économique, l’entreprise concernée est placée dans une situation injustement défavorable vis-à-vis de la concurrence.

Par ailleurs, eu égard à l’aménagement du territoire, les bassins de vie à faible densité de population doivent-ils être abandonnés et devenir les déserts déjà évoqués dans cette assemblée, en particulier ce matin, alors que la qualité et la disponibilité de la main-d’œuvre locale rendent nombre d’entreprises rurales réactives et performantes ?

Il demeure de toute évidence un long chemin à parcourir de l’intention qui anime le projet de loi « Grenelle I » dont nous discutons aujourd’hui à la réalité des pratiques.

Puisse donc la SNCF adopter une démarche qui ne tourne pas le dos radicalement et définitivement aux notions d’aménagement du territoire et de service public !

Puisse donc la SNCF intégrer dans ses schémas de développement les fortes orientations contenues dans ce projet de loi, en particulier dans son article 10 !

Nous reviendrons, certes, sur ce sujet la semaine prochaine lors de l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires. Un système de péréquation intégrant des impératifs de service public pourra être étudié à cette occasion. Mais c’est bien dans ce « Grenelle » que la volonté politique de sauver nos territoires de la désertification – on a évoqué la carte militaire, la carte hospitalière et, encore à l’instant, la carte judiciaire – doit être inscrite maintenant.

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