Je souhaite répondre aux orateurs qui viennent de s’exprimer et m’adresser à l’ensemble de la Haute Assemblée pour faire le point sur le contenu de cet article 11, dont vous poursuivrez la discussion demain, mesdames, messieurs les sénateurs.
Monsieur le rapporteur, j’ai bien compris les craintes qui sont les vôtres. Je sais que la ligne 4 de la SNCF, qui part de la gare de l’Est et va jusqu’à Bâle, traverse le département dont vous êtes l’élu.
Vous avez souligné qu’il y avait les lignes TGV et les autres. Il est vrai que nous devons aujourd'hui prendre en compte à la fois le réseau à grande vitesse, les TER, pour lesquelles les régions – j’en ai nommé quelques-unes, mais j’aurais pu les citer toutes – consentent d’importants efforts d’investissement, et les autres lignes. M. Bizet évoquait tout à l'heure celles qui traversent la Normandie, notamment le Paris-Granville, mais on pourrait citer également certaines lignes transversales, comme le Nantes-Lyon, par exemple.
Il ne doit pas y avoir, d'une part, les lignes à grande vitesse, et, d'autre part, le désert ferroviaire français ! D’où l’importance du travail accompli par tous les conseils régionaux dans ce domaine. D’où aussi la nécessité de maintenir une présence sur les lignes transversales classiques : je pense aux liaisons Bordeaux-Nantes et Tours-Lyon, entre autres.
Nous avons signé récemment avec Réseau ferré de France un contrat de performance portant sur 13 milliards d'euros. Cet accord, d’une ampleur inusitée, vise à accélérer la régénération du réseau ferroviaire sur l’ensemble des lignes que je viens d’évoquer, en particulier les transversales et les dorsales qui subsistent.
Nous nous occuperons également de la réfection des caténaires, car nous nous sommes aperçus, à l'occasion d’événements récents, qu’elles posaient quelques problèmes. J’ai donné des instructions très précises aux présidents de RFF et de la SNCF pour accélérer le travail de rénovation des caténaires dans le cadre de ce contrat.
Enfin, monsieur le rapporteur, vous savez déjà que, lors de son déplacement à Provins, la semaine dernière, le Président de la République a indiqué l’intérêt qu’il portait à l’électrification de la liaison Paris-Troyes, cette ligne 4 qui vous est si chère.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais à présent faire le point sur la situation de l’ensemble des lignes TGV, ce qui me permettra de répondre aux questions de Mme Alquier, de M. Roland Courteau et des autres orateurs.
Le projet LGV Sud Europe Atlantique, tout d'abord, est particulièrement important. Au total, il représente quelque 13 milliards d'euros et prévoit la construction, autour du tronçon central Tours-Bordeaux, des sections Poitiers-Limoges, Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Hendaye, cette dernière ligne s’étendant donc jusqu’à la frontière espagnole.
Ce projet est porté par un partenariat public privé, pour lequel un appel à candidature a déjà été lancé. Les prestataires sont en train d’être sélectionnés par Réseau ferré de France. Les dépenses qui relèvent du secteur public, soit 50 % du total, seront partagées pour moitié entre l’État et les collectivités territoriales.
J’ai demandé aux régions Aquitaine, Poitou-Charentes, Midi-Pyrénées et Centre – un petit tronçon de la ligne traverse cette dernière région au sud de Tours –, ainsi qu’aux départements concernés, de se prononcer avant la fin du mois de janvier et de signer un protocole d’intention.
Nombre de collectivités ont déjà délibéré. C’est le cas, notamment, de l’Aquitaine, de plusieurs départements, y compris celui dont je suis l’élu, de Midi-Pyrénées, dont le président, M. Martin Malvy, est très engagé dans ce projet, comme vous le savez, madame Alquier. D’autres suivront d'ailleurs dans cette région, comme M. Baylet me le confirmait ici même voilà quelques jours.
Nous commencerons donc par le tronçon Tours-Bordeaux, parce qu’il est le feeder, la ligne qui alimente le reste du réseau. La région Limousin, la ville de Limoges et le département de la Haute-Vienne ont accepté de financer la construction immédiate de cette section, afin, en quelque sorte, de s’assurer que le tronçon Poitiers-Limoges sera bien réalisé ensuite. En effet, celui-ci est très important pour la desserte du Limousin et pour la prolongation de la ligne TGV au-delà de Limoges, qui constitue un nœud ferroviaire central.
En ce qui concerne Toulouse, madame Alquier, il n’y a aucune ambigüité. C’est l’une des plus grandes villes de France non encore desservies par une ligne TGV ; en tout cas, la totalité de l’itinéraire Paris-Toulouse n’est pas une ligne à grande vitesse.
L’aéroport de Toulouse-Blagnac arrive par moment à la limite de la saturation, avec trente-sept vols à destination de Paris certains jours de l’année. Tous les vols nécessaires au programme Airbus et à l’entreprise EADS partent d'ailleurs de cet aéroport.
En outre, situé désormais au cœur de l’agglomération de Toulouse, cet aéroport n’a à l’évidence aucune possibilité de s’agrandir. De surcroît, personne, dans les départements limitrophes, ne veut d’un autre aéroport, ou plutôt chacun en approuve l’idée mais à condition qu’il soit implanté chez les autres, ce qui signifie qu’il n’y en aura pas ! La seule solution est donc de faire venir le TGV à Toulouse le plus vite possible.
Telle est notre priorité. Les travaux seront donc entrepris immédiatement après la réalisation du tronçon Tours-Bordeaux. Le Gouvernement s’est engagé sans ambiguïté sur ce point, car nous savons combien la desserte de la ville de Toulouse par le TGV est importante.
Le projet est prêt, nous sommes en train de le lancer, et j’espère que les travaux pourront commencer dès l’année prochaine sur le tronçon central Tours-Bordeaux.
En ce qui concerne la Bretagne et les Pays de Loire, la section qui reliera Le Mans à Rennes, avec un petit tronçon vers les pays de Loire, fera également l’objet d’un partenariat public-privé. Là encore, les collectivités ont accepté de partager les coûts pour moitié avec l’État. Les régions Bretagne et Pays de Loire se sont même portées garantes au cas où les autres collectivités plus petites ne paieraient pas. Le problème est donc réglé, l’appel à candidature va être lancé, et les opérations vont démarrer ; Jean-Louis Borloo a signé un accord en ce sens au Mans voilà déjà quelques mois.
S'agissant de l’arc méditerranéen, évoqué par M. Roland Courteau, la première urgence est la construction du tronçon Nîmes-Montpellier, les gares de ces deux villes étant embouteillées par le trafic du TER et du fret.
Ensuite, viendra la ligne Montpellier-Perpignan. Vous savez d'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, que le tunnel prévu sous les Pyrénées est terminé. Malheureusement, nos amis espagnols ont pris du retard à Barcelone et à Gérone, et nous ne pourrons donc pas aller tout de suite à Barcelone à grande vitesse ; nous cherchons une solution de transition qui nous permette au moins d’accélérer les relations avec cette ville, grâce à des correspondances avec le réseau espagnol.
Un autre dossier est particulièrement complexe : le choix du tracé de la ligne à grande vitesse Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui est mentionnée dans le présent projet de loi. Comme vous le savez, il y a débat entre les partisans du tracé dit « nord », qui se séparerait de la ligne TGV Méditerranée à Aix et passerait plus au nord dans la plaine du Var, et les partisans d’un itinéraire dit « des métropoles », passant directement par Marseille, Toulon et Nice.
On sait que cette ligne est nécessaire. L’aéroport de Nice se trouve, lui aussi, dans une situation difficile. Le ministre d’État recevra l’ensemble des protagonistes et le Gouvernement devra prendre une décision sur le tracé et lancer les procédures nécessaires.
En ce qui concerne l’est de la France, le Premier ministre a indiqué très clairement que, dans le cadre du plan de relance, nous accélérerions la réalisation de la seconde phase du TGV Est européen, c'est-à-dire de la ligne allant de Baudrecourt en Lorraine jusqu’à Strasbourg.
Avec les Allemands, nous modernisons le pont de Kehl, ce qui devrait permettre de connecter le TGV Est avec la ligne à grande vitesse allemande à Kehl-Appenweier-Offenburg. Ainsi, la position de capitale européenne de Strasbourg serait préservée, car le trajet Francfort-Strasbourg ne durerait plus qu’une heure, sachant qu’il sera possible également d’aller à grande vitesse de Strasbourg à Mulhouse et à Bâle. D'ailleurs, il est important que la desserte aérienne de Strasbourg soit en quelque sorte confortée par le réseau TGV, du côté français, et ICE, du côté allemand.
Par ailleurs, nous sommes en train de réaliser la branche Dijon-Mulhouse du TGV Rhin-Rhône, qui constitue aujourd'hui l’un des plus grands chantiers de France.
Il s'agit d’une branche très intéressante, car elle est à la fois nord-sud et est-ouest. Elle permet d’accélérer le trajet Paris-Bâle-Zurich, le long d’une ligne qui part donc de Paris vers l’est, mais aussi de faciliter les communications nord-sud, c'est-à-dire d’aller plus rapidement de Strasbourg à Lyon. C’est d'ailleurs la première fois que, en France, on construit un TGV qui ne part pas de Paris !
Cette section sera prolongée par deux autres branches, prévues par le Grenelle de l’environnement : l’une ira vers Dijon ; l’autre permettra le grand contournement de Lyon. Ce dernier dossier est complexe, car plusieurs tracés sont envisagés ; mais ce qu’on appelle le CFAL, c'est-à-dire le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise, devrait être mené à bien, par l’est.
Le projet de loi prévoit également l’interconnexion sud des lignes à grande vitesse en Île-de-France. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, il manque un barreau entre Massy-Palaiseau et Villeneuve-Saint-Georges, les trains utilisant actuellement la grande ceinture ferroviaire, dont deux portions sont même à voie unique, sur laquelle circulent des TER, les trains franciliens, du fret, des TGV, ce qui pose d’importants problèmes !
Bien des collectivités demandent que l’on achève enfin le contournement de la région parisienne par une ligne qui partirait de Roissy, passerait à proximité d’Orly et relierait l’ensemble des réseaux existants au TGV. Il ne manque aujourd'hui que cette petite section, qui est très importante pour l’Île-de-France.
Enfin, un traité franco-italien a prévu la ligne Lyon-Turin. Les premières descenderies sont particulièrement importantes. Comme vous le savez, monsieur Repentin, le Grenelle mentionne les accès français au tunnel international, c'est-à-dire la sortie dans le Chablais, afin à la fois de saturer au maximum le tunnel existant, qui sera doté, grâce aux travaux en cours, d’un gabarit international, et de disposer d’une première sortie de TGV à l’est de Lyon.
Dans le cadre du programme supplémentaire de 2 500 kilomètres, nous avons en projet la ligne à grande vitesse reliant Paris, Orléans, Clermont-Ferrand et Lyon.
En effet, à certaines heures du jour, la liaison Paris-Lyon est saturée. Une amélioration de la signalisation permettrait un gain de quelques sillons, mais ce dernier s’avèrerait vite insuffisant, d’où l’idée d’une seconde ligne qui, grâce aux automotrices à grande vitesse plus rapides que les TGV actuels, relierait Paris à Lyon en deux heures.
Elle partirait de la gare d’Austerlitz, actuellement sous-employée, passerait à proximité de la capitale de la région Centre – Orléans –, avant de bifurquer vers l’est dans le Berry à un endroit restant à déterminer, monsieur Pointereau. Cette ligne améliorerait la desserte de Limoges et de Brive ; elle permettrait à Clermont-Ferrand de desservir, par des correspondances, le Massif central et toute une partie de la région Midi-Pyrénées.
Une étude est confiée aux préfets de région, et un débat public sera engagé.
La ligne vers Londres sera elle aussi, un jour ou l’autre, comme Paris-Lyon, saturée : la ligne Paris-Lille dessert en effet également la Belgique, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, ainsi que l’avait voulu Pierre Mauroy. Certes, son idée du hub de Lille était intéressante, mais la saturation menace.
Le Gouvernement a donc mis à l’étude le tracé d’une nouvelle ligne, plus directe, qui passerait par Amiens, avant de rejoindre Calais et de s’engouffrer dans le tunnel sous la Manche.
S’agissant de la liaison Toulouse-Narbonne, Mme Alquier a rappelé que j’avais accepté avec grand plaisir l’amendement de Mme Frédérique Massat, députée de l’Ariège : en effet, relier Toulouse à Narbonne préfigure la liaison Bordeaux-Barcelone, la jonction des réseaux français et espagnol, projet évidemment très séduisant.
Je me dois d’évoquer également l’idée d’un barreau est-ouest, soutenue notamment par M. René Souchon, président du conseil régional d’Auvergne : la ligne Paris-Clermont-Ferrand se verrait enrichie d’une jonction vers l’Atlantique – La Rochelle ou Nantes – réservée au fret et à la grande vitesse.
Tout cela fait beaucoup de projets et beaucoup d’argent.
Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que le tronçon Dijon-Besançon-Mulhouse, d’environ 200 kilomètres, est en cours d’achèvement.
La desserte de Genève sera bientôt améliorée, la ligne des Carpates, dans le département de l’Ain, étant en cours de rénovation.
Dès l’année prochaine seront lancés les chantiers des lignes Tours-Bordeaux, puis Le Mans-Rennes et Montpellier-Nîmes.
Ainsi donc, pour la première fois en France, plusieurs chantiers de TGV seront en cours de réalisation simultanément, alors que, dans les décennies précédentes, quel que soit le Gouvernement en place, seule une ligne était construite à la fois.
Ces projets ont une ampleur telle qu’il faut avoir recours à des financements privés, à un partenariat entre les secteurs public et privé – c’est pourquoi le Gouvernement a inscrit, dans le plan de relance, plusieurs dispositions visant à les favoriser – ainsi qu’avec les collectivités. Mais, de l’avis général, il faut les mener à bien.
Voilà ce dont il est question dans cet article 11.
L’ambition, en ce domaine, est immense : le Gouvernement ne saurait, certes, oublier les lignes classiques, mais il est fier de porter, au nom de notre pays, ces grands projets.