Intervention de Bernard Vera

Réunion du 29 janvier 2009 à 22h00
Loi de finances rectificative pour 2009 — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’actualité du jour nous conduit à poser cette question simple : ce projet de loi de finances rectificative pour 2009 apporte-t-il des réponses aux attentes que le monde du travail, dans toute sa diversité, a fortement exprimées en manifestant dans les rues de nos villes aujourd'hui ?

Pour l’heure, deux attitudes prédominent.

L’une consiste à mettre en accusation des syndicalistes qui « abuseraient » du droit de grève et qui devraient être sanctionnés à cet effet. Nous en retrouvons trace dans une proposition de loi déposée dernièrement par quelques députés UMP, positionnés comme éclaireurs et destinés à jouer le rôle d’ultras, rendant sans doute plus « présentable » ce que le Gouvernement viendra ensuite proposer pour mettre en cause le droit de grève.

L’autre attitude, plus modérée en apparence, consiste à laisser croire qu’en ces temps troublés l’exercice du droit de grève serait un luxe dont les salariés ne pourraient librement disposer. Ce discours, pratiqué notamment par l’un des porte-parole « sociaux » de l’UMP, M. Chartier, député du Val-d’Oise, est aussi vieux que le capitalisme, et nous pourrions en retrouver la marque à toutes les époques où notre pays a connu des difficultés économiques.

À dire vrai, rien de ce qui s’exprime dans l’opinion publique, que ce soit sur les problèmes de pouvoir d’achat ou d’emploi, ne trouve la moindre traduction dans le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

Il faut dire qu’aucune des propositions formulées par notre groupe, tendant, en particulier, à réduire le taux normal de TVA ou à remettre en question certains cadeaux fiscaux qui n’ont pas eu l’efficacité économique requise – je pense notamment au bouclier fiscal et aux mesures réduisant l’ISF –, n’a été retenue.

Cela n’est évidemment pas surprenant, car cette attitude découle d’une conception de l’action publique et de l’utilisation des deniers publics qui n’a plus grand-chose à voir avec le pacte républicain et qui s’éloigne à la fois du principe d’égalité devant l’impôt et de celui qui fait de la loi l’expression de l’intérêt général.

Résumons ce projet de loi de finances rectificative pour 2009.

D’une part, on ne touche pas à la loi TEPA, malgré le constat patent de la perte de recettes fiscales et de l’absence de croissance économique en découlant.

Prenons le cas des heures supplémentaires défiscalisées.

Le journal Le Figaro, défendant comme toujours la politique gouvernementale au risque de tordre la réalité, indique que les salariés ont finalement effectué 750 millions d’heures supplémentaires en 2008.

Sur la foi d’un document émanant du ministère de l’économie, des finances et de l’emploi, dont nous souhaiterions d’ailleurs la publication, le journal avance un gain de pouvoir d’achat de 150 euros en moyenne mensuelle. Or, en 2006, selon les services du ministère du travail, les salariés de ce pays effectuaient déjà 630 millions d’heures supplémentaires.

En clair, le gain réel s’avère extrêmement réduit pour les salariés, alors même qu’il est démontré que, dans de nombreuses entreprises, on est passé d’une absence de déclaration des heures supplémentaires à une déclaration rendue d’autant plus pertinente qu’elle ouvre droit à des exonérations de cotisations sociales !

Pour être encore plus clair, disons que 80 % des 150 euros de « gain de pouvoir d’achat » étaient déjà présents dans les heures supplémentaires effectuées par le passé. Le gain réel se situerait donc aux environs de 30 euros, bien loin, mes chers collègues, des 200 000 euros représentant la remise d’impôt moyenne accordée aux 500 contribuables les plus aisés qui ont fait appel au bouclier fiscal !

De toute manière, au vu de l’état de la situation économique, il est évident que ce dispositif n’a manifestement pas permis de remettre en cause la récession qui se manifeste aujourd’hui, singulièrement par la suppression de milliers d’emplois exercés par des salariés intérimaires ou en contrat à durée déterminée.

Soyons clairs ! Dans un pays qui compte trois millions de personnes sans emploi, 450 millions d’heures de travail sont ainsi perdues tous les mois. Il faut évidemment les comparer aux 750 millions d’heures supplémentaires effectuées à l’année.

Par ailleurs, au-delà de cette décision autiste de maintien des choix antérieurs, la loi de finances pour 2009 comporte une série de mesures nouvelles tendant à développer les investissements publics. Comme nous l’avons déjà signalé, le montant des investissements prévus est toutefois assez nettement inférieur à l’importance des dépenses d’équipement public de la précédente législature.

De surcroît, cette évolution appelle quelques observations.

Une bonne part des crédits ouverts ne vise qu’à permettre le paiement de factures en souffrance, notamment dans le domaine de l’armement. Ainsi, on a découvert, alors même que la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 n’a pas été tenue, que l’on devait 500 millions d’euros à des entreprises sous-traitantes de ce secteur !

Plus sûrement, comme nous le verrons lors de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, il a été décidé de réserver le bénéfice de ces nouvelles dépenses à quelques groupes bien définis.

Les dépenses nouvelles sont donc surtout un bonus pour ces groupes, qui se nourrissent de longue date de la commande publique et qui vont pouvoir continuer, grâce à la loi de finances pour 2009, à verser dividendes et stock options à leurs cadres dirigeants !

Permettez-moi enfin de dire quelques mots sur le contenu de l’article 1er relatif au devenir du Fonds de compensation pour la TVA.

Comme on peut le constater, quand il s’agit d’avancer 2, 5 milliards d’euros aux collectivités locales, on devient exigeant et beaucoup plus regardant que lorsqu’il s’agit d’adresser 15 milliards d’euros de dépenses nouvelles en direction des entreprises !

Le texte adopté par la commission mixte paritaire est en partie revenu sur celui que le Sénat avait voté par scrutin public et qui, déjà, n’apportait qu’une solution partielle au problème de l’encadrement des concours budgétaires de l’État aux collectivités locales.

Comme une discussion de cette nature en appelle toujours une autre, nous pouvons nous interroger sur les perspectives ouvertes par la mesure contenue dans l’article 1er de ce collectif budgétaire ?

S’agit-il de la perspective d’une mise en cause de la dotation générale de fonctionnement des plus petites communes et groupements de communes ou, par exemple, de celle d’une fusion entre dotation globale d’équipement et Fonds de compensation pour la TVA ? Autant de dispositions qui forceront les collectivités locales à contribuer à la maîtrise des déficits publics, sujet de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 !

Cette loi de finances rectificative, dont nous pensons d’ailleurs qu’elle sera probablement suivie d’autres, ne répond donc aucunement aux attentes populaires, telles qu’elles se sont encore puissamment exprimées aujourd’hui.

C’est donc tout naturellement que nous ne voterons pas les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce texte.

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