Intervention de Bernard Vera

Réunion du 29 janvier 2009 à 22h00
Programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en soutenant, le 23 octobre dernier, une motion tendant à opposer la question préalable sur ce projet de loi de programmation déclaré d’urgence – il sera adopté définitivement ce soir, ce qui donne une perception toute relative de l’urgence –, nous avions indiqué que ce texte se fondait sur des prévisions économiques irréalistes et programmait l’austérité budgétaire de longue durée.

Nous avions également souligné que le texte ne permettrait pas de créer les conditions de sortie de la crise économique que nous connaissons.

La situation a-t-elle profondément changé ? L’aggravation de la situation économique et sociale du pays est patente. En ce jour particulier, marqué par un puissant mouvement revendicatif, je rends hommage au monde du travail, dans sa diversité, qui a su montrer par sa mobilisation qu’il faudra compter avec lui ces prochaines semaines, pour ce qui concerne l’issue de la crise.

L’exercice légitime, aujourd’hui massif, du droit de grève par les salariés du secteur public comme par ceux du secteur privé montre qu’il vous faudra tenir compte de cette situation au moment où vous voulez faire accepter à la population de notre pays la longue cure d’austérité programmée dans cette loi.

Je salue donc le comportement citoyen des salariés de ce pays. En effet, il ne se passe pas de jour sans que soient annoncés ici un plan social, ailleurs une série de licenciements, là la fermeture de telle ou telle entreprise, alors que, hier, faisant montre de la plus scandaleuse impudence, la Bourse de Paris connaissait une remontée liée à la bonne santé des valeurs bancaires !

La banque, parlons-en ! Rien ne semble pour l’heure indiquer que les établissements bancaires français aient changé leur manière d’agir.

Nombre de TPE et de PME qui déposent le bilan, qui passent à la chaîne devant les tribunaux de commerce, continuent de souffrir de l’inégalité d’accès au crédit et du refus des banques de soutenir leur activité en apport de trésorerie.

Face à cette situation, que fait le Gouvernement ? Quels comptes exige-t-il de ces banques, placées quelque temps au centre de l’actualité par la controverse soigneusement entretenue sur les bonus de leurs dirigeants ?

Tout est lié : l’argent des banques, c’est aussi l’argent des salariés. Il serait donc peut-être temps que l’État s’en mêle.

Si tel n’est pas le cas, les prescriptions de cette loi de programmation passeront du texte promulgué au schéma virtuel, comme l’un de ces livres dorés sur tranche qu’on oublie sur le dernier rayon de la bibliothèque...

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait expressément le retour à l’équilibre des comptes publics pour 2012, conformément à des engagements européens qu’aucun des pays de la zone euro ne pourra finalement tenir.

Le texte adopté au terme de la réunion de la commission mixte paritaire prévoit de porter le déficit de l’État à 2, 4 % cette année et celui des comptes publics consolidés à 2, 7 %, et anticipe un déficit de 1, 2 % en 2012, le déficit de l’État étant couvert en partie par l’excédent des comptes sociaux et celui du compte des collectivités locales.

Grâce à plusieurs amendements déposés par le Gouvernement à la dernière minute, le déficit public passe à 4, 4 %, dont 3, 8 % pour le seul compte de l’État.

La question mérite d’être posée. Ne serons-nous pas contraints, avant peu, de réviser encore à la hausse le niveau du déficit, attendu que ce pourcentage correspond à un déficit budgétaire inférieur à 80 milliards d’euros ?

Nous venons de débattre des conclusions de la commission mixte paritaire sur une loi de finances rectificative que vous avez votée la semaine dernière et qui arrête à 86, 3 milliards d’euros le déficit de l’État. Or, si l’on s’en tient aux seuls éléments fournis par l’INSEE, le montant du déficit prévu est supérieur à 4 points de PIB.

Par conséquent, le cadrage de cette loi de programmation ne correspond pas à la réalité du désastre économique que des décennies de libéralisme sans limites ont créé sur l’économie nationale, comme dans nombre de pays du monde !

Le point de départ n’étant pas situé au bon niveau, comment voudriez-vous que le point d’arrivée – un déficit limité à 1, 2 %, toutes administrations confondues – soit prévisible ?

De plus, comme nous le dénoncions lors de son examen en séance publique, ce projet de loi de programmation programme surtout l’austérité budgétaire.

Nous en avons des preuves multiples. Ainsi est prévue la réduction des dépenses en matière d’agriculture et de développement rural, de fonctionnement de nos administrations fiscales, de dépense publique pour l’emploi et la formation, des crédits en direction du sport, de la jeunesse et de la vie associative.

Pis encore, alors que le Sénat a engagé le débat sur le Grenelle de l’Environnement et que l’Assemblée nationale envisage de se pencher sur le Grenelle II, les crédits de l’écologie et du développement durable, tout comme ceux des transports sont revus à la baisse. Comment financer l’intermodalité et le développement du fret ferroviaire dans ces conditions ?

Comment répondre aux attentes populaires en matière de logement lorsque les crédits de la mission « Ville et logement » sont appelés au déclin programmé ?

Nous avions dénoncé cette situation lors de l’unique lecture de ce texte au mois d’octobre dernier. Pour toutes ces raisons, je confirme que nous ne voterons pas ce projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

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