Intervention de Éric Woerth

Réunion du 23 février 2010 à 14h30
Jeux d'argent et de hasard en ligne — Discussion d'un projet de loi

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est soumis aujourd’hui porte sur le sujet difficile et sensible des jeux d’argent et de hasard.

Je voudrais avant tout resituer le contexte. Pourquoi devons-nous légiférer ?

Après tout, nous avons une législation qui organise un marché des jeux – elle date certes du XIXe siècle –, parce que la demande paraît légitime, tout en protégeant l’ordre public et l’ordre social. En somme, la tradition française autorise le jeu en le canalisant à travers un circuit contrôlé. Ces circuits, vous les connaissez tous : il s’agit du pôle des casinos, du pôle des paris hippiques confié au Paris mutuel urbain, le PMU, et du pôle de la loterie d’État confié à la Française des jeux.

Mais cet équilibre, qui a fonctionné pendant plus d’un siècle, est profondément modifié par la présence d’une offre de jeu en ligne qui se développe en dehors de tout cadre légal. Internet, si j’ose dire, a changé la donne, et pas seulement dans ce secteur d’ailleurs. Songez que, chaque jour, 25 000 sites proposent des jeux dans tous les domaines. En France, le montant des mises oscillent ainsi, au minimum, entre 3 milliards et 4 milliards d’euros, avec 5 % de Français joueurs sur internet.

Si nous nous inscrivons dans notre tradition en matière de jeux, ce n’est donc pas la demande qui pose problème, mais bien l’offre pléthorique illégale. Les joueurs n’ont en effet plus nécessairement besoin de se déplacer dans un casino ou de se rendre à un guichet de la Française des jeux ou du PMU. Sur internet, ils peuvent parier, n’importe quand, n’importe comment et sur n’importe quoi.

Cette situation – cette jungle des jeux illégaux en ligne, devrais-je dire – n’est plus tenable. Il est donc de la responsabilité du Gouvernement d’apporter une réponse adaptée. Il est de la responsabilité du Gouvernement de faire respecter l’État de droit et de protéger nos concitoyens.

Face à cette situation, deux attitudes s’affrontent : d’un côté, les partisans de l’interdiction totale, de la prohibition ; de l’autre, ceux qui souhaitent une ouverture du marché des jeux la plus large possible, laissant à chacun le soin de décider s’il joue ou non et, surtout, de quelle manière.

Ces deux attitudes conduisent à une impasse.

La prohibition – certains amendements que nous examinerons tout à l’heure préconisent cette solution – n’a jamais fonctionné, car le jeu fait partie de notre histoire depuis toujours. Elle fonctionnerait d’autant moins s’agissant des jeux sur internet, et ce serait une lutte perdue d’avance, comme la lutte que mènent les pays refusant de s’ouvrir à internet.

D’ailleurs, les pays qui ont fait ce choix n’ont en rien éradiqué l’offre illégale.

Ainsi, en Allemagne, depuis janvier 2008, le chiffre d’affaires des opérateurs légaux a diminué, les parieurs privilégiant les opérateurs illégaux. Aux États-Unis, la réussite est telle que le marché des jeux en ligne illégal a été évalué, en 2007, à quelque 9 milliards d’euros ! On peut donc douter de cette stratégie.

La seconde attitude – la liberté totale – serait irresponsable. L’absence de régulation de l’État conduit à des situations intenables pour les joueurs et leurs familles. Il suffit d’ailleurs d’écouter les professionnels de la santé qui traitent des cas d’addiction – nous les avons beaucoup consultés – pour comprendre les ravages que peut faire le jeu lorsqu’il n’est pas contrôlé.

Entre ces deux solutions, il nous est apparu juste et raisonnable de faire le choix d’une ouverture maîtrisée, adaptée à la problématique d’internet. J’entends dire que cette ouverture nous serait imposée par la Commission européenne ou par une directive. Je veux le répéter ici après l’avoir expliqué en commission : nous n’ouvrons pas le marché des jeux en ligne pour faire plaisir à qui que ce soit, …

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