Intervention de Jean Louis Masson

Réunion du 23 février 2010 à 14h30
Jeux d'argent et de hasard en ligne — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean Louis MassonJean Louis Masson :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous les jeux d’argent ont un point commun : pour celui qui joue, l’espérance de gain est toujours négative, souvent même très négative. Le joueur est en effet statistiquement toujours perdant.

Le jeu prospère sur la naïveté de ceux qui jouent. C’est pourquoi, historiquement, la quasi-totalité des États ont essayé de réglementer les jeux de hasard dans une double finalité. D’une part, ils visent un objectif de moralisation sociale, afin d’éviter les dérives qui peuvent résulter de l’addiction au jeu, dont les victimes gaspillent tous leurs biens, mettant en cause l’équilibre même de la société. D’autre part, dans un but certes beaucoup moins moralisateur, les États cherchent à créer des recettes financières.

C’est à l’aune de ces deux objectifs que doit être apprécié le présent projet de loi, qui tend à transposer une directive européenne.

Pour ma part, je suis opposé par principe aux jeux de hasard, mais, compte tenu de la situation actuelle en France, il me semble qu’il convient de se poser un certain nombre de questions, car l’État français ne peut actuellement plus apporter aucune justification à son monopole, qu’elle relève d’un souci social ou d’une volonté de moralisation. L’État français n’a que faire de ces considérations et son seul but consiste à gagner de l’argent, car, s’il poursuivait un but moralisateur, il interdirait toute publicité à la Française des jeux ou au PMU.

En effet, si l’on considère que le jeu, globalement, n’est pas sain pour la société, la moindre des choses serait d’interdire la publicité pour le jeu. Donc, si les pouvoirs publics autorisent une publicité éhontée de la Française des jeux ou du PMU, c’est bien que leur seule préoccupation consiste à gagner de l’argent sur le dos des joueurs.

Dans ces conditions, la directive européenne qui impose un assouplissement et un élargissement de la réglementation me paraît tout à fait pertinente. Si la France avait donné l’exemple en interdisant la publicité pour les jeux, en empêchant les sociétés de jeux d’inciter la population à jouer, elle pourrait aujourd’hui invoquer un motif d’intérêt général pour fonder la spécificité de son monopole d’État. En fait, actuellement, le monopole français poursuit un but purement financier et intéressé.

J’approuve donc la directive car, en l’état actuel des choses, aucune raison ne milite en faveur du monopole de la Française des jeux ou du PMU. Je reviendrai plus tard sur les problèmes posés par la Française des jeux s’il me reste suffisamment de temps de parole, puisque les orateurs non inscrits sont réduits à la portion congrue !

Le système va être ouvert à la concurrence : il faudra, encore plus qu’avant, vérifier l’absence de fraudes et dissuader les opérations malhonnêtes. Je suis personnellement très inquiet, car nous allons progressivement généraliser les paris sur le sport. Or, certains sports sont déjà complètement gangrenés par l’argent, notamment le football professionnel : les sommes en jeu sont tellement colossales que, bien évidemment, des matchs sont truqués, des joueurs achetés – on le voit régulièrement, en Belgique, en France ou ailleurs. Si, demain, les paris sont autorisés sur le football, la situation sera encore pire, parce que les sommes en jeu vont décupler et les tentatives pour acheter des joueurs ou trafiquer les résultats seront encore plus fréquentes.

Je déplore que cette ouverture des jeux, souhaitée également par la Commission européenne, ouvre la porte à tous les trafics. Je suis absolument convaincu que, quand le système tournera à plein, quand les paris se reporteront de plus en plus sur des sportifs, nous ne serons pas épargnés par la révélation régulière de scandales gigantesques.

À la limite, cette évolution ne ferait que s’inscrire dans la continuité de ce que nous connaissons.

En ce qui concerne la Française des jeux, je tiens à répéter ce que j’avais déjà dit lorsque j’étais député : la politique de cette société n’est pas aussi propre ni aussi transparente que l’on croit. Le fonctionnement de la Française des jeux permet une martingale très difficile à expliquer, puisqu’elle ne porte pas sur la probabilité de gagner, mais sur le montant des gains potentiels. Actuellement, la Française des jeux connaît les numéros les moins joués : une personne qui joue ces numéros peut toucher des sommes colossales lorsque ces numéros sortent. Soyons clairs : cette personne n’a pas plus de chances de gagner, mais, quand elle gagne, ses gains sont énormes.

Si vous jouez des numéros que, statistiquement, la majorité des joueurs ne joue pas, lorsque vous gagnez – je ne dis pas que vous avez plus de chance de gagner –, vos gains sont dix fois, vingt fois ou trente fois supérieurs à un gain normal. L’espérance de gain, à ce niveau-là, est considérable, comme l’ont démontré les mathématiciens.

Si la Française des jeux voulait être transparente, elle publierait la fréquence avec laquelle chaque numéro est joué par les parieurs, car un certain nombre de personnes en son sein connaissent ces fréquences : à ce moment-là, la situation changerait énormément.

Il ne faut pas se faire d’illusions : de nombreux joueurs jouent des dates de naissance ; par conséquent, le fait de jouer un numéro entre un et douze divise par trois ou par quatre le montant des gains lorsque ce numéro est tiré.

L’État fait la sourde oreille, parce que la Française des jeux a intérêt à avoir, de temps en temps, de très gros tirages qui attirent les parieurs. Dans cette logique, la Française des jeux persiste à refuser la transparence et à refuser la communication d’une information qu’un petit nombre de gens détiennent.

Ce petit exemple illustre le manque de transparence et les déviations du système des jeux de hasard. Je vous laisse imaginer, mes chers collègues, ce qui se passera lorsque l’on pourra parier sur les matchs de football ou d’autres activités encore plus faciles à trafiquer !

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