Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 23 février 2010 à 14h30
Jeux d'argent et de hasard en ligne — Discussion d'un projet de loi

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le présent projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne est le résultat d’un long travail, en particulier de notre commission des finances et de son rapporteur, François Trucy, auquel je tiens à rendre hommage dès mon introduction.

Dès 2002, le Sénat s’est saisi de cette question, sans attendre la mise en demeure de la Commission européenne, en 2006, ou son avis motivé, en 2007, pour stigmatiser l’obsolescence de notre réglementation et la faiblesse de notre législation dans ce domaine.

Les rapports de François Trucy de 2002 et 2006 ont largement contribué à mettre en lumière les évolutions nécessaires.

La situation du secteur des jeux nous impose en premier lieu de mettre fin aux monopoles de la Française des jeux et du PMU.

En effet, ces monopoles sont confrontés à une réalité de plus en plus prégnante, celle des jeux en ligne, qui représentent aujourd’hui plus de 3 milliards d’euros de mises annuelles, sur quelque 25 000 sites illégaux accessibles en France.

La filière des casinos a, elle aussi, souffert du développement des jeux de poker en ligne, qui séduisent notamment la nouvelle génération. Également pénalisés par une réglementation complexe et diffuse, les casinos, qui contribuent au financement des communes dans lesquelles ils sont implantés, ont connu des années difficiles.

Dans un souci de pragmatisme économique, il était donc devenu indispensable d’ouvrir le marché et de légaliser ces jeux en ligne, tout en les encadrant et en régulant leur développement anarchique et pléthorique.

Cette évolution est d’autant plus nécessaire que, si nous reconnaissons les efforts du Gouvernement en matière de sécurité publique, la fraude étant aujourd’hui minime, force est de constater que la santé publique a été laissée de côté. Les problèmes d’addiction, par exemple, n’ont fait l’objet d’aucune étude spécialisée, comme cela a été rappelé.

Le présent projet de loi apporte enfin des réponses à cet égard, en matière tant de lutte contre l’assuétude que d’interdiction des jeux aux mineurs, de lutte contre le blanchiment d’argent et d’encadrement de la publicité.

Le groupe UMP se félicite de ces avancées notables, qui devraient certainement recueillir l’assentiment de la Haute Assemblée, au-delà des clivages politiques.

Seuls les paris sportifs, les paris hippiques et le poker en ligne seront légalisés. Les jeux les plus addictifs, notamment les jeux de pur hasard, seront toujours proscrits par notre législation.

Une partie des recettes fiscales et sociales tirées de la fiscalité sur les mises sera destinée au financement de la lutte contre la dépendance aux jeux.

Le projet de loi tend notamment à prévoir une augmentation des moyens financiers de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, afin que ce dernier finance, en lien avec l’ensemble des associations actives dans le domaine, un programme d’information, de dépistage et de prise en charge de la dépendance aux jeux.

Ces moyens financiers serviront également à la réalisation d’études plus précises sur la réalité de ce phénomène en France, comme le souhaitent les associations de protection des joueurs.

La limitation de l’ouverture à la concurrence aux paris les moins addictifs et l’encadrement du taux de retour aux joueurs devraient également limiter les effets d’assuétude.

Dans le domaine de la lutte contre le blanchiment, un opérateur de jeu ne pourra pas s’établir dans un paradis fiscal et les joueurs devront obligatoirement avoir un compte bancaire en France.

Le contrôle, cela a déjà été souligné, sera effectué par l’ARJEL, l’autorité de régulation indépendante qui attribuera les licences aux opérateurs de jeux sur internet.

Le groupe UMP ne demande pas forcément que la personnalité morale soit attribuée à cette autorité, car il juge inopportun le découplage complet entre celle-ci et les services de l’État.

De même, la majorité du groupe UMP ne souhaite pas la différenciation des taux de prélèvements sur les paris hippiques et sur les paris sportifs, car l’équilibre du dispositif proposé est déjà issu d’un difficile compromis entre des intérêts parfois contradictoires.

Toutefois, si la filière hippique venait à être désavantagée, par exemple par un tarissement de son financement consécutif au déplacement de ses parieurs vers les paris sportifs, une clause de revoyure prévoit le dépôt d’un rapport du Gouvernement au Parlement, en vue de mettre en œuvre les adaptations nécessaires.

À cet égard, le groupe UMP fait pleinement confiance à M. François Trucy pour veiller au respect de cette clause. En tant que représentants des territoires, nous sommes effectivement très attachés au soutien de la filière hippique, qui est l’un des rouages essentiels de l’économie et de l’aménagement du territoire et qui génère – nous trancherons ultérieurement le débat sur les chiffres– entre 60 000 et 90 000 emplois.

L’arrivée de nouveaux opérateurs sur le marché, entre 30 et 50 selon les estimations, du fait de l’élargissement de l’assiette, devrait engendrer de nouvelles recettes. La commission des finances, à laquelle j’appartiens, ne saurait y être insensible. Néanmoins, la diminution des taux de prélèvements sur les mises devrait aboutir au final à une opération neutre, ce que l’on peut en partie regretter.

Pour conclure, je dirai un mot du calendrier, qui nous contraint à tenir compte de la Coupe du monde de football, dont l’ouverture, comme tout le monde le sait, est prévue au début du mois de juin, en Afrique du Sud.

Il serait impensable que les nouvelles dispositions ne puissent pas s’appliquer à l’événement sportif planétaire le plus important après les jeux Olympiques. Cela reviendrait à laisser le champ libre aux sites illégaux existants – ils risqueraient de fleurir d’autant à cette occasion – et à condamner le présent projet de loi.

C’est la raison pour laquelle j’ai pris l’initiative, à titre personnel, de déposer un amendement tendant à prévoir des mesures transitoires qui permettraient aux opérateurs de jeu ayant déposé une demande de dossier d’agrément à l’ARJEL et répondant aux conditions requises de bénéficier d’une autorisation temporaire pour exercer les activités d’opérateur légal de jeu en ligne en France jusqu’à l’obtention de l’agrément.

Je ne suis pas sans savoir que cet amendement, déposé sous une forme peu ou prou similaire par d’autres collègues, pose des problèmes à la commission des finances et au Gouvernement. Mais il vise essentiellement à appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessité de publier très rapidement les décrets et à insister sur la célérité dont l’ARJEL doit faire preuve dans la délivrance des agréments. Vous avez d’ores et déjà abordé cette question, monsieur le ministre, et, même si nous sommes amenés à revenir sur ce débat, nous savons d’ores et déjà que nous pouvons compter sur votre engagement.

Au-delà de cet amendement, que j’ai présenté à titre personnel, la majorité du groupe UMP soutiendra l’essentiel du texte issu de l’excellent travail de notre commission des finances.

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