C'est une surprise, monsieur le rapporteur général, mais son caractère divin paraît plus contestable quand on y regarde d'un peu plus près !
Cette baisse serait parfaitement « contre-intuitive », selon certains - l'expression est élégante, mais on pourrait également employer d'autres qualificatifs ! Elle s'explique par le fait que le montant du plafond précité ne correspond qu'à la variation prévue, entre le 31 décembre 2007 et le 31 décembre 2008, de la somme des encours de la dette négociable de l'État à moyen et à long termes, diminuée des amortissements et des rachats de dette. En effet, la LOLF n'exige le vote du Parlement que sur la seule dette négociable dont la durée de vie à l'émission est supérieure à un an, c'est-à-dire les titres de moyen et long termes - bons du Trésor à intérêts annuels, BTAN, et obligations assimilables du Trésor, OAT -, à l'exclusion des titres de court terme - les bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté, les BTF.
En réalité, le besoin de financement de l'État augmentera, passant de 111 milliards d'euros en 2007 à 145 milliards d'euros en 2008. En consultant le tableau de financement figurant à l'article d'équilibre, c'est-à-dire l'article 32, du projet de loi de finances, on observe que ce besoin de financement sera couvert de la façon suivante : pour 119, 5 milliards d'euros, par les émissions de dette à moyen et long termes, nettes des rachats ; pour 3, 7 milliards d'euros, par le rachat de titres par la Caisse de la dette publique, qui bénéficiera à cette fin de recettes de privatisations ; pour 2, 1 milliards d'euros, par des ressources diverses, notamment une diminution du compte du Trésor, alors qu'en sens inverse différents retraits sur le compte par des correspondants du Trésor pèseront à hauteur de 2, 7 milliards d'euros ; enfin - c'est là où est la divine surprise, monsieur le rapporteur général -, pour 22, 4 milliards d'euros, par l'augmentation du stock de la dette à court terme, à savoir les BTF.
Ce niveau de l'encours de titres de court terme est déterminé afin de faire face aux perspectives d'amortissement de dette en 2008. Il est important, puisque la loi de finances de 2007 ne prévoit, en la matière, qu'une émission de 12 milliards d'euros. Bien que les titres courts soient plus exposés à l'évolution des taux d'intérêt, cette démarche vise à limiter l'augmentation des émissions de titres de moyen et long termes. C'est probablement un choix stratégique, monsieur le ministre, mais il faudra tout de même que vous nous en expliquiez les raisons.
Le problème est que, en l'état actuel de la LOLF, puisque l'émission de titres courts « échappe » à l'autorisation parlementaire, notre vote pourrait bien perdre beaucoup de son sens... Le rapporteur spécial que je suis s'interroge et vous interroge, en conséquence, sur les futures adaptations du texte organique qu'il conviendra de mettre à l'étude, dans l'avenir, en collaboration avec le Gouvernement.
En effet, tout cela signifie qu'il faudra avoir remboursé, pour le 31 décembre prochain, la totalité des titres de court terme qui auront été émis en cours d'année, sauf à se retrouver avec une dette de court terme reportable qui ne sera pas soumise au vote du Parlement. Je vous le dis très honnêtement, on ne pourra pas continuer longtemps dans cette voie !
En tant que rapporteur spécial, il me revient également de rappeler quelques chiffres fondamentaux, cadre de notre débat de ce jour. Sous cet angle, on frôle souvent le vertige.
La dette négociable de l'État, qui constitue 95 % de sa dette totale, s'élevait, à la fin de l'année 2006, à 876, 6 milliards d'euros. Elle est estimée à quelque 918, 6 milliards d'euros pour la fin de 2007. Toutes choses égales par ailleurs - notamment la gestion active menée par l'agence France Trésor -, elle représenterait, en projection, à la fin de 2008, 957, 7 milliards d'euros, soit une augmentation annuelle, en volume, de 4, 25 %, en tenant compte de ce que je viens de dire à propos des titres de court terme.
La dette globale de l'État représente environ 80 % de la dette des administrations publiques françaises, dont le montant, au 30 juin 2007, a atteint 1 216, 4 milliards d'euros, soit approximativement 66, 6 % du PIB. Je rappelle que ce ratio était de 35 % en 1990... Il reste actuellement compris entre la moyenne des vingt-cinq États membres que comptait l'Union européenne avant l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie et celle de la zone euro, mais sa dégradation progressive d'une année sur l'autre n'a été interrompue brièvement qu'en 2006.
Nous étions ainsi parvenus, à la fin de 2006, à un niveau d'endettement public de 64, 2 % du PIB, contre 69 % en moyenne pour les États membres de la zone euro. Où en serons-nous au 31 décembre 2007, monsieur le ministre ? Cela fait partie des questions que je me permets de vous poser.
Pour mémoire, le service de la dette constitue le deuxième poste budgétaire de l'État, après l'éducation nationale, mais avant la défense. Cette charge, en valeur nette avant application des recettes issues du programme d'échanges de taux - les swaps -, s'élèvera en 2008 à 40, 79 milliards d'euros, soit une augmentation, par rapport à la loi de finances initiale pour 2007, de 1, 6 milliard d'euros, c'est-à-dire de 4 %.
Cette hausse est d'abord la conséquence d'un « effet taux », lié à la remontée des taux d'intérêt constatée depuis l'automne 2005. La crise financière de cet été, dite des subprimes, n'aura rien arrangé. Le temps des taux très bas, à court terme comme à long terme, est révolu. En outre, il faut noter le caractère progressif de la sensibilité de la charge de la dette aux variations de taux. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, une hausse des taux à hauteur de 1 % à partir de 2008 se traduirait par une augmentation de la charge d'intérêts sur la dette négociable de l'État de 4 milliards d'euros en 2012 !
La hausse de la charge de la dette, par ailleurs, résulte d'un « effet volume », dans la mesure où le montant des amortissements de dette programmés en 2008 s'avère excéder les 100 milliards d'euros, soit un tiers de plus qu'en 2007.
Les recettes de swaps devraient permettre une atténuation de charge de 233 millions d'euros, mais la mobilisation de la trésorerie en faveur du désendettement, mesure « à un coup » mise en oeuvre en 2006, ne pourra être reproduite à l'avenir. En outre, les rachats de dettes permis par les recettes de cessions d'actifs financiers ne sont prévus, « officiellement » - pour ne pas donner de signal particulier au marché, nous dit-on -, qu'à hauteur de 3, 7 milliards d'euros.
Dans ce contexte, comme je l'exposais l'année dernière ici même, tout ce qui peut être fait, dans le respect des exigences de sécurité financière de l'État, afin de limiter la charge de la dette supportée par le contribuable doit être entrepris.
À cet égard, et pour conclure, je formulerai deux observations plus particulièrement à l'adresse des ministres.
En premier lieu, j'évoquerai le sort qui a été jusqu'à présent réservé à l'article 73 de la loi de finances initiale de 2006.
Cette disposition avait été adoptée sur l'initiative de la commission des finances et, permettez-moi de le souligner, dans le sillage de mon rapport d'information, issu d'une mission de contrôle budgétaire, sur la gestion de la dette dans le contexte européen, ...