De notre point de vue, l’éthique même du pari à cote fixe est discutable.
En effet, contrairement au pari mutuel, dans lequel l’opérateur est réputé désintéressé et où le volume des gains est redistribué entre les joueurs en fonction du volume des mises, le pari à cote est un pari des joueurs contre un opérateur qui fixe les cotes – les gains sont fixes et sont un multiplicateur de la mise – et dont l’intérêt est de voir perdre les parieurs, afin de ramasser leurs pertes.
Dans ce cas, il y a non pas redistribution, mais accumulation de capital sur les pertes des joueurs.
À notre avis, l’autorisation des paris à cote fixe constitue un réel danger, et ce à plusieurs titres.
En termes de santé publique, les gains étant souvent plus attrayants, le potentiel incitatif du pari à cote est plus important que celui du pari mutuel.
En effet, le pari mutuel offre les avantages que j’ai déjà décrits s’agissant de la répartition entre les sociétés de course et les joueurs. En outre, le pari mutuel porte souvent sur des courses des chevaux, qui ont lieu toutes les quinze minutes ; cela laisse le temps de réfléchir.
En termes de préservation de l’ordre public et d’éthique du sport, il existe des risques accrus, notamment de fraude, de trucage de match et de corruption.
D’ailleurs, il est intéressant de noter que des dizaines d’États américains ont interdit une telle forme de paris et que le Royaume-Uni connaît régulièrement des cas de fraude liée à la prise de paris à cote. Cela entache le monde du sport et met en cause la sincérité des grandes compétitions.
Ne l’oublions pas, dans les années soixante-dix, époque à laquelle n’existaient que les paris clandestins en dur, l’existence de paris à cote avait déjà conduit certains pays à sanctionner des clubs sportifs.
Plus près de nous, même la prestigieuse ligue nord-américaine de basket-ball, la NBA, est l’objet d’affaires de paris illégaux encouragés par des arbitres indélicats et, en même temps, par des entraîneurs peu respectueux de l’éthique. Je pense notamment à la franchise de Sacramento.
Quand on connaît la fréquence des matchs de la saison régulière comme des phases finales, quand on sait ce que l’usage de produits dopants a d’ores et déjà causé à l’image des sports américains très populaires que sont le baseball et le football, et même à la ligue professionnelle de hockey, on voit ce qu’implique le développement de la cote fixe !
Bien entendu, à ce stade du débat, nous allons évoquer le fait – M. le rapporteur et M. le ministre le soulignaient tout à l’heure – que la Française des jeux développe d’ores et déjà un système de paris à cote, appelé, « Cote et match ». Mais on oublie de rappeler le caractère finalement secondaire de cette activité dans le chiffre d’affaires de l’entreprise. En 2007, cela représentait 2, 5 % du total ; c’est bien loin des 24 % de chiffre d’affaires adossés à la mise en œuvre du jeu Rapido, dont M. le rapporteur parlait également voilà quelques instants. En outre, la Française des jeux consacre, de toute manière, une part importante de ses produits à payer les divers prélèvements sociaux et fiscaux auxquels elle est soumise.
Une fois encore, on va nous rappeler l’existence de paris sportifs qui seraient déjà tous à cote fixe, le rendement pour le joueur dépendant également du montant misé à l’origine. Mais ces paris représentent moins de 400 millions d’euros, somme à comparer aux 9, 3 milliards d’euros de produit brut réalisés par la Française des jeux !
Mes chers collègues, dans l’intérêt des joueurs, pour préserver l’éthique qui sous-tend le système des jeux à la française et pour éviter des dérives à l’anglo-saxonne, par exemple en matière sportive, nous ne pouvons que vous inviter à adopter l’amendement n° 115.