Monsieur le ministre, vous exprimez une conviction forte, en indiquant que le jeu légal chassera le jeu illégal. Votre logique est donc la suivante : ne pouvant agir efficacement contre l’offre illégale, vous décidez d’ouvrir à la concurrence le secteur des jeux et de permettre aux opérateurs agréés de faire de la publicité pour toucher les joueurs potentiels et les détourner des sites illégaux. Cette pratique doit conduire, selon vous et selon les termes exacts de M. le rapporteur, à « l’assèchement » de ces derniers.
Cet aveu d’impuissance des pouvoirs publics dans la lutte contre les sites illégaux ne présage sans doute guère l’efficacité de l’action de l’autorité de régulation. C’est surtout un curieux paradoxe pour des décideurs politiques que de vouloir, sous couvert de protection des joueurs, détourner ces mêmes joueurs de l’offre illégale en les exposant à une publicité massive dont le but est de les orienter vers une offre pléthorique de jeux en ligne, tout aussi dangereuse pour la santé publique, mais drapée de légalité.
Est-il besoin de rappeler que les opérateurs investissent 50 % de leurs bénéfices dans des stratégies commerciales de grande envergure. À qui, hormis l’annonceur, profitera cette manne publicitaire ?
En fait, au prétexte de protéger la santé et l’ordre publics, le projet obéit à une logique clairement mercantile. Il contribuera à propulser un marché déjà structuré autour de grands groupes, en offrant à ces derniers des conditions optimales pour leur développement sur le territoire français, ce qui leur permettra, à long terme, de se concentrer.