Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 23 février 2010 à 21h30
Jeux d'argent et de hasard en ligne — Article 25, amendement 130

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Nous abordons l’un des articles pivots du texte, puisque celui-ci porte sur la création de l’autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL, autorité administrative indépendante destinée à gérer l’ensemble des procédures d’agrément relatives aux opérations de jeux en ligne.

La création d’une nouvelle autorité indépendante participe d’une démarche assez générale, à laquelle nous ne souscrivons pas, qui consiste à « démembrer » la puissance publique dès lors que l’on se trouve confronté à un champ d’activité donné ouvert à la concurrence par voie de transposition de dispositions communautaires. L’ARJEL va en effet se substituer, sur bien des aspects, à ce qui aurait procédé de la démarche naturelle de certaines de nos administrations, dont l’intervention dans le domaine des jeux d’argent et de hasard est pourtant largement éprouvée.

Nous aurons donc un paysage institutionnel assez surprenant où le ministère des finances, le ministère de l’intérieur et le ministère de l’agriculture seront parties prenantes aux contrôles affectant les opérateurs historiques de jeu – le PMU, la Française des jeux et les casinos des différents groupes opérant sur le territoire – et les jeux en ligne ordonnancés par une autorité indépendante. Cette dernière pourra d’ailleurs avoir affaire aux mêmes opérateurs historiques dès lors que ceux-ci opéreront également sur le marché du jeu en ligne.

Le PMU et la Française des jeux ayant promu une offre de jeux par internet et les plus grands groupes de casinos ayant mis en place des plateformes virtuelles de jeu, ils seront donc également touchés par l’activité de l’ARJEL.

La principale qualité dont on pare l’Autorité de régulation tiendrait à son indépendance. Depuis le temps que l’on nous vante les mérites des autorités indépendantes, cet argument ne cesse de nous agacer, puisque le fondement de l’indépendance des agents de la fonction publique, employés par les ministères que je viens de citer, c’est précisément qu’ils sont fonctionnaires et qu’ils jouissent de l’ensemble des garanties et obligations liées au statut.

Nous pouvions donc fort bien concevoir de confier aux administrations déjà rompues à l’examen des questions relatives aux jeux d’argent et de hasard, en lieu et place d’une autorité de régulation, dont le champ de compétence et la personnalité juridique font débat – mais cela est pour nous assez secondaire –, le soin d’instruire les demandes d’agrément des opérateurs de jeux en ligne.

Au demeurant, si les autorités administratives étaient quelque peu efficaces, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, aurait mis en œuvre les dispositions nécessaires à la fermeture de l’accès de l’espace cybernétique du pays aux publicités vantant les mérites des sites de paris illégaux ou mis en demeure certains fournisseurs d’accès à internet contre la généralisation de la même publicité. Il suffit d’être connecté au réseau du moindre fournisseur d’accès pour voir apparaître, littéralement au premier clic, bannières et messages publicitaires divers nous incitant à tenter notre chance sur l’un des sites, toujours illégaux pour l’heure, qui mettent en œuvre des paris en ligne.

Tout cela pour dire que nous n’accordons donc qu’une vertu limitée au fait de confier à une nouvelle autorité indépendante le soin de réguler un marché qui s’annonce relativement fermé dès son ouverture et surtout quasiment capté par un petit nombre d’opérateurs choisis. Une régulation dont les contours sont suffisamment flous pour que les dix-huit mois qui nous séparent de l’examen de la « clause de retour » ne nous conduisent, en fait, à constater une véritable « épuration » du marché, marquée par la disparition rapide des opérateurs qui n’auront pas les reins assez solides ni surtout la capacité d’obtenir de certaines fédérations sportives le droit d’exploiter les paris découlant des compétitions qu’elles organisent.

Le respect de l’éthique sportive risque donc d’être sérieusement sollicité dans la mise en œuvre de ce projet de loi.

Aussi, tout en manifestant notre grande circonspection devant les pouvoirs réels de régulation de l’ARJEL, à la fois en principe et en pratique, nous ne pouvons qu’exiger de cette autorité qu’elle veille au moins au respect de l’éthique sportive. Si elle ne peut forcément repérer l’argent sale, qu’elle mette au moins en œuvre ce qu’il faut pour que le sport reste propre !

Voilà ce que nous comptions préciser. Cette argumentation vaudra d’ailleurs pour la défense de l’amendement n° 130 que nous avons déposé sur cet article.

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