Intervention de Rama Yade

Réunion du 15 mai 2008 à 10h00
Décision du conseil relative au système des ressources propres des communautés européennes — Adoption d'un projet de loi

Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la Haute Assemblée est aujourd’hui appelée à autoriser la ratification de la décision du Conseil de l’Union européenne du 7 juin 2007 relative au système des ressources propres des Communautés européennes.

Cet accord européen définit pour la période 2007-2013 les conditions de financement du budget de l’Union européenne. Je voudrais souligner la portée politique de cet accord, conclu à l’issue d’une négociation européenne difficile dans laquelle notre pays a obtenu des concessions importantes de ses partenaires, notamment du Royaume-Uni.

Je souhaite revenir brièvement sur la négociation de cet accord avant de vous en rappeler les principales dispositions et de vous faire part de nos réflexions sur les prochaines échéances européennes en matière budgétaire.

La décision du Conseil sur le système de ressources propres de l’Union a été adoptée à Luxembourg le 7 juin 2007. Elle constitue le dernier élément à mettre en œuvre du compromis politique sur le cadre financier pluriannuel auquel étaient parvenus les chefs d’État et de gouvernement en décembre 2005.

Vous le savez, cet accord politique a reposé sur trois éléments : un cadrage des dépenses pour la période 2007-2013, qui s’établit à 864, 3 milliards d’euros ; le volet recettes, qui fait l’objet de la décision qui vous est soumise aujourd’hui ; une clause de réexamen par laquelle le Conseil européen a invité la Commission à entreprendre un « réexamen complet et global, couvrant tous les aspects des dépenses de l’Union européenne, y compris la politique agricole commune, ainsi que des ressources, y compris la compensation en faveur du Royaume-Uni » et à faire rapport en 2008-2009.

La décision sur les ressources propres de juin 2007 traduit les principes dégagés dans le volet recettes de l’accord de décembre 2005. Elle se substitue à celle que le Conseil avait adoptée le 29 septembre 2000 et dont vous avez autorisé la ratification en décembre 2001.

Pour une bonne part, la nouvelle décision confirme les grands principes formulés dans la décision de septembre 2000.

Le plafond des « ressources propres » reste ainsi fixé à 1, 24 % du produit national brut du montant total des revenus nationaux bruts, dits RNB, des États membres en ce qui concerne les crédits de paiement et à 1, 31 % du montant total des RNB des États membres pour ce qui est des crédits d’engagement.

Les frais de perception sur les ressources propres traditionnelles retenus par les États membres demeurent fixés à hauteur de 25 %, comme l’avait prévu la décision de 2000.

La nouvelle décision ne crée pas de nouvelle ressource propre, mais confirme un système qui repose aujourd’hui sur trois ressources principales.

Il s’agit, tout d’abord, des ressources propres traditionnelles, ou RPT, qui se composent des droits agricoles et cotisations « sucre », d’une part, et des droits de douanes, d’autre part ; ces ressources dites traditionnelles représentaient, en 2006, 15 % du total des recettes.

Il s’agit, ensuite, de la ressource propre fondée sur la taxe sur la valeur ajoutée, la TVA ; elle représentait environ 17 % du total en 2006.

Il s’agit, enfin, de la ressource fondée sur le RNB, dite « quatrième ressource complémentaire », instaurée en 1988, et qui est devenue la première ressource du budget communautaire puisqu’elle représente 68 % du total en 2006. Cette évolution est satisfaisante, car elle permet de mieux prendre en compte la capacité contributive des États, plus en tout cas que ne l’autorisent les bases de calcul de la ressource TVA.

La nouvelle décision introduit plusieurs aménagements qui ont été au cœur de l’accord politique trouvé par les chefs d’État et de gouvernement.

Le taux d’appel sur l’assiette TVA est réduit à 0, 30 %, ce qui implique une part décroissante de la ressource TVA dans l’ensemble des ressources propres.

La décision accorde parallèlement des réductions spécifiques de ce taux d’appel TVA pour certains partenaires : 0, 15 % pour l’Allemagne, 0, 10 % pour les Pays-Bas et la Suède, 0, 225 % pour l’Autriche.

La décision introduit, par ailleurs, des rabais forfaitaires annuels sur la contribution annuelle RNB des Pays-Bas, soit 605 millions d’euros par an, et de la Suède, soit 105 millions d’euros par an.

Le Conseil a ainsi reconduit les concessions financières obtenues en 1999 par les États membres, dont la contribution nette au budget européen est la plus forte. Aux termes de la décision, ces réductions de contribution ne valent cependant que pour la période 2007-2013.

L’élément central de cette nouvelle décision concerne la correction dont bénéficie le Royaume-Uni depuis 1984.

Comme vous le savez, la correction britannique a été instaurée par le Conseil européen de Fontainebleau en 1984. Elle consiste à déduire des ressources propres versées annuellement par le Royaume-Uni à la Communauté un montant correspondant aux deux tiers de l’écart constaté entre la contribution britannique de l’année précédente et les dépenses de l’Union au bénéfice du Royaume-Uni.

La nouvelle décision revient sur les conditions de calcul de ce « rabais », qui n’avait plus de justification, et le réduit sensiblement.

C’était un objectif de négociation important pour la France et plusieurs autres partenaires européens. Nous avons ainsi obtenu que soient progressivement exclues du calcul les dépenses liées à l’élargissement, hors les dépenses agricoles dites de marché, et la part des dépenses de développement rural financée par le Fonds européen d’orientation des garanties agricoles. Au total, le montant de la réduction du rabais est plafonné à 10, 5 milliards d’euros sur la période et perdurera après 2013.

Cette réduction, alors que la France assure aujourd’hui près du tiers - 27 % exactement - du financement du « chèque » britannique, est un grand motif de satisfaction. Je rappelle qu’en 2006 le montant de la correction britannique s’est élevé à 5, 22 milliards d’euros, la France en assurant 1, 42 milliard d’euros. Cette part très importante du « chèque britannique » prise en charge par notre pays est la conséquence mécanique du maintien des dispositions introduites en 1999, qui réduisent les contributions de l’Allemagne, de l’Autriche, des Pays-Bas et de la Suède.

Sous réserve de l’accomplissement des procédures nationales de ratification, la nouvelle décision entrera en vigueur le 1er janvier 2009, avec un effet rétroactif à la date du 1er janvier 2007. Cette date correspond au début du cadre financier pluriannuel actuel.

En pratique, les contributions nationales appelées au titre de 2009 seront, selon les cas, majorées ou minorées des effets de la nouvelle décision au titre de 2007 et 2008.

Cette situation n’est pas nouvelle. Déjà, la décision de septembre 2000 était entrée en vigueur en mars 2002, avec un effet rétroactif au 1er janvier 2000.

Je voudrais maintenant évoquer les prochaines échéances politiques européennes en matière budgétaire.

Si l’accord sur les ressources propres soumis à ratification contient des avancées importantes pour notre pays par rapport au précédent accord de 1999, il demeure insatisfaisant, à deux titres : il reste très complexe et il fait subsister des mécanismes de correction des contributions nationales qui sont contraires à l’esprit de solidarité européenne.

L’engagement du débat européen sur la révision des perspectives financières et la revue des politiques communes offre l’opportunité d’ouvrir la discussion européenne sur l’adaptation de ce système de ressources propres.

Dans le cadre du réexamen global prévu par le Conseil européen, la Commission doit entreprendre un réexamen général du système des ressources propres.

Comme vous le savez, la Commission a formellement engagé l’exercice de réexamen en adoptant, le 12 septembre dernier, une communication intitulée « réformer le budget, changer l’Europe ». Ce document est depuis lors soumis à une consultation publique qui s’achèvera le 15 juin prochain.

Sur la base des orientations qui s’en seront dégagées, la Commission devra ensuite présenter ses orientations pour l’avenir, sous la forme d’un livre blanc, dont la date d’adoption n’est pas encore connue.

Il s’agira pour la Commission non pas de présenter un projet complet de révision des perspectives financières, mais de proposer des orientations sur l’avenir des politiques communes et sur leur financement. Les propositions législatives pour le prochain paquet financier post-2013 seront soumises ultérieurement par la nouvelle Commission investie en 2009. En effet, l’accord interinstitutionnel invite cette dernière à présenter ses propositions pour le prochain cadre financier avant le 1er juillet 2011.

Dans ce contexte politique, qui sera rythmé en juin 2009 par le renouvellement du Parlement européen et de la Commission européenne, la présidence française ne sera probablement pas en mesure de conduire une discussion politique approfondie sur la révision des politiques communes. Le Parlement européen a d’ailleurs clairement exprimé son opposition à ouvrir une telle discussion à quelques mois des élections de juin 2009.

Nous serons pourtant en initiative. Conformément au souhait du Président de la République, la présidence française proposera à nos partenaires européens d’ouvrir une discussion sur l’avenir de la politique agricole commune après 2013. Notre ambition n’est pas d’ouvrir une discussion budgétaire portant sur les montants des dépenses agricoles, mais elle est de forger un nouveau consensus européen sur les grands objectifs et les instruments d’une politique agricole commune renouvelée.

Le débat qui s’ouvrira en 2009-2010, sur la base du livre blanc que présentera la Commission, sera aussi pour notre pays une échéance importante. Nous devons nous y préparer.

Quels défis pour l’Union européenne ? Comment les relever afin de fixer des principes généraux pour l’évolution des politiques de l’Union et leur financement après 2013 ? Voilà les questions que nous devrons résoudre ensemble.

Pour la France, il s’agira d’un rendez-vous essentiel, compte tenu des enjeux financiers considérables pour nos finances publiques et de la nécessaire adaptation des politiques européennes aux défis d’avenir.

Il s’agira également, conformément à la clause de réexamen, de respecter pleinement un juste équilibre dans le traitement des aspects relatifs aux dépenses et aux recettes. Il conviendra notamment de mener à son terme le mouvement de remise en cause des corrections financières que nous avons engagé. Ces rabais, et en particulier le « chèque britannique », ne sont en effet plus justifiés par les réalités économiques actuelles.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle le projet de loi qui est aujourd’hui soumis à votre approbation.

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