Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à la lecture des attendus de ce projet de loi, nul doute que nombre de locataires HLM ont fait une découverte.
Dans leurs escaliers mal entretenus, à la vue de leurs ascenseurs, régulièrement en panne ou insuffisamment sécurisés, dans leurs cités, dont les bâtiments auraient besoin d’un sérieux ravalement, voici qu’ils lisent que certains organismes bailleurs sociaux – est-ce bien le mot qui convient ? – disposeraient d’une importante trésorerie, inutilisée, produit du versement des loyers et des acomptes de charges de leurs locataires.
Le Gouvernement, sans doute soucieux, une fois encore, de l’intérêt général, se fait fort d’amener à la raison ces « financiers avisés » en les mettant à l’amende, dès lors qu’ils n’utiliseraient pas leurs fonds pour entretenir ou réhabiliter leur patrimoine et encore moins pour le développer.
Une telle démarche appelle plusieurs observations.
D’abord, il faudra nous dire combien d’organismes sont visés par le présent dispositif.
Je vous livre les éléments en notre possession. Évidemment – le contraire aurait été difficile à comprendre ! – les organismes engagés dans un processus de redressement de leurs comptes ne sont pas concernés par le dispositif de l’article 2. Autant dire que cela en enlève déjà un certain nombre de la liste !
Restent les autres, dont les stratégies patrimoniales et financières ont été diversement guidées dans la dernière période.
En fait, ce que nous pensons, c’est que vont être frappés par l’article 2 des organismes bailleurs dont l’activité de construction est relativement réduite depuis plusieurs années, et ce pour des raisons diverses.
Première raison : le bouclage d’opérations de construction n’a pas pu être effectué, malgré des fonds propres disponibles, du fait de la modicité – pour ne pas dire plus ! – des aides publiques directes.
En clair, l’article 2 a notamment pour effet de rendre certains organismes bailleurs responsables de la réduction des aides publiques au logement. Ce serait un comble !
Seconde raison : la réalité de la demande. Nous pensons en effet, même si cela peut dérouter, notamment en Île-de-France, que certains des organismes bailleurs qui vont être mis à contribution sont situés en zone faiblement tendue sur le territoire national, là où, parfois, l’offre de logements disponible permet largement et sans contraintes particulières de répondre à la demande.
La situation du logement est, en effet, moins tendue dans des régions du pays où l’activité économique est marquée par de profondes mutations entraînant parfois un déclin démographique que dans celles où l’accroissement de la population génère de nouveaux besoins.
Nous devons aussi souligner que certains dispositifs ont conduit à la réduction du nombre de logements sociaux.
Le déconventionnement d’un certain nombre de logements a ainsi facilité une dispersion du parc social, tandis que les opérations de restructuration urbaine lourde se sont d’abord traduites par une réduction du nombre des logements disponibles avant que de conduire à la réalisation de nouveaux programmes.
Enfin, la vente de logements HLM, même limitée, peut conduire à la contraction de l’offre locative.
Ainsi, dans le Var et les Alpes-Maritimes, départements confrontés à la pression démographique mais aussi à la spéculation foncière et immobilière, les ventes de logements HLM ont conduit, au début de la décennie, à une contraction du nombre des logements sociaux, bien que la population n’ait pas toujours les moyens de fréquenter les nombreuses enseignes de luxe de la Côte d’Azur.
Tous ces éléments expliquent que l’on s’interroge sur le contenu même de cet article 2.
Votre projet de loi se présente ici sous les habits séduisants d’une solidarité qui, en vérité, fait fi de la réalité des situations locales, notamment d’évolutions socio-économiques parfois divergentes.
C’est évidemment pour toutes ces raisons que nous ne pouvons admettre cet article 2 ainsi que nous allons le montrer au fil de la discussion des amendements que nous présenterons.