Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, évidemment, bien des raisons peuvent motiver notre amendement de suppression de cet article.
Si l’on s’arrête aux termes du rapport de la commission des affaires économiques, il apparaît que les bailleurs sociaux qui ont opté pour la gestion patrimoniale de leur parc de logements ne le développent pas suffisamment.
Je cite quelques extraits : « L’élan résultant de la mise en œuvre du plan de cohésion sociale depuis 2004 a nécessairement conduit à augmenter, en moyenne, les investissements des bailleurs en faveur de la construction de logements sociaux.
« Dans ces conditions, il n’apparaît pas illégitime d’utiliser les ressources disponibles de ceux des bailleurs qui n’ont pas suffisamment investi pour aider les organismes qui se sont lancés dans des politiques ambitieuses de développement de leur parc. ».
Une telle démarche ainsi décrite a pour le moins le mérite de la clarté.
Nous posons la question : est-ce le souci de la reconstitution éventuelle de ces fonds propres ou la faiblesse des aides publiques directes au logement – on appelle cela des subventions – qui ont conduit certains organismes à ne pas réaliser un volume d’investissements très important ?
Qu’est-ce qui a empêché, en 2008, que 22 000 des logements relevant des prêts locatifs à usage social, PLUS, des prêts locatifs sociaux, PLS, et des prêts locatifs aidés d’intégration, PLAI, inscrits au budget, dans le cadre du plan de cohésion sociale, aient été réalisés ou même mis en chantier ?
Rappelez-vous, au détour d’un collectif budgétaire, l’automne dernier, la majorité sénatoriale a voté la réduction des crédits de la mission « Ville et logement » – votre budget, madame la ministre – de près de 315 millions d’euros, dont 228 millions d’euros au titre de la rénovation urbaine, après avoir autorisé l’annulation de 175 millions d’euros de crédits de paiement au titre du développement de l’offre de logement !
Soyons clairs : les quelques dizaines de millions d’euros que l’on attend de l’article 2 de ce projet de loi masqueront habilement les ajustements budgétaires pour le moins réguliers, en tout cas à la baisse, mais cela ne fera pas le compte !
Ce qui manque également à l’article 2, mes chers collègues, c’est une simulation réelle de son application.
L’encart figurant dans le rapport nous renforce d’ailleurs dans nos craintes : « Un organisme possédant 1 600 logements ayant investi, en moyenne, 356 100 euros sur la période 2004-2005 pour un potentiel financier moyen sur la même période de 6, 8 millions d’euros présente un ratio de 5, 3 %. Compte tenu de sa faiblesse, ce ratio de 5, 3 % conduirait l’organisme à être taxé à la tranche la plus élevée.
« Un autre organisme possédant 1 450 logements et ayant investi, en 2004 et 2005, 1, 3 million d’euros pour un potentiel financier de 2, 7 millions d’euros présenterait, quant à lui, un ratio élevé d’investissements de 48 %. Il se trouverait, par conséquent, taxé à la dernière tranche, ce qui, si le taux était fixé à 5 % du potentiel financier moyen, conduirait à un prélèvement de 136 700 euros, contre 947 000 dans le cas précédent. »
Cela pose au moins deux questions : d’une part, quelle est la taille réelle des organismes qui vont être frappés par le dispositif prévu – nous pensons que ce ne seront pas nécessairement les plus importants – ; d’autre part, quel sera le taux effectivement appliqué à ces pénalités ?
On nous met donc dans la situation de devoir légiférer sans simulations, sans précisions réelles sur le barème du prélèvement et sans garantie absolue sur les conditions de l’utilisation.
Cela commence à faire un peu beaucoup pour un seul article ! Si l’on y ajoute une pincée de rétroactivité, un risque de voir le prélèvement frapper des organismes sortis d’un plan de redressement à moyen terme et une opacité globale sur l’utilisation des fonds, le tour est joué !
Prenons un exemple des dérives que l’on pourrait constater.
La Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, va être destinataire de la contribution des organismes bailleurs.
C’est donc un impôt nouveau qui sera collecté, sans frais majeurs d’émission de rôles et de perception, pour être utilisé, ensuite, en adossement des prêts de la Caisse auprès de certains organismes, notamment ceux qui sont placés en situation de redressement.
Concrètement, cela signifie qu’une ressource peu coûteuse va devenir une source de résultats financiers pour un établissement public de caractère administratif dont l’une des ressources est pourtant assurée, en principe, par une dotation budgétaire.
Tout est donc en place pour que le dispositif soit, de suite, une source de débudgétisation et, demain, une source d’économies indirectes complémentaires selon l’allocation de la ressource perçue.
Pour tous ces motifs, nous vous invitons à adopter cet amendement de suppression de l’article 2.