Madame la ministre vous souhaitez la « mobilisation des acteurs » du logement, termes d’ailleurs repris dans l’intitulé du chapitre Ier du projet de loi.
Or, dès l’article 3, vous concentrez votre action à amputer les partenaires sociaux de leurs moyens financiers en organisant le « pillage » du 1 % logement.
Certes, après de rudes négociations, l’État soutirera un peu moins d’argent que prévu. Cependant, il vous faut bien compenser votre désengagement. Par conséquent, 850 millions d’euros par an seront prélevés sur la période 2009-2011, au lieu de 1, 05 milliard initialement prévu.
À terme, vous souhaitez budgétiser les fonds du 1 %, suivants ainsi à la lettre les propositions du rapport Attali. Pour ce faire, le présent projet de loi refonde totalement la gouvernance du 1 %.
Depuis quelques mois, les critiques fusent concernant la gestion paritaire du 1 %.
Permettez-moi de souligner qu’en ces temps de réformes cette polémique tombe à pic. Nous ne serions pas vraiment étonnés si cette campagne de presse avait été savamment orchestrée en haut lieu pour justifier pleinement l’opération à laquelle nous assistons.
La gestion de la participation des entreprises à l’effort de construction serait opaque, d’après le rapport pour avis de notre collègue Philippe Dallier. Cette opacité justifierait que le ministère du logement mette la main sur le magot !
Opacité pour opacité, mes chers collègues, parlons quelque peu de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, et expliquez-nous pourquoi, madame la ministre, à situation sociale équivalente, un programme de restructuration urbaine mené à Meaux – ville de M. Jean-François Copé, avocat à la cour – dispose de deux fois plus de financement qu’un autre programme de rénovation urbaine mené à Orly, ville que je connais bien ?
Vous placez donc sous tutelle gouvernementale l’Agence nationale pour la participation des employeurs à l’effort de construction, l’ANPEEC, et l’Union d’économie sociale du logement, l’UESL, et vous cantonnez les partenaires sociaux au rang de simples observateurs.
Cet article n’est pas acceptable, car il renvoie bon nombre de décisions à des décrets en Conseil d’État.
Ainsi, « pour chaque catégorie d’emplois, la nature des emplois correspondants et leurs règles générales d’utilisation sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis des représentants des organisations syndicales et patronales ».
Il n’est pas étonnant, madame la ministre, que, à l’annonce de la réforme du 1 %, les partenaires sociaux, du MEDEF à la CGT, aient conclu ensemble un protocole national interprofessionnel afin de vous proposer une solution de remplacement.
Le Gouvernement et le Président de la République se targuent de favoriser le dialogue social. Il semble que, en ce qui concerne le 1 %, vous ayez quelque peu dérogé à cette pratique.
La prise en main du 1 % est d’autant plus contestable qu’il s’agit d’une forme de confiscation – des mots beaucoup plus durs, tel hold-up, ont déjà été employés – de la richesse créée par les salariés, par leur travail.
Votre réforme dénature l’esprit du décret de 1953 qui, je le rappelle, officialisait une pratique en vigueur depuis près d’un siècle et participait, à l’époque, au redressement de l’économie du pays.
C’est effectivement en 1853 qu’une quinzaine d’entreprises s’étaient regroupées afin de créer la Société mulhousienne des cités ouvrières pour loger leurs travailleurs.
L’histoire du 1 % se fonde depuis toujours sur une gestion propre. Vous mettez à mal cette exception française en l’éloignant encore plus de son rôle premier : le logement des travailleurs.
Depuis quelques années déjà, le 1 % logement sert à financer les politiques publiques : l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, l’ANAH, et l’ANRU ne pourraient fonctionner sans son apport financier. Il participe également pour beaucoup à la solidarité nationale. Vous souhaitez le ponctionner un peu plus encore, quitte à entraîner une baisse du volume des sommes collectées via les retours sur prêt.
Madame la ministre, l’argent que vous prenez au 1 % ne palliera pas les manques du budget national. J’en veux pour preuve un article publié dans Les Échos du 9 octobre dernier mettant en avant les graves difficultés financières de l’ANRU et l’impossibilité de mener à terme les projets de rénovation déjà enclenchés.
À ce jour, seul 1 milliard d’euros est sorti des caisses de l’État, soit 8, 3% des engagements annoncés par Jean-Louis Borloo dans le cadre du plan de cohésion sociale.
Le 1 %, quant à lui, a déjà versé plusieurs milliards d’euros depuis la création de l’ANRU. Cet exemple est frappant. Il démontre à lui seul que la ponction du 1 % ne pallie pas la baisse des crédits gouvernementaux.
Vous ne réglerez pas la crise du logement en prenant à Paul pour donner à Jacques… ou à Nicolas !