Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 16 octobre 2008 à 21h30
Logement et lutte contre l'exclusion — Article 3, amendement 255

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier, rapporteur pour avis :

Nous sommes au cœur du sujet pour la commission des finances, si l’on considère l’angle budgétaire du problème.

L’article 3 du projet de loi, d’ailleurs le plus long de ce texte, traite dans son ensemble de la gouvernance du 1 % logement, des rôles respectifs de l’Agence nationale pour la participation des employeurs à l’effort de construction, l’ANPEEC, et de l’UESL, de la manière dont l’État et les partenaires sociaux discuteront à l’avenir de l’emploi des ressources du 1 % logement.

S’il ne s’agissait que de cela, même si j’ai bien conscience que c’est déjà beaucoup, notamment pour les partenaires sociaux, la commission des finances aurait pu ne pas se saisir de ces dispositions qui pouvaient, à première vue, ne pas avoir de portée budgétaire.

Mais il en va tout à fait différemment si l’on analyse cet article 3, et notamment les deux dernières phrases du dernier alinéa du 1° du I, au regard des documents budgétaires que sont le projet de loi de finances pour 2009 et le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2011.

Je vous rappelle les termes de l’article 3 auxquels je fais allusion : « Pour chaque catégorie d’emploi, la nature des emplois correspondants et leurs règles générales d’utilisation sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis des représentants des organisations syndicales et patronales membres de l’UESL. Les enveloppes minimales et maximales qui leur sont consacrées annuellement sont fixées par décret. »

En effet, sous l’angle de la seule gouvernance de l’UESL, il ne s’agit que de modifier les règles du jeu. Jusqu’à présent, c’est par convention que l’État et les partenaires sociaux se mettaient d’accord pour décider des catégories d’emplois des ressources du 1 % et fixer les enveloppes à y consacrer. C’est ainsi que l’État et l’UESL ont porté sur les fonts baptismaux l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, en 2003, puis qu’en 2005, 2006 et 2007, au travers de trois lois de programmation, ils ont, d’un commun accord, porté leurs contributions respectives à 4 milliards, 5 milliards, puis 6 milliards d’euros sur la base d’un euro pour l’État, un euro pour l’UESL.

Dorénavant, avec la rédaction qui nous est proposée pour l’article 3, c’est annuellement et par décret que l’État souhaite fixer les enveloppes minimales et maximales par catégorie d’emploi.

Les raisons invoquées pour justifier ce changement tiennent aux critiques formulées sur la gouvernance du 1 % et aux travaux de la RGPP – la revue générale des politiques publiques – qui suggéraient, eu égard au contexte budgétaire, que l’État puisse fixer plus directement les priorités en matière d’emplois des fonds du 1 %. On peut approuver ou désapprouver ce choix, chacun exprimera son avis.

Ce changement de règles aurait pu ne pas concerner les accords passés, notamment concernant l’ANRU, et leurs grands équilibres. Malheureusement, ce n’est pas l’option qui a été choisie, et c’est là qu’il est utile d’examiner ces deux phrases de l’article 3 à la lumière du projet de loi de finances pour 2009 et du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009-2011.

Sous cet angle, on découvre que la rédaction permet alors de revenir sur les lois de programmation et les conventions antérieurement passées entre l’État et l’UESL, qu’elle rend possible une débudgétisation totale de la contribution de l’État à l’ANRU et presque totale pour l’ANAH, et leur prise en charge par le 1 % logement pour au moins trois ans, si l’on fait référence aux accords dont vous nous avez parlé car, dans le texte de la loi, il n’est pas fait référence à cette durée.

Ainsi, l’ANRU ne bénéficiera en 2009, 2010 et 2011 – et pourquoi pas les années ultérieures ? – que de 770 millions d’euros, alors que les besoins vont devenir bien supérieurs et dépasser le milliard d’euros.

Je ne vais pas redire ce que je pense de ce choix, je l’ai fait avant-hier. Je pense avoir été suffisamment clair.

La commission des finances estime que nous ne pouvons pas en rester là pour trois raisons.

Tout d’abord, l’adoption de cette rédaction entérinerait le dessaisissement complet du Parlement en matière de financement de l’ANRU, et cela en contradiction complète avec l’article 7 de la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. Cet article, qui est maintenu et qui devrait donc s’imposer, prévoit que « les crédits consacrés par l’État à la mise en œuvre du programme national de rénovation urbaine, ouverts par les lois de finances entre 2004 et 2013, sont fixés à 6 milliards d’euros, aucune dotation annuelle au cours de cette période ne pouvant être inférieure à 465 millions d’euros. »

Ensuite, nous ne comprenons pas, madame la ministre, pourquoi votre rédaction ne fait absolument pas référence à cette période triennale, alors que vous nous dites avoir trouvé un accord pour les trois ans à venir avec l’UESL, ce qui nous laisse supposer qu’il existe une clause de « revoyure » au bout de cette période. Nous avons bien compris que le Gouvernement ne souhaite plus entendre parler de convention avec l’UESL et qu’il souhaite dorénavant utiliser le décret après une simple concertation, mais, pour autant, en quoi cela nous empêcherait-il de faire référence à un document de programmation à trois ans ?

Enfin, circonstance aggravant notre inquiétude, le projet de loi de finances pour 2009 voit disparaître non seulement les crédits affectés à la rénovation urbaine, mais aussi le programme 202 qui les portait. Cela nous laisse supposer que vous n’envisagez pas, au terme des trois ans, de rebudgétiser tout ou partie des crédits destinés à l’ANRU, ce qui deviendra nécessaire selon nous, d’autant que le projet de loi de finances pour 2009 annule aussi, et c’est encore plus inquiétant, les 1, 5 milliard d’euros d’autorisations d’engagement à destination de l’ANRU, non encore couverts par des crédits de paiement.

Dans ces conditions, madame la ministre, vous comprendrez certainement pourquoi la commission des finances ne peut accepter votre rédaction en l’état et propose, avec l’amendement n° 255 rectifié, de remettre le Parlement dans le circuit en lui permettant certes non pas de voter les crédits, mais au moins, chaque année, au moment du vote de la loi de finances, de disposer d’éléments de programmation à trois ans et donc d’une certaine visibilité sur l’avenir de l’ANRU.

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