Intervention de Yannick Bodin

Réunion du 19 mars 2009 à 9h30
Libertés et responsabilités des universités — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Yannick BodinYannick Bodin :

Vous brisez les efforts menés en faveur de la lutte contre les discriminations et pour l’égalité des chances. Combien de filles et de fils de banlieue accéderont au métier d’enseignant ? Vous conférez désormais un caractère élitiste à cette formation au lieu de la démocratiser, comme ce fut toujours le cas dans l’histoire de la République. Avec des bourses aussi faibles, quel étudiant pourra se permettre d’envisager des études de cinq ans sans être rémunéré ?

En outre, madame la ministre, que comptez-vous faire des nombreux titulaires du mastère « enseignement » qui, malgré leur haut niveau de connaissances, auront raté le concours et ne pourront donc pas enseigner ? Vers quoi les réorienter alors qu’ils seront déjà titulaires d’un « bac plus cinq » ?

Les critiques se sont multipliées ces dernières semaines. Avouez, madame la ministre, que vous avez tardé à les entendre… Le conseil d’administration de la Conférence des présidents d’universités lui-même vous a solennellement demandé de repousser la mise en place des nouveaux concours à la rentrée 2011. La remise des maquettes donne lieu à toutes sortes de manifestations. Une dizaine d’universités seulement vous ont présenté ces fameuses maquettes, malgré les délais supplémentaires octroyés. Les autres hésitent entre une cérémonie officielle de non-remise et un boycott pur et simple, refusant de travailler dans des délais aussi courts. Je pense que le bon sens impose de repousser à la rentrée 2011 l’application de la réforme dans son ensemble. Toute solution de transition serait vouée à l’échec, parce qu’elle serait obligatoirement bâclée.

L’autonomie conférée aux universités par la loi LRU s’étend notamment au contenu des cours qu’elles délivrent à leurs étudiants. Comment l’uniformisation de la formation des maîtres va-t-elle se faire dans ces conditions ? Nous ne pouvons pas accepter que nos enseignants, qui peuvent être affectés à travers toute la France, ne soient pas formés de la même façon quel que soit le lieu où ils auront étudié. Si l’autonomie permet aux universités de définir leurs modules de formation et, même si ces derniers sont de bonne qualité, une harmonisation s’avère nécessaire. J’attends que vous me rassuriez sur ce point, madame la ministre, car, pour l’instant, vous n’êtes ni assez précise ni assez catégorique sur les dispositions que l’État prendra dans ce domaine.

Certes, la semaine dernière, vous avez annoncé toute une série de mesures tendant à remettre la professionnalisation des futurs maîtres au cœur de leur formation. Mais, ce faisant, c’est une panoplie de « mesurettes » et non plus une réforme cohérente que vous nous proposez.

Quand vous déciderez-vous à abandonner votre réforme pour en construire une autre qui, à la suite d’une concertation approfondie, permettra une bonne formation des maîtres grâce à une année de formation consacrée aux cours théoriques indispensables et à des stages de longue durée dans les classes ? Quand comprendrez-vous que, pour avoir des jeunes instruits et bien éduqués, il faut d’abord leur offrir des maîtres bien formés, dignes du respect et de la confiance de la République ?

Je conclurai mon intervention par une réflexion que m’inspire l’actualité : plus que jamais, l’école républicaine doit être le rempart contre la montée des intégrismes, de l’ignorance et de l’obscurantisme, dont le pape vient une nouvelle fois de prendre la tête. Lincoln disait : « L’éducation coûte cher ? Essayez donc l’ignorance ! ». Je ne souhaite pas que la France prenne ce risque.

Madame la ministre, l’avenir de notre nation dépend de la qualité de la formation de ses maîtres. Je vous en prie, sauvez-la ! §

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