La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le président du Sénat a reçu du Conseil Constitutionnel une décision en date du 18 mars 2009 sur la situation de M. Serge Dassault, sénateur de l’Essonne, au regard du régime des incompatibilités parlementaires.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision sera publiée en annexe au compte rendu intégral de la présente séance.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 18 mars 2009, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel relative à la conformité à la Constitution de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.
Acte est donné de cette communication.
L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 26 de M. David Assouline à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche sur l’application de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.
Cette question est ainsi libellée :
« M. David Assouline demande à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche de lui indiquer l’état d’application de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités dont le dispositif encadre l’ensemble des réformes actuellement contestées par tous les acteurs de l’enseignement supérieur.
« Depuis plusieurs semaines, l’inquiétude de toute la communauté universitaire, des enseignants-chercheurs aux étudiants, en passant par de nombreux présidents d’établissements, s’exprime dans la rue et dans les médias. Leurs protestations s’amplifiant ont donné lieu à de nombreuses manifestations, partout en France où, tous unis, ils s’élèvent contre les réformes gouvernementales modifiant le statut des enseignants-chercheurs, instaurant la nouvelle organisation des instituts universitaires de technologie, IUT, réformant la formation des enseignants et dénoncent, de façon générale, les conditions de travail et d’études à l’université et la réalité des moyens financiers annoncés par le Gouvernement. »
La parole est à M. David Assouline, auteur de la question.
Madame la ministre, nous revoilà !
Souvenez-vous : quelques semaines seulement après l’élection présidentielle, vous présentiez à notre assemblée la future loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi LRU, alors appelée par le Premier ministre à devenir la réforme « la plus importante de la législature ». Il fallait aller vite, pendant l’été, pour que la communauté universitaire ne puisse pas réagir. Je vous avais avertie qu’une réforme de l’université se devait d’être discutée en profondeur avec tous les acteurs concernés.
Madame la ministre, sûre de votre rapport de force d’alors et de votre talent, vous avez foncé. Mais le talent ne suffit pas, ni même votre style incontestablement plus moderne, car vos préjugés idéologiques ne sont, quant à eux, pas du tout modernes ! Ils sentent même la naphtaline : l’université n’est pas une entreprise, la connaissance n’est pas une marchandise !
Vingt mois après, alors que la colère envahit les campus, nous voilà à l’heure d’un premier bilan, avec la question du contrôle parlementaire. Si cet exercice n’est pas tronqué ou de pure forme, si vous répondez vraiment aux questions posées, nous aurons été alors utiles au débat public, nécessaire pour toutes celles et tous ceux qui attendent que notre université et notre recherche relèvent les défis de notre temps.
Le contexte est là. Après les manifestations du 11 mars dernier, « pour la défense du service public » de l’enseignement supérieur et de la recherche, chacun peut encore voir aujourd'hui que des milliers de représentants de la communauté universitaire défilent déjà ce matin dans tout le pays contre la politique du Gouvernement.
La communauté universitaire semble donc plus mobilisée contre vos réformes que rassemblée « autour » des projets d’établissement liés à leur application.
Or, que constatons-nous dans le domaine qui relève de votre compétence ?
Le 16 février dernier, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, adoptait une motion exprimant l’opposition de la communauté universitaire aux « projets du ministère – modulation des services, mastérisation, réforme de l’allocation des moyens, restructuration des organismes de recherche … – imposés de force [et] fragilisant le service public d’enseignement supérieur et de recherche ».
Pour sa part, la Conférence des présidents d’université, la CPU, exige solennellement du Gouvernement le report à la rentrée 2010-2011 de la réforme de la formation des enseignants des premier et second degrés.
Par ailleurs, les directeurs des instituts universitaires de technologie, IUT, se rebellent, massivement, contre la remise en cause de la spécificité des cursus proposés par leurs organismes avec leur mise sous tutelle des présidences d’université.
Il est vrai qu’il est difficile de faire accepter une réforme à celles et ceux qui sont appelés à en devenir les principaux acteurs lorsque l’on se contente de les mépriser. Le 22 janvier dernier, à l’Élysée, le Chef de l’État vouait une nouvelle fois aux gémonies « un système d’universités faibles, pilotées par une administration centrale tatillonne », marqué d’« archaïsmes » et de « rigidités » dont se satisferaient des « conservateurs […] que l’on trouve à droite en nombre certain et à gauche en nombres innombrables ».
Sans polémiquer, il nous faut tout de même répondre ici à cette accusation, en revenant sur le contenu des débats ayant précédé, dans cet hémicycle, l’adoption de la loi LRU.
Que disais-je alors, pour ma part, au nom des sénateurs socialistes ?
« Oui, la grande réforme de notre enseignement supérieur est nécessaire, tant le rôle de celui-ci pour la grandeur de notre pays et sa place dans le monde est majeur, tant l’idée qu’on se fait de l’intelligence, du progrès humain et de la culture en général y est présente, concentrée au maximum. »
Et je continuais ainsi : « L’enjeu est d’assurer à notre université les moyens de l’excellence et, sur cette base seulement, de chercher à savoir comment les universités pourraient mieux fonctionner en interne, notamment avec plus d’autonomie. C’est pourquoi il aurait fallu dès maintenant travailler à un projet de loi de programmation pluriannuelle visant à donner à l’université les moyens de cette excellence. »
Qu’aurait été le contenu de cette loi de programmation ? J’en donnais aussi le détail : « Ce projet de loi de programmation aurait été construit autour de cinq priorités : premièrement, l’augmentation de 10 % par an pendant cinq ans du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’objectif étant que la dépense publique en sa faveur atteigne 3 % du produit intérieur brut ; deuxièmement, la lutte contre l’échec en premier cycle et la précarité des conditions de vie de beaucoup d’étudiants ; troisièmement, la valorisation des jeunes chercheurs, notamment en apportant des garanties de carrière aux doctorants ; quatrièmement, l’amélioration de la gouvernance par l’octroi de responsabilités supplémentaires aux établissements en contrepartie d’un approfondissement de la démocratie ; cinquièmement, enfin, l’évaluation régulière des établissements d’enseignement supérieur, de leur gestion et de leurs résultats par l’État. »
Notre contribution au débat était posée, dans la transparence, dès le début des débats. Ce matin, vous ne pourrez pas dire que ces propositions ne répondaient pas aux enjeux de l’avenir de notre service public de l’enseignement supérieur et de la recherche.
En effet, vous aviez estimé prioritaire d’évaluer la performance des établissements et des enseignants-chercheurs et de réformer la gouvernance et l’organisation des universités. Cohérent avec la philosophie du Chef de l’État, consistant à privilégier les puissants et à sacrifier les faibles, ce gouvernement a choisi d’octroyer des libertés aux établissements ayant les moyens d’en tirer profit, selon l’adage cher aux libéraux du « renard libre dans un poulailler libre ». Vous avez donc délibérément jugé secondaires la question des moyens et de l’échec des étudiants en premier cycle, ainsi que celle des conditions de travail des universitaires.
Pendant les discussions de l’été 2007, nous vous avions pourtant mise en garde contre vos propres démons, en rappelant que « la dernière fois que la droite a voulu réformer l’université, là encore au nom de l’autonomie, avec le projet Devaquet de juillet 1986, il s’agissait de permettre aux universités de fixer librement leurs droits d’inscription, de sélectionner les étudiants et d’adapter leur offre d’enseignements et de diplômes exclusivement en fonction des besoins du marché du travail, en cassant leur valeur nationale ».
Ancrée dans vos certitudes fondées, notamment, sur le si contestable classement de Shanghai, vous étiez restée sourde aux préoccupations des enseignants-chercheurs, déjà inquiets de la remise en cause annoncée de leur statut, comme à celles de tous les acteurs de l’université de voir la démocratie confisquée, dans les établissements, par des conseils d’administration peu représentatifs et des présidents surpuissants.
Souvenez-vous de votre réponse définitive à nos interrogations et à nos mises en garde, lors du vote final du projet de loi dit LRU : « Pour l’instant, tout va bien, et, comme disait la mère de Napoléon, pourvu que ça dure ! »
Cela n’a pas duré, comme c’était prévisible, et, depuis plus de sept semaines, nos universités et nos établissements de recherche connaissent une crise de dimension inconnue depuis vingt ans.
Et qu’a fait ce Gouvernement depuis début février pour sortir de la crise, sinon cloisonner les discussions autour des deux sujets les plus brûlants : révision du statut des enseignants-chercheurs et réforme dite de mastérisation de la formation des professeurs des premier et second degrés, en excluant du dialogue un mouvement comme « Sauvons l’université » ou des associations d’enseignants et de chercheurs à l’expertise reconnue comme « Qualité de la science française » et « Défense de l’université » ?
Comment alors s’étonner du rejet par ces deux organisations, en début de semaine, de la dernière version du projet de décret sur le statut des enseignants-chercheurs et de la menace, sans précédent, de démission de 250 directeurs de laboratoires s’ils n’étaient pas entendus à ce sujet ?
Le temps est donc venu, pour le Sénat, de juger des premiers résultats de votre politique pour les universités.
Notons, en premier lieu, que l’article 51 de la loi LRU crée un comité de suivi. Institué par un décret du 23 janvier 2008, ce comité comprend notamment quatre parlementaires, dont aucun, à ce jour, n’appartient à l’opposition, contrairement à vos engagements de juillet 2007. Et, à notre connaissance, le rapport du comité de suivi n’a toujours pas été officiellement transmis à notre assemblée, alors que le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, et la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale en seraient saisis depuis plusieurs semaines déjà.
Pouvez-vous, madame la ministre, informer la Haute Assemblée de la date précise à laquelle ce rapport lui sera formellement communiqué ?
Cette question de procédure n’est pas anodine. Le rapport du comité, que l’on parvient néanmoins à se procurer, comporte dix-huit recommandations, dont certaines prônent des modifications législatives et des mesures réglementaires. Il est ainsi principalement consacré aux questions de gouvernance et fait état de difficultés dans l’application des nouvelles procédures d’élection des présidents. Pouvez-vous nous rendre précisément compte de ces difficultés et de leurs conséquences pour le fonctionnement des instances des universités ?
Le rapport fait aussi état d’une inquiétude concernant l’application restrictive que certains présidents d’université feraient des nouvelles règles de gouvernance issues de la loi, en constatant que « des critiques ont été émises [...] sur la manière dont certaines universités ont affaibli le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire du point de vue de leur capacité à apporter des réflexions sur la politique globale de l’établissement en matière de formation ».
Cette dérive certaine rejoint la préoccupation que j’exprimais dans nos discussions de juillet 2007 en qualifiant d’« hyperprésidentialisation » le processus permettant qu’un président d’établissement puisse « être choisi en dehors de l’université », « préside les conseils – dont le nombre a varié – [et] soit élu par des personnalités extérieures [...] ».
Plus généralement, le comité de suivi conclut son rapport en insistant sur « la nécessité pour les établissements de se doter d’un projet stratégique, portant sur la formation, la recherche mais aussi le patrimoine, sous peine de se contenter de passer simplement d’une loi de réforme universitaire à une autre ». Cette recommandation, qui prend la forme d’une mise en garde, manifesterait-elle les difficultés rencontrées par les conseils d’administration des universités « autonomes » à élaborer de tels projets ?
Lors de l’examen de la future loi LRU, nous doutions que les conseils d’administration eussent vocation à devenir les instances de pilotage stratégique des universités dans le cadre d’une « présidentialisation abusive du pouvoir ».
L’exemple de l’université de technologie de Troyes, UTT, fonctionnant déjà sous un régime dérogatoire de quasi-autonomie, montre les carences du nouveau statut créé par la loi LRU. Ainsi, transformé en véritable PDG, le dirigeant de l’UTT a mis en place une gestion des ressources humaines fondée sur la flexibilité des conditions d’emploi des personnels – avec 50 % de contractuels – et le manque de transparence dans les choix de recrutement des enseignants-chercheurs, aucun comité de recrutement n’ayant encore remplacé la commission de spécialistes.
Par ailleurs, les projets de recherche sont sélectionnés plus en fonction des bénéfices financiers attendus des transferts de technologie possibles vers le secteur privé qu’en fonction de l’intérêt scientifique des travaux. Cette « marchandisation » rampante du service public s’accompagne naturellement d’un management autoritaire et opaque, infantilisant jusqu’aux équipes scientifiques !
En réalité, la loi LRU remet en cause la particularité même de la mission des universités, qui justifie que partout ailleurs qu’en France le président et le conseil d’administration n’interviennent qu’exceptionnellement dans les choix scientifiques, de la stricte compétence des spécialistes des différentes disciplines et ce, dans le strict respect de l’indépendance du savoir.
Oserez-vous confirmer ici, madame la ministre, qu’en confondant « gestion moderne » et « gouvernance d’entreprise », comme il entretient sciemment la confusion entre « archaïsme » et « service public », ce Gouvernement a mis en chantier, avec la loi LRU, la mutation de nos établissements d’enseignement supérieur et de recherche en « firmes » guidées par le seul impératif de leur compétitivité sur le marché mondial de la formation des élites ?
Quoi qu’il en soit, en juillet 2007, vous vous engagiez à ce que, d’ici à 2012, toutes les universités se voient confier la maîtrise pleine et entière de leur budget, pour le fonctionnement comme pour l’investissement.
Cet objectif sera-t-il tenu ? Dans quelle mesure les dispositifs d’accompagnement préalables alors promis – formations des personnels administratifs, recensement du patrimoine immobilier – ont-ils été réalisés ? Selon quelles modalités, notamment financières, les locaux seront-ils transférés aux universités qui en feront la demande d’ici à 2012 ? À ce sujet, le comité de suivi recommande d’ailleurs que le ministère mette « en chantier les études méthodologiques et financières relatives à la gestion du patrimoine dès 2009 ». En sera-t-il ainsi ?
Vous ne serez pas surprise de l’opposition des sénateurs socialistes à voir certains campus réhabilités par des investisseurs privés dans le cadre de contrats de partenariat qui ne concerneront naturellement que les sites les plus prestigieux et les mieux dotés, ce qui approfondira les inégalités déjà existantes entre établissements.
Il nous semble donc indispensable, madame la ministre, que vous éclairiez la Haute Assemblée sur les contrats de partenariats signés ou en projet. Quels établissements concernent-ils ? Pour quels projets et avec quelles conséquences pour les finances publiques ? Rappelons qu’en loi de finances initiale pour 2009 170 millions d’euros sont inscrits pour aider au démarrage de partenariats public-privé dans l’enseignement supérieur et que le premier plan de relance gouvernemental prévoit l’engagement de nouveaux crédits d’investissement à hauteur de 731 millions d’euros, au bénéfice de votre ministère.
Quoi qu’il en soit, nous restons toujours ouverts, comme nous l’affirmions en juillet 2007, à une réforme permettant la « débureaucratisation » des universités et des établissements de recherche, dans une logique de « décentralisation » démocratique.
En revanche, sauf à vouloir abandonner la formation des étudiants et la politique scientifique des universités au féodalisme et au clientélisme, nous persistons à nous opposer à des procédures permettant que les carrières des enseignants-chercheurs soient soumises à des contraintes de service strictement locales et que la définition des programmes de formation et de recherche échappe à la stricte compétence des organes de spécialistes.
Qui peut d’ailleurs sérieusement contester que le travail de scientifiques ne peut être légitimement et efficacement évalué que par d’autres scientifiques ?
Sa remise en cause par votre malheureux projet de décret sur le statut des enseignants-chercheurs ne pouvait donc que susciter la réprobation de toute la communauté universitaire. Cette réprobation est d’autant plus exacerbée que, dans le même temps, le Gouvernement veut remettre à plat le processus de formation des professeurs des premier et second degrés, une nouvelle fois sans concertation préalable et au mépris de l’impératif d’apprentissage pédagogique de tout futur enseignant appelé à s’adresser à des enfants ou à des adolescents.
Qui plus est, ces deux mesures tout à fait inacceptables s’inscrivent dans l’objectif gouvernemental d’appliquer à l’éducation nationale le principe de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
Ce principe ne devait pas, selon vos déclarations, s’appliquer à l’enseignement supérieur et à la recherche, priorité gouvernementale par excellence réaffirmée par le Premier ministre au moment de l’examen de la future loi LRU, avec l’annonce, dans le discours de politique générale de ce dernier, d’un effort budgétaire supplémentaire de cinq milliards d’euros sur la durée du quinquennat.
Or, après la progression « zéro » de l’année 2008, l’année 2009 est marquée, avec la suppression de 900 postes, par une régression sans précédent depuis quinze ans du volume d’emplois affectés à un secteur qui devrait pourtant être plus que jamais prioritaire à l’heure où le nombre d’universitaires va naturellement baisser dans les prochaines années, du fait des départs en retraite. Au nombre de 2 062, les universitaires devraient ainsi n’être plus que 1 506 en 2015 sous le seul effet du vieillissement.
Surtout, en décidant de ne pas remplacer un départ à la retraite sur six dans le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche en 2009, et en multipliant le recours aux emplois précaires, le Gouvernement a en réalité transformé les personnels et leurs conditions de travail en variable d’ajustement budgétaire.
Je prendrai quelques exemples pour illustrer ce lent, mais réel processus de remise en cause du service public.
Alors que la loi LRU était censée « débureaucratiser » le fonctionnement des universités, les enseignants-chercheurs sont confrontés à une multiplication « kafkaïenne » de tâches administratives visant à surveiller leurs travaux pour les inscrire plus dans une logique de rentabilité que dans une démarche scientifique.
Dans le même esprit, le refus du Gouvernement de revaloriser les rémunérations des emplois administratifs statutaires afin de permettre le recrutement de collaborateurs qualifiés pour assumer les fonctions d’encadrement justifie l’ouverture de recrutements de plus en plus nombreux sous contrats à durée déterminée.
Comment s’étonner, alors, du malaise des personnels de bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniques, ouvriers, de service et de santé, les BIATOS, ces milliers d’agents qui font fonctionner les universités quand le seul signe de reconnaissance que vous leur concédez est la remise en cause de leur statut et la précarité ?
Autrement dit, en réduisant systématiquement le nombre de fonctionnaires, ce Gouvernement crée de la précarité jusqu’à l’université.
Comment réussirez-vous donc votre Plan pluriannuel pour la réussite en licence, qui prévoit un meilleur encadrement des étudiants de premier cycle, avec des effectifs d’enseignants-chercheurs en baisse ? Confirmez-vous que, pour pallier vos difficultés dans ce domaine, le Premier ministre vous a demandé, ainsi qu’à votre collègue Xavier Darcos, d’étudier « la mise à disposition des universités de professeurs agrégés, PRAG du second degré » ?
Cette solution « placebo » servira en fait à cacher les suppressions de postes statutaires en 2010-2011, tout en permettant au Premier ministre de tenir son engagement de maintien de l’emploi dans les universités. Croyez-vous, madame la ministre, que la communauté universitaire sera dupe d’une telle manipulation ?
Le plan Campus est aussi significatif de la volonté du Gouvernement de privilégier les « puissants » au détriment des « faibles », en l’occurrence dix « pôles » universitaires « d’excellence ».
Encore une fois, lors de l’examen de la future loi LRU, nous redoutions la logique de compétition entre les « composantes du service public » que votre réforme portait intrinsèquement. Comme le soulignait récemment le président de l’université d’Auvergne-Clermont-I : « En combinant ce plan [le plan Campus] à la mise en place, le 1er janvier, d’un nouveau système de répartition des moyens entre les universités axé sur la performance, mais sans véritable rattrapage préalable des disparités criantes et injustifiées [...] entre établissements, [le Gouvernement] a fait le choix de conduire une politique de soutien discriminante », favorisant les établissements les mieux dotés. Partageant ce constat, le comité de suivi souligne pour sa part « l’importance d’un rééquilibrage des moyens et des emplois entre les universités. »
Cette logique pernicieuse fait d’autant plus sentir ses effets que, sur 792 millions d’euros de dépenses budgétaires nouvelles prévues au bénéfice de l’enseignement supérieur en 2009, seuls un peu plus de 20 % sont destinés à abonder le financement des universités, soit 175 millions d’euros, dont 107, 3 millions pour accompagner le passage à l’autonomie, ne bénéficiant donc qu’aux établissements ayant d’ores et déjà fait ce choix, et 67, 9 millions d’euros pour la mise en œuvre du Plan pluriannuel pour la réussite en licence.
Des informations diverses ayant fait état des évolutions très inégales des dotations des universités – on évoque une augmentation de 25 % pour certains et une quasi-stagnation en valeur pour d’autres –, pouvez-vous, madame la ministre, confirmer ces données et, le cas échéant, justifier ces inégalités de traitement, alors que toutes les universités sont censées bénéficier du Plan pluriannuel pour la réussite en licence ?
De nombreux dirigeants d’universités estiment que les éventuelles dotations supplémentaires ne compensent pas les nouvelles dépenses induites pour les établissements par la mise en œuvre de ce dispositif.
En tout état de cause, madame la ministre, croyez-vous vraiment que les bidouillages auxquels vous vous livrez dans la présentation des crédits de votre ministère pour trouver les 1, 8 milliard d’euros supplémentaires promis par le Président de la République suffisent à cacher le fait que les moyens réellement dévolus à l’amélioration des conditions de travail des universitaires et des conditions de vie des étudiants ne sont pas au rendez-vous ?
Ainsi, les 58 millions d’euros supplémentaires affectés à la « vie étudiante » en 2009 représentent un effort si ridicule que celui-ci constitue presque une insulte à l’égard de ces milliers d’étudiants qui vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.
Or l’amélioration des conditions de vie des étudiants contribue de manière décisive à l’égalité des chances. Il faut offrir à ceux-ci tous les moyens pour accéder rapidement, et en conformité avec leur formation, au monde du travail.
Des mesures d’urgence s’imposent donc dans tous les domaines, y compris celui de l’orientation. Vous n’envisagez malheureusement toujours pas de créer le fameux service public national de l’orientation !
Au cours du débat parlementaire, nous avions également suggéré la création de bureaux d’aide à l’insertion professionnelle dans chaque université. Quelle est la situation réelle à cet égard ? Quels moyens ont-ils été alloués ?
Madame la ministre, vous en conviendrez, cette question orale avec débat sur l’application de la loi LRU, sur fond de crise profonde de confiance entre la communauté universitaire et le Gouvernement, tombe à pic. Elle peut être l’occasion, si vous voulez bien sortir de vos certitudes d’hier, de revoir réellement votre copie avec tous les acteurs concernés. Car j’espère que, comme moi, vous ne voulez pas que la situation pourrisse avec tous les risques que cela comporte !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors des débats consacrés à la loi relative aux libertés et responsabilités des universités au cours de l’été 2007, j’avais eu l’occasion, au nom du groupe CRC, de souligner les graves insuffisances de ce texte, qui contrevenait aux grands principes essentiels au bon fonctionnement de notre système d’enseignement supérieur et de recherche : respect de la démocratie interne, de la collégialité, de l’indépendance des enseignants-chercheurs et de l’évaluation par leurs pairs.
Nous avions également déploré le manque d’ambition de cette loi, qui n’engageait pas l’État à débloquer des moyens substantiels permettant aux universités de parvenir à une réelle autonomie.
En outre, nous avions dénoncé le manque de concertation pour la préparation d’une loi censée réformer en profondeur l’université française et présentée par le Premier Ministre comme « la plus importante de la législature ». Faut-il rappeler qu’elle avait été examinée en urgence, votée à la hussarde et promulguée au cours de l’été 2007 ?
À tous ces travers, à cette absence de dialogue, s’ajoutent les propos arrogants, brutaux et méprisants du Président de la République à l’égard d’une communauté scientifique présentée comme frileuse face au changement et hostile à toute forme d’évaluation de son travail. Cette accumulation, cette méfiance, cette défiance ont engendré le mouvement de fronde actuel, inédit par son ampleur.
Il est vrai que toutes les orientations politiques actuellement mises en œuvre témoignent d’un véritable mépris pour la connaissance et d’une volonté de disqualifier le savoir. Toutes les activités, de l’hôpital à l’université, du tribunal aux structures culturelles, sont appréciées et évaluées au travers d’un utilitarisme forcené à courte vue. Les critères de rentabilité imposés aux services publics ignorent les logiques et la nature même du service public, ainsi que le temps nécessaire à l’accomplissement de missions diverses très souvent complexes. L’immédiateté prend le pas sur toute vision prospective, l’organisation comptable s’impose à tous les types d’activités. Dès lors que les objectifs quantitatifs ne sont pas atteints, des mesures sont prises pour supprimer les postes dans une fonction publique perçue comme pléthorique et peu efficace.
Dans ce contexte, comment les scientifiques peuvent-ils accepter les déclarations du Chef de l’État selon lesquelles l’enseignement supérieur et la recherche de notre pays seraient « inadaptés aux défis de la connaissance et de la croissance du xxie siècle » ? Comment peuvent-ils entendre que la France se trouve en queue de peloton, quand notre pays, malgré une dépense publique par trop insuffisante, se maintient au sixième rang mondial et dispose d’un Centre national de la recherche scientifique fort d’une première place européenne pour les publications ?
La méthode est bien connue : qui veut noyer son chien, l’accuse de la rage ! Derrière ce tableau outrancier, délibérément noirci, de la réalité universitaire, s’exprime une volonté de « casser » le dispositif public d’enseignement supérieur et de recherche. L’exécutif s’efforce de remettre en cause la philosophie même de la connaissance : la conception actuelle fondée sur la réflexion critique et l’échange devrait ainsi disparaître, au profit d’une conception répondant aux principes de concurrence et de résultats immédiats. Ainsi la production et la transmission des connaissances doivent-elles être soumises aux règles managériales et satisfaire aux pratiques d’étalonnage des performances, selon la logique de l’Espace européen de la recherche et de la stratégie de Lisbonne.
Concurrence et performance à tous les étages : tel est le mot d’ordre qui sous-tend la politique mise en œuvre par le Gouvernement, qui ne peut s’accommoder de la liberté des scientifiques, des échanges, partenariats et collaborations actuellement mis en œuvre au niveau des établissements et des laboratoires de recherches. Le slogan « Publish or perish » – « Publie ou crève » –, d’inspiration anglo-saxonne, semble être l’un des principaux impératifs auxquels nos enseignants-chercheurs et chercheurs devraient désormais répondre. En substance, c’est le message que le Chef de l’État a adressé à la communauté scientifique le 22 janvier dernier.
Outre ces déclarations du Président de la République, qui sont tout sauf une déclaration d’amour – ne vous en déplaise, madame la ministre ! – la communauté scientifique n’a pu rester passive face aux récentes décisions du Gouvernement l’affectant directement.
Elle ne pouvait se résoudre à accepter le décret bouleversant le statut des enseignants-chercheurs. Car, de fait, celui-ci menace la fécondation réciproque de l’enseignement et de la recherche, pourtant vitale pour le développement des universités et la qualité des enseignements dispensés aux étudiants. Les universitaires ont, à juste titre, rappelé qu’on ne saurait dissocier enseignement et recherche par souci d’économies ou pour valoriser des carrières individuelles.
De même, le projet bouleversant le recrutement et la formation des professeurs des écoles, collèges et lycées a rencontré une vive opposition, y compris au sein de la Conférence des présidents d’université, l’apprentissage et la pédagogie étant purement et simplement sacrifiés. En outre, l’incorporation de la formation des enseignants au sein des universités marquerait la fin du cadre national de cette formation, dont les instituts universitaires de formation des maîtres, IUFM, étaient les garants, chaque université devant dès lors proposer sa propre maquette de mastère. Ainsi, nous assisterions à une véritable balkanisation de la formation des professeurs, ceux-ci n’étant plus formés de manière similaire sur l’ensemble du territoire national.
Ces réformes rétrogrades sont d’autant plus rejetées qu’elles interviennent dans un contexte de suppressions de postes au niveau tant des universités et des organismes de recherche que de l’éducation nationale dans son ensemble. Alors que le caractère prioritaire et primordial de l’enseignement supérieur et de la recherche est sans cesse réaffirmé, il n’est pas concevable de diminuer les emplois statutaires dans un secteur qui n’a jamais souffert de surnombre. Doit-on rappeler que, depuis vingt-cinq ans, l’effectif du personnel universitaire a augmenté de 30 %, quand le nombre d’étudiants croissait de plus de 300 % ? Dès lors, comment s’étonner qu’un grand nombre de jeunes quittent l’enseignement supérieur sans diplômes, en situation d’échec ?
Face à l’absence de perspectives d’emploi, il n’est guère surprenant d’observer que les étudiants ne sont plus attirés par les carrières scientifiques et universitaires. Ce phénomène est pourtant particulièrement préoccupant. Comment les connaissances seront-elles produites et transmises dans un proche avenir ?
Alors qu’il y a urgence à définir un plan pluriannuel de création d’emplois statutaires, les suppressions de postes pour 2009, auxquelles s’ajoutent les annonces de suppressions de postes dans les organismes de recherche, constituent un signal très négatif adressé tant à la communauté scientifique qu’aux étudiants.
De manière plus générale, l’opinion publique désapprouve majoritairement les suppressions de postes dans l’éducation nationale, qui contribuent, elle le sait bien, à affaiblir le système éducatif français.
Madame la ministre, nombreux sont ceux à vous dire qu’il y a urgence à revoir la politique du Gouvernement en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Et tous ne sont pas, loin s’en faut, ce que vous pourriez être tentée d’appeler d’« affreux révolutionnaires » ou les « chantres de l’immobilisme ». Ceux-là mêmes que le Chef de l’État ou vous-même vous plaisiez à citer pour défendre vos projets vous le disent et le répètent : « La politique à courte vue de coupes claires sans discernement dans la recherche et l’enseignement supérieur est suicidaire. » Ces mots sont ceux du physicien Albert Fert, prix Nobel 2007, par ailleurs membre du comité de suivi de la loi LRU, dont vous chantiez les louanges il y a quelques mois encore.
Au-delà du décret sur le statut des enseignants-chercheurs, de la mastérisation des concours et de la refonte de la formation des futurs enseignants, c’est l’ensemble de la loi LRU qu’il convient de revoir en profondeur, car elle met à mal l’indépendance des universitaires. Ceux-ci sont en effet privés de la mission de définition de la politique scientifique des universités, confiée dorénavant aux conseils d’administration au sein desquels figurent des représentants étrangers à l’université. De même, l’indépendance des enseignants-chercheurs est remise en cause par les prérogatives confiées aux présidents d’université sur le plan du recrutement, de la rémunération, de l’évaluation ou de la définition des services de leurs personnels. La mise en place d’un « système “présidentiel” avec confusion des pouvoirs », pour reprendre les termes d’un universitaire, doit être abandonnée au profit d’institutions collégiales.
L’autonomie des universités suppose donc de réaffirmer la pertinence de principes contredits par la loi LRU : démocratie, collégialité, indépendance des universitaires, évaluation par les pairs sont indissociables de l’autonomie.
De même, toute réforme des universités devrait tenir compte de la spécificité des disciplines, chacune ayant sa propre temporalité, ses propres critères de recrutement, ses propres pratiques pédagogiques. Ainsi, l’autonomie des universités devrait-elle s’accompagner d’une forme d’autonomie dans chaque discipline, au niveau tant de la recherche que de l’enseignement.
Une véritable réforme n’est en outre légitime que dans la mesure où la qualité des formations est assurée, d’où l’exigence d’un recrutement des enseignants-chercheurs sur la base de critères objectifs et d’une offre de parcours de formation diversifiés adaptés aux différents publics accueillis par l’université.
De plus, il est indispensable que l’État débloque des moyens inédits pour chaque université, afin que chacune d’entre elles puisse devenir pleinement autonome. Alors que toutes ne disposent pas des mêmes atouts, il s’agit de rétablir une équité entre elles, non pas en retranchant des moyens financiers et humains à celles qui sont les plus avancées, mais, au contraire, en portant les moyens des plus modestes au niveau des établissements universitaires d’excellence. Ce n’est qu’à ce prix que l’autonomie des universités pourra s’affirmer.
Il importe de réaffirmer que, plus que jamais, l’investissement dans l’enseignement supérieur et la recherche est une dépense d’avenir. Alors que la crise s’amplifie, il est pressant d’investir dans le futur en améliorant le système éducatif, de la maternelle à l’université. C’est un devoir que nous avons envers nos enfants et nos jeunes. Il est à noter que ce discours est aujourd’hui partagé par quelques chefs d’entreprise éclairés, tel l’ancien président du groupe Intel.
Pour reprendre les slogans entendus dans les amphithéâtres ces dernières semaines, que mon collègue David Assouline vient de rappeler, « l’université n’est pas une entreprise » et « le savoir n’est pas une marchandise ». Il est grand temps de réinscrire l’enseignement supérieur, la recherche, l’éducation et la culture au cœur d’un projet de société humaniste donnant corps aux valeurs de la République. En ce sens, il est nécessaire de revoir l’ensemble des projets en cours et de substituer à la loi LRU une authentique réforme encourageant la créativité et l’audace des enseignants-chercheurs, et assurant une réelle égalité des chances à tous les étudiants.
Madame la ministre, il vous appartient désormais de sortir de cette crise par le haut. Nous vous exhortons à répondre à l’appel de la Coordination nationale des universités, qui demande instamment l’ouverture d’états généraux de l’enseignement supérieur et de la recherche associant l’ensemble des organisations syndicales et associatives. Le Gouvernement ne peut continuer à mettre en œuvre des projets auxquels la communauté scientifique est opposée.
Il y a urgence à restaurer la confiance, à engager un véritable dialogue avec l’ensemble des personnels des universités et des organismes de recherche et avec les étudiants. Car, loin d’être les tenants de l’immobilisme, ils sont porteurs de propositions concrètes à même de donner un nouveau souffle à l’université et à la recherche françaises.
Je vous le dis très solennellement, ne manquez pas cette occasion ; ne méprisez pas cette main tendue !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à juste titre, le Président de la République avait placé au cœur de sa campagne électorale la nécessité de réformer les universités et, dès le mois de juillet 2007, le Gouvernement nous a saisis d’un projet de loi ambitieux tendant à instaurer l’autonomie de nos universités. Cette réforme longtemps attendue a été jugée indispensable sur toutes les travées de cette assemblée pour assurer notre compétitivité sur le plan international, même si nos collègues de l’opposition ne l’ont pas votée pour des motifs tenant au mode de gouvernance retenu par le projet de loi ou à l’absence d’une programmation financière.
Le Gouvernement a fait de la politique en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche sa première priorité budgétaire et ce sont, je le rappelle, près de 20 milliards d’euros supplémentaires qui seront engagés, d’ici à 2012, dans ce secteur. Face aux accusations, il est bon de rappeler les chiffres !
C’est pourquoi il me paraît indispensable, au nom de la commission des affaires culturelles, de réaffirmer la nécessité du principe de l’autonomie.
Cette réforme s’inscrit dans un projet global du Gouvernement d’augmentation du niveau des connaissances de nos concitoyens, de la maternelle à l’université.
Je rappelle que l’objectif – que nous partageons tous – est de porter 50 % d’une classe d’âge au niveau des études supérieures. Or, cet objectif est loin d’être atteint, et le taux d’échec à l’université demeure élevé, puisque près de 90 000 jeunes quittent chaque année l’université sans diplôme, soit le quart des sortants !
Personne, sur aucune de ces travées, ne peut se satisfaire d’une telle situation. C’est pourquoi le Gouvernement s’est attaché à lancer simultanément plusieurs réformes. La loi relative aux libertés et responsabilités des universités est l’une des pierres de l’édifice. Ainsi est posé le socle permettant à nos universités d’accéder en cinq ans à une autonomie budgétaire et patrimoniale et de s’ouvrir au monde extérieur pour tenter d’améliorer l’insertion professionnelle des jeunes.
Il est loin le temps où certains pouvaient s’indigner que l’on ose se préoccuper d’insertion professionnelle à l’université ! C’est bien une des missions de l’université que de préparer l’accès des étudiants dans de bonnes conditions à une profession.
Du reste, lors de nos débats de 2007, nous avions tous jugé cette loi nécessaire, quoique non suffisante, et vous-même, madame la ministre, avez ouvert aussitôt cinq chantiers, auxquels un certain nombre d’entre nous ont pu participer.
La loi n’est pas gravée dans le marbre et il est bien clair que certaines dispositions peuvent susciter des difficultés d’application, comme c’est le cas aujourd’hui pour le décret relatif aux enseignants-chercheurs.
À cet égard, je rappelle que le principe de l’indépendance des enseignants-chercheurs, auquel le Conseil constitutionnel a donné une valeur constitutionnelle, leur garantit notamment une pensée libre et indépendante. Il est consubstantiel à leurs fonctions et à leurs missions dans notre société, même si cela mériterait sans doute d’être approfondi.
Personne ne songe d’ailleurs à lui porter atteinte, contrairement à ce que l’on a pu entendre ici ou là. Il y a suffisamment de véritables sujets dont il faut se saisir pour ne pas y ajouter des sujets inventés !
Pour autant, ce principe ne doit pas servir de bouclier aux défenseurs de l’immobilisme, qui, pour certains, se réfugient derrière lui afin d’éviter toute évolution. C’est pourquoi je crois, madame la ministre, qu’il était bon de rappeler ce principe dans le projet de décret sur le statut des enseignants-chercheurs, tout en réaffirmant l’absolue nécessité de réviser les dispositions en vigueur pour les adapter à l’évolution des missions et de l’organisation des universités.
Aujourd’hui, une large majorité de la communauté universitaire en est d’ailleurs convaincue. Le texte en vigueur date de 1984, c'est-à-dire de vingt-cinq ans ! Il est rigide et inadapté à la diversité comme à la réalité des fonctions universitaires. Il doit donc être actualisé et modernisé.
Cette modernisation doit s’inscrire dans le cadre de l’autonomie des universités, qui a été voulue par le législateur, par nous ! Elle doit permettre la modulation entre les différentes activités de l’enseignant-chercheur et une gestion adaptée de sa carrière.
Elle doit également permettre une meilleure prise en compte, y compris financière, de l’évaluation de l’ensemble des fonctions qu’il remplit. À cet égard, le fait que le décret définisse un service national de référence permettra d’assurer une cohérence indispensable.
Quelles que soient les difficultés, nous ne devons pas perdre de vue l’objectif d’une meilleure formation pour notre jeunesse et nous devons aller au bout de ce chantier. Il ne me paraît donc pas concevable, moins de deux ans après le vote de la loi, de faire marche arrière et de décevoir les attentes de nos concitoyens dans ce domaine. Ils ont tous à l’esprit le fameux classement de Shanghai, qui, je le précise, n’est pas pour moi l’alpha et l’oméga. Certes, il est critiquable, mais il veut tout de même dire quelque chose ; nous ne pouvons pas l’écarter d’un revers de main. Il montre bien que nous avons des efforts à faire.
Même si les critères qu’il retient sont contestables et si, sur l’initiative de la France, on tente de mettre en place un classement européen qui nous serait plus favorable, il ne faut pas se voiler la face : nos universités ont besoin de se moderniser, de se regrouper et de disposer de plus de moyens pour acquérir une visibilité à l’échelle mondiale.
Cela est d’autant plus vrai que la crise qui se profile confirme l’impératif de la formation et des qualifications pour sauver les emplois. Il nous importe aujourd’hui de dissiper les malentendus et je crois, madame la ministre, que vous avez su créer les conditions d’un dialogue constructif qui devrait apaiser les tensions actuelles.
M. David Assouline s’exclame
Notre collègue Jean-Léonce Dupont, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l’enseignement supérieur et membre du comité de suivi pour l’application de la loi LRU a, dès le début de la crise, reçu bon nombre de représentants de la communauté universitaire. Il vous fera part, dans son intervention, de son sentiment sur la meilleure façon de sortir du climat actuel de défiance qui s’est instauré.
En conclusion, permettez-moi à nouveau d’insister sur la nécessité de maintenir le cap et de ne pas changer d’orientation sur la politique conduite dans ce domaine, si nous voulons relever les défis que constituent la formation et la recherche.
Nous avons souhaité de nouvelles libertés et des moyens accrus pour les universités, afin de créer de nouvelles coopérations et de les installer durablement au plus haut niveau des pays développés. C’est une exigence pour l’avenir de la France ; il est de notre devoir et de notre responsabilité, aujourd’hui, de ne pas reculer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme je l’ai déjà dit lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, les faits sont là. En très peu de temps, notre pays a cédé énormément de terrain. II a quitté le cercle des dix nations les plus dynamiques en matière de recherche et de développement.
Troisième pays scientifique en 1970, encore septième en 1995, la France se place désormais au quatorzième rang mondial pour la dépense intérieure de recherche et de développement rapportée à son produit intérieur brut. Cette dépense représente aujourd’hui à peine plus de 2 % du PIB, ce qui est bien évidemment très insuffisant !
Notre pays reste donc très en deçà de l’objectif ambitieux que s’est fixé l’Union européenne de consacrer 3 % du PIB communautaire à la recherche d’ici à 2010.
Le système universitaire français se dégrade. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, qu’il s’agisse du montant des dépenses par étudiant, des bourses, mais aussi des crédits d’équipement et de recherche, sans oublier le surpeuplement des amphithéâtres.
Par ailleurs, nous devons aussi faire face à une concurrence internationale de plus en plus vive. Les classements des universités mondiales se font bien trop souvent à nos dépens, malgré les nombreuses imperfections des critères qui les régissent.
Dans ce contexte, c’est la lutte contre l’échec à l’université qui doit être l’objectif premier de la réforme de l’enseignement supérieur français.
De quelle façon y parvenir, madame la ministre ? Comment donner ce nouveau souffle tant attendu ? Certainement pas dans la précipitation, l’urgence et l’absence de concertation !
Une réforme est indispensable. Sur ce point, nous sommes tous d’accord, d’autant que les enjeux de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’innovation sont déterminants pour sortir de la crise actuelle.
Mais l’adoption en urgence de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités est très loin d’être une réponse satisfaisante. La preuve en est que, faute d’avoir été entendu, le malaise des universitaires, des chercheurs et des étudiants s’exprime dans la rue depuis de nombreuses semaines.
Dans un tel climat de défiance, comment imaginer la mise en œuvre efficace et positive d’une réforme déjà bancale ?
Le statu quo n’est pas envisageable, mais c’est bien en écoutant dans la sérénité les principaux acteurs concernés que l’on pourra améliorer les dispositifs inadaptés qui ont été imposés il y a près de deux ans.
La nomination, un peu tardive, de la médiatrice, Mme Claire Bazy-Malaurie, va dans le bon sens et j’ai hâte de lire la nouvelle mouture du décret tant décrié.
Lutter contre l’échec à l’université nécessite, d’abord et avant tout, de créer de nombreux postes d’enseignants-chercheurs, et non de recourir à des heures supplémentaires, qui alourdiraient le service des maîtres de conférences et nuiraient à la qualité de leurs enseignements et de leurs travaux de recherche.
La réforme pour le moins cavalière du statut des enseignants-chercheurs que vous avez tenté d’imposer ne résoudra aucun des problèmes dont nous sommes tous parfaitement conscients.
Une remise à plat du statut des universités et des moyens humains mis à leur disposition doit intervenir rapidement. II est absolument nécessaire pour cela de tenir compte aussi bien des exigences de l’autonomie des universités que de l’indépendance et du statut national des enseignants-chercheurs.
Le passage aux compétences élargies et les nouvelles missions confiées aux universités justifient pleinement de continuer à porter l’exigence d’un plan pluriannuel de recrutement.
L’autre levier incontournable pour lutter contre l’échec à l’université est l’orientation, la motivation et l’accompagnement des étudiants.
Ainsi, la question du logement est cruciale. En premier cycle, elle constitue l’une des principales causes de l’échec des étudiants. À cet égard, deux problèmes se posent et vont de pair : le niveau trop élevé des loyers et l’insuffisance de l’offre de logements universitaires.
Il découle de ces problèmes que la moitié des étudiants sont obligés de travailler pour financer leurs études, souvent au point de les sacrifier.
Le « plan campus », fondé sur la mise en concurrence des universités, aboutit à privilégier une petite dizaine de sites au détriment des autres. On crée ainsi clairement un système universitaire à deux vitesses, alors qu’il existait déjà une inégalité de traitement profonde entre les grandes écoles et les universités.
L’égalité des chances pour l’accès aux études supérieures, objectif républicain primordial, n’est pas près de devenir une réalité ! La réussite en licence était mise en avant dans ce grand projet : vous devez y consacrer les moyens nécessaires !
Dans cet hémicycle, j’ai déjà eu l’occasion de souligner, madame la ministre, l’excellence du département de la Haute-Garonne dans le secteur de la recherche et de l’enseignement supérieur, ainsi que le grand nombre d’étudiants, qui représentent 10 % de la population de l’agglomération toulousaine.
Pourtant, je suis particulièrement préoccupée de leur qualification et de leur devenir sur le marché de l’emploi. À ce propos, madame la ministre, j’aimerais vous exposer un cas concret, sur lequel j’aimerais obtenir une réponse de votre part.
Il s’agit d’une initiative locale innovante et unique en France. L’IUT de Toulouse-Blagnac propose actuellement une formation inédite. On y a créé un diplôme universitaire de technologie, ou DUT, intitulé « Aide et assistance pour le monitoring et le maintien à domicile » – aussi appelé « 2A2M » –, dédié au service à la personne.
Mme la ministre approuve
Cette formation transversale est en adéquation avec un besoin de notre société en offre de services et en emplois qualifiés. Néanmoins, bien qu’elle ait obtenu l’autorisation d’ouverture en juillet 2008, cette formation n’a pas été accompagnée, jusqu’à ce jour, de la dotation des quatre postes nécessaires à sa mise en œuvre. Pour l’instant, le cursus a été ouvert, mais il fonctionne avec des postes d’enseignants vacataires et l’appui des personnels administratifs et techniques issus d’autres filières.
Cette situation met en péril la pérennisation et la réussite de l’expérimentation, ainsi que le parcours des étudiants inscrits, alors même que la question du maintien à domicile des personnes âgées ou dépendantes est un problème majeur de notre société.
II y a donc urgence à encourager de nouvelles filières ayant des débouchés assurés en termes d’emplois.
Déjà, avant la crise actuelle, le taux d’activité des jeunes dans notre pays n’était pas bon. Selon le Pôle emploi, le nombre de jeunes chômeurs a augmenté de 23 % en un an et 46 % d’entre eux restent au chômage plus de six mois. Des milliers de jeunes se trouvent donc dans une impasse.
Dans ce contexte, il est paradoxal qu’une formation comme celle du DUT « 2A2M » ne soit pas plus valorisée, alors qu’elle assurera aux étudiants un emploi après l’obtention de leur diplôme.
La seule réponse ne doit pas être l’intégration des IUT au sein des universités avec une mutualisation des moyens au bénéfice du budget de l’État et non des étudiants.
Madame la ministre, la réforme des universités françaises, que nous attendions tous et qui nous a tant déçus, doit maintenant prendre un nouvel élan, dans le respect du principe de l’indépendance, de la liberté des enseignants-chercheurs et avec comme fil rouge la réussite.
En conclusion, si un enseignement s’impose, madame la ministre, au regard de l’application de votre loi, c’est bien le suivant : on ne réforme pas contre, on réforme avec.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Madame la ministre, en préambule, je dois vous dire que je ne savais pas très bien si c’était à vous ou à votre collègue M. Xavier Darcos que je devais m’adresser ce matin.
J’ai choisi de m’adresser au Gouvernement, comme m’y invite votre déclaration commune en date du 12 mars, puisque je veux vous parler de la formation des maîtres.
La loi relative aux libertés et responsabilités des universités du 10 août 2007 vous a, en particulier, permis de lancer, madame la ministre, la réforme de la mastérisation de la formation des maîtres de l’enseignement primaire et des enseignants du secondaire.
Depuis plusieurs semaines maintenant, l’actualité est ponctuée par des manifestations d’étudiants et d’enseignants, ainsi que par les protestations de diverses organisations syndicales contre cette réforme.
La journée d’aujourd’hui en est d’ailleurs une nouvelle et spectaculaire illustration.
Vous venez, après des semaines d’immobilisme, de faire quelques propositions nouvelles sur certains points. Malheureusement, votre réforme n’est toujours pas acceptable en l’état et c’est l’objet de ma prise de parole aujourd’hui devant vous.
Lorsque, aux termes de la loi Fillon, les IUFM furent rattachés aux universités, nous avions, malgré les dénégations du ministre de l’époque, affirmé qu’il en résulterait à court terme la suppression pure et simple de ces instituts. Il fallait certes les réformer, mais certainement pas les supprimer, sauf à vouloir supprimer l’apprentissage professionnel du métier d’enseignant.
Jusqu’à maintenant, les futurs enseignants pouvaient intégrer les IUFM pendant deux ans. Au cours de la première année, ils recevaient des enseignements théoriques pour la préparation des concours et, au cours de la seconde, ils fréquentaient en alternance un établissement d’enseignement scolaire au sein duquel ils se trouvaient en situation, devant les élèves. Dans ce processus de formation, la pratique était reconnue comme évaluatrice et comme formatrice de la capacité d’enseigner.
Aujourd’hui, la « mastérisation » va vers la suppression de cette année d’alternance, qui disparaît au profit de la seule logique des savoirs. De surcroît, la réforme réduit de manière dramatique la possibilité d’organiser une formation continue des enseignants.
Devant les contestations émises par l’ensemble du monde enseignant, « un dispositif de stage », selon votre communiqué, va être mis en place. Il comprendra 108 heures de stages dits « d’observation » en première année de mastère et 108 heures de stages dits « en responsabilité » en deuxième année. Avouez que c’est vraiment très peu, madame la ministre, cela ne représentant que quelques semaines passées dans une classe à temps complet...
Ces stages seront certes rémunérés à hauteur de 3 000 euros, mais c’est sans aucune comparaison avec l’année en alternance passée au sein d’un IUFM !
Par ailleurs, vous octroyez généreusement 12 000 bourses supplémentaires, d’un montant maximum de 2 500 euros. Mais peut-on vivre une année entière avec 2 500 euros ? Même cumulée avec d’autres aides, cette bourse ne compensera en aucun cas l’année rémunérée de stage qui existait dans le cadre des IUFM.
Je m’interroge donc très sérieusement sur ces stages en responsabilité que vous prévoyez d’organiser pendant la formation des futurs enseignants. Seront-ils obligatoires pour passer le concours ? Il ne semble pas que ce soit le cas, si j’en crois votre communiqué du 12 mars dernier.
En matière de professionnalisation, le mastère « enseignement » ne doit pas être une simple couverture : les stages, qui pourront être effectués en cours d’année, seront réduits, juxtaposés et centrés sur une observation modélisante. Les concours seront prédominants et l’ouverture sur la recherche vraiment limitée.
La formation pédagogique, c’est l’apprentissage d’un savoir-faire et d’un savoir-être, des notions plus qu’indispensables quand on travaille avec des enfants. La pédagogie enseignée dans les IUFM permettait aux futurs enseignants d’acquérir une capacité à transmettre les savoirs, une culture professionnelle ainsi que les compétences nécessaires à l’exercice de leur métier. Madame la ministre, vous n’êtes pas sans savoir qu’enseigner est un métier et, comme tous les métiers, ça s’apprend !
Quant au concours, votre réforme prévoit qu’il s’articulera dorénavant autour de trois types de savoirs : la connaissance des programmes du premier ou du second degré, l’adaptation théorique d’un savoir à une classe à travers une leçon modèle et la connaissance de l’institution scolaire. De la maîtrise de ces savoirs dépendra le droit d’enseigner. Faire la preuve de l’acquisition des savoirs tiendra lieu de mise à l’épreuve dans la classe. Or il est faux de laisser croire que savoir, c’est savoir enseigner.
Nous sommes là dans une logique d’enseignement qui omet la logique de l’apprentissage, celle des élèves comme celle des enseignants.
Au surplus, il ne me semble pas judicieux que les épreuves du concours se déroulent la même année que celles du mastère. Cette réflexion avait déjà été faite lors de la réforme, nécessaire, de la première année d’IUFM. En effet, quels résultats les étudiants pourront-ils obtenir au mastère alors qu’ils n’auront, bien légitimement, pensé qu’à réussir leur concours ? Votre mastère « enseignement » risque de devenir un sous-diplôme.
Votre réforme prévoit également l’exigence d’un mastère II pour devenir maître. Élever le niveau des connaissances des futurs enseignants peut être une bonne chose. Puissent-ils d’ailleurs tous connaître la Princesse de Clèves !
Sourires
Vous prétendez qu’elle permettra de revaloriser le statut des maîtres. Sans doute, mais elle se traduira également par la suppression d’une année de retraite pour les futurs enseignants. La suppression de l’année de stage rémunérée vous permet surtout de réaliser une économie globale de 800 millions d’euros.
De surcroît, vous sacrifiez un objectif essentiel du système universitaire actuel : la promotion de la diversité sociale à l’université et la lutte contre les discriminations. J’avais pourtant cru, à entendre vos propos, madame la ministre, et ceux de votre collègue Xavier Darcos, que le Gouvernement partageait cette volonté. La République s’est toujours honorée de recruter ses futurs enseignants parmi les classes populaires de notre pays. Elle a toujours voulu des maîtres qui soient des enfants du peuple, à l’image de la France. Aujourd’hui, à peine 33 % des enfants de classe modeste accèdent à l’enseignement supérieur à la sortie du baccalauréat, et seulement 16 % d’entre eux obtiennent les diplômes les plus élevés à l’université. En supprimant l’année où les étudiants étaient rémunérés comme stagiaires, vous appauvrissez ce recrutement, et ce ne sont pas les faibles bourses qui sont annoncées qui changeront profondément les choses.
Vous brisez les efforts menés en faveur de la lutte contre les discriminations et pour l’égalité des chances. Combien de filles et de fils de banlieue accéderont au métier d’enseignant ? Vous conférez désormais un caractère élitiste à cette formation au lieu de la démocratiser, comme ce fut toujours le cas dans l’histoire de la République. Avec des bourses aussi faibles, quel étudiant pourra se permettre d’envisager des études de cinq ans sans être rémunéré ?
En outre, madame la ministre, que comptez-vous faire des nombreux titulaires du mastère « enseignement » qui, malgré leur haut niveau de connaissances, auront raté le concours et ne pourront donc pas enseigner ? Vers quoi les réorienter alors qu’ils seront déjà titulaires d’un « bac plus cinq » ?
Les critiques se sont multipliées ces dernières semaines. Avouez, madame la ministre, que vous avez tardé à les entendre… Le conseil d’administration de la Conférence des présidents d’universités lui-même vous a solennellement demandé de repousser la mise en place des nouveaux concours à la rentrée 2011. La remise des maquettes donne lieu à toutes sortes de manifestations. Une dizaine d’universités seulement vous ont présenté ces fameuses maquettes, malgré les délais supplémentaires octroyés. Les autres hésitent entre une cérémonie officielle de non-remise et un boycott pur et simple, refusant de travailler dans des délais aussi courts. Je pense que le bon sens impose de repousser à la rentrée 2011 l’application de la réforme dans son ensemble. Toute solution de transition serait vouée à l’échec, parce qu’elle serait obligatoirement bâclée.
L’autonomie conférée aux universités par la loi LRU s’étend notamment au contenu des cours qu’elles délivrent à leurs étudiants. Comment l’uniformisation de la formation des maîtres va-t-elle se faire dans ces conditions ? Nous ne pouvons pas accepter que nos enseignants, qui peuvent être affectés à travers toute la France, ne soient pas formés de la même façon quel que soit le lieu où ils auront étudié. Si l’autonomie permet aux universités de définir leurs modules de formation et, même si ces derniers sont de bonne qualité, une harmonisation s’avère nécessaire. J’attends que vous me rassuriez sur ce point, madame la ministre, car, pour l’instant, vous n’êtes ni assez précise ni assez catégorique sur les dispositions que l’État prendra dans ce domaine.
Certes, la semaine dernière, vous avez annoncé toute une série de mesures tendant à remettre la professionnalisation des futurs maîtres au cœur de leur formation. Mais, ce faisant, c’est une panoplie de « mesurettes » et non plus une réforme cohérente que vous nous proposez.
Quand vous déciderez-vous à abandonner votre réforme pour en construire une autre qui, à la suite d’une concertation approfondie, permettra une bonne formation des maîtres grâce à une année de formation consacrée aux cours théoriques indispensables et à des stages de longue durée dans les classes ? Quand comprendrez-vous que, pour avoir des jeunes instruits et bien éduqués, il faut d’abord leur offrir des maîtres bien formés, dignes du respect et de la confiance de la République ?
Je conclurai mon intervention par une réflexion que m’inspire l’actualité : plus que jamais, l’école républicaine doit être le rempart contre la montée des intégrismes, de l’ignorance et de l’obscurantisme, dont le pape vient une nouvelle fois de prendre la tête. Lincoln disait : « L’éducation coûte cher ? Essayez donc l’ignorance ! ». Je ne souhaite pas que la France prenne ce risque.
Madame la ministre, l’avenir de notre nation dépend de la qualité de la formation de ses maîtres. Je vous en prie, sauvez-la ! §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre débat s’inscrit dans un climat d’inquiétude, les enseignants-chercheurs comme les étudiants exprimant leurs préoccupations. En tant que rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l’enseignement supérieur, j’ai tenu à entendre récemment les uns et les autres.
À l’issue de ces entretiens, je relève que plusieurs causes, de fond et de forme, peuvent expliquer ce malaise.
Certains sont certes opposés à toute réforme, mais je suis convaincu qu’ils sont ultra-minoritaires. En réalité, la plupart des acteurs concernés, comme le rappelait le président Jacques Legendre tout à l’heure, jugent les réformes nécessaires. Que les choses soient claires : je suis favorable aux réformes annoncées et je suis un fervent défenseur de l’autonomie des universités, la nouvelle donne mondiale en faisant une nécessité absolue.
Cependant, les conditions de leur réussite n’étaient peut-être pas pleinement réunies. En effet, là où le bât blesse, c’est que le rythme des réformes est tel que les acteurs n’ont pas le temps de mettre en œuvre l’une d’elles qu’ils doivent aussitôt s’atteler à un autre chantier, sans doute également utile mais parfois trop vite conceptualisé, insuffisamment préparé et assorti d’exigences de calendrier, le cas échéant peu réalistes. Le temps de la concertation avec les acteurs, comme celui de la préparation au sein des universités, n’est pas un temps perdu ; c’est un temps d’explication, de maturation du projet, de « calage ». Quand on ne le prend pas suffisamment en amont, on y est contraint en aval, mais dans des conditions plus tendues…
Par ailleurs, la priorité donnée à la réforme, bien qu’assortie de moyens supplémentaires très importants en faveur de notre système d’enseignement supérieur et de recherche, a été ternie par quelques mesures contradictoires. Je pense notamment à la suppression de 900 postes.
Même si les postes d’enseignants-chercheurs n’étaient pas visés, il est vrai que le signal n’était ni positif, ni cohérent. Le Président de la République ayant clairement affiché le caractère prioritaire de l’enseignement supérieur et de la recherche, et dans la mesure où il s’agit d’un enjeu considérable pour la Nation, il ne me paraît pas raisonnable d’appliquer à ces secteurs les règles, même atténuées, de la révision générale des politiques publiques. Application mathématique des règles et simple bon sens ne font pas toujours bon ménage… Comme vous avez dû souffrir, madame la ministre, de devoir assumer de telles contradictions !
C’est pourquoi je me réjouis que le Gouvernement soit revenu sur cette suppression de postes au sein des universités. Celles-ci ne doivent pas pour autant se dispenser de conduire une vraie réflexion sur la mise en adéquation de leurs moyens à l’évolution de leurs besoins, afin d’utiliser au mieux les deniers publics… Elles doivent notamment, y compris en ventilant différemment leurs crédits, renforcer les moyens humains consacrés au tutorat, à l’orientation et à l’insertion professionnelle ainsi que ceux alloués à la gestion, qu’il s’agisse de la gestion financière ou de la gestion des ressources humaines, des systèmes d’information ou du patrimoine immobilier.
J’ajoute que certaines déclarations, ici ou là, ont inutilement choqué les enseignants-chercheurs et les chercheurs, dans la mesure où elles leur sont apparues traduire un insuffisant respect de leurs missions et de leurs compétences.
Ces déclarations maladroites et injustes ont navré la communauté universitaire, dont les membres sont, pour l’essentiel, très investis dans leurs missions.
Oserai-je dire que je ne crois pas à l’utilité et à l’efficacité de propos vexatoires, quels qu’ils soient ?
Toutes ces raisons peuvent expliquer la cristallisation des oppositions suscitées par les projets de réformes, pour des raisons diverses, parfois justifiées, parfois moins et, parfois aussi, contradictoires. Cette situation a entraîné certaines dérives, souvent encouragées par l’extrême gauche, qui a soufflé sur les braises pour chercher à enterrer la loi LRU.
Or cette loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités est une absolue nécessité pour notre système d’enseignement supérieur et sa reconnaissance internationale, pour la valorisation et l’efficacité du travail de la communauté universitaire, et pour l’avenir des étudiants français.
Ceux-là mêmes qui descendent dans la rue réclament à cor et à cri une formation et des diplômes les préparant à une bonne insertion professionnelle. Il s’agit là d’un objectif majeur de la loi LRU. Le fait qu’elle soit caricaturée par une minorité, qui cache souvent son conservatisme et son corporatisme derrière de mauvais arguments, n’y changera rien.
Mais il est vrai que cette loi a emporté certaines conséquences regrettables, que le Sénat avait pourtant anticipées. Je pense notamment au mode d’élection du président de l’université, assorti d’une prime majoritaire à la liste gagnante. Ce mode de scrutin a abouti parfois à des paradoxes en cas d’opposition frontale entre deux listes d’enseignants-chercheurs majoritaires chacune dans un collège ; dans ce cas, les personnels et les étudiants ont disposé d’un pouvoir d’arbitrage exorbitant, qui les a d’ailleurs eux-mêmes parfois surpris.
Ce mode de scrutin n’a pas toujours non plus permis de faire émerger des équipes dirigeantes prêtes à affronter l’avenir sans regarder dans le rétroviseur. Or l’un des objectifs de la loi LRU est de donner les moyens au président et à son équipe d’avoir un projet pour leur établissement et de le mettre en œuvre.
Le comité de suivi de l’application de la loi, dont je suis membre, a d’ailleurs insisté dans son rapport annuel sur cette nécessité pour les établissements de se doter d’un véritable projet qui prenne en compte l’environnement de l’université.
Je m’arrête un instant sur ce point, madame la ministre, car il me semble révélateur de ce que nous, les sénateurs, pouvons apporter à notre pays.
J’ai été le rapporteur de cette loi, et j’ai le devoir de rappeler que j’avais anticipé les difficultés d’application dont on souffre aujourd’hui. Rappelez-vous à quel point j’avais dû me battre pour faire prévaloir certains points de vue, pourtant de bon sens ! Certaines de mes propositions ont été adoptées par notre assemblée ; certaines n’ont pas été retenues par la commission mixte paritaire. Je ne parle même pas de propositions évoquées très en amont, mais malheureusement vite écartées, telle la création d’un « Sénat » académique, comme on en trouve dans de nombreux pays étrangers.
A posteriori, je constate que les préoccupations sénatoriales étaient justifiées ; d’aucuns le reconnaissent d’ailleurs aujourd’hui.
Je souhaite que l’on puisse en tirer des conséquences pour l’avenir et que le Gouvernement prenne davantage acte du fait que le Sénat incarne souvent la sagesse, dans le bon sens du terme.
Cela signifie aussi que, lorsque nous demandons qu’un temps suffisant soit consacré à la préparation ou à la mise en œuvre d’une réforme, il ne s’agit ni d’un effet de manches ni d’un caprice. C’est simplement le constat d’une nécessité. Tel a été récemment le cas lorsque le Sénat a voté le report d’un an de l’application de la réforme de la première année des études médicales. On peut être très favorable à une réforme et souhaiter donner le temps nécessaire à sa pleine réussite.
La question pourrait aussi se poser pour la « mastérisation » de la formation des futurs enseignants. L’enjeu de cette réforme est essentiel. Je rappelle que la loi LRU a permis d’intégrer les IUFM aux universités, afin de mieux préparer les futurs enseignants à leur métier et de valoriser celui-ci. Le projet de « mastérisation » de la formation des futurs enseignants a cette ambition. Toutefois, les modalités initialement envisagées posaient question. En particulier, la suppression de l’année de stage paraissait aller à l’encontre de l’objectif d’une meilleure préparation pratique des futurs enseignants à la réalité concrète de leur métier. Il ne faudrait pas que les évolutions proposées soient inspirées par les seules contraintes budgétaires.
Sur ce point, les précisions que vous avez apportées ces derniers jours devraient calmer bon nombre d’inquiétudes.
Les délais de mise en œuvre de la réforme paraissaient également peu réalistes. Là aussi, la progressivité de la réforme va dans le bon sens ainsi que la souplesse qu’elle permet en fonction du degré de préparation des établissements. De nombreux étudiants continuent cependant à s’inquiéter de la période transitoire. Certes, il y aura toujours une période transitoire. Il n’en reste pas moins que des clarifications doivent encore être apportées et qu’il faudra s’assurer de la pertinence des parcours et de l’articulation des concours avec les formations en mastère.
Autre sujet auquel j’attache beaucoup d’importance : la réforme de l’allocation des moyens aux universités. Elle était nécessaire. Au printemps 2008, les commissions des finances et des affaires culturelles du Sénat ont présenté des propositions visant à mettre en œuvre un nouveau dispositif, que nous avons appelé SYMPA, acronyme de « système de répartition des moyens à l’activité et à la performance ». Mais nous nous interrogeons sur ses modalités concrètes d’application. C’est pourquoi Philippe Adnot et moi-même allons engager une mission de contrôle sur ce point dans les semaines à venir.
À cet égard, je vous demande, madame la ministre, de mesurer précisément les conséquences de la répartition des crédits pour 2009. Ne favoriserait-elle pas les universités monodisciplinaires proposant un nombre important de mastères, au détriment des universités pluridisciplinaires accueillant de nombreux étudiants en licence, alors même qu’une priorité est utilement donnée dans le cadre du plan licence ?
Par ailleurs, la mise en œuvre de l’autonomie au sein des établissements concernés suscite des inquiétudes quant à la répartition des moyens entre les différentes composantes des universités. Les écoles internes d’ingénieurs, et surtout les IUT, craignent une diminution de leurs moyens.
Je crois que vous avez su les rassurer sur ce point, madame la ministre, au moins pour les années 2009 et 2010. L’équivalence établie entre travaux pratiques et travaux dirigés constitue une avancée ; pouvez-vous nous confirmer que ses conséquences financières seront prises en compte ?
Il me semble également très important que la charte de bonne conduite soit publiée sous forme de circulaire. Il s’agit là d’une condition préliminaire indispensable pour clarifier, dans la durée, les relations entre les universités et les IUT. Cela passe par un renforcement du dialogue budgétaire au sein des établissements.
Il convient de trouver une solution intelligente entre, d’une part, ce qui ne peut plus être un fléchage et, d’autre part, un traitement inadéquat qui consisterait à déshabiller Paul pour habiller Jacques. C’est essentiel, car il ne faudrait pas que les formations professionnalisantes performantes, dont les diplômés bénéficient d’un bon taux d’insertion professionnelle, fassent les frais d’un éventuel manque de rationalisation des moyens employés dans d’autres filières.
Bon sens et équité doivent prévaloir, en tenant compte à la fois des besoins réels des différents types de formations et de la bonne utilisation des moyens.
Enfin, la mise en œuvre pertinente de l’autonomie des universités suppose que chacune d’elles puisse adapter et organiser les moyens dont elle dispose en fonction de ses besoins, afin de remplir au mieux ses différentes missions. C’est pourquoi la modulation des services des enseignants-chercheurs va dans le bon sens.
Il est indispensable d’évaluer et de valoriser l’ensemble des missions des enseignants-chercheurs : l’enseignement, la recherche, et le pilotage, qui devrait d’ailleurs être davantage pris en charge par des personnels administratifs.
Je crois que les concertations sur le projet de décret ont permis de trouver un certain équilibre. La solution qui a émergé d’une répartition à parts égales des promotions arrêtées par le Conseil national des universités et de celles qui sont confiées aux universités est-elle idéale ? L’avenir le dira. Il me semble que certaines missions, la recherche notamment, peuvent s’évaluer plus logiquement au niveau national, tandis que d’autres semblent nécessiter plus naturellement la proximité.
Au-delà des débats parfois techniques qui animent à l’heure actuelle l’ensemble des parties intéressées, il nous faut prendre du recul et sortir de la défiance réciproque qui s’est instaurée. L’évolution du système d’enseignement supérieur et de recherche est indéniable. Elle n’est d’ailleurs pas propre à notre pays et est très souvent souhaitée par les acteurs concernés eux-mêmes. Elle est aussi liée à l’évolution des attentes de nos concitoyens à son égard.
Il appartient aussi à la représentation nationale d’assurer les enseignants-chercheurs et l’ensemble de la communauté universitaire de son estime et de sa conviction qu’ils assument, le plus souvent au mieux, un rôle fondamental pour l’avenir de notre pays et de ses jeunes. C’est avec eux qu’il nous faut construire les perspectives d’avenir, qui entraînent nécessairement des changements. La vie n’est-elle pas changement ?
Je suis intimement convaincu que notre pays ne sortira de cette période extrêmement troublée que s’il sait tirer par le haut l’ensemble des acteurs. Il est essentiel de ne pas renoncer aux réformes. Je l’ai dit : elles sont indispensables. Construisons-les ensemble !
Elles seront profitables aux enseignants-chercheurs eux-mêmes. N’oublions pas d’ailleurs qu’elles s’accompagnent d’importantes revalorisations salariales et de carrières. Elles doivent avoir pour objectif premier la qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche de notre pays, ainsi que l’avenir des étudiants, dont les attentes, notamment en termes de préparation à la vie professionnelle, sont très légitimes.
Madame la ministre, je souhaite personnellement vous rendre hommage pour votre travail et votre courage. Je forme le vœu, mes chers collègues, au nom du groupe de l’Union centriste, que notre débat de ce jour contribue à rétablir cette confiance.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la réforme des universités a jeté les bases d’une véritable refondation. En effet, notre système universitaire a très peu évolué depuis trente ans, alors que les effectifs ont doublé et que la mondialisation nous a imposé de nouveaux défis.
Si la France peut se féliciter d’avoir permis à de nouveaux publics d’origine populaire d’entrer dans l’enseignement secondaire et supérieur, trop de jeunes quittent aujourd’hui l’université dans une situation d’échec et trop nombreux sont les diplômés qui n’accèdent pas au marché du travail.
L’université française a perdu de son rayonnement. Les résultats d’enquêtes, et notamment le fameux classement de Shanghai, quoique contestable, qui ne retient que quatre établissements français parmi les cent premiers mondiaux, révèlent bien les carences du système universitaire français. Il s’agit d’un signal d’alarme. C’est l’avenir de notre système éducatif qui est en jeu ; le sont aussi le potentiel d’innovation de notre pays, notre compétitivité, et donc la progression de nos emplois.
Au moment où la contestation universitaire vient remettre en cause la réforme engagée, je souhaite rappeler que l’université française se trouvait dans un carcan qui l’empêchait d’évoluer. Grâce au texte que nous avons voté, elle va enfin pouvoir accéder à l’autonomie, une autonomie qui sera surtout le moyen de faire d’autres réformes.
Il est regrettable que notre pays ait pris du retard sur cette question. Certains reprochent à la loi d’instituer une autonomie concurrentielle des universités et d’ouvrir ainsi la porte à leur développement inégalitaire. Pourtant, partout dans le monde, le succès des systèmes publics d’enseignement supérieur repose sur des universités autonomes. Faut-il craindre le jeu de la concurrence et demeurer dans un système archaïque alors que nos voisins ont compris la nécessité de laisser une plus grande liberté à leurs universités ?
Dans un monde de compétition, il faut une mobilité, une adaptation constante que les systèmes centralisés ne permettent pas d’obtenir. De plus, il n’y a pas de meilleur principe lorsque l’on vise l’efficacité que de faire confiance à l’esprit de responsabilité.
Pour que nos universités accèdent à l’autonomie, se posait tout d’abord la question de leur gouvernance, car le développement des responsabilités suppose que celles-ci puissent être correctement exercées.
La gouvernance de nos universités était pour le moins atypique. Dorénavant, le conseil d’administration sera un organe stratège. Il sera plus ouvert sur le monde extérieur, en particulier sur les entreprises, employeurs des futurs diplômés, et sur la région, qui en était la grande absente.
Le président de l’université, quant à lui, voit sa légitimité renforcée, car il est élu par les membres du conseil d’administration. Ses pouvoirs sont élargis.
En même temps que l’autonomie, la loi a donné de nouvelles responsabilités aux universités : tout d’abord en matière financière, avec le droit d’établir un budget global ; ensuite, en matière de gestion de leur patrimoine, notamment immobilier.
En outre, l’université pourra créer de nouvelles formations et les adapter aux besoins des étudiants et de la société, nouer des partenariats et drainer des fonds grâce aux fondations universitaires.
Enfin, en matière de gestion des ressources humaines, les universités pourront recruter l’ensemble de leur personnel, y compris le personnel administratif et les enseignants, et effectuer ce recrutement au rythme de leurs besoins, alors qu’il existait jusqu’alors une grande rigidité à cet égard.
Les ressources humaines sont le cœur de l’université et vous avez souhaité, madame le ministre, accroître l’attractivité des fonctions et des carrières des enseignants-chercheurs en réformant leur statut. Pourriez-vous nous présenter les conclusions issues de la concertation qui vient d’avoir lieu, afin de rassurer pleinement la communauté universitaire ?
Madame le ministre, je souhaite par ailleurs vous poser plusieurs questions.
Comme vous l’avez souligné, l’autonomie des universités, certes nécessaire, n’est pas suffisante. Le changement de gouvernance et l’autonomie sont un préalable à la mise en place d’une stratégie de lutte contre l’échec et d’aide à l’insertion.
Quelles solutions souhaitez-vous retenir pour remédier à l’échec dans le premier cycle universitaire ? On sait que 47 % des étudiants de première année à l’université passent en deuxième année alors que 28 % redoublent et 24 % sortent du système universitaire. Au total, en France, seuls 59 % des étudiants qui commencent leurs études universitaires les terminent ; cette proportion est de onze points inférieure à la moyenne des pays de l’OCDE.
Il sera donc essentiel de revoir totalement la question de l’orientation. Pour corriger très en amont les mauvaises orientations, il est indispensable d’améliorer l’information des lycéens et des étudiants, de mieux définir les parcours de formation et d’insertion professionnelle, d’amplifier les échanges entre les acteurs du second degré et les universités.
J’ajoute que notre pays n’a pas de vision claire et exhaustive des résultats de chaque formation universitaire en termes d’accès à l’emploi. J’appelle donc de mes vœux une évaluation des possibilités d’insertion offertes par chaque filière, afin que l’étudiant choisisse sa voie en toute connaissance de cause.
Votre plan « Réussir en licence » a pour objectif d’éviter les erreurs d’orientation afin de diviser par deux le taux d’échec en première année de licence dans les cinq ans qui viennent. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les moyens que vous envisagez d’employer par atteindre cet objectif ?
Par ailleurs, la loi a attribué au service public de l’enseignement supérieur une nouvelle mission : l’orientation et l’insertion professionnelle des étudiants. Dans cette perspective, elle prévoit que les universités créent des « bureaux d’insertion ». Pourriez-vous nous dire où en est ce projet ?
Enfin, parce que nos universités doivent acquérir une plus grande visibilité internationale, je souhaite que vous nous présentiez les premiers résultats de l’opération Campus, qui permettra aux universités sélectionnées de construire un véritable projet à long terme pour se lancer dans la compétition internationale. Cela passe en priorité par la rénovation de leur patrimoine immobilier.
À ce sujet, j’attire votre attention sur l’état médiocre de nos établissements, parfois même en deçà des normes de sécurité. En obtenant la gestion de leur parc immobilier, nos universités gagneront en souplesse, mais elles auront également un travail considérable devant elles, ce qui implique des risques financiers significatifs. Il faudra être particulièrement attentif aux difficultés des plus petites universités et je souhaite savoir quelles mesures sont prévues pour les soutenir.
L’État réalise, je le rappelle, un effort financier sans précédent pour l’ensemble de la réforme : 5 milliards d’euros sur cinq ans. En 2009, chaque université doit voir son budget augmenter d’au moins 10 %.
Pour que cet investissement sans précédent soit efficace, il faut des universités réellement opérationnelles. La loi que nous avons votée devrait permettre cette refondation.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si les médias ont essentiellement insisté, parmi les revendications du mouvement actuel, d’abord sur le statut des enseignants-chercheurs, puis sur la formation des enseignants, les revendications liées plus spécifiquement à la recherche ont été moins mises en exergue.
Or, madame la ministre, vous ne pourrez pas faire l’impasse sur le volet « recherche » pour dénouer la crise. Pourtant, jusqu’à maintenant, c’est la stratégie du saucissonnage qui a prévalu, le Gouvernement tablant sur le pourrissement du conflit. Vous laissez ainsi une direction du CNRS largement discréditée seule face à la colère légitime des chercheurs.
Le secteur de la recherche subit depuis plusieurs années attaques répétées, mépris, dénigrement ! C’est particulièrement vrai pour les organismes de recherche, au premier rang desquels le CNRS. Les gouvernements qui se sont succédé ces dernières années se sont en effet appliqués à développer un discours « décliniste » sur la recherche française, pour mieux vendre à l’opinion publique leur casse de notre système de recherche.
Pourtant, le classement de Shanghai, cité à tout va dans notre pays, reste confidentiel dans les colloques scientifiques internationaux. La France semble être un des rares pays à lui avoir conféré autant de crédit, une telle aura ! Si notre recherche était aussi médiocre que l’on a bien voulu nous le dire, pourquoi une telle fuite des cerveaux ? Pourquoi nos chercheurs sont-ils si appréciés à l’étranger, si ce n’est parce qu’ils sont bien formés ?
Depuis 2004, la communauté scientifique a montré qu’elle était prête à évoluer, notamment avec les états généraux de la recherche. Elle a mis sur pied un ensemble de propositions, mais elle n’a pas été écoutée ; pis, certaines de ces propositions ont été détournées, voire dévoyées.
Depuis maintenant sept semaines, elle est à nouveau mobilisée dans le mouvement du monde académique pour défendre l’indépendance du savoir et de la connaissance, pour lutter contre son inféodation aux lois du marché et de la concurrence.
Le 12 mars dernier, plus de cinq cents délégués de laboratoires de toutes disciplines se sont réunis à Paris. Ils se sont organisés en coordination nationale des laboratoires en lutte pour appeler à l’arrêt du démantèlement des organismes de recherche et de l’affaiblissement de notre potentiel de recherche ainsi qu’à la création d’emplois dans la recherche publique.
Le 14 mars, ce sont plus de deux cent cinquante directeurs de laboratoires qui ont décidé d’amplifier leur action.
Hier, l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, l’AERES, a été occupée en tant que symbole de la conception gouvernementale purement managériale de l’activité universitaire et scientifique, conception selon laquelle la bibliométrie et les classements internationaux constituent l’alpha et l’oméga de l’évaluation.
En ce qui concerne la marchandisation de la recherche, le témoignage de l’assemblée des personnels de l’université de technologie de Troyes, déjà passée à l’autonomie, est édifiant :
« La logique du retour sur investissement entraîne l’inversement quasi mécanique de l’ordre de priorités des trois missions de notre université, à savoir l’enseignement, la recherche et le transfert de technologies. Certes, le transfert était un objectif dès la création de l’université de technologie de Troyes. Les personnels adhèrent à ce point de vue et nombre d’entre eux collaborent déjà avec les entreprises. Mais aujourd’hui, le transfert est devenu “la” priorité. [...] les enseignants-chercheurs sont désormais considérés comme des exécutants, devant se conformer aux missions de la direction de la valorisation et des partenariats industriels. Ces missions sont sans lien direct avec les besoins réels du terrain et ne mènent pas à la production de connaissances originales. À titre d’illustration, le dépôt des dossiers auprès de l’Agence nationale pour la recherche est désormais validé par la direction de la valorisation et des partenariats industriels, en regard de bénéfices financiers attendus, hors les retombées scientifiques possibles.
« Dans l’esprit des nouvelles réformes, notre université est désormais gérée comme une entreprise. Ses finalités deviennent : recherche de rentabilité et marge. En appliquant chez nous des recettes qui ont prouvé leur inefficacité, le directeur peut désormais manager seul, sans contre-pouvoir, une organisation qui n ’a de publique que... plus de 90 % de son budget. »
Madame la ministre, voilà ce qui se profile pour l’ensemble de notre recherche : la soumission totale à des intérêts strictement économiques. Ce n’est pas notre vision de la recherche ni celle des chercheurs.
On comprend bien, dès lors, pourquoi le statut des enseignants-chercheurs en particulier – et celui des fonctionnaires en général –, avec son corollaire, la garantie de l’indépendance et la liberté d’enseignement et de recherche, doit être réformé. Ils constituent en effet un rempart contre les pressions économiques sur la définition de la recherche, contre les instructions du pouvoir politique et administratif.
La réduction du nombre des fonctionnaires prend ainsi tout son sens doctrinal, toute sa dimension idéologique. L’indépendance, voilà bien ce qui heurte le plus notre hyper-Président !
Il n’y a qu’à se reporter à son discours du 22 janvier dernier, dont les déclarations méprisantes envers les chercheurs, le dénigrement des valeurs du métier de scientifique, au premier rang desquelles figure l’éthique, ont légitimement heurté l’ensemble de la communauté scientifique.
Il faut dire que cette piètre caricature des chercheurs a fait énormément de mal : « mauvais, non performants, archaïques, idéologues, partisans, conservateurs, aveugles, refusant de voir la réalité, immobilistes, ayant des mentalités à changer, installés dans le confort de l’auto-évaluation, travaillant dans des structures obsolètes, archaïques et rigides. »
Car il n’y a pas que le fond : c’est aussi la forme qui a creusé un fossé entre votre gouvernement et la communauté scientifique. Il faudra alors bien plus et bien mieux que des propos qui se veulent rassurants et des pseudo-négociations sur des sujets parcellaires pour regagner leur confiance.
Le premier signe fort attendu réside, me semble-t-il, dans l’annulation des suppressions nettes de postes prévues dans les organismes, mais aussi des suppressions indirectes à travers les chaires mixtes. Il devra s’accompagner d’un plan pluriannuel de programmation de l’emploi scientifique.
À cet égard, je me réfère à la position exprimée par François Fillon, actuel Premier ministre : « Il faut rendre plus lisible la politique de recrutement dans les universités et les organismes de recherche et donner aux acteurs de la recherche plus de visibilité sur le recrutement et le déroulement des carrières. C’est pourquoi je considère qu’il est nécessaire de mettre en place un plan pluriannuel de l’emploi scientifique ».
Rassurez-vous, madame la ministre, cette déclaration n’est pas récente. Elle remonte à 2004, quand M. Fillon était ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, et c’est ainsi qu’il s’exprimait aux assises nationales des états généraux de la recherche. Pourtant, cette déclaration n’a jamais autant été d’actualité, et je lui dis : chiche !
Avec ce préalable, vous construiriez assurément les conditions d’un retour de la confiance et d’un dialogue apaisé sur l’avenir de notre recherche et sur son organisation institutionnelle, afin de permettre un partenariat équilibré entre universités et organismes.
Devra également être mis sur la table un vrai bilan du crédit d’impôt recherche. Il est inadmissible de continuer à arroser le sable, avec des sommes qui semblent devoir être de plus en plus démentielles, et dans des conditions de plus en plus souples. Désormais, les entreprises pourront bénéficier, dans le cadre du plan de relance, d’un remboursement anticipé du crédit d’impôt recherche. Dans le même temps, on nous signale des effets d’aubaine caractérisés.
L’entreprise Rhodia, par exemple, a bénéficié d’un crédit d’impôt recherche de 7 millions d’euros en 2007 et celui-ci devait atteindre 20 millions d’euros en 2008. Comment Rhodia envisage-t-elle d’utiliser ces 13 millions d’euros supplémentaires ? En investissant dans la recherche et développement ? Pas du tout ! Elle prévoit la suppression de 23 postes de recherche et développement en équivalent temps plein et la marge dégagée par l’abaissement du coût de la recherche grâce au crédit d’impôt recherche sera affectée à la réduction de la dette du groupe.
Pendant ce temps-là, les modalités d’évaluation du CNRS sont vilipendées par le Président de la République. Si ce n’était pas aussi grave pour l’avenir de notre pays, ce serait risible !
Que le Président de la République, si prompt à regarder de l’autre côté de l’Atlantique et à prendre les États-Unis comme modèle, observe donc les engagements pris par Barack Obama en matière de recherche !
Premièrement, doubler le financement fédéral – donc le financement d’État – de la recherche fondamentale : pas de l’innovation ni de la recherche industrielle, mais bien de la recherche fondamentale en science physique, biologie, mathématiques et ingénierie.
Deuxièmement, faire en sorte que la recherche scientifique et technologique soit présente et accessible dans toutes les universités et facultés, grandes ou petites, riches ou moins influentes.
Troisièmement : améliorer considérablement les connaissances et les compétences de la grande majorité de la population dans les domaines scientifique et technologique.
On pourrait y ajouter la récente décision de permettre le financement public de recherches sur les cellules souches embryonnaires.
Qu’a proposé M. Nicolas Sarkozy dans son plan de relance en matière d’enseignement supérieur et de recherche ? Des travaux immobiliers et une anticipation du crédit d’impôt recherche… Quelle inventivité ! Rien, on ne trouve absolument rien sur la recherche publique ! Quant à la recherche fondamentale, c’est à se demander si le Président de la République sait qu’elle existe et qu’elle présente un grand intérêt.
On aurait tout à fait pu imaginer que, face au caractère exceptionnel du contexte que crée la crise actuelle, le Gouvernement négocie avec les entreprises ayant réalisé des bénéfices record – comme Total, avec ses 13, 92 milliards d’euros de profit pour 2008, grâce à l’augmentation faramineuse des cours du pétrole – en réinvestissent une partie de ces bénéfices dans la recherche publique fondamentale, dans les énergies alternatives ou sur la biodiversité marine, thématique choisie par la fondation Total pour redorer son image d’entreprise polluante. Je serais d’ailleurs curieux de connaître le montant dont bénéficiera Total au titre du crédit d’impôt recherche pour 2008 !
À vous qui semblez apprécier la pensée de Jacques Derrida, madame la ministre, puisque vous avez utilisé une courte citation de L’Université sans condition, « professer, c’est s’engager », en guise de conclusion d’une tribune intitulée « Ce que je veux dire aux enseignants-chercheurs », je propose de clore mon propos sur une citation issue de cette même conférence de Derrida : « Nous devons réaffirmer, déclarer, professer sans cesse l’idée que cet espace de type académique doit être symboliquement protégé par une sorte d’immunité absolue, comme si son dedans était inviolable [...] Cette liberté ou cette immunité de l’Université, et par excellence de ses Humanités, nous devons les revendiquer en nous y engageant de toutes nos forces. »
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les universités vivent à nouveau un de ces psychodrames dont seule la France a le secret. Il n’est pas l’heure de disserter sur les raisons vraies ou supposées de ce fait révélateur de l’ossification de notre société ; espérons seulement que celle-ci n’est pas inéluctable !
La loi sur l’autonomie des universités avait suscité quelques espoirs. Comme cela était prévisible, ces espoirs sont fort déçus. Les personnels n’ont guère constaté d’amélioration de leur situation, ne serait-ce qu’en termes de considération morale. S’il faut sans doute relativiser le sentiment de mépris dont ils se sentent victimes, force est de constater qu’il a tout de même quelques fondements.
De plus, cette autonomie, qui n’est que mi-chèvre mi-chou, est très limitée parce qu’on ne lui a pas donné de vrais moyens d’exister et que, les habitudes aidant, on l’a assortie de tant de conditions qu’elle est en fait en liberté surveillée.
Ce qui manque le plus, c’est la confiance, pas seulement celle des citoyens ou des représentants des personnels, mais aussi, car l’exemple vient d’en haut, celle de l’administration de l’État, qui veut toujours tout régenter depuis Paris alors qu’elle n’en a pas les moyens ; il nous faut au moins passer du contrôle a priori au contrôle a posteriori.
Cela suppose aussi que les présidents d’université, qui sont d’éminents personnages, aient tous des compétences de gestion et de management, ou qu’ils soient assistés par des personnels disposant de ces compétences.
Quoi qu’il en soit, dans l’état actuel des textes, on s’est arrêté au milieu du gué, et l’autonomie n’est qu’une fiction dont les intéressés voient bien les inconvénients, mais ne perçoivent pas les avantages.
Pour qu’il y ait vraiment autonomie, deux éléments, que l’on n’a pas voulu considérer jusqu’alors, sont indispensables : les moyens financiers et la sélection.
Certes, les moyens financiers ont progressé et l’État a fait quelques efforts qu’il ne faut pas méconnaître. Mais l’avenir n’est guère assuré, d’autant que, chacun le sait, l’impécuniosité de l’État ne peut que s’aggraver et celui-ci est condamné à plus ou moins brève échéance à une sévère cure d’amaigrissement. Quelques mesures d’économie sont néanmoins possibles quand on sait que certains enseignants, sans charge de recherche, sont loin du maximum des 128 heures de cours possibles.
Les deux seuls leviers qui existent viennent du financement privé.
Celui qui provient des entreprises est aléatoire, compte tenu de la conjoncture, et sélectionnera immanquablement les domaines immédiatement utilisables sur le plan économique : inutile de dire que les juristes et les littéraires ne peuvent guère compter figurer parmi les élus !
Le second a pour source les droits d’inscription. Quand on dit cela, les défenseurs acharnés du statu quo poussent des cris d’orfraie. Pourtant, toutes les grandes universités dans le monde exigent des droits beaucoup plus élevés que les universités françaises. L’augmentation des droits d’inscription dans des proportions suffisantes présenterait quelques avantages : d’abord, des moyens dont la pérennité est relativement assurée ; ensuite, une motivation des universités pour être plus attractives ; enfin, une motivation des étudiants qui, en tant qu’usagers, ont intérêt à obtenir un retour convenable sur leur investissement financier.
Cela suppose, bien sûr, que les étudiants d’origine modeste puissent bénéficier d’un système de bourses digne de ce nom. Ces bourses devraient au départ être attribuées, comme c’est le cas actuellement, sur des critères sociaux, mais ensuite renouvelées sur des critères académiques, incitation nécessaire pour que les étudiants soient assidus et efficaces.
Cela permettrait probablement aux enseignants d’avoir des bureaux pour recevoir les étudiants, d’avoir accès à des moyens informatiques en dehors de ceux qui leur sont personnels, et aux bibliothèques universitaires d’être ouvertes le samedi, ce qui est loin d’être le cas actuellement. Cela mettrait aussi fin à de grandes inégalités, où les moins favorisés paient pour les plus favorisés.
Quant à la sélection, elle favoriserait un fonctionnement plus démocratique dans la jungle actuelle Mais ce gros mot heurte notre mentalité égalitariste, laquelle, pourtant, ne s’émeut guère des inégalités existantes, car elle admet malgré tout que certains sont plus égaux que d’autres…
Il me semble que les universités doivent pouvoir sélectionner les étudiants pour mettre fin à une hypocrisie peu glorieuse, sous réserve d’une sérieuse réforme du lycée pour que celui-ci forme des jeunes aptes à faire des études supérieures.
D’ailleurs, une grande partie des études supérieures ne se fait qu’après sélection. On peut citer, pêle-mêle, les BTS, les IUT – il faut se souvenir que ceux-ci devaient s’adresser à l’origine aux bacheliers technologiques, qui ont maintenant beaucoup de mal à y accéder –…
… les grandes écoles – pour certains, il y a d’ailleurs double sélection, avant et après les classes préparatoires –, les études médicales et paramédicales, les écoles de formation sociale, les établissements relevant de certains ministères, les instituts d’études politiques. Et cette énumération est loin d’être exhaustive.
Dans ce contexte, envisager la sélection à l’université n’a donc rien d’incongru. Le maintien de la situation actuelle est une faute vis-à-vis des jeunes. En effet, il est peut-être souhaitable d’augmenter le nombre de diplômés, mais pour quels diplômes ? Il ne faut pas oublier qu’avec le système actuel beaucoup quittent l’université sans rien.
Parmi ceux qui obtiennent un diplôme, pour combien celui-ci n’est-il qu’un passeport pour nulle part, avec un visa pour l’inconnu ? Certes, l’université est là pour la culture générale, mais il y a des limites à la tartufferie.
Je ne citerai pas d’exemples pour ne pas faire de peine à certaines filières, mais tout le monde ici pourrait le faire. Je me contenterai de dire que, voilà quelques années, j’ai procédé au recrutement d’un conservateur de musée. Plus de quatre-vingts candidats se sont présentés, dont les dossiers, au moins sur le papier, étaient recevables. Je voudrais bien savoir ce que sont devenus les soixante-dix-neuf postulants que je n’ai pas retenus.
Ayons le courage de développer certaines formations en BTS ou en IUT, même si elles sont plus coûteuses que l’université, et d’empêcher trop d’étudiants de s’engager dans des voies sans issue.
Bien sûr, avec une certaine mauvaise foi, d’aucuns prétendront que je veux limiter l’accès à l’enseignement supérieur. À mon sens, il n’en est rien, si la sélection est réalisée sérieusement en tenant compte des besoins sociaux et économiques. Le nombre d’étudiants ne diminuerait pas, mais chacun pourrait trouver sa place.
Dans les années à venir, des changements dans l’organisation territoriale du pays vont s’amorcer. Ceux-ci pourraient être l’occasion d’associer davantage les régions à l’établissement de la carte des formations universitaires.
Pour terminer, j’évoquerai deux points particuliers concernant l’enseignement supérieur privé.
Il apparaît que, à l’heure où l’on veut donner un peu de liberté aux universités publiques, on en retire aux établissements privés. Jusqu’alors, les facultés libres et les établissements qui en relèvent, en vertu de la loi de 1875, pouvaient passer convention avec n’importe quelle université publique pour la validation des examens ou recourir à un jury nommé par le recteur d’académie. Or l’administration vient d’imposer que cela se fasse avec l’université la plus proche. Il est dommage que le Gouvernement accepte ce recul de la liberté d’enseignement.
Dans le même ordre d’idée, pourriez-vous nous dire, madame la ministre, quelle interprétation fait le Gouvernement de l’accord passé en matière universitaire entre le ministère des affaires étrangères et le Saint-Siège ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les universités sont depuis plus de six semaines le lieu d’une mobilisation forte et transversale contre les textes du Gouvernement et leurs conséquences sur le terrain.
La communauté universitaire demande qu’on la respecte. Les phrases prononcées le 22 janvier par le Président de la République ne sont pas de ce registre, et la question gratuite « les prix Nobel ne sont-ils pas l’arbre qui cache la forêt ? » révèle, outre le mépris, une profonde sous-estimation de l’importance de la transmission des savoirs pour une société cultivée, ainsi qu’une grande ignorance des mécanismes de l’émergence des découvertes, qu’elles soient de connaissance ou d’innovation.
Mme Marie-Christine Blandin. Comme en matière de biodiversité, c’est la forêt qui permet l’arbre exceptionnel, grâce à sa diversité, précisément, et à son fonctionnement systémique. S’accrocher à un désir d’arbre exceptionnel et répandre le défoliant est, par essence, contradictoire.
Sourires
La communauté universitaire n’est pas respectée quand elle voit ces mots repris pour servir de cheval de Troie à des concepts très libéraux de mise en concurrence des campus, des laboratoires, des équipes, des individus, par un système mixte de précarisation et de management fondé sur le mérite, à partir de critères qui ne sont ni pensés ni gérés par la communauté scientifique.
Vous qui parlez « résultats », n’avez-vous pas vu que, selon l’OCDE, en dépit d’investissements français qui se situent au dix-huitième rang mondial, le CNRS est au premier rang européen et au quatrième rang mondial ?
Dans ce contexte de raréfaction des moyens et de management compétitif, chacun est sous tension, non pas pour être le meilleur, c’est-à-dire le plus curieux, le plus pédagogue, le plus attentif aux difficultés des autres, mais pour être le plus performant, celui que l’on voit, celui qui publie, celui qui répond aux critères d’un conseil d’administration où la parole de la communauté scientifique et les attentes des étudiants s’effacent devant le souci du président d’avoir pour son site de quoi remplir le meilleur dossier afin de pouvoir prétendre aux justes subventions qui lui permettront de rénover un bâti vétuste.
Ce management relève de l’esprit entrepreneurial et franchit allègrement les limites qui garantissaient un véritable service public de l’enseignement supérieur et de la recherche : c’est la fin des garanties de l’emploi et de l’évolution de carrière ; c’est aussi la fin de la nécessaire étanchéité entre les moyens des ressources humaines et ceux de la logistique.
Dès lors, la variable d’ajustement devient l’enseignant qui exige de faire de la recherche, le chercheur qui n’a pas publié depuis deux ans, le laboratoire qui dénonce des risques sanitaires, l’équipe qui ne décroche pas de partenariat avec une entreprise, la discipline qui ne débouche pas sur des brevets…
Avec cette idéologie, les spécialistes de l’archéologie ne pèsent pas lourd ! §
Ce management joue mécaniquement la carte de l’utilité immédiate. Dans cette logique, il faut pouvoir prendre et laisser des enseignants au rythme des inscriptions, prendre et laisser des chercheurs au fil des modes de l’Agence nationale de la recherche, mais surtout ne pas être obligé de conjuguer la dualité fertile de la mission de recherche et de la mission d’enseignement.
Vous sous-estimez l’importance, pour un chercheur, de confronter ses explications avec les capacités de compréhension de ses étudiants, tout comme vous sous-estimez la richesse que porte en lui chaque jeune thésard, que l’on ne saurait brider en lui confiant seulement des tâches d’enseignement.
Vous jouez la carte de la rentabilité à très court terme, et c’est ainsi que la richesse intrinsèque du CNRS vous a échappé.
Mme la ministre fait un signe de dénégation.
Or la richesse du CNRS, c’est sa diversité, ses échanges, sa possibilité de pluridisciplinarité ; et c’est précisément cette souplesse que vous entamez.
C’est un grand manque d’anticipation au regard des mutations profondes qui nous attendent : changement climatique, démantèlement de l’organisation du travail, érosion de la biodiversité, migrations des peuples du Sud. Ces défis-là ne relèvent assurément pas d’un empilement de solutions techniques, fussent-elles brevetables !
Ces défis-là ont également bien peu de chance d’être éligibles au crédit d’impôt, meilleur moyen que le Gouvernement a trouvé pour gonfler l’apparence de son budget.
La communauté universitaire veut être respectée, et quand elle mesure sur le terrain les suppressions de postes, l’érosion des subventions, un pilotage non éclairé, des fusions à marche forcée, des mises en concurrence contre-nature, il faut l’écouter, entendre ses représentants, lui donner de vrais interlocuteurs, non la diviser et l’égarer dans des instances éphémères et sans légitimité.
Cette communauté veut une réforme ambitieuse, une réforme qui repose la question des grandes écoles, qui revisite le pilotage et le rôle de l’ANR, qui s’appuie sur des évaluations repensées et qui articule intelligemment les organismes et l’Université.
Elle conçoit l’appui aux entreprises, mais en contrepartie du développement de l’emploi scientifique et de vrais débouchés pour les doctorants.
Elle imagine de meilleurs processus pour dialoguer avec la société, répondre à ses attentes tout en gardant sa nécessaire autonomie.
Elle aspire à pouvoir être mieux impliquée dans la définition et la mise en œuvre des synergies européennes.
De la scandaleuse réforme que vous projetez pour la formation des professeurs, qui nie l’importance de l’apprentissage pratique de la pédagogie, je ne donnerai qu’un exemple : la connaissance du spectrographe de masse n’est pas une condition suffisante pour installer un terrarium pour les collégiens !
Je parlerai des étudiants, qui, eux aussi, veulent être respectés. Ils sont issus de cette classe que l’on appelle « les jeunes », celle dont un membre sur cinq vit sous le seuil de pauvreté.
Certains, révoltés par le sort qui leur était fait, ont eu le malheur de vous croire, le temps d’une négociation, pendant la discussion de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, la loi LRU. Ils ont vite appris ce qu’est une politique de communication : malgré les promesses, ils attendent toujours les logements !
Un an après, le document budgétaire pour 2009 ne prévoyait aucune construction, tandis que les inscriptions de 2008 n’avaient été qu’à moitié affectées.
À côté des 7 % d’hébergés dans les logements universitaires, il y a 93 % d’étudiants livrés au marché, et à la spéculation sur les loyers qui sévit dans les grandes villes.
Voilà un an, huit étudiants se sont installés dans un immeuble vide depuis onze ans ! Aujourd’hui, le tribunal, sur la demande de la riche propriétaire, les a condamnés à payer 6 000 euros par mois et 53 000 euros pour immobilisation de biens. Leurs ressources vont de 0 à 800 euros par mois. Leurs comptes sont donc bloqués. Cherchez l’erreur, cherchez qui les a mis dans cette impasse ! C’est sur la santé, puis sur la culture, puis sur la nourriture qu’ils économisent. Et, recherchant toutes les ressources possibles, ils se font exploiter par des employeurs peu scrupuleux, acceptant des horaires qui ne peuvent que nuire à leurs études.
De vrais pôles de recherche et d’enseignement supérieur commenceraient par construire du logement étudiant, commenceraient aussi par aider aux démarches pour les étudiants étrangers, si mal accueillis chez nous.
Un vrai souci de démocratisation de l’accès aux études supérieures doit conduire à une proposition de revenu étudiant – c’est le cas au Mali ! – et à envisager un revenu pour les jeunes.
Il est une dernière catégorie, madame la ministre, qu’il vous faut respecter : celle des parlementaires, en répondant à nos questions que justifie, une fois de plus, la colère du terrain.
Combien de postes supprimés au CNRS en 2008 ? En 2009 ? Combien de suppressions prévues pour les années à venir parmi les ingénieurs, les chercheurs, les techniciens ? Combien dans les autres organismes ?
Et ne nous parlez pas de départs à la retraite non remplacés ! Ce n’est pas une excuse, c’est un handicap transmis aux générations futures.
Autres questions précises : où est le milliard de plus par an prévu dans la loi de programme pour la recherche de 2006 ? Et le milliard d’euros du Grenelle vient-il en plus ou se cache-t-il dans le même milliard ?
Une suggestion : si les 600 millions d’euros de crédit d’impôt ne sont pas fictifs, peut-être est-il temps d’en réorienter une partie pour des postes ? Car vous conviendrez que consacrer 0, 23 % du plan de relance à la recherche, en dehors, bien sûr, des engagements déjà pris, ce n’est pas digne de notre ambition.
Des réponses sans détour donneront à voir la réalité du soutien à l’Université et l’utilité du nouveau règlement du Sénat, qui, paraît-il, nous permet de contrôler sur pièces le travail du Gouvernement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Madame la ministre, je compte revenir sur la réforme de la formation des enseignants ; mon propos s’adressera donc aussi, à travers vous, à M. Darcos, et je vous laisserai faire le tri des reproches qui s’adressent à l’un et à l’autre.
Madame la ministre, quel talent ! Réaliser pareille unanimité, contre vous, de tous ceux qui, de près ou de loin, s’intéressent à l’éducation n’est pas à la portée de tout le monde !
Ainsi en va-t-il de votre projet de réforme : des étudiants à la Société des agrégés en passant par les enseignants et leurs syndicats, les présidents d’université, les directeurs d’IUFM, les sociétés savantes, les associations de spécialistes et j’en passe, l’opposition est générale. Seul varie le niveau de langage.
Vos intentions étaient pourtant pures puisque, selon M. Darcos, il s’agissait d’assurer aux enseignants français « une formation universitaire comparable à celle de l’ensemble de leurs collègues européens au terme de cinq années d’études », de mettre en place « une meilleure qualité de la formation des enseignants pour assurer une meilleure qualité de l’enseignement délivré à nos élèves ». Et, sublime effort, d’augmenter leur rémunération !
Malheureusement, c’est du bluff !
Actuellement, si l’on totalise formation universitaire, préparations spécifiques aux concours de recrutement et formation professionnelle en IUFM, quels enseignants, des professeurs des écoles aux professeurs agrégés, n’ont pas déjà au minimum cinq années d’études supérieures derrière eux ? Beaucoup d’ailleurs, y compris parmi les professeurs des écoles, en ont bien plus !
Alors, si votre objectif est de donner un sésame européen aux enseignants français, pourquoi ne pas vous contenter, au lieu de cette réforme dont personne ne veut, d’une simple reconnaissance par un mastère des années de formation initiale des enseignants, comme le demandent unanimement et depuis longtemps les directeurs d’IUFM ? Accessoirement, d’ailleurs, vous pourriez augmenter leurs salaires !
C’est à se demander si l’objectif final n’est pas l’organisation d’un vaste marché des étudiants demandeurs d’emplois, selon le modèle anglo-saxon, grand marché dans lequel les établissements d’enseignement pourront puiser directement. Il deviendra alors possible de recruter sur la base de CDI, voire de CDD, une main-d’œuvre qui n’aura plus rien à voir avec les fonctionnaires de l’éducation nationale d’aujourd’hui. Belle modernisation !
Je caricature ? Mais alors, comment interpréter cette réponse de DRH faite par le ministre de l’éducation nationale aux présidents d’université réticents : « On va les trouver, les gens pour passer nos concours. […] Donc moi, je n’ai pas absolument besoin d’entrer dans des discussions sibyllines… » – je pense qu’il voulait dire « byzantines » – « …avec les préparateurs à mes concours. Je suis recruteur. Je définis les concours dont j’ai besoin. Je garantis la formation professionnelle des personnels que je recruterai. Après, chacun nous suit, ou pas. »
Vous garantissez la formation professionnelle des personnels que vous recrutez ; mais peut-on appeler formation professionnelle des bouts de stage et des remplacements dispersés sur les deux années de mastère sans la cohérence d’ensemble que pourraient assurer les IUFM ? Particulièrement fâcheuse est la disparition de l’actuelle année de formation professionnelle après la réussite au concours de recrutement. Les nouvelles recrues seront immédiatement mises devant une classe. Ah ça, ils ne seront pas dans un simulateur ! Ce luxe est désormais réservé aux pilotes de ligne et de chars Leclerc, qui, il est vrai, manipulent des engins coûteux !
Critiquable, la formation professionnelle des IUFM ? Certes ! Mais l’absence de formation professionnelle, est-ce mieux ? Disons que cela coûte moins cher !
À ces défauts rédhibitoires de la réforme s’ajoutent deux effets pervers moins immédiatement visibles.
D’abord, repousser d’une année l’accès aux concours de recrutement de l’éducation nationale, c’est demander un effort financier supplémentaire aux étudiants issus des classes populaires, pour qui ces concours représentent un débouché professionnel traditionnellement important, et cela sans véritable plus-value en matière de formation académique. C’est particulièrement vrai des futurs professeurs des écoles, par définition polyvalents. Une année de plus dans leur discipline d’origine ne leur donnera pas plus de compétence dans celles qu’ils ne maîtrisent pas, mais qu’ils devront néanmoins enseigner ! Tous les cautères, sous forme de bourses ou de rémunérations accessoires des stages, n’y changeront rien.
Ensuite, le projet signifie aussi, à terme, la disparition des IUFM, en tout cas de leurs antennes départementales, maintenues à bout de bras par les collectivités locales parce qu’elles sont l’une des rares institutions universitaires du département. La réforme n’est pas encore passée dans les faits que le déménagement du territoire a commencé !
C’est en tout cas ce que j’observe dans mon département, le Var, avec la suppression de la moitié des postes de professeur des écoles maître-formateur associés au centre IUFM de Draguignan. J’aimerais, madame la ministre, que vous me répondiez sur ce point : la disparition des IUFM et de leurs antennes départementales est-elle programmée ?
Madame la ministre, pour conclure, je vous proposerais bien de méditer les propos que Mme de La Fayette, si admirée du Président de la République, prête à la princesse de Clèves lorsqu’elle prend congé de Nemours : « Ce que je crois devoir à la mémoire de M. de Clèves serait faible s’il n’était soutenu par l’intérêt de mon repos ; et les raisons de mon repos ont besoin d’être soutenues de celles de mon devoir. »
Madame la ministre, la sagesse commande de remettre votre projet de réforme des formations en chantier. Si vous ne le faites pas par conviction, faites-le au moins pour votre repos !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me félicite de cette nouvelle procédure de contrôle parlementaire, qui nous permet de réaffirmer les priorités fixées au Gouvernement par le Président de la République, en l’occurrence la priorité absolue donnée, durant ce quinquennat, à l’enseignement supérieur et à la recherche.
C’est une priorité absolue parce que, dans une société mondiale de la connaissance, il est impératif que nos universités et nos organismes de recherche soient en mesure de rayonner davantage, que les recherches fondamentales puissent se dérouler dans un large continuum qui va du plus fondamental jusqu’à l’appliqué, de la recherche en laboratoire jusqu’à l’application et à l’innovation.
Cette priorité donnée à la connaissance, à la transmission des savoirs et à la jeunesse est confirmée par les faits, et j’entends, en réponse à toutes les questions qui m’ont été posées, montrer comment elle se traduit concrètement.
Nous voulons placer les universités au cœur de notre dispositif d’enseignement supérieur et de recherche, ce que n’a fait aucun des précédents gouvernements au cours des quarante dernières années. Cela suppose que nos universités aient un grand rayonnement. Il nous fallait donc d’abord leur donner les moyens juridiques de ce rayonnement.
Je le répète parce que c’est à la fois mon devoir et ma conviction, le moyen juridique qui permet à une université de rayonner, c’est l’autonomie.
L’autonomie, c’est le mode de fonctionnement qui, dans le monde entier, permet aux universités de rayonner. L’Union européenne a d’ailleurs adopté, durant la présidence française, une résolution en ce sens.
L’autonomie est le moyen juridique qui donne le pouvoir de définir une stratégie de recherche et une stratégie de formation, d’accéder à la liberté, mais aussi, selon le très bel intitulé donné à la loi par le Sénat lui-même, d’assumer ses responsabilités, car c’est le corollaire de cette liberté.
Dès 2007, je m’étais engagée à accompagner cette autonomie par la concrétisation de cinq chantiers. Je les rappelle : la réussite des étudiants en licence ; un grand plan de rénovation de l’immobilier universitaire ; un grand plan pour les carrières de tous les personnels de l’Université ; une réponse aux jeunes chercheurs, qui, aujourd’hui, ont du mal à engager des études doctorales ; enfin, un grand plan pour la vie étudiante.
Sur ces cinq chantiers, nous avons réalisé des avancées concrètes extrêmement significatives, même si leur traduction sur le terrain ne sera sensible que dans les mois et les années qui viennent.
Sur la mise en œuvre de la loi, permettez-moi, monsieur Assouline, de vous indiquer où nous en sommes.
Aujourd’hui, la loi du 10 août 2007 est appliquée par l’ensemble des quatre-vingt-trois universités. Le calendrier est respecté. Tous les nouveaux conseils d’administration sont en place et travaillent.
Les dispositions relatives à l’autonomie prévoient un processus progressif de passage aux compétences élargies en matière financière et de ressources humaines dans un délai de quatre ans, avec une date butoir au 1er janvier 2012.
D’ores et déjà, depuis le 1er janvier 2009, vingt universités sont autonomes. Cela signifie qu’aujourd’hui les emplois et la masse salariale correspondante leur ont été transférés. La stratégie et la politique scientifiques et de formation se décident désormais dans chacune de ces universités.
Trente-quatre autres universités candidates à l’autonomie – nous avions plus de quarante demandes pour 2010 – bénéficient actuellement d’audits destinés à vérifier leur capacité à acquérir ces nouvelles compétences au 1er janvier 2010. La liste en sera donnée en juin 2009.
S’agissant de l’accompagnement des universités passées à l’autonomie, chacune des vingt universités d’ores et déjà concernées a reçu une subvention de 250 000 euros pour lui permettre de l’aider à se préparer aux changements indispensables, de mettre en œuvre une politique indemnitaire pour les personnels qui se sont impliqués avec courage et volontarisme dans la préparation de ce grand passage et d’opérer les recrutements de compétences professionnelles qu’elle n’avait pas en son sein. En 2009, ces 250 000 euros leur seront de nouveau alloués.
L’encadrement a été renforcé par des mesures de requalification des emplois, nécessaires dans toutes les universités ; cela a concerné 800 personnes. Le même processus de requalification des emplois, par promotion interne, est en cours pour septembre prochain.
Un plan triennal de formation a été mis en place pour l’ensemble des personnels d’encadrement supérieur et administratif. Depuis le printemps 2008, il a concerné plus de 1 500 agents et coûté plus de 1, 5 million d'euros.
Les services du ministère ont créé une cellule de soutien particulier des universités autonomes, en assurant le suivi des plans d’action élaborés par chaque université, pour la mise en œuvre des recommandations des audits.
Quels moyens avons-nous mis en œuvre en faveur du passage à l’autonomie ? C’est l’une des principales priorités du budget de 2009, qui acte le transfert de 1, 890 milliard d’euros de masse salariale et de 34 175 emplois de l’État aux vingt universités intéressées.
La réussite de cette autonomie est liée à l’accompagnement des établissements au moment du passage : 16 millions d'euros y seront consacrés en 2009 et 52 millions d'euros entre 2009 et 2011.
La réforme des modes de financement des universités est primordiale pour réussir ce passage à l’autonomie, car elle doit rénover les liens entre l’État et les universités, qui seront désormais contractuels : un contrat d’objectifs et de moyens liera l’État et les universités.
Contrairement à ce que j’ai entendu dire, il n’y a aucune privatisation des universités puisque 95 % de la dotation des universités restera une dotation d’État contractualisée sur la base des objectifs et des engagements de formation et de recherche.
Les mesures en faveur du plan Carrière – 250 millions d'euros sur 2009-2011 – font partie intégrante de ce passage à l’autonomie parce qu’elles vont permettre de valoriser la richesse humaine de chaque université.
Enfin, le plan de relance permettra d’entrer dans la phase 2 de l’autonomie puisque, dans le cadre de ce plan, 30 millions d'euros sont consacrés à la préparation du transfert de l’immobilier pour les universités qui souhaiteraient prendre cette compétence.
MM. Renar et Lardeux ont particulièrement insisté sur la question des moyens de l’enseignement supérieur.
Je rappelle que le budget de 2009 a été construit sur l’hypothèse d’une inflation à 0, 4 %. Ce chiffre est à mettre en regard de crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche qui augmenteront, à travers le projet de loi de finances et le plan de relance, de 9 % en crédits budgétaires et de 26 % au total, en incluant la mobilisation anticipée du crédit d’impôt recherche et son augmentation. Il s’agit évidemment là d’une augmentation exceptionnelle : quasiment dix-huit fois le maintien du pouvoir d’achat ! Quel autre département ministériel dispose d’autant de moyens ?
Il ne faut pas oublier que les budgets des universités qui ne disposent pas de l’autonomie aujourd'hui ne comprennent ni l’immobilier ni la masse salariale. Ces crédits figurent dans le budget du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans lequel on trouve également les contrats de projet État-région, qui permettent de faire de l’immobilier universitaire et qui seront « boostés » par le plan de relance puisque ce dernier permettra de financer une annuité et demie de contrats de projet État-région pour toutes les universités.
Quant aux crédits en faveur des carrières, qui s’élèvent à 250 millions d’euros, ils sont inscrits dans le budget de l’État et non pas dans le budget des universités.
S’agissant du budget des universités à proprement parler, un chiffre traduit notre engagement : en 2007, la France dépensait 7 500 euros par étudiant ; en 2009, elle dépensera 8 500 euros en moyenne, soit un effort budgétaire de plus de 1 000 euros par étudiant.
En 2009, les universités bénéficieront de 117 millions d'euros de crédits de fonctionnement supplémentaires et de 150 millions d'euros de crédits de mise en sécurité, soit au total 267 millions d'euros, contre 78 millions d'euros l’an dernier : cette année, les universités auront donc trois fois plus d’argent.
Monsieur Dupont, vous avez évoqué les petites universités. Elles bénéficient, elles aussi, de moyens totalement inédits. En effet, si l’on totalise les crédits de fonctionnement et de mise en sécurité des locaux – nombre d’entre elles ont des locaux très dégradés – les dix-sept universités pluridisciplinaires les plus petites bénéficient en moyenne de 11 % d’augmentation, contre 3 % l’an dernier.
À l’université d’Avignon, par exemple, le budget augmente de 13 %, contre 3 % en 2007, et nous avons conclu un contrat de projet État-région pour le centre de recherche en agrosciences. Au Havre, le budget augmentera de 13 %, contre 8 % en 2008. L’université a reçu le label « campus prometteur » et disposera de 20 millions d'euros au titre de la rénovation de son campus.
Par ailleurs, je tiens à dire que je suis ouverte à la discussion sur les universités pluridisciplinaires des villes moyennes, qui ont un rôle tout à fait spécifique et primordial de formation de proximité.
Dans le cadre de la réflexion que nous allons lancer sur le modèle de l’allocation des moyens, ces universités feront l’objet d’une attention toute particulière de la part des services de mon ministère.
Vous avez évoqué les suppressions d’emplois.
Le secteur de la recherche et de l’enseignement supérieur, parce qu’il est une priorité du Président de la République, ne sera pas soumis en 2009 à la règle de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. Tel était déjà le cas en 2008 puisque aucune suppression d’emploi n’avait affecté l’enseignement supérieur.
En 2009, seulement 900 postes – soit moins de 0, 6 % des effectifs de mon ministère – ne seront pas renouvelés après le départ à la retraite de leurs titulaires. Ces 900 postes se répartissent de la façon suivante : 433 emplois statutaires, soit un départ à la retraite sur douze, 183 dans les organismes de recherche, une petite centaine au CNRS.
Je précise à Mme Blandin qu’en 2008 il n’y avait eu aucune suppression d’emploi au CNRS et que, cette année, il y en aura une petite centaine sur environ 30 000 emplois.
Sur les 408 emplois statutaires non remplacés, 225 concernent l’enseignement supérieur, mais aucun enseignant-chercheur. Au contraire, la campagne d’emplois nous permettra d’avoir cette année, sur le plan national, une création nette de 85 emplois d’enseignants-chercheurs par le jeu des redéploiements opérés par mon ministère. En effet, les emplois restitués par les universités concernent plutôt des personnels de catégorie C, administratifs et techniques, dont les missions ne sont pas au cœur du service public de l’enseignement supérieur, alors que les emplois qui ont été restitués aux universités sous-dotées sont souvent des emplois d’enseignant-chercheur, pour permettre un meilleur encadrement des élèves, notamment dans le cadre du plan « Réussir en licence ».
Ces 225 non-renouvellements en 2009 correspondent en moyenne à deux emplois par établissement.
Par ailleurs, 492 emplois non statutaires ne seront pas renouvelés : 225 emplois d’allocataire de recherche, qui correspondent en fait à des postes non pourvus, et 267 « post-docs » puisque l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, est devenue depuis deux ans le principal financeur de « post-docs », avec 1 000 nouveaux contrats cette année.
Je souligne que l’effort demandé aux établissements à travers le non-renouvellement de ces emplois a été intégralement restitué aux personnels à travers les mesures en faveur des carrières de l’enseignement supérieur et de la recherche. La masse salariale correspondant à ces emplois sera répartie dans le budget de toutes les universités, leur permettant d’avoir la souplesse nécessaire pour mieux gérer leurs emplois.
J’ajoute que le Premier ministre s’est engagé à ce que, en 2010 et 2011, l’enseignement supérieur voie ses postes maintenus.
Toutes ces mesures montrent la priorité absolue donnée à ce secteur, dans un contexte d’emploi très contraint.
J’en viens au plan Carrière 2009-2011.
Des moyens budgétaires exceptionnels seront affectés à la revalorisation des carrières des enseignants-chercheurs.
De 2009 à 2011, un effort exceptionnel de 252 millions d'euros cumulés sera réalisé et cette somme s’ajoutera aux 759 millions d'euros de revalorisation des rémunérations décidée sur le plan national pour la fonction publique.
Au total, par rapport à 2006-2008, deux fois plus de moyens nouveaux seront mobilisés sur la période 2009-2011.
Les jeunes maîtres de conférence seront recrutés à des salaires de 12 % à 25 % supérieurs grâce à la prise en compte du doctorat et des périodes post-doctorales. Cela permettra d’attirer davantage de jeunes de talent vers le doctorat et les carrières de l’enseignement supérieur.
Les taux de promotion à tous les grades, maîtres de conférences hors classe, professeurs, professeurs à classe exceptionnelle, seront doublés d’ici à 2011. De nouvelles primes seront créées pour valoriser l’enseignement supérieur et la recherche, pouvant atteindre jusqu’à 15 000 euros par an. Il n’existait malheureusement jusqu’à présent aucune prime de pédagogie, l’enseignement étant beaucoup moins valorisé que les activités de recherche, alors que la transmission des savoirs est, à mon sens, avec la recherche, l’une des missions essentielles de l’université.
Enfin, toutes ces mesures concernant les enseignants-chercheurs seront adossées à d’autres mesures concernant les personnels de recherche et de formation. Les taux de promotion des personnels de recherche et de formation – je l’ai annoncé hier – seront augmentés de 62 % d’ici à 2011 et les crédits destinés à leurs primes seront augmentés de 32 % d’ici à 2011.
Ces mesures ne sont pas encore entrées en vigueur, mais elles s’appliqueront dès que le nouveau statut des enseignants-chercheurs aura été adopté. Il s’agit tout de même de bonnes nouvelles et je me devais d’en faire part à la représentation nationale.
Pour attirer les talents à l’université, nous avons également décidé – il s’agit d’une mesure qui sera bientôt portée sur les fonts baptismaux – d’offrir un vrai contrat de travail à tous les doctorants, un contrat de droit public, plus simple, avec les mêmes garanties sociales qu’un contrat de droit administratif : allocations de chômage, congé de maternité, congé de maladie et une rémunération minimale assurée. Ainsi, le doctorat pourra être valorisé à la fois dans les carrières académiques, mais aussi dans l’entreprise, où il était jusqu’à présent considéré uniquement comme un diplôme, comme des années d’études supplémentaires, et non pas comme une véritable expérience professionnelle. Ce contrat doctoral est une avancée ; il nous a été demandé spécialement par la conférence des jeunes chercheurs et il est issu du chantier sur les jeunes chercheurs.
S’agissant du financement des universités, nous avons décidé de placer l’équité au cœur du mode d’allocation des moyens universitaires.
Désormais, compte tenu de leurs missions de service public, 80 % des moyens financiers des universités seront attribués en fonction de l’activité. Cela signifie que des universités qui, sur cinq ans, ont perdu beaucoup d’étudiants voient leurs moyens revus à la baisse, tandis que les universités qui, au cours de la même période, ont vu le nombre de leurs étudiants augmenter jusqu’à 25 %, verront leurs moyens accrus. Cela s’appelle l’équité et la solidarité entre les établissements.
Mais, là aussi, l’approche du financement à l’activité est revue et corrigée. Pour la formation, les crédits seront alloués sur la base du nombre d’étudiants présents aux examens, et non plus sur celui des étudiants inscrits, de façon à inciter les universités à accompagner et encadrer les étudiants toute l’année, non à se contenter de les inscrire et les laisser ensuite dériver.
Pour la recherche, la répartition sera fondée sur le nombre d’enseignants-chercheurs « publiants ».
La réforme de l’allocation des moyens permettra de répartir sur l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur 889 millions d’euros cumulés sur la période 2009-2011.
Grâce à ces moyens, toutes les universités verront leurs crédits progresser fortement dans les trois années à venir, et ce d’une manière totalement inédite : compte tenu de leurs performances et de leurs activités respectives, les universités les moins bien dotées verront leurs crédits augmenter plus vite par rapport à celles qui sont mieux loties.
En 2009, la hausse moyenne des budgets est de 6, 5 %, mais la fourchette est large puisque l’augmentation oscille entre 0, 5 % pour les mieux dotées et 25 % pour les moins bien dotées.
Au travers de cette réforme, l’objectif est de faire entrer les universités dans une culture de liberté et de responsabilité. Cela doit être une exigence dans la mesure où l’effort budgétaire important consenti par l’État en faveur de l’enseignement supérieur s’inscrit dans un contexte de gestion contrainte des finances publiques.
Désormais, 20 % des moyens des universités, contre 3 % aujourd’hui, seront attribués en fonction des performances enregistrées en matière de formation et de recherche.
La conception même de la performance à l’université est appelée à être totalement revue. Les déterminants fondamentaux du financement en matière de formation seront dorénavant l’insertion professionnelle ou encore la valeur ajoutée, qui permettent d’apprécier les résultats à l’aune de la fragilité des étudiants accueillis. La cotation des laboratoires de recherche fera l’objet d’évaluations indépendantes réalisées par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur et sera, elle aussi, prise en compte dans le cadre de la part de financement liée à la performance.
L’accompagnement des nouveaux projets et la tenue des objectifs contractuels par les universités seront évidemment valorisés grâce à cet outil renouvelé qu’est le nouveau contrat d’établissement signé entre l’État et les universités.
Monsieur Bordier, vous avez, comme d’autres de vos collègues, évoqué le classement de Shanghai. Celui-ci est, il est vrai, biaisé puisqu’il ne prend pas en compte la spécificité du système français, dans lequel une partie non négligeable de nos meilleurs étudiants et de nos meilleurs chercheurs ne sont pas à l’université.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il est primordial que les universités françaises jouissent d’une visibilité mondiale. Pour répondre à cet objectif, nous avons décidé d’accompagner l’autonomie d’une politique de rapprochement et d’alliance, sur un même territoire, entre les universités, les organismes de recherche et les grandes écoles, par le biais des pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les PRES. Cette politique est en train de progresser de manière très spectaculaire dans le cadre de l’opération Campus, et j’espère avoir l’occasion, d’ici à la fin de l’année, de venir en faire le bilan devant vous.
Ainsi, le regroupement des universités en pôles de recherche et d’enseignement supérieur, d'une part, et la simplification de la gestion des unités mixtes de recherche dans les universités, d'autre part, permettront à notre pays de donner une meilleure visibilité à la recherche française et un plus grand rayonnement à nos universités.
Du reste, à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, nous avons, conscients des lacunes du classement de Shanghai, lancé un processus visant à instaurer un classement européen des universités du monde pour disposer de données extrêmement précises et fiables. Nous pourrions ainsi mettre beaucoup mieux en évidence la qualité de nos formations et de nos recherches.
J’en viens au nouveau projet de décret sur le statut des enseignants-chercheurs, évoqué, notamment, par MM. Legendre, Renar et Bordier.
Le décret actuel ne correspond plus à la richesse de ce métier et ne permet pas de reconnaître l’investissement des enseignants-chercheurs dans les différentes activités.
L’objectif de la réécriture de ce décret est d’aboutir à un statut protecteur qui garantisse une progression dans la carrière fondée sur une évaluation nationale, par les pairs, de chaque discipline, sur la base de critères rendus publics. Nous souhaitons donc instaurer de la transparence.
Dans le contexte de l’autonomie, les universités doivent pouvoir s’appuyer sur leurs piliers que sont les enseignants-chercheurs, dans le respect de leur liberté de penser et de leur indépendance, principes à valeur constitutionnelle.
La rédaction du nouveau décret a été précédée de dix-huit mois de concertation, au travers d’une mission confiée à M. Schwartz. Dans ce domaine, c’est le dialogue continu qui a prévalu.
Pour placer la communauté universitaire au cœur des établissements, l’engagement des enseignants-chercheurs doit aussi être reconnu. Tel est l’objet du plan de revalorisation des carrières que je vous ai décrit et qui entrera en vigueur dès la publication du décret.
C'est la raison pour laquelle seront précisés un certain nombre de points placés au cœur du nouveau texte.
Tout d’abord, un service de référence sera fixé pour l’activité d’enseignement et pour celle de recherche. C’est la base qui déclenchera, comme c’est le cas aujourd’hui, le paiement des heures complémentaires. Elle inclura la valorisation des travaux pratiques au même titre que les travaux dirigés.
Ensuite, l’évaluation de l’ensemble des activités des enseignants-chercheurs sera effectuée au niveau national par les pairs, section par section, dans le cadre du Conseil national des universités.
En outre, la modulation des services ne pourra se faire sans l’accord des intéressés et s’organisera en référence à un cadre national d’équivalences selon les différentes activités des universitaires. Elle pourra être envisagée de manière pluriannuelle et s’inscrire dans un projet collectif, pédagogique, scientifique ou un projet lié à des tâches d’intérêt général.
Enfin, la répartition des promotions entre le niveau national et le niveau local sera réalisée, pour moitié, par les universités et, pour moitié, par le Conseil national des universités. Les propositions de promotion seront élaborées sur la base de critères rendus publics et de l’évaluation de l’ensemble des activités.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nombre d’entre vous ont évoqué le plan « Réussir en licence », pour lequel, je le rappelle, un effort inédit de 730 millions d’euros sur cinq ans a été consenti afin de lutter contre l’échec des étudiants.
Nous en sommes à la première année d’entrée en vigueur de ce plan. Elle a été financée au prorata du nombre d’étudiants présents en première année, tout en prenant en compte les étudiants en retard et, donc, les plus fragiles par rapport à ceux qui forment la « cohorte de bac ».
Toutes les universités sont mobilisées et mettent en place des actions ciblées : enseignants référents ; étudiants tuteurs ; enseignements en petits groupes ; enseignements transversaux obligatoires, notamment pour les technologies de l’information et de la communication et pour l’anglais ; stages obligatoires en licence.
L’orientation active est un processus global, qui permet une meilleure transition du lycée vers l’université. Elle comporte quatre phases : l’information des lycées, d’ores et déjà engagée ; la préinscription sur un site unique « www.admission-postbac.fr », donnant toutes les informations sur les différentes filières et ouvrant un dialogue avec les universités d’accueil ; le conseil des universités sur les vœux exprimés par les lycéens ; enfin, l’entrée dans l’enseignement supérieur et, en cas d’échec, la réorientation dès la fin du premier semestre.
Nous allons, dès maintenant, réaliser une enquête de suivi de la mise en œuvre de la nouvelle mouture de cette première année, ô combien fondamentale, à l’université.
J’aborderai maintenant la vie étudiante, qui a été notre priorité.
Nous avons voulu un système de bourses plus généreux, plus lisible et plus juste, et dépensé, pour cela, plus de 100 millions d’euros en deux ans.
Le relèvement du plafond de revenus annuels, passé en un an de 27 000 euros à 32 000 euros pour une famille, a permis à 50 000 étudiants supplémentaires d’être boursiers. En outre, en deux ans, les bourses ont été revalorisées de 5 %, soit beaucoup plus que l’évolution constatée ces dix dernières années !
Pour les 100 000 étudiants les plus modestes, nous avons consenti un effort supplémentaire, avec une augmentation de 10 % des bourses en deux ans.
Nous avons plus que doublé le nombre des bourses de mobilité internationale, qui est passé de 12 000 à 30 000.
Monsieur Lardeux, nous avons également doublé, de 15 000 à 30 000, le nombre des bourses au mérite.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le logement étudiant a, lui aussi, bénéficié d’un effort massif, même si certains d’entre vous le contestent. Ainsi avons-nous, en deux ans, rénové ou reconstruit 30 000 chambres. C’est plus que ce qui a été fait au cours des dix dernières années !
Nous poursuivrons cet effort grâce aux crédits issus du plan de relance que je détaillerai par la suite.
J’évoquerai également l’orientation et l’insertion professionnelle.
Dans le cadre de la mise en place des bureaux d’aide à l’insertion professionnelle, les présidents d’université ont été invités à adresser au ministère leur schéma directeur d’aide à l’insertion professionnelle. À ce jour, les trois quarts l’ont fait.
L’analyse de ces documents montre que la préparation de l’insertion est bien prise en charge, qu’il s’agisse de l’acquisition de pratiques de recherche de stages ou d’emplois, d’information sur les procédures d’embauche ou d’assistance à la maturation des choix. Nous constatons une montée en charge des actions grâce au plan pluriannuel pour la réussite en licence, alors que, auparavant, l’insertion professionnelle n’était privilégiée qu’au niveau mastère 2. Les universités portent également une attention particulière aux doctorants.
Des observatoires des parcours et de l’insertion sont le plus souvent mis en place par les universités. Il est assez surprenant de constater que, près de trois ans après l’adoption d’un ensemble de textes spécifiques, la gestion des stages est encore très hétérogène et, surtout, artisanale. L’absence de pilotage au niveau de l’université est quasiment la règle. Pour remédier à cette situation, de nombreuses universités sont en train d’élaborer des systèmes de gestion numérisés des stages, parfois fort ambitieux.
Étroitement liée à la question des stages, l’instauration de partenariats avec les milieux professionnels était loin d’être systématique, formalisée et, moins encore, mutualisée au sein de l’université. Cela devrait désormais être chose faite dans les établissements qui nous ont transmis leur schéma directeur.
Par ailleurs, l’autonomie doit, à l’évidence, s’accompagner d’une réorganisation du ministère. Nous ne pouvons plus fonctionner avec cette même administration, qui se montre parfois « tatillonne ».
Le ministère se doit d’être un stratège, plus efficace et plus transparent. C’est d’une administration de mission que nous avons besoin. Pour cela, le ministère s’appuiera sur deux nouvelles directions générales, recentrées sur des objectifs précis : la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle, la DGESIP, et la nouvelle direction générale de la recherche et de l’innovation, la DGRI. Grâce à une mutualisation des moyens, nous avons privilégié une stratégie globale en matière d’enseignement, de formation et de recherche, en créant un pôle de contractualisation chargé de traduire la politique de formation menée par la DGESIP dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens signé par les universités.
En dix-huit mois, l’ensemble des textes d’application de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités auront été publiés. Cet effort a été salué par la révision générale des politiques publiques.
J’en viens maintenant aux travaux du comité de suivi de la loi.
Nous avons tenu à ce qu’y siègent les deux sénateurs et les deux députés qui étaient les rapporteurs du texte. Toutes les sensibilités politiques du Parlement auraient pu, certes, y être représentées, mais au risque de dénaturer ce comité et de le transformer en véritable agora !
Il n’y a qu’un seul bloc politique : la droite ! Les rapporteurs ont voté votre loi, ils sont d’accord avec vous !
Le comité de suivi vient de rendre son rapport. Il a été adressé au président du Sénat, qui nous a répondu le 26 janvier dernier. Il est donc à la disposition de la Haute Assemblée.
Ce n’est pas vrai, je l’ai demandé, mais en vain ! La commission des affaires culturelles ne l’a jamais eu !
Ce comité de suivi a pour mission de suivre l’application de la loi sur une durée de cinq ans. Un tel délai est nécessaire pour évaluer les effets des différentes dispositions qui ne peuvent être immédiats, en particulier en matière de gouvernance ou de mise en place de l’orientation active ou de l’insertion professionnelle.
D’ores et déjà, le comité de suivi a relevé un certain nombre de difficultés de mise en œuvre. Il décline dix-huit recommandations. Je citerai les plus marquantes.
Il s’agit, tout d’abord, de l’amélioration de la participation des étudiants aux élections, par des moyens modernes tels qu’internet, et d’une meilleure prise en compte de l’engagement des étudiants dans la vie institutionnelle. Ce point fera l’objet d’une large concertation avec les organisations étudiantes, qui ont la même préoccupation que moi sur ce sujet. Nous allons avancer à cet égard dans le cadre de la deuxième étape du plan pour la vie étudiante, qui se concrétisera d’ici au mois de mai prochain.
Il s’agit, ensuite, de l’amélioration des modalités de la désignation des personnalités extérieures. Une université ne peut se permettre de rester sans gouvernance pendant plusieurs semaines, dans l’attente d’un accord sur une liste de personnalités extérieures. Là encore, il est déplorable que l’idéologie et la politique se soient parfois immiscées dans des choix qui devraient être totalement objectifs. Il est envisageable de suivre la recommandation du comité, qui prévoit de réduire le nombre de tours de scrutin.
Il s’agit, aussi, de la participation des personnalités extérieures à l’élection du président.
Enfin, la sixième recommandation, relative au vote des chercheurs, a fait l’objet d’une application immédiate par une modification du décret électoral.
Par ailleurs, les comités de sélection pour le recrutement des enseignants-chercheurs sont en cours de généralisation et remplacent désormais les commissions de spécialistes. Ceux-ci ont été constitués dans neuf universités dès le premier semestre de 2008.
Ces commissions ont été beaucoup critiquées, et ce à plusieurs titres. Désormais, les comités de sélection permettent d’effectuer des recrutements « au fil de l’eau », ce qui était impossible dans le cadre des procédures annuelles, trop rigides, des commissions de spécialistes.
Composés pour moitié d’experts extérieurs à l’université, ces comités de sélection corrigent certains effets pervers du localisme. Ils favorisent la mobilité et l’excellence. Le comité de suivi de la loi a d’ailleurs recommandé de rendre obligatoire la présence d’experts étrangers au sein des comités de sélection.
Dans tous les endroits où les comités de sélection ont été mis en place, ils ont fonctionné à la satisfaction générale de la communauté universitaire et n’ont donné lieu à aucun litige.
J’aborde à présent la compétence patrimoniale.
Deux universités se sont prononcées très tôt pour l’acquérir : Paris VI et Corte. Depuis, d’autres universités commencent à nous faire savoir qu’elles seraient intéressées.
Il convient de rappeler que plusieurs conditions doivent être remplies.
Les universités doivent démontrer leur savoir-faire en la matière et avoir un véritable schéma directeur, expression d’une stratégie immobilière au service d’un grand projet pédagogique et scientifique. Ce sont les audits qui nous le diront.
La loi prévoit que l’État, avant tout transfert, a l’obligation d’effectuer la mise en sécurité du patrimoine après expertise contradictoire.
Enfin, il nous faut faire le point sur les obligations financières que cela pourrait représenter pour les universités en matière d’amortissements ou d’assurances. Il nous faut voir comment les accompagner.
Je suis très favorable à ce transfert de la compétence patrimoniale, car la gestion en pleine propriété par l’université de son patrimoine lui apportera des marges de manœuvre importantes. Grâce à cette compétence nouvelle, le processus d’autonomie sera réellement abouti. Mais nous devons agir avec ordre et méthode.
Il est possible de lancer quelques expérimentations avec des universités volontaires ayant un patrimoine de qualité.
Dès 2009, ce sont 10 millions d’euros qui seront distribués à l’ensemble des universités afin qu’elles bâtissent leur bilan patrimonial et établissent leurs besoins, et 30 millions d’euros à celles des universités qui se lanceront dans cette nouvelle compétence.
Avant d’évoquer le bilan d’étape de l’opération Campus, je rappelle que cinquante-neuf universités sont concernées par cette opération, et non dix, comme je l’ai entendu dire à cette tribune.
Le Président de la République a lancé, fin 2007, l’opération Campus pour faire émerger les grands sites universitaires français, ceux qui sont à même de compter dans la compétition internationale de la connaissance.
Au départ, dix sites ont été retenus au terme d’une sélection exigeante réalisée par un jury international et indépendant. Il s’agit d’Aix-Marseille, Bordeaux, Grenoble, Lyon, Montpellier, Strasbourg, Toulouse et de trois sites franciliens, Condorcet Paris-Aubervilliers, Paris intra-muros et Saclay.
Les critères qui devaient être remplis sont l’ambition scientifique et pédagogique, l’urgence de la situation immobilière, le développement de la vie de campus et le caractère structurant pour un territoire.
Je rappelle que ces sites ont été sélectionnés par un jury international et non pas, pour une fois, dans le cadre d’un cabinet ministériel.
Postérieurement, les cas de Lille et de Nancy-Metz ont été également labellisés. Ils seront financés sur crédits budgétaires.
L’opération Campus a fait bouger les lignes au sein des grands pôles universitaires. Elle a accéléré une vaste dynamique de rapprochements et de regroupements des forces scientifiques françaises qui place l’université au cœur du dispositif.
Parmi ces douze sites figurent quarante-six universités, mais aussi quarante écoles et tous les principaux organismes de recherche. Au total, 760 000 étudiants et 24 000 chercheurs et enseignants-chercheurs « publiants » sont concernés.
Le cas francilien est particulièrement révélateur : les rapprochements engagés témoignent d’un effort inédit de coopération entre des acteurs de très haute valeur scientifique.
L’opération Campus marque un tournant décisif dans les relations des universités avec les collectivités locales et le monde socio-économique. La participation directe annoncée par les collectivités locales se montera à près d’un milliard d’euros sur les sites situés en région.
Le Président de la République a décidé de doter cette opération d’un montant de 5 milliards d’euros. C’est un effort exceptionnel que consent l’État.
J’ai d’ores et déjà annoncé que le campus de Lyon, dans le cadre de son PRES, bénéficierait de 575 millions d’euros de dotations pérennes en capital pour son développement, et celui de Strasbourg de 375 millions d’euros. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes : ils sont sans précédent sur un seul projet.
J’irai annoncer sur chaque site, à partir du mois d’avril, le montant qu’il se verra attribuer.
Ces sommes seront, à terme, transférées aux pôles créés pour devenir une dotation en capital qui conférera à ces pôles une assise financière sans précédent, comparable à celle des grandes universités internationales.
Les projets immobiliers seront réalisés sous forme de partenariats publics-privés. Le démarrage des premiers chantiers est attendu pour la fin 2011.
En outre, nous consacrerons 400 millions d’euros au total, sur la période 2009-2011, à des campus prometteurs et innovants, c’est-à-dire en tout neuf projets – cinq prometteurs, quatre innovants –, qui concernent treize universités supplémentaires.
Un campus prometteur est un campus qui possède un fort potentiel, qui est prometteur pour l’avenir, et dont le rôle au plan national, voire européen, est loin d’être négligeable.
C’est un signal fort envers les collectivités territoriales concernées. Cette mention doit les inciter à s’investir fortement dans leurs universités pour accroître sensiblement le potentiel scientifique et pédagogique de celles-ci, et ainsi renforcer leur visibilité au niveau européen ou international.
Ces campus prometteurs sont Paris-Est, c’est-à-dire le campus de Créteil-Marne-la-Vallée, Clermont-Ferrand, Nantes, Nice et Rennes : 30 millions à 60 millions d’euros seront consacrés à chacun de ces campus prometteurs.
Quant aux campus innovants, ce sont des sites de taille sensiblement inférieure, mais dont le projet a été jugé particulièrement intéressant. Ce sont des universités qui font, dans la majorité des cas, le choix de se recentrer sur une thématique scientifique spécialisée. C’est donc une prime au dynamisme, à la créativité, à l’engagement et à la mobilisation. Les campus de Cergy, Dijon, Le Havre et Valenciennes se verront, en tant que campus innovants, attribuer 20 millions d’euros.
Je compte évidemment sur tous les sénateurs ici présents pour servir de relais auprès des collectivités locales, afin que celles-ci accompagnent ces campus prometteurs et innovants dans leur dynamique de développement.
Outre les cinquante-neuf universités concernées par l’opération Campus, toutes les universités bénéficieront de crédits nouveaux puisque nous avons décidé d’une accélération très sensible, durant une année et demie, des contrats de projets État-région dans le cadre du plan de relance et d’une hausse des crédits de mise en sécurité. Au total, 550 millions d’euros seront consacrés, au titre du plan de relance, aux projets immobiliers de l’ensemble des universités.
J’en viens aux IUT.
La globalisation des dotations est au cœur de l’autonomie que la loi du 10 août 2007 a reconnu aux universités. Maintenir les fléchages antérieurs des crédits irait à l’encontre de cet objectif. Néanmoins, la spécificité des IUT est préservée, notamment pour tenir compte de la réussite qui est la leur en matière de professionnalisation des formations universitaires.
Les IUT continuent de disposer d’un budget propre.
Le nouveau modèle de répartition des moyens prend en compte le coût plus élevé de la formation dispensée aux étudiants inscrits en DUT, diplôme universitaire de technologie.
La référence à la performance en matière de réussite aux examens et d’insertion professionnelle se fera également à l’avantage des IUT, qui seront bien entendu associés au travail d’évaluation de ce système de répartition.
Un dialogue fructueux a été mené entre universités et IUT, sous l’égide du ministère, pour qu’une charte soit signée entre eux afin de structurer leurs relations. J’ai annoncé, il y a quelques jours, que cette charte aurait valeur réglementaire et serait intégrée dans le code de l’éducation afin de rassurer pleinement toutes les parties prenantes à l’accord.
Dès les prochaines semaines, universités et IUT vont pouvoir travailler à l’élaboration des contrats d’objectifs et de moyens qui les lient.
À ma demande, les présidents d’université ont accepté de s’engager dans une sanctuarisation a minima des moyens des IUT en 2010, comme ils l’ont fait en 2009.
L’État, quant à lui, est plus que jamais présent aux côtés des IUT : les 5 millions d’euros qui leur avaient été alloués en 2008 pour encourager l’accueil de bacheliers technologiques seront maintenus en 2009, et je consacrerai 10 millions d’euros supplémentaires à l’équipement des IUT, dans le cadre du plan de relance.
Mme Laborde a évoqué le cas de l’IUT de Blagnac. Un accord a été trouvé localement pour l’ouverture de ce nouveau département, si nécessaire à la formation de nos jeunes, dans un contexte budgétaire contraint en matière d’emplois publics. Il faut s’en féliciter, et non pas le déplorer ! Je ne doute pas que, dans le nouveau contrat d’objectifs et de moyens qui sera signé entre l’université et l’IUT, les moyens humains nécessaires seront mis à la disposition de cet IUT.
Vous avez dit, monsieur Renar, qu’il fallait sortir de la crise par le haut. Cette sortie de crise passe par le dialogue social permanent sur tous les sujets. Le dernier sujet d’inquiétude, la mastérisation, est en cours de résolution.
Je ne vois pas la nécessité de tenir des états généraux de la recherche et de l’enseignement, car ces états généraux ont déjà eu lieu, en octobre 2004, et ont été le résultat d’une large mobilisation de la communauté scientifique française durant plusieurs mois de discussions et de contributions. Ils représentent, à ce titre, un grand moment de la réflexion sur l’organisation de la recherche en France, dans le droit fil du colloque de Caen de 1956 et des assises nationales de la recherche de 1981-1982.
Un grand nombre de propositions faites en 2004 se trouvent d’ailleurs aujourd’hui concrétisées et le rapport final de ces états généraux qui avait été transmis au Gouvernement, a été, pour une très large part, mis en œuvre.
Je citerai plusieurs exemples.
Les états généraux appelaient à la création d’un ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur de plein droit, qui déterminerait les grands choix et affirmerait le caractère prioritaire de la recherche dans notre pays et son lien très fort avec l’enseignement supérieur. Ce ministère, nous l’avons créé ! Et c’est la politique du Gouvernement que de faire de la recherche et de l’enseignement supérieur une priorité et de mettre l’université au cœur du dispositif de recherche, avec une formation de qualité, comme c’est le cas dans les grands pays développés.
Nous voulons faire des organismes de recherche, le CNRS en tête, des stratèges pour construire et consolider notre recherche au niveau national, afin d’en finir avec les redondances entre organismes de recherche et avec les lourdeurs administratives qui assaillent nos chercheurs.
Nous voulons établir une stratégie nationale de la recherche et de l’innovation avec les chercheurs eux-mêmes, publics et privés, et avec les associations porteuses d’enjeux, pour que notre pays puisse faire enfin les grands choix scientifiques et technologiques essentiels pour son avenir. Cette démarche partira d’en bas, des besoins du terrain.
En 2004, les états généraux de la recherche appelaient à redonner leur juste place à des universités pourvues de capacités de décisions rénovées, qui pourraient alors développer des relations de confiance et de partenariat équilibré avec les autres acteurs du système de recherche.
Ces universités, elles existent : ce sont les vingt premières universités autonomes, et toutes celles qui suivront ; grâce à la loi LRU et à un investissement financier de l’État, elles bénéficieront de toutes les marges de manœuvre juridiques et financières nécessaires au développement et à la maîtrise de leur stratégie de recherche.
En 2004, les états généraux de la recherche appelaient à la création d’une nouvelle structure dotée d’un budget propre, interlocuteur exclusif pour le financement de projets « blancs » et de projets thématiques d’intérêt national : le CoFiPS. Cette agence de financement nouvelle, nous l’avons créée : c’est l’Agence nationale de la recherche, dont je vais augmenter la proportion de « programmes blancs » – ils étaient 25 % en 2008, ils sont 35 % en 2008, et seront 50 % en 2010 ! –, afin d’offrir aux équipes de recherche la possibilité de produire de la créativité pure et de l’excellence.
En 2004, les états généraux de la recherche appelaient à la création d’un comité d’évaluation des opérateurs de recherche indépendant des structures d’évaluation existantes et en charge d’un audit régulier de la politique scientifique des opérateurs de recherche, pour veiller à la qualité de l’évaluation et de la prise en compte de ses conclusions par les opérateurs.
Ce comité d’évaluation existe désormais : c’est l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, créée par la loi de 2006, et qui, conformément aux recommandations des états généraux, accrédite les bonnes pratiques d’évaluation, pratique un suivi régulier du fonctionnement des commissions d’évaluation et analyse l’utilisation des moyens financiers et humains mis à la disposition des opérateurs pour leurs missions de recherche.
En 2004, les états généraux de la recherche appelaient à la création de pôles de recherche et d’enseignement supérieur, associant localement les différents partenaires de l’enseignement supérieur et de la recherche publique et privée. Aujourd’hui au nombre de douze, ces PRES seront bientôt quatorze, et j’ai bon espoir que l’ensemble de notre paysage universitaire et de recherche sera, d’ici à la fin de l’année, structuré en pôles.
Monsieur Lagauche, je ne peux pas vous laisser dire que le plan de relance, auquel sont consacrés 730 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires, oublie la recherche : 286 millions d’euros lui sont affectés, dont 46 millions d’euros, soit plus 17 %, pour les très grandes infrastructures, et 220 millions d’euros vont au plan « Nanosciences », au Grenelle de l’environnement et à la recherche duale en matière de défense ; enfin, 20 millions d’euros de travaux sont destinés aux laboratoires des organismes de recherche qui souffrent, eux aussi, malheureusement, de vétusté. Or, comme vous le savez, l’épanouissement des chercheurs et l’attractivité de nos laboratoires passent aussi par l’immobilier.
En outre, les organismes de recherche publics vont voir, grâce au plan de relance, leurs moyens progresser de 5, 5 %, contre 3, 5 % avant la mise en œuvre de ce plan. Au total, la progression représente donc onze fois l’inflation.
J’en viens au rôle du crédit impôt recherche, ou CIR. Il répond à quatre objectifs, que je rappelle.
Premier objectif : encourager au maintien sur le sol français des centres de recherche qui y sont aujourd’hui implantés. Les risques de délocalisation, avec leurs conséquences désastreuses pour notre économie, ne doivent en effet pas être sous-estimés. Il s’agit, en mettant en œuvre une stratégie industrielle, de défendre la France dans une période de crise.
Deuxième objectif : attirer des activités de recherche et de développement actuellement conduites à l’étranger par des entreprises multinationales. Le président de Sanofi l’a encore dit au Président de la République la semaine dernière, nous avons désormais la fiscalité la plus avantageuse d’Europe pour les centres de recherche. Et nous en recueillons les fruits : Microsoft vient d’implanter un laboratoire à Lille, IBM à Sofia Antipolis et General Electric envisage de revenir en Île-de-France, région qu’il avait quittée.
Troisième objectif : stimuler l’effort d’innovation de nos PME. Alors qu’elles engagent 19 % des dépenses nationales de recherche et de développement, la part du crédit impôt recherche qui reviendra aux PME après la réforme s’élèvera à 35 %. Ce sont en fait plus de 450 millions d’euros supplémentaires de CIR dont bénéficieront 5 000 PME.
Quatrième objectif : développer des liens entre la recherche privée et publique. Contrairement aux idées reçues, une partie de la dépense fiscale découlant de la mise en œuvre du CIR revient dans les laboratoires publics. L’emploi des jeunes docteurs compte double dans le crédit d’impôt recherche.
Enfin, le CIR est désormais une arme anti-crise. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a annoncé le dégagement de 3, 8 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour payer en 2009 aux entreprises ce que l’État leur aurait payé sur trois ans. À 90 %, ce remboursement profitera à des PME.
Nous évaluerons ce dispositif, mais vous comprendrez que la première année de sa mise en application, l’évaluation n’est pas pertinente. Nous la ferons dans l’année qui vient.
M. Bodin et d’autres ont évoqué la question de la « mastérisation » des formations et des professeurs du premier et du second degré. Cette réforme du recrutement des maîtres à bac + 5 avec un mastère a été souhaitée par le ministre de l’enseignement supérieur pour revaloriser les carrières des enseignants du premier et du second degré. C’est une chance pour nos étudiants, pour nos futurs enseignants, qui auront de meilleures carrières et de meilleures rémunérations.
C’est une chance pour nos enfants qui auront des professeurs mieux formés, à bac + 5, …
… et c’est aussi la norme pour tous les grands pays qui ont fait de l’éducation leur priorité !
Aujourd’hui, la concertation est en cours. Nous travaillons à faire en sorte que l’année de transition, 2010, se déroule dans de bonnes conditions, de manière à aboutir, en 2011, à une formation définitivement validée et approuvée par tous.
Quant aux IUFM, leur intégration à l’université va dans le sens de l’histoire. Tous les grands pays qui ont fait de l’éducation leur priorité forment leurs maîtres à l’université.
Il faut donc que les IUFM prennent toute leur part dans la définition de ces nouvelles formations. C’est ce qu’ils font sur le terrain.
Rassurez-vous, les antennes de proximité des IUFM conserveront leur rôle, sinon en tant qu’institution, du moins en tant que structure de formation de proximité, au plus près des classes et au plus près des territoires. La formation des maîtres en proximité des classes n’est pas remise en cause !
Nous mettons en place 20 000 bourses supplémentaires pour permettre à tous les jeunes étudiants de financer cette année supplémentaire. Ils pourront accomplir des stages rémunérés à hauteur de 3 000 euros et bénéficier de bourses au mérite d’un montant de 2 500 euros, qui viendront s’ajouter aux bourses sur critères sociaux de mon ministère.
Il y aura aussi des postes d’assistants d’éducation.
Je suis désolée de vous dire ici la même chose que ce que je dis dans les journaux ! Ce qui serait inquiétant, ce serait que je n’aie pas le même langage selon que je m’adresse à la presse ou à la représentation nationale !
Ma dernière réponse est destinée à Mme Blandin. Puisque vous avez parlé, madame la sénatrice, de biodiversité, cela me donne l’occasion de rappeler, pour conclure, la priorité que la France lui a donnée et le rôle qu’elle joue dans ce domaine, sur le plan national comme à l’échelle internationale.
Cette année, nous avons mis en place une fondation de coopération scientifique nationale pour rassembler tous les acteurs scientifiques en faveur de la biodiversité.
Je me suis personnellement engagée auprès des instances internationales : j’ai milité, dans le cadre du G8, de l’Union européenne et du Programme des Nations unies pour l’environnement, en faveur de la création d’une sorte de groupe intergouvernemental d’experts sur la biodiversité, comme il en existe un sur l’évolution du climat. Il s’agit de lutter contre l’extinction des espèces dont le monde est actuellement le théâtre.
Je me bats aussi pour que le siège de ce groupe, qu’on appelle IPBES – Intergovernmental Science Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services –, soit à Paris, de manière à être en lien avec l’UNESCO. Il pourrait être accueilli dans les locaux du Musée de l’Homme, à la rénovation duquel nous consacrerons d’ailleurs, je le rappelle, 50 millions d’euros, car, contrairement à ce que certains d’entre vous prétendent, l’anthropologie et l’ethnologie ne sont pas pour moi des sciences inutiles !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.