Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la réforme des universités a jeté les bases d’une véritable refondation. En effet, notre système universitaire a très peu évolué depuis trente ans, alors que les effectifs ont doublé et que la mondialisation nous a imposé de nouveaux défis.
Si la France peut se féliciter d’avoir permis à de nouveaux publics d’origine populaire d’entrer dans l’enseignement secondaire et supérieur, trop de jeunes quittent aujourd’hui l’université dans une situation d’échec et trop nombreux sont les diplômés qui n’accèdent pas au marché du travail.
L’université française a perdu de son rayonnement. Les résultats d’enquêtes, et notamment le fameux classement de Shanghai, quoique contestable, qui ne retient que quatre établissements français parmi les cent premiers mondiaux, révèlent bien les carences du système universitaire français. Il s’agit d’un signal d’alarme. C’est l’avenir de notre système éducatif qui est en jeu ; le sont aussi le potentiel d’innovation de notre pays, notre compétitivité, et donc la progression de nos emplois.
Au moment où la contestation universitaire vient remettre en cause la réforme engagée, je souhaite rappeler que l’université française se trouvait dans un carcan qui l’empêchait d’évoluer. Grâce au texte que nous avons voté, elle va enfin pouvoir accéder à l’autonomie, une autonomie qui sera surtout le moyen de faire d’autres réformes.
Il est regrettable que notre pays ait pris du retard sur cette question. Certains reprochent à la loi d’instituer une autonomie concurrentielle des universités et d’ouvrir ainsi la porte à leur développement inégalitaire. Pourtant, partout dans le monde, le succès des systèmes publics d’enseignement supérieur repose sur des universités autonomes. Faut-il craindre le jeu de la concurrence et demeurer dans un système archaïque alors que nos voisins ont compris la nécessité de laisser une plus grande liberté à leurs universités ?
Dans un monde de compétition, il faut une mobilité, une adaptation constante que les systèmes centralisés ne permettent pas d’obtenir. De plus, il n’y a pas de meilleur principe lorsque l’on vise l’efficacité que de faire confiance à l’esprit de responsabilité.
Pour que nos universités accèdent à l’autonomie, se posait tout d’abord la question de leur gouvernance, car le développement des responsabilités suppose que celles-ci puissent être correctement exercées.
La gouvernance de nos universités était pour le moins atypique. Dorénavant, le conseil d’administration sera un organe stratège. Il sera plus ouvert sur le monde extérieur, en particulier sur les entreprises, employeurs des futurs diplômés, et sur la région, qui en était la grande absente.
Le président de l’université, quant à lui, voit sa légitimité renforcée, car il est élu par les membres du conseil d’administration. Ses pouvoirs sont élargis.
En même temps que l’autonomie, la loi a donné de nouvelles responsabilités aux universités : tout d’abord en matière financière, avec le droit d’établir un budget global ; ensuite, en matière de gestion de leur patrimoine, notamment immobilier.
En outre, l’université pourra créer de nouvelles formations et les adapter aux besoins des étudiants et de la société, nouer des partenariats et drainer des fonds grâce aux fondations universitaires.
Enfin, en matière de gestion des ressources humaines, les universités pourront recruter l’ensemble de leur personnel, y compris le personnel administratif et les enseignants, et effectuer ce recrutement au rythme de leurs besoins, alors qu’il existait jusqu’alors une grande rigidité à cet égard.
Les ressources humaines sont le cœur de l’université et vous avez souhaité, madame le ministre, accroître l’attractivité des fonctions et des carrières des enseignants-chercheurs en réformant leur statut. Pourriez-vous nous présenter les conclusions issues de la concertation qui vient d’avoir lieu, afin de rassurer pleinement la communauté universitaire ?
Madame le ministre, je souhaite par ailleurs vous poser plusieurs questions.
Comme vous l’avez souligné, l’autonomie des universités, certes nécessaire, n’est pas suffisante. Le changement de gouvernance et l’autonomie sont un préalable à la mise en place d’une stratégie de lutte contre l’échec et d’aide à l’insertion.
Quelles solutions souhaitez-vous retenir pour remédier à l’échec dans le premier cycle universitaire ? On sait que 47 % des étudiants de première année à l’université passent en deuxième année alors que 28 % redoublent et 24 % sortent du système universitaire. Au total, en France, seuls 59 % des étudiants qui commencent leurs études universitaires les terminent ; cette proportion est de onze points inférieure à la moyenne des pays de l’OCDE.
Il sera donc essentiel de revoir totalement la question de l’orientation. Pour corriger très en amont les mauvaises orientations, il est indispensable d’améliorer l’information des lycéens et des étudiants, de mieux définir les parcours de formation et d’insertion professionnelle, d’amplifier les échanges entre les acteurs du second degré et les universités.
J’ajoute que notre pays n’a pas de vision claire et exhaustive des résultats de chaque formation universitaire en termes d’accès à l’emploi. J’appelle donc de mes vœux une évaluation des possibilités d’insertion offertes par chaque filière, afin que l’étudiant choisisse sa voie en toute connaissance de cause.
Votre plan « Réussir en licence » a pour objectif d’éviter les erreurs d’orientation afin de diviser par deux le taux d’échec en première année de licence dans les cinq ans qui viennent. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les moyens que vous envisagez d’employer par atteindre cet objectif ?
Par ailleurs, la loi a attribué au service public de l’enseignement supérieur une nouvelle mission : l’orientation et l’insertion professionnelle des étudiants. Dans cette perspective, elle prévoit que les universités créent des « bureaux d’insertion ». Pourriez-vous nous dire où en est ce projet ?
Enfin, parce que nos universités doivent acquérir une plus grande visibilité internationale, je souhaite que vous nous présentiez les premiers résultats de l’opération Campus, qui permettra aux universités sélectionnées de construire un véritable projet à long terme pour se lancer dans la compétition internationale. Cela passe en priorité par la rénovation de leur patrimoine immobilier.
À ce sujet, j’attire votre attention sur l’état médiocre de nos établissements, parfois même en deçà des normes de sécurité. En obtenant la gestion de leur parc immobilier, nos universités gagneront en souplesse, mais elles auront également un travail considérable devant elles, ce qui implique des risques financiers significatifs. Il faudra être particulièrement attentif aux difficultés des plus petites universités et je souhaite savoir quelles mesures sont prévues pour les soutenir.
L’État réalise, je le rappelle, un effort financier sans précédent pour l’ensemble de la réforme : 5 milliards d’euros sur cinq ans. En 2009, chaque université doit voir son budget augmenter d’au moins 10 %.
Pour que cet investissement sans précédent soit efficace, il faut des universités réellement opérationnelles. La loi que nous avons votée devrait permettre cette refondation.