Intervention de André Lardeux

Réunion du 19 mars 2009 à 9h30
Libertés et responsabilités des universités — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de André LardeuxAndré Lardeux :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les universités vivent à nouveau un de ces psychodrames dont seule la France a le secret. Il n’est pas l’heure de disserter sur les raisons vraies ou supposées de ce fait révélateur de l’ossification de notre société ; espérons seulement que celle-ci n’est pas inéluctable !

La loi sur l’autonomie des universités avait suscité quelques espoirs. Comme cela était prévisible, ces espoirs sont fort déçus. Les personnels n’ont guère constaté d’amélioration de leur situation, ne serait-ce qu’en termes de considération morale. S’il faut sans doute relativiser le sentiment de mépris dont ils se sentent victimes, force est de constater qu’il a tout de même quelques fondements.

De plus, cette autonomie, qui n’est que mi-chèvre mi-chou, est très limitée parce qu’on ne lui a pas donné de vrais moyens d’exister et que, les habitudes aidant, on l’a assortie de tant de conditions qu’elle est en fait en liberté surveillée.

Ce qui manque le plus, c’est la confiance, pas seulement celle des citoyens ou des représentants des personnels, mais aussi, car l’exemple vient d’en haut, celle de l’administration de l’État, qui veut toujours tout régenter depuis Paris alors qu’elle n’en a pas les moyens ; il nous faut au moins passer du contrôle a priori au contrôle a posteriori.

Cela suppose aussi que les présidents d’université, qui sont d’éminents personnages, aient tous des compétences de gestion et de management, ou qu’ils soient assistés par des personnels disposant de ces compétences.

Quoi qu’il en soit, dans l’état actuel des textes, on s’est arrêté au milieu du gué, et l’autonomie n’est qu’une fiction dont les intéressés voient bien les inconvénients, mais ne perçoivent pas les avantages.

Pour qu’il y ait vraiment autonomie, deux éléments, que l’on n’a pas voulu considérer jusqu’alors, sont indispensables : les moyens financiers et la sélection.

Certes, les moyens financiers ont progressé et l’État a fait quelques efforts qu’il ne faut pas méconnaître. Mais l’avenir n’est guère assuré, d’autant que, chacun le sait, l’impécuniosité de l’État ne peut que s’aggraver et celui-ci est condamné à plus ou moins brève échéance à une sévère cure d’amaigrissement. Quelques mesures d’économie sont néanmoins possibles quand on sait que certains enseignants, sans charge de recherche, sont loin du maximum des 128 heures de cours possibles.

Les deux seuls leviers qui existent viennent du financement privé.

Celui qui provient des entreprises est aléatoire, compte tenu de la conjoncture, et sélectionnera immanquablement les domaines immédiatement utilisables sur le plan économique : inutile de dire que les juristes et les littéraires ne peuvent guère compter figurer parmi les élus !

Le second a pour source les droits d’inscription. Quand on dit cela, les défenseurs acharnés du statu quo poussent des cris d’orfraie. Pourtant, toutes les grandes universités dans le monde exigent des droits beaucoup plus élevés que les universités françaises. L’augmentation des droits d’inscription dans des proportions suffisantes présenterait quelques avantages : d’abord, des moyens dont la pérennité est relativement assurée ; ensuite, une motivation des universités pour être plus attractives ; enfin, une motivation des étudiants qui, en tant qu’usagers, ont intérêt à obtenir un retour convenable sur leur investissement financier.

Cela suppose, bien sûr, que les étudiants d’origine modeste puissent bénéficier d’un système de bourses digne de ce nom. Ces bourses devraient au départ être attribuées, comme c’est le cas actuellement, sur des critères sociaux, mais ensuite renouvelées sur des critères académiques, incitation nécessaire pour que les étudiants soient assidus et efficaces.

Cela permettrait probablement aux enseignants d’avoir des bureaux pour recevoir les étudiants, d’avoir accès à des moyens informatiques en dehors de ceux qui leur sont personnels, et aux bibliothèques universitaires d’être ouvertes le samedi, ce qui est loin d’être le cas actuellement. Cela mettrait aussi fin à de grandes inégalités, où les moins favorisés paient pour les plus favorisés.

Quant à la sélection, elle favoriserait un fonctionnement plus démocratique dans la jungle actuelle Mais ce gros mot heurte notre mentalité égalitariste, laquelle, pourtant, ne s’émeut guère des inégalités existantes, car elle admet malgré tout que certains sont plus égaux que d’autres…

Il me semble que les universités doivent pouvoir sélectionner les étudiants pour mettre fin à une hypocrisie peu glorieuse, sous réserve d’une sérieuse réforme du lycée pour que celui-ci forme des jeunes aptes à faire des études supérieures.

D’ailleurs, une grande partie des études supérieures ne se fait qu’après sélection. On peut citer, pêle-mêle, les BTS, les IUT – il faut se souvenir que ceux-ci devaient s’adresser à l’origine aux bacheliers technologiques, qui ont maintenant beaucoup de mal à y accéder –…

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