Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 19 mars 2009 à 9h30
Libertés et responsabilités des universités — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

La communauté universitaire n’est pas respectée quand elle voit ces mots repris pour servir de cheval de Troie à des concepts très libéraux de mise en concurrence des campus, des laboratoires, des équipes, des individus, par un système mixte de précarisation et de management fondé sur le mérite, à partir de critères qui ne sont ni pensés ni gérés par la communauté scientifique.

Vous qui parlez « résultats », n’avez-vous pas vu que, selon l’OCDE, en dépit d’investissements français qui se situent au dix-huitième rang mondial, le CNRS est au premier rang européen et au quatrième rang mondial ?

Dans ce contexte de raréfaction des moyens et de management compétitif, chacun est sous tension, non pas pour être le meilleur, c’est-à-dire le plus curieux, le plus pédagogue, le plus attentif aux difficultés des autres, mais pour être le plus performant, celui que l’on voit, celui qui publie, celui qui répond aux critères d’un conseil d’administration où la parole de la communauté scientifique et les attentes des étudiants s’effacent devant le souci du président d’avoir pour son site de quoi remplir le meilleur dossier afin de pouvoir prétendre aux justes subventions qui lui permettront de rénover un bâti vétuste.

Ce management relève de l’esprit entrepreneurial et franchit allègrement les limites qui garantissaient un véritable service public de l’enseignement supérieur et de la recherche : c’est la fin des garanties de l’emploi et de l’évolution de carrière ; c’est aussi la fin de la nécessaire étanchéité entre les moyens des ressources humaines et ceux de la logistique.

Dès lors, la variable d’ajustement devient l’enseignant qui exige de faire de la recherche, le chercheur qui n’a pas publié depuis deux ans, le laboratoire qui dénonce des risques sanitaires, l’équipe qui ne décroche pas de partenariat avec une entreprise, la discipline qui ne débouche pas sur des brevets…

Avec cette idéologie, les spécialistes de l’archéologie ne pèsent pas lourd ! §

Ce management joue mécaniquement la carte de l’utilité immédiate. Dans cette logique, il faut pouvoir prendre et laisser des enseignants au rythme des inscriptions, prendre et laisser des chercheurs au fil des modes de l’Agence nationale de la recherche, mais surtout ne pas être obligé de conjuguer la dualité fertile de la mission de recherche et de la mission d’enseignement.

Vous sous-estimez l’importance, pour un chercheur, de confronter ses explications avec les capacités de compréhension de ses étudiants, tout comme vous sous-estimez la richesse que porte en lui chaque jeune thésard, que l’on ne saurait brider en lui confiant seulement des tâches d’enseignement.

Vous jouez la carte de la rentabilité à très court terme, et c’est ainsi que la richesse intrinsèque du CNRS vous a échappé.

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