Intervention de Jean-Paul Delevoye

Réunion du 19 mars 2009 à 15h00
Communication du médiateur de la république

Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République :

Monsieur le président, je vous remercie de la qualité de votre accueil. Je tiens à dire que j’apprécie la richesse de nos relations, qui sont empreintes d’une constante volonté de tenir compte de la réalité de l’application des textes et de la situation de nos concitoyens.

Je remercie également le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest. Nos services respectifs collaborent en effet de manière très efficace en vue d’aboutir à des réformes législatives.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’en venir à la teneur du rapport de la Médiature de la République.

Je rappelle que les trois grands domaines de compétence du Médiateur sont les services publics, les droits de l’homme et les réformes.

Pour agir, nos moyens sont restés identiques : nous disposons de 100 collaborateurs à Paris, mais il est à noter que, depuis le 1er janvier 2009, nous avons créé une plateforme téléphonique pour le pôle santé-sécurité-soins, dont j’aurai l’occasion de vous reparler ; nous disposons également de 386 points d’accueil, dont plus de la moitié sont situés en zones urbaines sensibles ; nous avons en outre un délégué référent auprès de chaque maison départementale des personnes handicapées ; enfin, 45 délégués tiennent une permanence en milieu carcéral.

Nous avons voulu faire un effort pour améliorer l’accueil à la Médiature. Tout d’abord, nous nous sommes appliqués à ce que le nombre d’appels téléphoniques perdus passe de 25 % à 5 %. Ensuite, pour la première fois dans une e-administration française, un e-Médiateur a été mis en place. Ainsi, nous pouvons être contactés vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Pour les deux premiers mois, nous avons recensé 1 000 utilisateurs. Ce qu’il est intéressant de constater, ce sont les thèmes les plus consultés. Il s’agit, par ordre décroissant, du surendettement, du pôle santé, des impôts, des amendes et infractions routières ainsi que des problèmes entre locataires et propriétaires.

Parmi les 65 000 dossiers que nous avons traités, – il est important de le noter – plus de la moitié ne sont pas des réclamations, mais des demandes d’information. Si en cas d’incendie ou de vol, on sait qu’il faut s’adresser aux pompiers ou aux gendarmes, en revanche, quand on a un souci à caractère personnel, on ignore où trouver la bonne information pour faire valoir ses droits. Les personnes confrontées à des difficultés juridiques sont d’ailleurs de plus en plus isolées, ce qui conduit à des injustices et à des inégalités. Il nous faut donc réfléchir au développement des centres d’accès au droit.

Je tiens à le souligner, grâce à la mobilisation du personnel de la Médiature, à effectifs constants, 20 % de dossiers de plus ont été traités. Les délais de réponse et d’instruction ont en effet été réduits. Mais aujourd’hui, le contexte malheureusement s’y prête, plus de 34 % des dossiers relèvent de difficultés sociales.

Nous avons axé le développement dans plusieurs directions.

Je voudrais, messieurs les présidents de commission, mesdames et messieurs les sénateurs, saluer votre travail sur le projet de loi pénitentiaire.

Compte tenu de nos liens avec le commissaire européen aux droits de l’homme et avec la Cour de justice des Communautés européennes, je sais à quel point le travail parlementaire du Sénat a été suivi à l’échelon européen et à l’échelon international.

Nous avons, dans le souci de l’accès aux droits, développé la présence des délégués du Médiateur au sein des prisons, partant du principe que la privation de la liberté n’est pas la privation de l’accès aux droits. D’ici à 2010, la totalité de la population carcérale pourra être en contact avec le délégué du Médiateur. Nous avons par ailleurs noué un partenariat avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Depuis le 1er janvier 2009, nous avons créé un pôle « santé-sécurité-soins », la Mission pour le développement de la médiation, de l’information et du dialogue pour la sécurité des soins, la MIDISS, qui dépendait de la Haute Autorité de santé, ayant rejoint la Médiature.

Il s’agit d’une plateforme téléphonique destinée à celles et ceux qui rencontrent des difficultés dans leur parcours de santé avec le milieu hospitalier, mais aussi avec la médecine libérale.

Ce pôle dispose d’un réseau de médecins et d’experts dans quatre domaines de compétences – le respect des droits du malade, la qualité du système de santé, la sécurité des soins, l’accès aux soins –, avec la totale confiance de l’ensemble des acteurs.

Quand cette mission était au sein de la Haute Autorité de santé, elle recevait cent cinquante appels téléphoniques par mois, 50 % concernant les infections nosocomiales. Depuis le 1er janvier, au sein de la Médiature, elle a reçu cinq cents appels, 25 % concernant les infections nosocomiales, 15 % émanant des professionnels de santé eux-mêmes.

Il convient de souligner que 47 % des appels sont des demandes d’information. Que se passe-t-il ? Dans 90 % des conflits entre les acteurs de la santé et les patients, ceux-ci n’ont pas du tout l’intention de saisir la justice : ils ont simplement besoin d’un dialogue pour apaiser leur douleur ou leur inquiétude.

Je voudrais attirer l’attention de la Haute Assemblée, et particulièrement celle de la commission des affaires sociales, sur un point. Dans le milieu hospitalier comme dans d’autres, l’administration donne la priorité à la protection du système plutôt qu’à son adaptation à la protection de l’individu. Aujourd’hui, la culture du signalement est sanctionnée. Comme le non-signalement est récompensé, on a naturellement tendance à privilégier sa carrière, le confort de la hiérarchie plutôt que l’adaptation du système.

Il existe cinq types de signalement dans le monde hospitalier. Avec une charge administrative incroyable, comment distinguer l’événement potentiellement dangereux de l’événement indésirable grave – EIG –, qui n’est adressé ni au même organisme, ni selon les mêmes procédures, celui qui signale se faisant parfois sanctionner. Nous devrons réfléchir à la simplification des signalements, afin de disposer d’une juste appréciation de la réalité.

Près de 450 000 événements indésirables graves provoquant une altération de la santé, une prolongation de l’hospitalisation, voire le décès surviennent chaque année dans le monde hospitalier ; 85 % d’entre eux sont dus à des erreurs de procédure et 15 % à des erreurs médicales. Cependant, l’observatoire des signalements peut être contesté dans la mesure où cette étude date de 2005. En effet, on ne peut pas aborder un problème de façon apaisée si on ne dispose pas de données fidèles à la réalité.

Le pôle « santé-sécurité-soins », par son indépendance, par son absence de corporatisme – nous ne sommes ni procureurs ni avocats – devrait faciliter l’instauration d’un partenariat avec les professionnels, afin d’améliorer la gestion et la prévention des risques par l’analyse des erreurs. Nous répondrons ainsi à l’attente des victimes, qui ne cherchent pas à condamner le médecin, mais qui veulent savoir ce qui s’est passé et éviter que cela ne se reproduise.

Monsieur le président de la commission des lois, je me permets de souligner que je vous présente aujourd'hui l’avant-dernier rapport annuel du Médiateur de la République. Les projets de lois organiques dont vous allez débattre prévoient en effet la création d’un Défenseur des droits. Nous souhaiterions pouvoir étudier avec vous les modalités de saisine et le périmètre d’action de cette nouvelle autorité, ces questions relevant de la décision politique. Mais il conviendra aussi de réfléchir à la nature des pouvoirs qui lui seront confiés, notamment en matière de recommandation en équité.

Nous avons aujourd’hui un débat avec l’administration fiscale sur une profession libérale qui avait suivi à la lettre une instruction fiscale applicable à une profession non assujettie à la TVA. Cette profession libérale, assujettie depuis un an, sur instruction de l’administration fiscale, à la TVA, s’est vu réclamer, à la suite d’un contrôle, la TVA sur les quatre années précédentes. Le représentant de l’administration fiscale m’a fait la réponse suivante : Monsieur le Médiateur, vous avez moralement raison, mais juridiquement tort ; la loi m’interdit de remettre des pénalités sur des contributions indirectes car le redevable est considéré non pas comme un contribuable mais comme un collecteur d’impôt.

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