Séance en hémicycle du 19 mars 2009 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente. Je demande à chacun de bien respecter ce temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Ma question s'adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Monsieur le ministre, depuis quelques jours, la question de l’augmentation des prélèvements obligatoires fait débat, au sein même de la majorité. Nous l’avons vu ce matin à l’Assemblée nationale, et nous le verrons très certainement bientôt dans cette enceinte.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Certaines personnalités suggèrent, en effet, de supprimer le bouclier fiscal, en tout cas de le modifier.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

D’autres proposent de créer, à l’instar de ce qui s’est fait aux États-Unis, un prélèvement supplémentaire sur les très hauts revenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Un amendement en ce sens a été adopté hier par la commission des finances de l’Assemblée nationale.

Ces prises de position résultent, bien entendu, de la dégradation des déficits publics du fait de la crise économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

M. Hervé Maurey. Je rappelle que le projet de loi de finances rectificative pour 2009, dont nous allons débattre dans les prochains jours, portera le déficit budgétaire à 104 milliards d’euros et le total des déficits publics à 5, 6 % du PIB.

M. Bernard Frimat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Le projet de loi de finances initiale pour 2009 était fondé sur un déficit budgétaire de 52 milliards d’euros, c’est-à-dire deux fois moins, et sur un déficit public de 3, 1 % du PIB, et ce voilà seulement six mois !

Ces initiatives répondent également à un souci d’équité et de justice fiscale, parce qu’il n’est pas anormal de considérer que, dans une période telle que celle que nous connaissons actuellement, un effort de solidarité supplémentaire peut être demandé à ceux qui en ont les moyens.

Le Président de la République, pour sa part, a déclaré qu’il n’avait pas été « élu pour augmenter les impôts ». Je souscris pleinement à cette affirmation, compte tenu du poids trop élevé des prélèvements obligatoires dans notre pays.

C’est d’ailleurs pourquoi j’avais émis quelques réserves lorsque nous avons créé, voilà quelques mois à peine, une nouvelle taxe pour financer le revenu de solidarité active, ou RSA.

Cependant, les circonstances exceptionnelles que nous connaissons à l’heure actuelle pourraient justifier, me semble-t-il, des mesures exceptionnelles, elles aussi, à condition naturellement qu’elles aient un caractère provisoire.

Monsieur le ministre, ma question est très simple. Dès lors que le Gouvernement n’envisage ni augmentation des impôts ni diminution des déductions fiscales, comment entend-il maîtriser et a fortiori réduire les déficits publics, sachant que la réduction des déficits et de la dette était aussi un engagement de Nicolas Sarkozy lors de la campagne pour l’élection présidentielle ?

M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique

Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord d’excuser Éric Woerth, qui est retenu à l’Assemblée nationale pour la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009.

Le niveau des déficits traduit, en effet, la gravité de la situation. Mais il faut bien voir que nous sommes confrontés à la fois à un déficit de crise et à un déficit structurel.

Il convient donc, d’une part, de s’assurer que le déficit dû à la crise reste bien temporaire et, d’autre part, de poursuivre les réformes afin de parvenir à réduire le déficit structurel.

On ne peut pas, même devant une crise de cette ampleur, mettre en péril la soutenabilité à moyen terme de nos finances publiques.

Cependant, il ne faut pas se tromper de solution : augmenter les impôts n’est pas une solution.

Lorsqu’on commence à augmenter les impôts des plus aisés, il n’est pas loin le temps où l’on augmentera les impôts de tous.

Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

Je suis heureux de réjouir la gauche, qui a enfin trouvé une occasion de parader !

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

M. André Santini, secrétaire d'État. En cette période, la justice et l’efficacité me semblent mieux servies par une baisse des prélèvements sur les plus modestes que par une sanction appliquée aux plus riches.

M. Bernard Frimat s’exclame.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

Quant au bouclier fiscal, nous avons eu ce débat légitime voilà dix-huit mois. Un bouclier à 50 %, c’est tout simplement juste, monsieur le sénateur. Est-il interdit de réussir en France ?

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

M. André Santini, secrétaire d'État. Silence à gauche !

Rires et applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

La réussite matérielle doit-elle rimer avec expatriation ? Décourager l’effort et le travail ne peut pas être une solution.

La clé, c’est d’agir sur la dépense. Pour les dépenses visant à lutter contre la crise, nous avons mis en place un plan de relance rapide, temporaire et ciblé sur l’investissement.

M. Bernard Frimat s’exclame.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

Ces dépenses ne dégradent pas « l’actif net » de la France et sont réversibles. Parallèlement, nous conservons une ferme maîtrise des dépenses courantes.

Mme Raymonde Le Texier rit.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

Nous poursuivons donc la révision générale des politiques publiques, ou RGPP, et l’ensemble des réformes structurelles. Nous avons fait aussi des avancées majeures en matière de contrôle des niches fiscales et sociales. En outre, nous avons inscrit dans la loi de programmation des finances publiques une croissance des dépenses deux fois plus faible que celle qui a été enregistrée en moyenne par le passé.

Une relance efficace, ciblée, temporaire, préparant l’avenir, et une maîtrise sans précédent des dépenses courantes : voilà, monsieur le sénateur, comment nous pourrons sortir de la crise plus forts que lorsque nous y sommes entrés !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

M. François Marc. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi et porte sur le véritable scandale que constitue aujourd’hui le bouclier fiscal.

Ah ! sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Notre pays traverse une grave crise financière, économique et sociale.

Aujourd’hui, particulièrement, le peuple de notre pays gronde. Et je vous prie d’excuser l’absence de nombre de nos collègues, actuellement aux côtés des manifestants qui, par millions, défilent en France.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Ne nous dites pas que ces protestations sont le fruit d’une mauvaise information sur la situation ! Les Français savent faire la part des choses : ils font très bien la différence entre ce dont vous êtes comptable et ce dont vous n’avez pas la maîtrise.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Les Français, que voient-ils aujourd’hui ? Ils constatent que la majorité d’entre eux connaissent de plus en plus de difficultés, des difficultés d’emploi, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

…de pouvoir d’achat, de logement, d’éducation, de santé.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

En même temps, les Français voient que des entreprises – certes pas toutes, loin de là – versent de gros dividendes tout en licenciant, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

…que des dirigeants d’entreprise touchent des rémunérations indécentes,

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

…et que le gouvernement auquel vous appartenez ne cesse de protéger les plus aisés et d’alléger le poids des contributions dont ils sont redevables envers la communauté nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Ainsi, alors que le déficit budgétaire pour 2009 va battre tous les records – la prévision à ce jour est de 104 milliards d’euros –, alors que le Premier ministre annonce que « les caisses sont vides », ce gouvernement trouve néanmoins l’argent nécessaire pour envoyer 834 chèques d’un montant moyen de 368 000 euros – excusez du peu ! – à des contribuables très aisés.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

M. François Marc. Ce véritable scandale du bouclier fiscal illustre, à lui seul, la déraison de la politique fiscale de ce gouvernement : les impôts des plus modestes servent à faire des chèques aux plus riches !

Voilà ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement

Vous dites toujours la même chose ! C’est du Eugène Sue !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

En réclamant la suppression du bouclier fiscal, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

…nos concitoyens demandent à juste raison que l’on mette fin à ce dévoiement de la République.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs Ump

La question !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Madame la ministre, si tant de voix s’élèvent aujourd’hui contre le bouclier fiscal, ce n’est pas uniquement pour une question de morale républicaine ; c’est aussi parce que le souci de lutter efficacement contre la crise…

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

…et de mobiliser tous les Français à cette fin nécessite de pouvoir s’appuyer sur une vraie solidarité, une solidarité bien comprise, condition première de l’efficacité politique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

M. François Marc. J’en viens à ma question, monsieur le président.

Ah ! sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Les gouvernements britannique et américain l’ont bien compris, en annonçant de prochaines hausses d’impôts pour les plus aisés.

Madame la ministre, le bouclier fiscal est injuste et antirépublicain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

M. François Marc. Quand allez-vous le supprimer ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vois que le sujet passionne sur toutes les travées, puisqu’il donnera lieu à une troisième question tout à l’heure ; je vais m’efforcer de ne pas me répéter pour ne pas vous lasser !

M. Roland Courteau s’exclame.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique

Monsieur le sénateur, un bouclier à 50 %, c’est tout simplement juste ! Qui peut dire le contraire ?

Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique

C’est même une règle de valeur constitutionnelle chez plusieurs de nos voisins.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

Il s’agit d’éviter que l’on ne travaille plus d’un jour sur deux pour l’État.

En face de cela, la majorité a bien veillé, grâce au plafonnement des niches fiscales, à ce qu’un contribuable ne puisse plus s’exonérer de l’impôt en cumulant les avantages fiscaux.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

Le bouclier fiscal de 2008, mesuré au 12 février 2009 – dernières données chiffrées disponibles –, représente 458 millions d’euros sur 7, 7 milliards liés à la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA ».

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

M. André Santini, secrétaire d'État. Entendons-nous bien, le bouclier fiscal, c’est 6 % du total lié à la loi TEPA, pas plus !

Mme Nicole Bricq s’exclame.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

La loi TEPA, ce sont d’abord des mesures pour le plus grand nombre, à commencer par les heures supplémentaires qui concernent tout le monde.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

À la vérité, nous trouvons ce débat un peu contre-productif. Gagner de l’argent en France est-il illégitime ? À question directe, réponse directe : non, bien sûr que non !

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

M. André Santini, secrétaire d'État. Et nous nous étonnons que vous la posiez en ces termes, monsieur le sénateur. Serions-nous pervertis au point de dénigrer ceux qui réussissent ?

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

Seriez-vous prêt à montrer du doigt les chefs d’entreprise de votre circonscription qui réussissent, qui ont décidé d’y investir, d’y créer des richesses et de l’emploi.

Exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

Plafonner la pression fiscale, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est limiter le départ des Français vers des pays dont la fiscalité est moins élevée.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Justement, ils partent tous les jours ! Comment expliquez-vous cela ?

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

Il s’agit d’une mesure de productivité.

Sourires.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

M. André Santini, secrétaire d'État. Nous croyons qu’il faut cesser la politique politicienne

Exclamations sur les travées du groupe socialiste

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

Le premier péché, c’était que l’on puisse payer plus de 50 % de son revenu, parfois même 100 % ou plus, en impôts annuels.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est surtout que l’on puisse avoir des revenus démentiels !

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

M. André Santini, secrétaire d'État. Le second péché, celui contre lequel personne n’avait trouvé de solution avant cette législature

Ah !sur les travées du groupe socialiste

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est vrai : quand on est riche, on ne paie pas d’impôts !

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

Nous y avons mis fin. Nous l’avons fait, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État, … pour l’absolution.

Rires.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

M. André Santini, secrétaire d'État. …nous avons eu raison de le faire, et nous le revendiquons ! Cette vérité-là, nous aimerions que tout le monde s’attache à la rappeler !

Applaudissementssur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.

le bouclier fiscal

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Je tiens tout d’abord à saluer le mouvement social, puissant et rassembleur, qui se déroule aujourd’hui et se traduit par de nombreuses manifestations réunissant plusieurs millions de salariés, soutenu par 80 % de l’opinion publique. La plupart des sénatrices et des sénateurs du groupe CRC-SPG sont d’ailleurs présents dans ces manifestations.

Ce mouvement est le signe évident de l’inquiétude et de la colère de la France qui travaille et qui crée les richesses, un signe qui appelle d’autres réponses que les « mesurettes » fort limitées annoncées par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Il participe aussi, après les succès des mouvements revendicatifs de l’outre-mer, d’une profonde et large aspiration à trouver, dans la situation de crise, d’autres solutions que la litanie des plans de licenciement, le développement du chômage partiel ou le blocage des salaires et des pensions.

Cette aspiration à la justice sociale est si forte qu’elle rend indécente l’existence du bouclier fiscal, comme celle des rémunérations et des bonus exorbitants des patrons du CAC 40 et des plus grandes entreprises !

Le bouclier fiscal est bel et bien un cadeau éhonté destiné à une infime minorité de privilégiés, au moment où la grande majorité du peuple de notre pays doit se serrer la ceinture !

Si le ministère des finances ose prétendre que les deux tiers des 14 000 bénéficiaires du bouclier fiscal sont de condition modeste, c’est pour mieux masquer que 834 ménages fortunés ont obtenu du Trésor public plus de 368 000 euros de remboursement en 2008, soit 300 années de SMIC par contribuable !

Au total, le bouclier fiscal coûte 458 millions d’euros. C’est plus que les crédits de rénovation urbaine et que les aides versées par le ministère de la jeunesse et des sports !

Affirmer que le bouclier fiscal a favorisé le retour des émigrés fiscaux est un pur effet d’affichage !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

J’y viens, monsieur le président.

Les parlementaires de mon groupe, soucieux de l’équilibre des deniers publics et de la justice fiscale, ont déposé, le 15 octobre dernier, une proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal.

Ce texte est inscrit à l’ordre du jour du Sénat le 26 mars prochain, mais la majorité de droite semble décidée à empêcher son adoption

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Je regrette l’absence de M. le Premier ministre, comme celle des ministres concernés, mais ma question est simple : le Gouvernement va-t-il enfin entendre le peuple ?

Allez-vous supprimer cette disposition inique ? Appuierez-vous notre proposition d’abrogation du bouclier fiscal, qui viendra en débat le 26 mars ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

La réponse est non !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs de l’Ump

André ! André !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. L’auteur du texte va-t-il changer ?

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. On connaissait le bis, on n’avait pas le ter !

Sourires.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique

Monsieur le sénateur Vera, je risque de représenter le Gouvernement le jour de l’examen de votre proposition de loi.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

C’est bien sûr ce que je vais faire !

Il n’est pas juste de stigmatiser les bénéficiaires du bouclier fiscal.

Mme Raymonde Le Texier s’exclame.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

Ce sont des personnes qui ont un remboursement total de 458 millions d’euros, mais qui avaient préalablement payé plus de 1, 1 milliard d’euros d’impôts !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

Je constate que votre cœur demeure inaccessible à ce genre de détresse, mais il faut néanmoins que les chiffres soient cités !

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

Ils versaient plus de 80 %, voire 100 % de leurs revenus aux impôts, et leur contribution a été ramenée à 50 % !

L’impôt, monsieur le sénateur, est une affaire de citoyenneté, …

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

…non de confiscation ! Vous avez invoqué la justice : est-il juste de payer plus de 50 % de ses revenus en impôts ? Est-il juste de travailler plus d’un jour sur deux pour l’État ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

M. Jean-Marc Todeschini. C’est dur le métier de secrétaire d'État !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

Une telle situation n’existe nulle part ailleurs !

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

En France, la coexistence d’un impôt sur le revenu élevé et d’un impôt sur le patrimoine également élevé impose de plafonner la pression fiscale, d’où l’instauration du bouclier fiscal, qui est un système juste.

La véritable injustice, c’était que certains contribuables puissent s’exonérer de l’impôt à travers l’utilisation excessive d’avantages fiscaux par le recours aux niches fiscales : c’est pourquoi nous avons décidé de plafonner ces dernières.

Enfin, monsieur le sénateur, en France, lorsqu’on gagne de l’argent parce qu’on a réussi, on n’est pas un voleur !

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

Si l’on veut faire partir de la France toute sa richesse, alors il faut prendre les mesures que vous préconisez.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

À une époque de très grande mobilité du capital et de compétition très rude, …

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

…notamment entre pays européens, surtaxer aboutit en réalité à détaxer !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Avec les aides publiques, ils vont produire en Chine !

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

M. André Santini, secrétaire d'État. En 2007, les départs du territoire ont baissé de 15 % et les retours ont augmenté de 10 %. Ce coup de frein aux départs, c’est la première fois qu’on l’observe depuis 2000 et ce n’est pas un hasard si c’est la première année de mise en œuvre du bouclier fiscal !

Applaudissementssur plusieurs travées de l’Union centriste et sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Très bien ! Remarquable !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Henri de Raincourt. (Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Ma question s’adressant au ministre de l’agriculture, elle se situe sur un autre registre que celui sur lequel nous « entonnons » depuis la reprise de la séance ! (Sourires.)

Il s’agit d’une question agricole et M. Karoutchi y répondra.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas M. Santini, spécialiste de l’agriculture, qui va le faire ?

Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

M. André Santini, secrétaire d'État. Si cela peut vous faire plaisir, madame la sénatrice !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Le ministre de l’agriculture nous a présenté, il y a peu, les modalités de mise en œuvre du bilan de santé de la politique agricole commune, la PAC, au terme d’une très longue concertation.

Près de 1, 4 milliard d’euros d’aides directes reçues par les agriculteurs seront réorientées en 2010 pour consolider l’économie et l’emploi dans les territoires, pour soutenir l’élevage à l’herbe, pour prévoir un développement durable et pour instaurer la gestion des risques.

La profession sait qu’il est indispensable d’adapter la politique agricole commune dans la perspective de 2013.

Cependant, en abordant le financement des quatre objectifs que je viens de rappeler, on s’aperçoit que les prélèvements de solidarité, en particulier sur les cultures végétales, risquent de créer de vraies difficultés aux « zones intermédiaires », qui ont des rendements moyens sur des sols relativement médiocres, sur lesquelles sont implantées le plus souvent des exploitations elles-mêmes de taille moyenne.

Les conséquences pourraient conduire à supprimer ces soutiens indispensables à la survie de nombreuses exploitations, qui pourraient perdre jusqu’à 80 euros à l’hectare.

Je souhaite vous poser trois questions.

Comment faire évoluer le système pour qu’il prenne en compte la diversité de nos régions et assure à nos céréaliers, quelle que soit la région, la juste rétribution de leur travail ?

Pourrait-on envisager une mise en application progressive sur la période 2010-2013 des mesures qui ont été prises ?

Pourrait-on accompagner financièrement les exploitations de type « spécialisé » ou « polyculture–élevage », ayant des surfaces consacrées aux productions végétales, qui s’engageraient sur les axes de développement de la biodiversité ou de réduction de la dépendance énergétique grâce à des choix culturaux ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Un élu d’un département agricole !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de Michel Barnier. Il aurait eu bonheur et plaisir à vous répondre, mais il est aujourd'hui à Bruxelles, en négociation justement sur la PAC.

Mme Nicole Bricq et M. Jean-Marc Todeschini s’exclament.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Monsieur Henri de Raincourt, vous avez exprimé plusieurs inquiétudes auxquelles le Gouvernement est très sensible.

Premier point, malheureusement, et vous le savez, la réorientation des aides de 1, 4 milliard d’euros ne peut pas être appliquée avec progressivité. Elle interviendra donc sur les aides payées en décembre 2010. Il s’agit d’un accord européen, et nous ne disposons pas d’une entière liberté.

Cependant, le ministre de l’agriculture est très attentif à la situation des départements des secteurs intermédiaires, qui sont, en réalité, les secteurs les plus en difficulté par rapport au rééquilibrage et à la réorientation.

Michel Barnier a mis en débat, dans le cadre des groupes de travail, la situation des territoires intermédiaires, qui ont des niveaux de soutien et de revenus plus faibles que les régions à fort potentiel, et plus forts que les régions qui connaissent de vraies difficultés. Ces territoires intermédiaires sont ceux qui ont le plus de problèmes par rapport à la réorientation des aides.

Diverses voies ont été ouvertes et sont à l’étude. M. le ministre de l’agriculture annoncera au début du mois d’avril un certain nombre de mesures.

Parmi ces voies à l’étude, il convient de citer la réattribution prioritaire d’une partie des aides aux grandes cultures – vous avez évoqué, monsieur le sénateur, les zones végétales et céréalières –, l’accompagnement de la réorientation des systèmes de production, l’engagement sur un développement durable – nous en avons parlé dans le cadre du Grenelle 1 et nous aurons l’occasion d’aborder de nouveau le sujet, car il faut peut-être faire des efforts en la matière.

Les décisions qui vont être prises et qui seront annoncées pour partie au début du mois d’avril doivent préfigurer de nouveaux modes de soutien pour notre agriculture et engagent sur la voie d’une sortie progressive de références historiques qui ne peuvent plus être des références actuelles.

La pire des solutions pour notre agriculture serait le statu quo. Nous allons donc, et le ministre de l’agriculture s’y est engagé, avec vous et l’ensemble des acteurs, essayer de définir des politiques prioritaires pour les zones intermédiaires.

Monsieur de Raincourt, soyez assuré que le Gouvernement prend bien en considération la situation particulière des zones intermédiaires dont vous êtes l’un des porte-parole les plus émérites.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite interroger le Gouvernement sur sa politique économique et sociale dans une situation de crise grave pour notre pays, pour nos territoires et pour tous les Français.

Alors que les effets annoncés du plan de relance se font toujours attendre, en particulier pour ceux, de plus en nombreux, qui souffrent d’une forte diminution de leur pouvoir d’achat, vous vous refusez toujours à agir sur la consommation, privilégiant le seul investissement.

C’est pourquoi je vous invite à lire le récent rapport du Sénat, rédigé par notre collègue Bernard Angels, dans lequel ce dernier démontre qu’une relance directe par la consommation serait d’une grande et d’une rapide efficacité.

Les faits et les chiffres sont là : les entreprises licencient, ajoutant la crise sociale à la crise industrielle.

Alors, pourquoi persistez-vous dans la mauvaise direction ?

Avec mes collègues radicaux de gauche et la majorité du groupe RDSE, je partage les inquiétudes des Français qui s’expriment, avec force, aujourd’hui, dans tout le pays sur les conséquences de la politique qui est menée, en particulier sur les orientations prises en matière d’emploi et de pouvoir d’achat pour les plus modestes.

Cette politique et les priorités retenues enfoncent chaque jour un peu plus les Français dans la précarité, l’appauvrissement et l’incertitude.

Dans le secteur public, la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques est synonyme de réduction drastique des emplois sur l’ensemble du territoire, y compris en zone rurale et dans les quartiers sensibles. Je pense, en particulier, aux secteurs de la santé, de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Dans tous ces domaines, force est de constater que notre pays régresse.

Dans le secteur privé, 400 000 chômeurs supplémentaires sont déjà annoncés pour 2009. Les indicateurs sont au rouge et les réponses du Gouvernement sont insuffisantes, quand elles ne sont pas inadaptées.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Dans ces conditions, combien de temps faudra-t-il encore attendre avant que Gouvernement ne prenne la mesure de la crise qui frappe les Français ?

Quand allez-vous cesser de gérer la crise et quand interviendrez-vous enfin avec force et détermination ?

Quand allez-vous préférer le bouclier social à l’injuste et si indécent bouclier fiscal ?

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Quand allez-vous agir sur le seul véritable levier de relance qui soit : la consommation ?

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

(Exclamations sur les travées du groupe socialiste) et l’histoire nous donne raison ! Vous connaissez l’échec historique du plan de relance par la consommation engagé par le président Mitterrand dans les années 1980.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Madame le sénateur Françoise Laborde, nous ne partageons pas votre analyse §

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d’État

Ce plan a entraîné un recentrage de la politique économique, largement commenté dans les manuels de science économique, qui nous instruit sur l’inanité d’une relance par la consommation.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d’État

Nous avons préféré la relance par l’investissement en choisissant, en premier lieu la réactivité, …

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d’État

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. …avec un plan qui est aujourd’hui l’un des plus puissants de ceux qui sont engagés par tous les pays de l’Union européenne.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d'État

Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres qu’il ne faut pas oublier, madame le sénateur. Cette crise n’est pas française…

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d’État

…et vous avez tort de stigmatiser le Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d’État

Vos amis socialistes espagnols en sont aujourd’hui, sur le seul mois de janvier, à 350 000 chômeurs supplémentaires ! Vos amis travaillistes anglais traversent une des crises les plus profondes de leur histoire. Aussi, il ne sert à rien de dénoncer les responsabilités de tel ou tel gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pourtant, vous trouviez que la Grande-Bretagne et l’Espagne avaient une bonne politique !

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d'État

Nous avons donc été parmi les plus réactifs de l’Union européenne.

Quand vous dites que nous ne faisons rien pour l’emploi, …

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d'État

…je voudrais vous rendre attentive au fait que les moyens de la politique de l’emploi ont été augmentés de près de 25 % depuis le début de la crise.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d’État

Nous avons augmenté les allocations de chômage partiel, qui sont passées de 60 % à 75 % du salaire brut.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d’État

Nous avons aidé les salariés qui ont perdu leur emploi à « rebondir » par une meilleure indemnisation et des formations renforcées.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État !

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d’État

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Enfin, nous soutenons l’emploi. Nous y consacrons un dispositif qui rencontre un grand succès

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs socialistes

Oh !

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d’État

…le dispositif « zéro charge », dédié aux très petites entreprises, qui bénéficie déjà de 3 000 embauches par jour.

Voilà la réalité, qui est bien éloignée de la description que vous faites de la situation de notre pays !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Des centaines de milliers d’emplois sont menacés et supprimés, dans l’agro-alimentaire, la chimie, l’automobile, la distribution et de nombreuses industries : Continental, Total, Sony à Pontonx, Mamor et tant d’autres entreprises. Mes collègues Jean-Louis Carrère et André Vantomme, notamment, ne me démentiront pas.

Certaines entreprises qui ont perçu des fonds publics se sont même délocalisées !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

L’exemple le plus frappant est Total, qui, avec 14 milliards d’euros de profits, ose annoncer plus de cinq cents suppressions d’emplois. Un autre exemple est Continental, qui a trompé ses salariés, en leur promettant des investissements en échange de sacrifices et qui, maintenant, les envoie au chômage !

Le seul objectif de ces groupes est non seulement le profit, mais la distribution des dividendes aux gros actionnaires et le maintien des rémunérations pharaoniques des dirigeants. Tant pis pour les salariés sacrifiés ! Face à un tel cynisme, que fait le Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Il parle d’annonce maladroite, il affirme qu’il sera exigeant, vigilant… La belle affaire !

M. Sarkozy déclare qu’un nouveau type de capitalisme va se mettre en place et qu’il n’admet pas que les entreprises profitent de la crise pour se restructurer et supprimer des emplois. En réalité, rien ne se passe !

La France a perdu 107 000 emplois, au dernier trimestre de 2008, et l’assurance chômage annonce 400 000 destructions d’emplois pour 2009. Mais le Gouvernement refuse de reconnaître ses erreurs : le boucher fiscal, par exemple

Ah ! sur les travées de l ’ UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Notez que le Gouvernement se garde bien de présenter un projet de loi qui permettrait aux comités d’entreprise de se prononcer non pas sur le contenu d’un plan social, mais sur son utilité économique, et d’évaluer les dégâts sociaux qu’il va provoquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Le Gouvernement n’exige même pas des entreprises qui bénéficient des exonérations de cotisations sociales qu’elles signent des accords salariaux ou de maintien de l’emploi. Or l’Union européenne n’interdit pas de tels accords !

Quand allez-vous réagir enfin concrètement contre les pratiques scandaleuses de ces entreprises qui ont perçu des fonds publics et qui engrangent des bénéfices colossaux ? §

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le sénateur Roland Courteau, j’approuve le début de vos propos

Exclamations sur les travées du groupe socialiste

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d'État

En effet, nous connaissons aujourd’hui – qui pourrait le nier ? – une augmentation sensible du nombre de plans sociaux dans notre pays et une hausse des inscriptions au chômage pour licenciement économique.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d’État

C’est la conséquence directe de la crise mondiale, …

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d’État

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. …qui se traduit dans l’ensemble des pays par des plans sociaux de grande ampleur et une augmentation du chômage : en Espagne, par exemple. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, ce pays a enregistré 350 000 demandeurs d’emploi supplémentaires au mois de janvier.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pourtant vous disiez que c’était très bien, l’Espagne !

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d’État

Vous dites que nous avons peu fait, mais notre pays se distingue d’autres pays de l’Union européenne, monsieur le sénateur, par les obligations très fortes qui pèsent sur les entreprises dans l’établissement des plans sociaux.

Permettez-moi de rappeler, car vous semblez l’avoir oublié, qu’une entreprise de plus de mille salariés qui procède à des licenciements doit respecter des obligations financières en termes de revitalisation des territoires. Quant à celles de moins de milles salariés, elles doivent proposer à leurs personnels des conventions de reclassement personnalisé.

Évidemment, le Gouvernement ne se borne pas à veiller à la bonne application des dispositions légales, il fait tout pour éviter au maximum ces suppressions d’emplois, …

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d’État

…en facilitant le recours à l’activité partielle pour les entreprises en difficulté, parce que tout vaut mieux que le chômage. C’est nous – et non pas vous ! – qui avons amélioré l’indemnisation du chômage partiel, laquelle est passée de 50 % à 60 % puis 75 % du salaire brut. Cela mérite d’être souligné.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d’État

Nous avons aussi permis aux salariés de « rebondir » par l’extension à de nouveaux bassins du contrat de transition professionnelle. Vous n’en avez pas parlé, je le regrette, monsieur le sénateur.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d'État

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement refuse toute forme de fatalisme en matière d’emploi, mais il ne se livre pas, comme vous, à des incantations, en attribuant à telle ou telle mesure la responsabilité d’une crise qui est malheureusement mondiale. Or vous vous acharnez à nier ce caractère !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d'État

Vous avez tort car, lorsque nous sortirons de la crise, nous en sortirons plus forts grâce à nos mesures et non grâce à vos incantations !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le haut-commissaire à la jeunesse.

Je voudrais rappeler au préalable que le nombre de jeunes sans emploi est malheureusement beaucoup plus élevé en France qu’ailleurs. Pourquoi ? Parce que notre système de formation scolaire est devenu inadapté aux motivations de certains de nos jeunes…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

M. Serge Dassault. …qui souhaiteraient suivre une formation plus professionnelle que théorique ! Le collège unique est un échec puisque, chaque année, 140 000 jeunes sortent du système scolaire sans aucune formation professionnelle ! Ils deviennent chômeurs, voire délinquants

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

…alors que de nombreux emplois professionnels restent inoccupés.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Je crois que vous n’habitez pas dans les communes concernées, mes chers collègues !

Il existe une solution : l’apprentissage, qui forme à des métiers, au lieu du passage obligatoire par le bachot, lequel ne mène, le plus souvent, à aucun emploi !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Mais ce problème concerne plus le ministre de l’éducation nationale, M. Darcos, qui devrait y réfléchir.

Si l’on veut développer l’apprentissage, il faudrait aussi modifier notre système de formation scolaire et faire en sorte que les apprentis puissent trouver une entreprise pour les accueillir, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Ça, c’est vrai ! Parlez-en à vos collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Car, si les entreprises de plus de 250 salariés sont obligées d’accepter des apprentis, rien n’est prévu pour les plus petites.

Alors, monsieur le haut-commissaire, je voudrais simplement vous proposer d’abaisser ce seuil à cinquante salariés

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Je voudrais aussi ajouter que des modifications récentes au code du travail obligent le chef d’entreprise à demander l’avis du médecin du travail sur les machines tournantes mises à la disposition des apprentis de moins de dix-huit ans. La plupart de ces entreprises, petites et moyennes entreprises et très petites entreprises, y renoncent devant le coût, les difficultés de paiement et d’obtention des visites par la médecine du travail surchargée. C’est pourquoi les chefs d’entreprise ne veulent plus accueillir d’apprentis de moins de dix-huit ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

M. Serge Dassault. L’abaissement à cinquante salariés du seuil à partir duquel les entreprises sont obligées d’accueillir des apprentis devrait donc être assorti d’une modification du code du travail pour les apprentis de moins de dix-huit ans, car la disposition que j’ai évoquée bloque totalement leur formation.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse

Monsieur le sénateur Serge Dassault, nous connaissons tous ici votre engagement en faveur de l’emploi des jeunes, notamment au niveau local.

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

Je partage pleinement votre volonté de soutenir le développement des formations en alternance et, notamment, l’apprentissage et le contrat de professionnalisation.

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

En effet, nous savons que ces solutions sont efficaces : l’alternance est un vrai passeport pour l’emploi.

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

Elle est plébiscitée par les employeurs comme par les jeunes, puisque huit jeunes sur dix qui s’engagent dans cette voie trouvent un emploi à l’issue !

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

Vous avez raison de dire qu’il faut soutenir cette formule et en réviser les conditions parce que aujourd’hui, en période de crise, le nombre de places de formation en alternance diminue.

Le développement de l’apprentissage ces dernières années a été favorisé notamment par un ensemble de mesures prises depuis 2005, qui doivent beaucoup à l’action du président Larcher, lorsqu’il était secrétaire d’État au travail et à Jean-Louis Borloo

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

…je veux parler du crédit d’impôt de 1 600 euros, de la revalorisation du statut d’apprenti, des campagnes de promotion de l’apprentissage, de la création d’un fonds national de modernisation de l’apprentissage – toutes ces initiatives avaient été, je crois, approuvées par l’opposition et la majorité – et, enfin, du quota de 3 % de jeunes en formation en alternance dans les entreprises de plus de 250 salariés, à défaut de quoi celles-ci encourent une majoration de 0, 1 % de la taxe d’apprentissage.

Il nous faut poursuivre dans cette voie et la commission de concertation sur l’autonomie des jeunes a créé un groupe de travail spécifique sur ce sujet, en liaison avec Laurent Wauquiez.

La proposition d’être plus exigeant avec les entreprises de moins de 250 salariés mérite cependant réflexion, afin d’éviter qu’elle ne se retourne contre ces petites entreprises. En effet, plusieurs éléments doivent être pris en considération : en premier lieu, il faut pouvoir mesurer la réalité de l’effort de l’entreprise en matière d’apprentissage. Aujourd’hui, nous appliquons la règle du « tout ou rien » : on traite de la même façon l’entreprise qui respecte un quota de 2, 8 % et celle qui se limite à 0, 2 % ; elles sont soumises à la surtaxe dans les mêmes conditions.

Il faut aussi prendre en compte la durée de la présence des jeunes dans l’entreprise au cours de l’année et vérifier que le quota d’apprentissage reste relativement constant.

Debut de section - Permalien
Martin Hirsch, haut-commissaire

Nous sommes donc d’accord pour approfondir cette question afin d’envisager si nous pouvons décider, en opportunité, d’abaisser ce seuil.

J’ajouterai un dernier mot sur les conditions de sécurité applicables aux jeunes de moins de dix-huit ans pour l’utilisation des machines-outils : vous comprendrez bien que nous ne pouvons pas nous permettre de vider de leur substance ces contraintes de sécurité, surtout s’agissant de jeunes. Ce sont des questions de sécurité et de responsabilité extrêmement importantes : nous avons réussi à faire baisser le taux d’accidents du travail, il ne faut pas le faire repartir à la hausse !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Muguette Dini applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité et porte sur les graves difficultés de fonctionnement rencontrées par Pôle emploi.

En effet, Pôle emploi, issu de la fusion de l’Agence nationale pour l’emploi, l’ANPE, et du réseau des associations pour l’emploi dans l’industrie et le commerce, les ASSEDIC, a été créé pour être plus efficace et plus réactif dans le service offert aux demandeurs d’emploi. Mais force est de constater que, un an et demi après l’annonce par le chef de l’État de la fusion de l’ANPE et de l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce, l’UNEDIC, Pôle emploi est inefficace et, même, inopérant.

Du fait de l’augmentation importante du taux de chômage, les chômeurs doivent faire face aux standards téléphoniques saturés, aux retards dans le traitement des dossiers, aux délais qui s’allongent pour décrocher un premier rendez-vous, et les appels téléphoniques sont surtaxés ! Au sein des services de Pôle emploi, 68 000 dossiers d’indemnisation de demandeurs d’emploi sont en retard de traitement. Alors que le chômage explose, le Gouvernement reste de marbre !

Avec 250 000 demandeurs d’emploi supplémentaires en quatre mois, Pôle emploi doit faire face à un raz-de-marée sans précédent ! Tous les experts prévoient que le taux de chômage dépassera la barre des 10 % au début de l’année 2010, voire avant la fin de cette année. Autre signal inquiétant : la progression rapide, de 0, 6 point sur un trimestre, du taux de chômage de la tranche d’âge de vingt-cinq à quarante-neuf ans. En outre, on observe une augmentation du chômage des personnes qualifiées et diplômées, âgées de quarante à cinquante ans.

Il est certain que l’afflux des chômeurs va provoquer une tension encore plus forte sur Pôle emploi. En effet, ses 45 000 agents sont déjà en surcharge de travail et doivent, dans le même temps, se former pour exercer leur nouveau rôle.

Aujourd'hui, un conseiller de Pôle emploi est chargé de 120 chômeurs environ. On est loin de l’objectif, qui était d’un conseiller pour 60 chômeurs. La fusion n’a pas été suffisamment anticipée.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

La crise ne justifie pas tous les problèmes de dysfonctionnement interne de ce nouvel organisme. L’insuffisance du nombre de ses agents est intolérable. L’inscription, l’indemnisation et l’accompagnement des chômeurs sont les missions que devrait remplir Pôle emploi : on en est bien loin !

Face à la dégradation des conditions de travail, il faut prendre des mesures d’urgence pour augmenter les effectifs.

Monsieur le secrétaire d’État, la situation s’aggrave et le Gouvernement n’apporte pas de réponse adaptée. Il a mis en œuvre des mesures inefficaces, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

…alors qu’il devrait tout faire pour faciliter la recherche d’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Dans un contexte aussi difficile, il est essentiel de disposer d’un grand service de l’emploi moderne et performant, capable d’orienter les demandeurs d’emploi et de leur fournir un interlocuteur.

Monsieur le secrétaire d’État, ma question est la suivante : quelles mesures d’urgence le Gouvernement entend-il prendre pour pallier ces dysfonctionnements ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Madame Schillinger, la mise en place de Pôle emploi, qui a été annoncée il y a quelques mois, est effective depuis le 1er janvier dernier. Nous offrons désormais aux demandeurs d’emploi un seul interlocuteur pour le placement et pour l’indemnisation, un seul système d’aides et un accompagnement renforcé grâce à la mutualisation des moyens.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

J’ajoute qu’a été confiée à Pôle emploi la gestion du dispositif « zéro charge » pour toutes les embauches dans les très petites entreprises en 2009.

L’ensemble des simplifications apportées seront mises en place d’ici au mois de septembre, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Pôle emploi est injoignable par téléphone ! Essayez de l’appeler !

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d'État

…avec 100 % de guichets uniques d’ici à l’été et la généralisation de l’entretien unique et des référents uniques à la rentrée.

Il ne s’agit pas de nier les difficultés. Mettre en place une telle nouveauté dans le paysage social français n’est, bien évidemment, pas si facile ! Le Gouvernement a conscience des tensions fortes et de la surcharge de travail que cela entraîne pour les 45 000 agents de Pôle emploi.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d'État

Nous ne voulons pas critiquer leur action ; bien au contraire, je tiens à saluer ici le travail exemplaire qu’ils fournissent.

Afin de faire face à l’augmentation du nombre de dossiers, Pôle emploi a procédé, à la demande du Gouvernement, à des recrutements en CDD et a mobilisé ses agents, y compris le samedi. Grâce à ces mesures, – je souhaite le préciser, madame le sénateur, car vous ne semblez pas le savoir – le nombre de dossiers en attente dont vous avez fait état est retombé aujourd'hui à 58 000, …

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d'État

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. …ce qui est le niveau normal.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d'État

Je tiens à le souligner, il n’y a aucun retard en matière de versement de l’indemnisation chômage

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d'État

Par ailleurs, le Gouvernement étudie la demande d’un renfort des effectifs de Pôle emploi, permettant ainsi de garantir aux demandeurs d’emploi un accompagnement adapté.

Vous avez parlé des difficultés du 39 49, …

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d'État

…le numéro d’appel unique. Il est vrai que le nombre très élevé d’appels reçus – plus de 1 million – a entraîné des difficultés, ce que nous ne cherchons pas à nier. Nous avons fait en sorte d’y apporter les réponses techniques nécessaires. Je vous indique que le taux d’aboutissement des appels est désormais de plus de 70 %, avec toutefois des disparités régionales encore importantes.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d'État

Nous travaillons pour améliorer très rapidement ce résultat.

Debut de section - Permalien
Hervé Novelli, secrétaire d'État

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Madame le sénateur, cette réforme qui consistait à créer un interlocuteur unique, cela fait plus de vingt ans qu’elle était demandée. Il y a, d’un côté, le ministère de la parole et, de l’autre, le ministère de l’action : nous l’avons fait !

Applaudissementssur les travées de l’UMP. – Mme Muguette Dini applaudit également ; Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Cela fait sept ans que vous êtes au pouvoir !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

M. Pierre Hérisson. Ma question s'adresse à M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

Ah ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Monsieur le président, pardonnez mon audace : je voudrais, avant de poser ma question, remettre à M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, mon badge de la candidature de la ville d’Annecy à l’organisation des jeux Olympiques d’hiver de 2018 !

M. Pierre Hérisson se lève et joint le geste à la parole. – Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous nous réjouissons du choix du Comité national olympique français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Moi, j’ai un badge « Sauvons la recherche », je vais le porter !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

J’en viens à ma question.

L’article 48 de la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique a ouvert aux fonctionnaires de La Poste la possibilité d’être intégrés dans les corps ou cadres d’emplois de la fonction publique de l’État, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Cet article limite néanmoins dans le temps ce dispositif spécial de mobilité entre les fonctions publiques, en fixant comme date butoir le 31 décembre 2009. Cette date avait été retenue par référence à celle qui a été fixée à l’article 5 de la loi du 31 décembre 2003, qui ouvrait la même possibilité pour les fonctionnaires de France Télécom.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Toutefois, une des principales caractéristiques de ce dispositif tient au fait que la demande de l’agent pour intégrer le corps d’accueil choisi ne peut se concrétiser qu’à l’issue d’une période d’une année comprenant quatre mois de mise à disposition en guise de stage probatoire puis huit mois de détachement.

Or, l’article 29-5 créé à l’article 48 précité dispose que les fonctionnaires de La Poste peuvent être intégrés sur leur demande jusqu’au 31 décembre 2009.

Cependant, dans ces conditions, les fonctionnaires de La Poste désireux de s’engager dans ce dispositif ne peuvent plus le faire depuis le 31 décembre 2008.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, que puis-je répondre à mon postier haut-savoyard

Ah ! sur les travées du groupe socialiste

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

…qui a un projet professionnel dans la fonction publique territoriale et qui s’inquiète de savoir s’il pourra bénéficier en 2009, comme ses collègues l’an passé, du dispositif de détachement dérogatoire facilitant sa mobilité vers une autre fonction publique ?

Ma question est donc la suivante : le dispositif de détachement dérogatoire de La Poste est-il effectivement opérationnel en 2009 et envisagez-vous de le proroger ? Je vous remercie par avance de votre réponse.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Claude Biwer applaudit également.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique

Monsieur le sénateur Hérisson, merci de ne pas m’interroger sur le bouclier fiscal ! La leçon a apparemment porté, chacun est maintenant parfaitement informé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

M. le secrétaire d’État fait de la provoc, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

M. Pierre Hérisson. En l’occurrence, c’est le bouclier postal !

Sourires.

Debut de section - Permalien
André Santini, secrétaire d'État

Comme vous venez de le rappeler, la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique a ouvert aux fonctionnaires de La Poste la possibilité d’être intégrés dans la fonction publique de l’État, dans la fonction publique territoriale ou dans la fonction publique hospitalière, à l’instar d’ailleurs de ce qui a été fait pour France Télécom.

Vous soulignez une difficulté réelle dans l’application de ce dispositif, qui n’est plus opérationnel depuis le 31 décembre 2008.

Je vous confirme que le Gouvernement souhaite permettre aux fonctionnaires de La Poste qui le demandent d’entrer dans ce dispositif jusqu’au 31 décembre 2012, afin d’aligner la durée totale de ce dispositif sur celle qui avait été offerte aux fonctionnaires de France Télécom. Il faut modifier les dispositions actuelles pour permettre ce prolongement.

M. Éric Woerthet moi-même avons écrit en ce sens à Jean-Paul Bailly, président de La Poste, le 27 octobre dernier, pour formaliser cet engagement. Nous allons aussi écrire à Jean Courtial, conseiller d’État, président de la commission de classement de La Poste – commission administrative placée sous l’autorité du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi – pour lui indiquer que le Gouvernement prendrait, dans le courant de l’année 2009, la disposition législative nécessaire afin de proroger le dispositif.

Il est en effet indispensable que la commission chargée de cette question puisse continuer d’instruire les dossiers pour que les fonctionnaires de La Poste qui souhaiteraient revenir vers la fonction publique ne soient pas pénalisés, comme le postier haut-savoyard auquel vous avez fait référence et que je tiens à saluer, dans l’attente d’un véhicule législatif approprié.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, et porte sur la concrétisation des garanties données aux instituts universitaires de technologie, IUT, quant à leurs moyens de fonctionnement.

Lorsque nous avons réfléchi à la révision du mode de calcul des dotations budgétaires attribuées par l’État aux universités, nous avons voulu afficher l’ambition d’aboutir à une plus grande équité et à une efficacité accrue de l’utilisation des moyens.

Dans notre rapport, que nous avons rendu en juin dernier au nom de la commission des finances et de la commission des affaires culturelles, avec Jean-Léonce Dupont, nous avons préconisé une enveloppe financière globale allouée par l’université à ses IUT afin de leur permettre de mettre en œuvre leurs projets.

Madame la ministre, je sais l’action déterminante qui est la vôtre pour prendre en compte nos recommandations, mais j’aimerais connaître l’état d’avancement des garanties promises par le Gouvernement.

Je pense, par exemple, au pourcentage des modes de financement reposant sur la performance, et notamment l’insertion professionnelle. Je songe également à la prise en compte du coût plus élevé de la formation dans les IUT.

Je vous remercie de nous apporter des réponses susceptibles de conforter les directeurs d’IUT et les étudiants, et ainsi de les rassurer sur la pérennité du financement de ces établissements qui, je le rappelle, jouent un rôle majeur dans notre système d’enseignement compte tenu de leur succès en matière de professionnalisation.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le sénateur Adnot, les instituts universitaires de technologie sont l’un des piliers de notre système d’enseignement supérieur et l’une des filières de réussite. Dispensant une formation de qualité et de proximité, ils participent à la dynamique de chacun de nos territoires et ont des résultats impressionnants en matière d’insertion professionnelle.

Cette réussite doit être préservée. Cela signifie que les universités autonomes doivent tenir compte des spécificités des IUT. C’est pourquoi j’ai souhaité que les présidents d’université et les directeurs d’IUT signent une charte pour mettre en œuvre leurs bonnes relations futures. Pour donner toute sa force à cette charte, je vais lui conférer une valeur réglementaire. Elle sera adressée dès demain à tous les présidents d’université et directeurs d’IUT.

Il faut que les IUT aient les moyens, financiers et humains, de s’épanouir dans le cadre des universités autonomes ; ils les auront ! Un contrat d’objectifs et de moyens va être négocié entre le président de l’université et le directeur de l’IUT, et il sera transmis en juin prochain à mon ministère. D’ores et déjà, tous les présidents d’université se sont engagés pour 2009, mais aussi pour 2010, à maintenir a minima les moyens actuels de chacun de leurs IUT. Quant à l’État, vous le savez, monsieur Hérisson, il a accordé 5 millions d’euros de crédits supplémentaires aux IUT cette année, pour améliorer l’accueil des bacheliers technologiques et faire fonctionner l’ascenseur social. Ces 5 millions d’euros seront reconduits en 2009.

Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance, j’ai le plaisir de vous annoncer que 10 millions d’euros seront spécifiquement affectés à l’équipement des IUT.

Enfin, les IUT seront associés à la réflexion sur le modèle d’allocation des moyens que vous avez mentionné.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cher Philippe Adnot, les IUT comptent pour vous. Sachez qu’ils comptent aussi pour nous !

Applaudissementssur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons fini avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la communication de M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, sur son rapport annuel.

Huissiers, veuillez faire entrer M. le Médiateur de la République dans l’hémicycle.

Monsieur le Médiateur de la République, cher Jean-Paul Delevoye, je vous souhaite, au nom du Sénat tout entier, mais aussi pour la première fois en mon nom personnel, une cordiale bienvenue dans notre hémicycle où vous venez présenter aujourd’hui votre rapport annuel, que vous m’avez remis il y a quelques instants.

Vous exercez la mission difficile et pourtant essentielle à notre République consistant à faciliter, par votre action, les relations des citoyens avec l’administration, et à rechercher des solutions concrètes aux difficultés et aux incompréhensions du quotidien.

Il est symbolique de constater que vous venez déposer votre rapport au cours de la première semaine qui, en application des nouvelles règles constitutionnelles entrées en vigueur le 1er mars, est consacrée dans son intégralité au contrôle de l’action du Gouvernement.

Vos observations, la relation directe que vous entretenez tant avec les autorités administratives qu’avec nos concitoyens, sans oublier celle que vous avez avec le Sénat et moi-même – je pense au long échange que nous avons eu la semaine passée –, constituent une évaluation in vivo – c’est le vétérinaire que je suis qui parle

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Vous contribuez donc à faire progresser la réflexion du Sénat sur cette question. Vous avez déjà pu le constater : les expériences vécues relatées dans votre rapport nous servent ainsi régulièrement, dans notre fonction de parlementaires, à contribuer par nos initiatives à l’amélioration de la loi et à l’effectivité de sa mise en œuvre, qui est un point important.

Aussi, c’est avec une grande attention que nous allons maintenant vous écouter, avant de passer la parole à M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.

Vous avez la parole, monsieur le Médiateur de la République.

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République

Monsieur le président, je vous remercie de la qualité de votre accueil. Je tiens à dire que j’apprécie la richesse de nos relations, qui sont empreintes d’une constante volonté de tenir compte de la réalité de l’application des textes et de la situation de nos concitoyens.

Je remercie également le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest. Nos services respectifs collaborent en effet de manière très efficace en vue d’aboutir à des réformes législatives.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’en venir à la teneur du rapport de la Médiature de la République.

Je rappelle que les trois grands domaines de compétence du Médiateur sont les services publics, les droits de l’homme et les réformes.

Pour agir, nos moyens sont restés identiques : nous disposons de 100 collaborateurs à Paris, mais il est à noter que, depuis le 1er janvier 2009, nous avons créé une plateforme téléphonique pour le pôle santé-sécurité-soins, dont j’aurai l’occasion de vous reparler ; nous disposons également de 386 points d’accueil, dont plus de la moitié sont situés en zones urbaines sensibles ; nous avons en outre un délégué référent auprès de chaque maison départementale des personnes handicapées ; enfin, 45 délégués tiennent une permanence en milieu carcéral.

Nous avons voulu faire un effort pour améliorer l’accueil à la Médiature. Tout d’abord, nous nous sommes appliqués à ce que le nombre d’appels téléphoniques perdus passe de 25 % à 5 %. Ensuite, pour la première fois dans une e-administration française, un e-Médiateur a été mis en place. Ainsi, nous pouvons être contactés vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Pour les deux premiers mois, nous avons recensé 1 000 utilisateurs. Ce qu’il est intéressant de constater, ce sont les thèmes les plus consultés. Il s’agit, par ordre décroissant, du surendettement, du pôle santé, des impôts, des amendes et infractions routières ainsi que des problèmes entre locataires et propriétaires.

Parmi les 65 000 dossiers que nous avons traités, – il est important de le noter – plus de la moitié ne sont pas des réclamations, mais des demandes d’information. Si en cas d’incendie ou de vol, on sait qu’il faut s’adresser aux pompiers ou aux gendarmes, en revanche, quand on a un souci à caractère personnel, on ignore où trouver la bonne information pour faire valoir ses droits. Les personnes confrontées à des difficultés juridiques sont d’ailleurs de plus en plus isolées, ce qui conduit à des injustices et à des inégalités. Il nous faut donc réfléchir au développement des centres d’accès au droit.

Je tiens à le souligner, grâce à la mobilisation du personnel de la Médiature, à effectifs constants, 20 % de dossiers de plus ont été traités. Les délais de réponse et d’instruction ont en effet été réduits. Mais aujourd’hui, le contexte malheureusement s’y prête, plus de 34 % des dossiers relèvent de difficultés sociales.

Nous avons axé le développement dans plusieurs directions.

Je voudrais, messieurs les présidents de commission, mesdames et messieurs les sénateurs, saluer votre travail sur le projet de loi pénitentiaire.

Compte tenu de nos liens avec le commissaire européen aux droits de l’homme et avec la Cour de justice des Communautés européennes, je sais à quel point le travail parlementaire du Sénat a été suivi à l’échelon européen et à l’échelon international.

Nous avons, dans le souci de l’accès aux droits, développé la présence des délégués du Médiateur au sein des prisons, partant du principe que la privation de la liberté n’est pas la privation de l’accès aux droits. D’ici à 2010, la totalité de la population carcérale pourra être en contact avec le délégué du Médiateur. Nous avons par ailleurs noué un partenariat avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Depuis le 1er janvier 2009, nous avons créé un pôle « santé-sécurité-soins », la Mission pour le développement de la médiation, de l’information et du dialogue pour la sécurité des soins, la MIDISS, qui dépendait de la Haute Autorité de santé, ayant rejoint la Médiature.

Il s’agit d’une plateforme téléphonique destinée à celles et ceux qui rencontrent des difficultés dans leur parcours de santé avec le milieu hospitalier, mais aussi avec la médecine libérale.

Ce pôle dispose d’un réseau de médecins et d’experts dans quatre domaines de compétences – le respect des droits du malade, la qualité du système de santé, la sécurité des soins, l’accès aux soins –, avec la totale confiance de l’ensemble des acteurs.

Quand cette mission était au sein de la Haute Autorité de santé, elle recevait cent cinquante appels téléphoniques par mois, 50 % concernant les infections nosocomiales. Depuis le 1er janvier, au sein de la Médiature, elle a reçu cinq cents appels, 25 % concernant les infections nosocomiales, 15 % émanant des professionnels de santé eux-mêmes.

Il convient de souligner que 47 % des appels sont des demandes d’information. Que se passe-t-il ? Dans 90 % des conflits entre les acteurs de la santé et les patients, ceux-ci n’ont pas du tout l’intention de saisir la justice : ils ont simplement besoin d’un dialogue pour apaiser leur douleur ou leur inquiétude.

Je voudrais attirer l’attention de la Haute Assemblée, et particulièrement celle de la commission des affaires sociales, sur un point. Dans le milieu hospitalier comme dans d’autres, l’administration donne la priorité à la protection du système plutôt qu’à son adaptation à la protection de l’individu. Aujourd’hui, la culture du signalement est sanctionnée. Comme le non-signalement est récompensé, on a naturellement tendance à privilégier sa carrière, le confort de la hiérarchie plutôt que l’adaptation du système.

Il existe cinq types de signalement dans le monde hospitalier. Avec une charge administrative incroyable, comment distinguer l’événement potentiellement dangereux de l’événement indésirable grave – EIG –, qui n’est adressé ni au même organisme, ni selon les mêmes procédures, celui qui signale se faisant parfois sanctionner. Nous devrons réfléchir à la simplification des signalements, afin de disposer d’une juste appréciation de la réalité.

Près de 450 000 événements indésirables graves provoquant une altération de la santé, une prolongation de l’hospitalisation, voire le décès surviennent chaque année dans le monde hospitalier ; 85 % d’entre eux sont dus à des erreurs de procédure et 15 % à des erreurs médicales. Cependant, l’observatoire des signalements peut être contesté dans la mesure où cette étude date de 2005. En effet, on ne peut pas aborder un problème de façon apaisée si on ne dispose pas de données fidèles à la réalité.

Le pôle « santé-sécurité-soins », par son indépendance, par son absence de corporatisme – nous ne sommes ni procureurs ni avocats – devrait faciliter l’instauration d’un partenariat avec les professionnels, afin d’améliorer la gestion et la prévention des risques par l’analyse des erreurs. Nous répondrons ainsi à l’attente des victimes, qui ne cherchent pas à condamner le médecin, mais qui veulent savoir ce qui s’est passé et éviter que cela ne se reproduise.

Monsieur le président de la commission des lois, je me permets de souligner que je vous présente aujourd'hui l’avant-dernier rapport annuel du Médiateur de la République. Les projets de lois organiques dont vous allez débattre prévoient en effet la création d’un Défenseur des droits. Nous souhaiterions pouvoir étudier avec vous les modalités de saisine et le périmètre d’action de cette nouvelle autorité, ces questions relevant de la décision politique. Mais il conviendra aussi de réfléchir à la nature des pouvoirs qui lui seront confiés, notamment en matière de recommandation en équité.

Nous avons aujourd’hui un débat avec l’administration fiscale sur une profession libérale qui avait suivi à la lettre une instruction fiscale applicable à une profession non assujettie à la TVA. Cette profession libérale, assujettie depuis un an, sur instruction de l’administration fiscale, à la TVA, s’est vu réclamer, à la suite d’un contrôle, la TVA sur les quatre années précédentes. Le représentant de l’administration fiscale m’a fait la réponse suivante : Monsieur le Médiateur, vous avez moralement raison, mais juridiquement tort ; la loi m’interdit de remettre des pénalités sur des contributions indirectes car le redevable est considéré non pas comme un contribuable mais comme un collecteur d’impôt.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République

Dès les premiers débats sur la démocratie entre Platon et Aristote, Platon soulevait l’imperfection de la loi quand Aristote plaidait pour le pouvoir du juge. En 1973, dans cette assemblée, le législateur a très clairement indiqué que la stricte application d’une loi par une administration pouvait aboutir à des situations injustes…

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République

…car le législateur ne peut prévoir toutes les situations. La création du Médiateur devait permettre de juger en équité et non en droit. Il serait intéressant d’envisager aujourd'hui la possibilité d’une décharge de responsabilité d’un fonctionnaire qui s’appuierait sur une recommandation en équité. En effet, beaucoup de hauts fonctionnaires me disent : vous avez raison, faites-moi une recommandation en équité suffisamment forte afin que je puisse justifier telle décision aux yeux de ma hiérarchie ou de la Cour de discipline budgétaire et financière.

Ce débat touche également à la protection des fonds publics, car l’administration a parfois intérêt à être condamnée pour justifier les dépenses auprès de Bercy plutôt que de suivre une recommandation qui épargnerait l’argent public. Un débat législatif sur la recommandation en équité et ses limites me paraît donc nécessaire.

Il faudra également réfléchir à l’accès aux documents. Trop souvent, lorsque l’administration risque d’être mise en cause, le dossier ou certains documents disparaissent. C’est le cas, notamment, pour les dossiers médicaux, …

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République

…les pièces n’étant pas codifiées.

Si nous voulons restaurer la confiance entre l’administration et les administrés, il faut avoir le courage de la vérité. L’équilibre de notre société est aujourd’hui très fragile. Quand on ne croit plus à la force du droit, on revendique le droit à la force. En l’absence de dialogue, la violence l’emporte. Nous devons y être extrêmement attentifs.

Il en est de même pour l’inspection et l’injonction, voire pour la saisine du Conseil d’État. Les administrations se plaignent souvent que la lecture d’une circulaire ou d’un décret varie d’un département à l’autre, et la décision du Conseil d’État se fait attendre deux ou trois ans.

Nous avons souhaité vous livrer les impressions ressenties par nos services.

Le service « agents publics » souligne le sentiment de précarité dans la fonction publique ; le service fiscal, la complexité et l’insécurité juridique. Le service « affaires générales et urbanisme » évoque une réglementation de plus en plus compliquée, conjuguée parfois à une absence de conseil auprès des élus locaux. Ceux-ci, qui ne disposent pas d’une école de formation, ont tendance à s’adresser à des experts, lesquels ne sont pas toujours à la hauteur, ce qui génère des conflits d’urbanisme d’une extrême complexité.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République

Sur le plan social, les textes ne tiennent pas compte de la mobilité croissante et des fractures de parcours. La mobilité européenne, qui s’accroît, est de plus en plus souvent confrontée à des difficultés de coordination entre les législations. En cas de nouvel emploi, le passage d’une convention collective à une autre n’est pas harmonisé. Le suivi des dossiers se fait difficilement en cas de rupture de couple et de changement de département.

Aujourd’hui, nous sommes particulièrement vigilants devant la situation que connaissent Pôle emploi et les caisses d’allocations familiales. En effet, la réorganisation des services liés à l’emploi et aux allocations familiales coïncide avec l’accroissement du nombre de demandeurs d’emploi. Il ne faut pas que ces services ajoutent une rupture à une rupture : bien souvent, les personnes qui perdent leur emploi et donc leur salaire ne peuvent pas se permettre d’attendre deux ou trois semaines le versement des indemnités auxquelles elles ont droit. Une perte de revenu de 150, 200 ou 300 euros crée de sérieuses difficultés.

Soyons attentifs à ce que les amortisseurs sociaux dont la France dispose par rapport à d’autres pays pour affronter la crise ne soient pas paralysés par des dysfonctionnements administratifs provoquant des ruptures de revenus, au risque d’entrer dans la spirale de l’endettement.

Dans le domaine de la santé, nous souhaitons que l’on passe d’une culture de la faute à une culture de l’erreur. La faute est inexcusable et condamnable, alors que l’erreur doit être expliquée, éventuellement comprise, à condition d’en tirer profit pour changer les procédures.

Je voudrais insister sur le droit à la bonne administration, qui est inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Aujourd’hui, trop d’administrations créent une insécurité juridique par leurs délais de réponse, voire par leur absence de réponse. Les préjudices sont considérables et les possibilités de recours sont insuffisamment indiquées.

La question du « malendettement » sera reprise par les textes que préparent Mme Lagarde et M. Hirsch. Nous remercions le Parlement et le Gouvernement d’avoir accepté que nous soyons saisis de ce sujet.

La totalité des décideurs, qu’ils soient politiques, chefs d’entreprise, médecins, vont devoir prendre des décisions dans des domaines dans lesquels ils seront de moins en moins compétents. La qualité de leurs décisions dépendra donc de la qualité des experts sur lesquels ils s’appuieront.

Or les magistrats n’ont pas aujourd'hui à leur disposition les experts judiciaires médicaux dont ils auraient besoin. Nous devons réfléchir à la qualification d’expert judiciaire, notamment dans le domaine de la santé, qui ne doit pas être uniquement un titre, mais la sanction d’une compétence permettant au magistrat de prendre une bonne décision.

J’ai en mémoire le cas d’un obstétricien qui avait tout perdu – son travail, son honneur, sa femme – à la suite du rapport de deux experts qui l’avaient condamné dans sa pratique. Il a été réhabilité quinze ans après par une expertise reconnue par tous.

La question de l’expertise dans les décisions est donc extrêmement sensible ; j’y reviendrai tout à l’heure. Je souhaite également que vous puissiez avoir un regard distancié sur le principe de précaution. Au nom de ce principe, en effet, on favorise aujourd'hui la non-décision ou la contestation de la décision publique.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République

Nous devons aussi nous interroger sur la médiation familiale judiciaire. Les ruptures de couples sont très nombreuses. Le Médiateur souhaite qu’il puisse y avoir une médiation familiale dans les tribunaux de grande instance. Il faudrait sensibiliser les magistrats, les greffiers et les avocats sur sa pertinence, en donnant au juge aux affaires familiales le pouvoir de rétablir le dialogue par la médiation. Les enfants sont trop souvent confrontés à une double souffrance : la séparation, puis le déchirement des parents. Les expériences québécoises montrent tout le bénéfice de cette médiation.

Nous voulons souligner quelques situations inéquitables, mesdames et messieurs les parlementaires.

Le Médiateur n’est pas un décideur politique ; je n’ai pas à me prononcer sur le PACS – le Pacte civil de solidarité –, mais c’est une réalité prévue par la loi. En 2008, ont été signés quelque 145 000 PACS, soit une augmentation de 42 % par rapport à l’année précédente, par des couples qui étaient, pour 85 % d’entre eux, hétérosexuels.

Il est important que ces personnes aient choisi une communauté juridique et non une simple communauté affective. En effet, à côté du seul mariage, nous risquions de voir de plus en plus de personnes cohabiter parce qu’elles s’aiment puis se séparer quand elles ne s’aiment plus, ce qui aurait posé le problème de la disparition des pensions de réversion dans trente-cinq ou quarante ans.

Je voudrais souligner que, lorsqu’ils signent un PACS, les fonctionnaires ont droit à quatre jours de congé, alors que les salariés du privé n’ont droit à aucun congé. Les salariés du privé et les fonctionnaires territoriaux peuvent, quant à eux, bénéficier du capital décès de leur partenaire pacsé, mais pas les fonctionnaires d’État. C’est incompréhensible !

De même, pourquoi les pacsés n’ont-ils pas droit aux pensions de réversion, alors qu’il s’agit bien d’une communauté juridique ? Il faudrait donc envisager une évolution sur ce point, éventuellement en instituant une franchise de deux ans.

J’en viens à présent au problème des retraites. Je souhaite notamment dénoncer une iniquité. Aujourd'hui, dans le régime général, le calcul s’effectue à partir des vingt-cinq meilleures années. Mais il s’agit des vingt-cinq meilleures années « civiles ». En d’autres termes, si un salarié prend sa retraite au 31 décembre, il n’y a aucune difficulté. Mais s’il la prend au 1er septembre, il perd le bénéfice des cotisations versées du 1er janvier au 31 août, puisque le calcul s’arrête au 31 décembre de l’année précédente. Je pense que vous pourriez éventuellement mener une réflexion sur cette question, mesdames, messieurs les sénateurs.

En tant qu’ancien ministre de la fonction publique, je fais mon mea culpa : je me suis battu en faveur d’une majoration de la durée d’assurance pour les femmes élevant seules leurs enfants, mais j’ai totalement oublié que des hommes pouvaient également élever seuls leurs enfants.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République

Or pourquoi un père ayant élevé seul ses enfants ne pourrait-il pas avoir droit aux mêmes avantages qu’une femme dans une situation identique ? Nous devrions donc réfléchir sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La demi-part pour les parents isolés a été supprimée !

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République

J’aimerais également aborder les réformes que vous avez engagées, mesdames, messieurs les sénateurs. Certaines sont très importantes. D’autres sont perçues, à tort, comme plus anecdotiques.

Vous avez décidé l’exonération de la redevance audiovisuelle des téléviseurs loués par les personnes détenues. Autrefois, parmi les détenus, ceux qui avaient de l’argent pouvaient acheter un poste de télévision et étaient dispensés de redevance, tandis que les autres étaient contraints de louer un téléviseur et d’acquitter la redevance. Vous avez supprimé cette disparité, qui créait des tensions très fortes dans les prisons.

J’attire également votre attention sur quelques éléments complémentaires.

Aujourd'hui, le Gouvernement se réjouit, non sans raison, de la montée en puissance du statut d’auto-entrepreneur. Mais peut-être faudrait-il instituer quelques garanties. Prenons le cas d’un chômeur, actuellement couvert par un régime de protection sociale, qui deviendrait auto-entrepreneur. S’il dépose son bilan au bout de deux ans, il perd le bénéfice de son régime de protection salariale. Sans doute serait-il intéressant d’envisager une forme de « parachute » d’une durée un peu supérieure.

Je sais que vous suivez avec attention la mise en œuvre des lois qui sont votées, notamment la publication des décrets d’application.

Pour ma part, je salue l’engagement de M. le président du Sénat et de M. le président de la commission des lois en faveur du texte relatif aux tutelles et aux curatelles. Mais je constate avec irritation qu’aucune instruction n’a été donnée aux tribunaux. Dès lors, ceux-ci n’ont pas mené le travail de séparation entre les personnes fragiles psychologiquement, d’une part, et les personnes fragiles socialement, d’autre part. En outre, certains conseils généraux n’ont pas non plus préparé l’accompagnement social.

La loi qui a été votée prévoyait un délai d’adaptation de deux ans. À l’issue de ce délai, que constatons-nous ? Certains présidents de tribunal ou de conseil général se sont mobilisés pour favoriser la mise en œuvre du nouveau dispositif, d’autres n’ont rien fait. La situation est donc totalement inique.

Vous avez adopté une loi sur les contrats d’assurance vie en déshérence. Aux termes de ce texte, un rapport indiquant la part des contrats concernés, les bénéficiaires recherchés et le montant des sommes versées au Fonds de réserve des retraites devait être remis au Gouvernement au 1er janvier 2009. À ce jour, il ne l’a toujours pas été. Où est-il donc ?

Je mentionnerai également les hospitalisations psychiatriques, notamment l’évaluation concernant les droits des malades. Sur ce thème, je vous renvoie au discours du Président de la République.

La collaboration entre les médecins du travail et les médecins-conseils fait trop souvent l’objet d’une rupture par conflit de droits. Prenons le cas d’une personne en arrêt maladie chez qui on décèlerait un handicap. Elle n’est alors plus considérée comme malade et perd le bénéfice de ses indemnités. Compte tenu de son handicap, elle ne peut pas reprendre son activité professionnelle dans les mêmes conditions qu’auparavant. Elle n’est donc ni malade ni salariée, et il y a un conflit de droits entre le médecin du travail et le médecin-conseil. Le Parlement devrait, me semble-t-il, se saisir de cette question.

Les prestations familiales au titre d’enfants séjournant régulièrement en France sont attribuées de plein droit. La loi a été votée et elle est claire. Mais je vous invite à examiner ses conditions d’applications, qui varient selon les caisses d'allocations familiales.

Dans un courrier relatif aux victimes des essais nucléaires, le ministre de la défense a indiqué être favorable à une liste unique ou, plus précisément, à une prise en charge de l’indemnisation par le ministère de la défense plutôt qu’à la création d’un fonds spécifique. Il s’agit d’un véritable débat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite également attirer votre attention sur les conséquences de l’absence de décision politique sur quelques sujets douloureux.

Je vous avais alertés sur la situation des enfants nés sans vie. Je vous en rappelle le contexte. L’Organisation mondiale de la santé avait fixé deux critères pour définir la notion de « viabilité » : une durée d’aménorrhée de vingt-deux semaines et un poids du fœtus de cinq cents grammes. La Cour de cassation a estimé, non sans raison, que cette définition n’avait pas de valeur juridique. Aujourd'hui, le sujet divise la classe politique. Les uns jugent nécessaire de donner une valeur juridique à une telle définition, arguant que la notion de viabilité figure déjà dans quatre codes. Les autres craignent que cela ne relance le débat sur le statut du fœtus, donc sur l’avortement.

Qu’en est-il concrètement aujourd'hui, compte tenu de l’absence de décision politique ?

Dans le monde hospitalier, notamment dans les maternités, la suppression des seuils de viabilité jusqu’alors retenus par référence à une circulaire de la Direction générale de la santé du 22 juillet pose un véritable problème. En effet, l’absence de seuil conduit à faire de la fin de la période considérée comme « fausse couche précoce » le démarrage ou la fin de la viabilité. En d’autres termes, en l’absence de décision politique, la pratique hospitalière a fixé la notion de viabilité à quinze semaines d’aménorrhée. Et on laisse les services municipaux de l’état civil dans la même indécision : s’ils sont sollicités pour délivrer un acte d’état civil, ils pourront opposer un refus…

En outre, les instructions ministérielles ayant accompagné la mise en œuvre de telles dispositions visent à faire de la déclaration à l’état civil une responsabilité parentale. Par conséquent, les enfants décédés en toute fin de grossesse pourront ne faire l’objet d’aucune déclaration en mairie, faute d’initiative parentale. Alors que toutes les grossesses précocement arrêtées étaient systématiquement déclarées, un certain nombre d’entre elles ne le sont plus aujourd'hui.

De plus, les droits sociaux sont hétérogènes selon la nature des enfants.

Une telle absence de décision politique m’amène à vous poser une question simple : envisagez-vous de supprimer la notion de viabilité dans tous les codes ? Je vous le rappelle, au-delà de vingt-deux semaines, la fin de la grossesse est un congé maternité ; en deçà, c’est un congé maladie. Et le droit pour le mari d’avoir un congé de quatre jours vient d’une décision du Premier ministre fondée sur la définition de l’Organisation mondiale de la santé que j’ai évoquée tout à l’heure.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République

Nous le voyons, nous sommes dans une totale incohérence juridique. Que vous optiez pour la suppression de la viabilité ou pour sa consolidation, vous ne pouvez pas ne pas décider ! À défaut, la notion de viabilité sera définie par les praticiens : un médecin pourra fixer le critère de viabilité à quinze semaines, comme à dix-sept, à vingt ou à vingt-deux semaines…

L’absence de décision politique place les obstétriciens, les officiers d’état civil que sont les maires, l’ensemble des familles, qui ne connaissent pas forcément leurs droits, et même les gestionnaires, dans une situation de vide juridique.

Par conséquent, je souhaiterais que vous puissiez fixer un seuil, ouvrir un droit général à l’inhumation des corps des enfants, quel que soit le stade du développement – je rappelle que ces corps font autrement partie des « déchets hospitaliers » – et clarifier les droits sociaux.

J’attire également votre attention sur la bioéthique, dans la perspective des lois dont vous serez bientôt saisis. Nous commençons à entendre des réclamations, de la part, entre autres, des médecins, sur une problématique un peu douloureuse.

Nous devons, me semble-t-il, réfléchir aux questions soulevées par les quelque 18 000 amputations qui sont dues au diabète chaque année. Comme vous le savez, compte tenu de leurs croyances religieuses, des personnes de confession musulmane souhaitent être enterrées en entier. Dès lors, quel est le statut du membre amputé ? De même, dans certaines cultures africaines, on demande à récupérer le placenta pour l’enterrer. Quelle réponse pouvons-nous y apporter ?

En l’absence d’analyse juridique, des questions éthiques lourdes se posent. Nous ne pouvons pas laisser les gestionnaires hospitaliers et les médecins totalement désemparés. Si la pratique n’est pas encadrée, les réponses à de telles questions seront différentes selon les convictions des personnes ou les établissements.

Il revient au politique de se saisir de tels enjeux, quitte à ne pas prendre de décision, mais il doit alors expliquer pourquoi. Et, s’il tranche, il doit préciser les conditions dans lesquelles il le fait.

Je tiens à vous remercier des amendements que vous déposez en matière de santé et j’attire votre attention sur l’absence de décrets relatifs à l’indemnisation des victimes du sang contaminé. Vous aviez pris des dispositions afin que l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, l’ONIAM, indemnise les personnes transfusées dans les petits établissements sans transferts d’actifs. Or le décret n’est toujours pas paru. Je souhaiterais que vous puissiez user de votre pouvoir en la matière.

M. Nicolas About s’exclame.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République

Enfin, et nous sommes là au cœur de la collaboration que je souhaite avoir avec le Sénat, je pense que nous vivons dans une société anxiogène. Je le dis sans chercher à pointer la responsabilité des uns ou des autres.

Nous le voyons bien, nos sociétés sont structurées par trois sentiments : la gestion des peurs, la gestion des humiliations et la gestion des espérances. Certains se nourrissent des peurs. D’autres réagissent aux humiliations, lorsque l’arbitraire méprise l’individu. Et il est difficile d’avoir des espérances quand l’avenir est sombre.

L’un des éléments de la gestion des peurs, c’est la recherche de l’apaisement, qui passe par l’écoute et le respect. Le service public se doit d’écouter et d’accompagner, plutôt que de gérer. Nous devons changer de culture. Le système administratif doit faire confiance aux fonctionnaires pour qu’ils puissent avoir le droit à l’erreur. En outre, le principe de précaution mérite d’être analysé.

Tout cela est au cœur de la notion de « vivre-ensemble ». Si nous ne restaurons pas la confiance de nos concitoyens dans nos institutions, nous aurons un système fondé sur le rapport de force, et non sur le dialogue et le respect.

Je salue également le rapporteur du texte sur le « malendettement », que j’avais oublié de mentionner tout à l’heure.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre attention et je me réjouis de notre collaboration.

Applaudissements

M. Bernard Frimat remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Le Sénat vous donne acte de cette communication, monsieur le Médiateur de la République.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le Médiateur de la République, le rapport d’activité que vous venez de remettre à notre Haute Assemblée confirme que votre institution s’est imposée au fil des années comme un acteur majeur du paysage administratif français, jouissant d’une notoriété croissante auprès de nos concitoyens.

Cette année encore, votre action est placée sous le signe de la proximité. Grâce aux délégués du Médiateur, l’institution est en effet présente dans un nombre croissant de points d’accueil. Maintenant, il existe même un « e-médiateur » !

Sourires

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République

M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République. Par google !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Au total, 275 délégués agissant dans 386 points d’accueil reçoivent aujourd’hui le public dans des structures de proximité, comme les maisons de justice et du droit, les maisons de service public ou les points d’accès au droit – vous avez signalé combien nos concitoyens ont besoin d’accès au droit –, mais également les préfectures et sous-préfectures.

D’ailleurs, dans votre rapport, vous soulignez ceci : « La plupart des implantations récentes résultent du souci permanent des délégués de se rapprocher des usagers ; ils acceptent d’assurer des permanences dans deux, voire trois implantations différentes. »

Emblématique de cette évolution est la présence des délégués dans les prisons. Cette présence, expérimentée depuis 2005 et progressivement généralisée sur la base d’une convention signée le 25 janvier 2007 entre le ministre de la justice et vous-même, se renforce année après année. Vous notez ainsi dans votre rapport qu’en l’espace d’un an, entre décembre 2007 et décembre 2008, le nombre de détenus ayant accès directement à un délégué est passé de 26 500 à plus de 44 000, soit les deux tiers de la population carcérale.

Ces délégués jouent un rôle essentiel en prison, comme l’ont récemment rappelé nos collègues Jean-Claude Peyronnet et Jean-René Lecerf.

Rapporteur pour avis, au nom de la commission des lois, des crédits du programme budgétaire « Protection des droits et libertés », notre collègue Jean-Claude Peyronnet s’est rendu dans le département des Yvelines en novembre dernier pour rencontrer deux de vos délégués, dont il a noté « le dynamisme et la compétence ». Il a pu également constater, lors de la visite qu’il a effectuée à la maison d’arrêt de Bois d’Arcy, que l’intervention des délégués du Médiateur était appréciée par les détenus, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … même lorsqu’elle portait sur des dossiers que l’administration pénitentiaire pouvait parfaitement traiter elle-même, telle la demande d’un détenu pour connaître l’état d’avancement d’un transfert. Le délégué rencontré par le rapporteur a souligné que, au-delà du fait d’obtenir une réponse à leurs questions, les détenus avaient besoin d’être écoutés par un « tiers de confiance » et que l’échange constituait pour eux « un exutoire » et « une soupape ».

M. le Médiateur de la République fait un signe d’approbation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Quant à notre collègue Jean-René Lecerf, rapporteur du projet de loi pénitentiaire, au nom de la commission des lois, il a constaté dans son rapport que « de l’avis des différents chefs d’établissements [qu’il a] rencontrés, la présence [des délégués] est un facteur d’apaisement en détention ». C’est pourquoi, sur son initiative, notre assemblée a consacré l’existence des délégués dans la loi pénitentiaire. Il faut s’en réjouir, car, je tiens à le rappeler de nouveau, la privation de liberté ne signifie pas la privation de l’accès au droit ; nous avions beaucoup insisté sur ce point lors de la discussion de ladite loi.

Aussi important soit-il, ce sujet est loin d’épuiser le champ de votre action. Parmi les nombreux thèmes abordés dans votre rapport, trois ont particulièrement retenu mon attention : le traitement du surendettement – un sujet qui n’est pas nouveau pour ce qui me concerne –, les expertises médicales judiciaires et le problème de l’application de la loi.

En outre, vous avez évoqué tout à l'heure la problématique des enfants sans vie, posant même des questions sous-jacentes. Certes, le problème est complexe, mais il faudra effectivement trouver une solution, car, vous avez raison de le dire, on ne peut rester sans solution légale.

À propos du traitement du surendettement, vous avez formulé plusieurs propositions de réforme, poursuivant ainsi votre engagement dans la lutte contre le « malendettement ».

J’en ai relevé une qui me paraît essentielle, à savoir l’amélioration du fonctionnement du Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP.

Rappelons que ce fichier, mieux connu sous le nom de « fichiers des surendettés », ne doit pas être confondu avec le fichier des interdits bancaires géré par la Banque de France, ce qui est souvent le cas.

Vous avez souligné, monsieur le Médiateur de la République, que l’extinction de l’action en recouvrement des sommes dues doit conduire à la radiation de ce fichier.

D’une manière générale, la commission des lois, à laquelle appartient M. Alex Türk, président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, est très attentive au traitement des données à caractère personnel et au traçage des individus ; j’en veux pour preuve la constitution récente d’un groupe de travail sur ce thème, animé par nos collègues Mme Anne-Marie Escoffier et M. Yves Détraigne.

Si l’intérêt du fichier des surendettés n’est pas en soi contestable – protéger les personnes, en évitant l’accumulation d’emprunts bancaires –, il faut rappeler que toute inscription non justifiée de personnes dans ces fichiers peut conduire à des situations particulièrement difficiles, telles que le refus d’ouverture d’un compte ou le refus d’octroi d’un crédit.

Or il semble que la CNIL soit régulièrement saisie de réclamations concernant des inscriptions à tort ou des « défichages » tardifs, alors que les personnes concernées ont régularisé leur situation.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je rappelle d’ailleurs que ce sont ces mêmes problèmes de mise à jour ou d’inscription erronée qu’ont relevés votre institution et la CNIL à propos des fichiers STIC et JUDEX.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République

Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ces fichiers, qui recensent les infractions constatées respectivement par la police et la gendarmerie, peuvent être consultés dans le cadre d’une enquête préalable à une décision administrative en vue de l’accès à certains emplois, notamment dans les secteurs de la sécurité et de la défense. Or de nombreuses personnes restaient inscrites à ce fichier, alors même qu’elles avaient fait l’objet d’un acquittement ou d’un non-lieu.

C’est pourquoi vous avez opportunément proposé, voilà deux ans, une amélioration des conditions de transmission des suites judiciaires par les parquets et la mise en place de garanties pour les citoyens susceptibles de faire l’objet d’une enquête administrative donnant lieu à la consultation des fichiers STIC et JUDEX.

Par ailleurs, vous préconisez dans votre rapport une réforme des expertises médicales judiciaires et vous suggérez, notamment, que « pour renforcer l’indépendance et la fiabilité des expertises, l’expert déclare systématiquement au juge et aux parties l’absence de conflit d’intérêts risquant de porter atteinte à l’impartialité de ses analyses ».

Je note que cette question – essentielle pour garantir le droit à un procès équitable, exigence de la Convention européenne des droits de l’homme – rejoint les préconisations du rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’affaire dite « d’Outreau », qui soulignait que l’engagement d’un expert dans des activités associatives était susceptible de créer un conflit d’intérêts avec l’affaire dans laquelle il est commis, et donc de mettre à mal son impartialité. On ne peut pas mieux dire !

C’est pourquoi la commission d’enquête avait opportunément repris la préconisation figurant dans le rapport Viout d’instaurer « une obligation de déclaration d’appartenance à une association […] lorsque les faits portent sur des faits pour lesquels cette association peut se constituer partie civile ».

Cette année encore, vous appelez l’attention des pouvoirs publics sur certains problèmes en matière d’application des lois votées. Vous soulignez que « la vie politique ne saurait se contenter de voter des lois en négligeant leur mise en œuvre ».

Prenant l’exemple de la loi réformant la protection juridique des majeurs, pleinement applicable depuis le 1er janvier 2009, vous notez que les départements et les parquets y sont peu préparés et que la réforme risque ainsi de connaître de grandes difficultés d’application.

Ces informations nous intéressent au plus haut point car, comme vous le savez, le Sénat est particulièrement attentif à la mise en vigueur des lois. Chaque année, le bilan du contrôle de l’application des lois par toutes les commissions est présenté à la conférence des présidents, ce qui permet au ministre chargé des relations avec le Parlement de relayer auprès de ses collègues les observations formulées par les commissions.

Concernant les tutelles, il va falloir réagir rapidement, car la situation est inadmissible. Même si la loi existe, des personnes seront confrontées à un vide juridique dans certains cas particuliers.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République

Effectivement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Au-delà, le Sénat entend exercer pleinement sa mission d’évaluation des politiques publiques, désormais consacrée par l’article 24 de la Constitution depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, en particulier dans le cadre de la semaine sénatoriale de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques.

Je souhaiterais conclure mon propos en évoquant l’avenir de l’institution.

Vous le rappelez dans votre rapport, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a créé un nouvel article 71–1 instituant un Défenseur des droits, terme bien français, contrairement à d’autres.

Notre assemblée a apporté cinq modifications importantes à la rédaction initialement proposée par le Gouvernement.

Elle a tout d’abord retenu le nom de « Défenseur des droits » au lieu de « Défenseur des droits des citoyens », afin de marquer que cette nouvelle autorité devra être accessible non seulement à ces derniers, mais aussi à toute personne mineure et aux ressortissants étrangers établis en France, en situation régulière ou non.

Elle a ensuite ouvert la possibilité de regrouper en son sein des autorités administratives indépendantes compétentes à l’égard non seulement du service public, mais aussi du secteur privé.

Elle a permis au Défenseur des droits de se saisir d’office et a prévu qu’il pourrait être assisté par un collège pour l’exercice de certaines de ses attributions, afin de renforcer les garanties d’indépendance et de compétence offertes aux personnes qui le saisissent.

Enfin, elle a précisé que le Défenseur devrait rendre compte de son activité au Président de la République et au Parlement, une tâche que vous remplissez déjà, monsieur le Médiateur de la République.

Nous attendons donc le dépôt par le Gouvernement du projet de loi organique qui définira le statut et les fonctions de ce Défenseur, sachant qu’il est aujourd’hui établi qu’il reprendra, en les étendant, vos attributions et qu’il pourra être saisi directement par toute personne. Ce dernier point mérite d’être salué. En effet, la commission des lois du Sénat militait depuis de nombreuses années pour une saisine directe de votre institution, autrement dit pour la suppression du filtre parlementaire obligatoire.

En conclusion, monsieur le Médiateur de la République, votre mission paraît plus que jamais essentielle dans notre société, qui aspire à un droit accessible et à une administration respectueuse des droits fondamentaux. Je ne parle pas seulement de l’administration d’État ; nous devons aussi être vigilants à l’égard des collectivités locales, …

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… car les régions, les départements et les communes doivent également respecter le droit.

Soyez assuré, monsieur le Médiateur de la République, du soutien et de l’attention que le Sénat tout entier, en particulier la commission des lois et celle des affaires sociales, porte à votre action.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Huissiers, veuillez reconduire M. le Médiateur de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 24 de Mme Michèle André à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur la politique de lutte contre les violences faites aux femmes.

Cette question est ainsi libellée :

Mme Michèle André demande à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville de lui préciser les grandes orientations retenues par le Gouvernement dans la conduite de sa politique de lutte contre les violences faites aux femmes, déclarée grande cause nationale pour 2009.

Elle lui demande également dans quel délai le Gouvernement transmettra au Parlement, comme le lui en fait l’obligation l’article 13 de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, le rapport portant sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein du couple.

La parole est à Mme la présidente de la délégation, auteur de la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Madame la secrétaire d’État, avant d’aborder ce débat, je souhaite revenir sur l’interruption volontaire de grossesse d’une fillette victime d’un inceste au Brésil et sur la sanction féroce de l’église catholique, alors même que l’IVG est autorisée dans ce pays. Après la polémique sur les méthodes de contraception et la façon dont elles ont été mises en exergue, et à quelques jours de la conférence « Durban II » sur le racisme prévue à Genève, qui semble promouvoir des thèses sexistes, manifester une véritable hostilité à l’égard des droits des femmes et contester leur émancipation, notre débat sur la politique de lutte contre les violences faites aux femmes s’inscrit dans un contexte international où la dignité des femmes et la dynamique évolution de leurs droits rencontrent quelques « ratés ». Nous devons donc veiller à ce qui se passe à l’extérieur de nos frontières.

J’en viens au sujet qui nous occupe.

Nous avions légiféré, il y a trois ans, sur les violences familiales en adoptant la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, sur laquelle je souhaite apporter un éclairage et vous poser quelques questions, madame la secrétaire d'État.

Premièrement, cette loi est née d’une initiative parlementaire, sénatoriale, et a recueilli l’unanimité des suffrages au Sénat, comme à l’Assemblée nationale.

La « paternité » directe de cette loi revient, en grande partie, à notre collègue Roland Courteau, et je tiens ici à lui rendre publiquement hommage. Par la force et la profonde humanité de ses arguments, il avait convaincu ses collègues du groupe socialiste de se joindre à lui pour signer un texte que je qualifierai volontiers de « proposition de loi-programme ». En effet, non seulement cette proposition ciblait, de façon large et réaliste, les violences « au sein du couple », en dépassant la notion de violences conjugales stricto sensu, mais aussi et surtout elle prévoyait de traiter toutes les composantes du problème : la prévention, l’aide aux victimes et, bien entendu, la sanction.

Dans le même sens, notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres de son groupe avaient signé une proposition de loi qui avait notamment le mérite d’insister sur la nécessité de former tous les acteurs sociaux, médicaux et judiciaires – cela reste d’une très grande actualité – à la problématique des violences conjugales.

N’oublions pas non plus que le thème des violences faites aux femmes avait, bien entendu, constamment imprégné les travaux de la délégation aux droits des femmes présidée alors par notre collège Gisèle Gautier, et que les premières avancées législatives sur l’éloignement du conjoint violent ont été suscitées par les analyses de la délégation sénatoriale au moment des débats relatifs à la réforme du divorce.

Deuxièmement, on ne dira jamais assez à quel point la loi que nous avons adoptée a levé un peu plus l’un des tabous majeurs de la société française. Madame la secrétaire d'État, vous vous inscrivez dans la longue lignée de toutes ces femmes membres du Gouvernement chargées du droit des femmes, et vous poursuivez ce que j’avais commencé lors de la première campagne de 1989, lorsque j’étais moi-même à votre poste ; nous entrions alors dans un débat qui allait au-delà de la vie privée, avec toutes les craintes que cela inspirait à l’époque.

Depuis lors, je le constate, toutes les femmes qui ont occupé vos fonctions ont eu à cœur d’avancer sur une problématique qui constituait, je le répète, l’un des tabous majeurs de la société française. La complaisance constatée çà et là en la matière était même un facteur culturel ! C’est dire si nous revenions de loin et c’est encore le cas aujourd’hui.

Chacun sait combien il est difficile de parler des violences familiales. Il faudra que les historiens – mais dans combien de temps ? – et les sociologues nous expliquent un jour pourquoi il aura fallu attendre 2006 pour débattre de ce thème au sein des assemblées parlementaires d’un pays comme la France ! Comment expliquer ce silence législatif ? Nous avons pourtant toujours su combien étaient nombreux ces enfants et ces adultes à jamais traumatisés dans l’intimité du cadre familial. Tous, en effet, nous connaissions des victimes, des témoins et même des agresseurs, qui étaient, pour certains, rongés par le remords et, pour d’autres, dans le déni.

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous avons rendu un très grand service à notre pays en faisant en sorte que la loi reconnaisse enfin les violences familiales, car il était important de pouvoir identifier ce problème.

L’impulsion législative était ainsi donnée, même si nous regrettions à l’époque qu’elle ne fût pas complète, car seul l’aspect pénal avait été pris en compte. Mais nous savons bien qu’il ne suffit pas de légiférer, même à l’unanimité – ce qui, convenons-en, est rare –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

…pour surmonter les blocages de notre société !

Dès lors, deux séries de motifs conduisent les parlementaires de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes à interroger le Gouvernement sur la mise en œuvre de ce texte.

Tout d’abord, sur le plan juridique, on peut formuler deux observations qui amènent une première interrogation.

L’article 13 de la loi du 4 avril 2006 précise : « Le Gouvernement dépose, tous les deux ans, sur le bureau des assemblées parlementaires, un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples, portant notamment sur les conditions d’accueil, de soin et d’hébergement des victimes, leur réinsertion sociale, les modalités de la prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique des auteurs des faits ainsi que le nombre, la durée et le fondement juridique des mesures judiciaires tendant à leur ordonner de résider hors du domicile ou de la résidence du couple. ».

Comme vous pouvez le constater, il s’agit non pas d’alimenter la profusion d’écrits administratifs – lesquels restent très précieux lorsque nous avons besoin de références –, mais, conformément à l’esprit de nos institutions, de vérifier l’impact sur le terrain du dispositif que nous avons voté. C’est un exercice difficile que celui qui a été demandé au Gouvernement, je le sais, et l’on peut donc se réjouir que ce rapport ait finalement été publié avant-hier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Si nous ne l’avons pas, il doit maintenant être à notre disposition.

Mes chers collègues, j’y vois là une première illustration de l’efficacité de nos séances de contrôle du Gouvernement !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Quand aura lieu le prochain rendez-vous, madame la secrétaire d'État ? En 2010 ou en 2011 ? Le compteur repart-il à dater d’aujourd'hui ?

En complément de cette remarque, j’observe, plus globalement, que la loi du 4 avril 2006, bien loin de rejoindre l’assortiment déjà trop vaste de textes peu ou pas du tout appliqués, a enclenché une véritable dynamique. Deux indices en témoignent.

D’abord, du point de vue législatif, un an après le vote de cette loi du 4 avril 2006, une avancée complémentaire, également suggérée dans la proposition de loi de Roland Courteau, a été apportée par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

Elle concerne le suivi socio-judicaire des auteurs de violences familiales élargi par l’article 222-48-1 du code pénal pour permettre au juge d’obliger à s’y soumettre non seulement le conjoint ou le concubin de la victime, ou le partenaire lié – lié ou non ; le médiateur vient de nous inciter à réfléchir sur le sujet – à celle-ci par un pacte civil de solidarité, mais aussi l’ancien conjoint, l’ancien concubin ou l’ancien partenaire lié à la victime par un PACS ainsi que, lorsque l’agression concerne un mineur de quinze ans, l’ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou toute autre personne ayant autorité sur la victime.

Corrélativement, il semble bien qu’aujourd’hui tous les magistrats – certains savaient déjà faire face à ces problématiques, mais avec un dispositif différent – aient trouvé dans ce texte des outils préventifs et répressifs.

Faut-il aller plus loin dans le perfectionnement du code pénal ? Le Gouvernement estime-t-il pertinent aujourd’hui, notamment sur la base de la pratique judiciaire qui a suivi l’adoption de cette loi, d’introduire une incrimination spécifique des violences habituelles, physiques ou psychologiques au sein du couple ? C’est la question de principe que nous vous posons, madame la secrétaire d’État. Il y a eu un long débat sur cette question !

Voilà trois ans, cette incrimination que nous préconisions dans notre proposition de loi avait suscité des objections. Ainsi, dans le rapport n° 228 de M. Henri de Richemont, établi au nom de la commission des lois, à laquelle j’appartenais à l’époque, il est précisé que « les violences au sein du couple apparaissent presque toujours comme des violences habituelles. », ou encore que cette incrimination risquait de soulever de réelles difficultés, en particulier quant aux « imputations de causalité », entre le fait générateur et le préjudice.

Les esprits ont-ils évolué sur ce point ? Je rappelle qu’un tel dispositif existe en Espagne. En France, la notion de violences habituelles figure d’ores et déjà dans le code pénal pour protéger les mineurs de quinze ans, sans que ce texte ait suscité, semble-t-il, des difficultés d’application insurmontables.

L’essentiel est de rappeler ici que certaines agressions légères et isolées sont difficilement punissables. Accepterons-nous de reconnaître et d’inscrire dans la loi que leur répétition peut, à la longue, rendre la vie de couple insupportable ?

Le Gouvernement peut-il nous faire part des réflexions du groupe de travail interministériel qui, si nous nous référons aux travaux actuels de l’Assemblée nationale, semble avoir été constitué sur ce thème le 2 juillet 2008 ?

J’en viens à des aspects plus pragmatiques, mais qui ont tout autant d’importance à nos yeux, sinon plus.

S’agissant tout d’abord de la mesure des phénomènes, madame la secrétaire d'État, n’ayons pas peur pour l’instant des chiffres qui explosent. L’effort de dénombrement des violences familiales est naturellement le bienvenu. Toutefois, pour nous, élus de terrain, je signale que l’embarras de l’Observatoire national de la délinquance pour interpréter la croissance verticale des violences faites aux femmes en 2007 – 47 500, soit 30 % de plus qu’en 2004 – a une dimension quelque peu irréelle.

En effet, à de très nombreuses reprises, la délégation a relayé les témoignages relatifs à la difficulté de faire enregistrer une plainte par la gendarmerie ou la police. Soyons réalistes ! Ce sont non pas les violences familiales qui ont augmenté de 30 %, du moins je l’espère, mais les faits enregistrés par la police ou la gendarmerie.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous le savons bien – peut-être mes collègues reviendront-ils sur ce point –, certains agents de la police et de la gendarmerie n’acceptent pas, parfois, de prendre en compte ces faits. C’est pourquoi des plaignants se retournent vers leurs parlementaires pour leur demander d’être attentifs à cet aspect des choses. Félicitons-nous, malgré tout, de l’amélioration de l’écoute des victimes, qui est certainement en corrélation étroite avec les actions de sensibilisation des personnels.

Le Gouvernement peut-il solennellement s’engager à poursuivre les efforts dans ce sens, en évitant le piège qui consisterait à craindre de « mauvais » chiffres, alors que ceux-ci confirment de façon très positive la levée d’un tabou ?

De façon plus précise, j’insisterai sur quatre points.

Nous avons bien noté que le Gouvernement avait attribué à l’élimination des violences faites aux femmes le label « Campagne d’intérêt général » pour l’année 2009 et prévu une reconnaissance de celle-ci comme « grande cause nationale » en 2010.

Ces initiatives médiatiques améliorent la prise de conscience de l’opinion et sont indispensables. Nous serons attentifs aux moyens financiers que vous leur consacrerez pour appuyer l’action des associations. Leur mobilisation est indispensable en ce domaine, mais ce n’est pas avec leurs seuls moyens, pauvres parfois, qu’elles peuvent agir !

Notre devoir consiste aussi à attirer l’attention sur le silence des femmes qui se trouvent dans les situations les plus tragiques.

Je souhaite revenir sur une demande que j’avais déjà formulée en séance à l’occasion de la discussion du texte qui allait devenir la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile ; je veux parler du renouvellement des titres de séjour des femmes étrangères victimes de violences conjugales.

M. Brice Hortefeux, alors en charge de l’immigration, m’avait indiqué en séance les raisons pour lesquelles le Gouvernement refusait d’introduire dans la loi l’automaticité de ce renouvellement pour les victimes de violences. Mais il s’était engagé – le compte rendu de nos débats du 4 octobre 2007 en atteste – à donner des instructions aux préfets, non par voie orale, mais par circulaire, afin que ces derniers prennent en considération cette demande, qui était soutenue par nombre d’entre nous. Madame la secrétaire d'État, où en est, à votre connaissance, le processus d’élaboration de ces instructions ?

Pour faciliter la prise en charge des victimes, vous prévoyez la mise en place de référents locaux qui ont vocation à suivre le parcours individualisé de la victime. Je m’interroge sur l’articulation de ce dispositif avec celui, très riche, des chargées de mission départementales et des déléguées régionales, d’autant que les services déconcentrés de votre ministère font actuellement l’objet d’une profonde réorganisation dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Même si cela n’a rien à voir avec ce sujet, je vous supplie, madame la secrétaire d'État, de veiller à ce que vos services ne soient pas répartis dans des secteurs où ils seraient moins facilement à votre disposition pour mener vos politiques. Il y va de l’efficacité de toutes les femmes dans ce domaine !

Enfin, j’insisterai sur les questions d’hébergement et de réinsertion des femmes victimes de violences. Le Gouvernement a annoncé, à cet égard, une expérimentation tendant à développer les familles d’accueil et à rendre les victimes prioritaires pour l’accès au logement. Qu’en est-il, sur le terrain, des réalisations concrètes de ce programme ?

À propos de ces questions d’hébergement, je tiens très solennellement à réaffirmer que, contrairement à ce qui se produit encore parfois, et l’on peut comprendre pourquoi, le principe de base est celui de l’éviction de l’agresseur, et non de la victime, du domicile du couple.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Quant aux mesures de réinsertion des victimes, je souligne d’abord qu’elles sont essentielles, car c’est la dépendance économique des femmes qui explique bien souvent leur silence à l’égard des violences, donc le temps important qui s’écoule entre le moment où elles disent subir des violences et celui où elles acceptent de quitter leur domicile avec la certitude qu’elles seront, elles et leurs enfants, souvent, sorties d’affaire.

Je rappelle ensuite, sur la base de l’une des suggestions de notre collègue Roland Courteau dans la proposition de loi initiale, qu’un certain nombre d’emplois relevant du secteur public pourraient être attribués à des personnes victimes de violences conjugales. C’est une mesure importante dont la mise en œuvre s’avérerait utile à ces femmes pour la reconquête de leur propre image. Elle permettrait aussi d’améliorer les conditions d’accueil dans des services qui en ont besoin.

L’aide aux victimes est une nécessité, mais nous devons également prévenir les violences conjugales et combattre énergiquement la récidive. Cela suppose de s’intéresser aussi aux auteurs de violences.

En octobre 2007, le Dr Roland Coutanceau a remis au Gouvernement un rapport dans lequel il insiste sur la notion de récidive chez les hommes violents et constate un véritable « phénomène d’addiction » aux violences conjugales. Pour sortir de ce cercle infernal, il préconise très clairement le développement de la prise en charge thérapeutique des agresseurs, dont l’efficacité est prouvée, et l’envoi systématique aux prévenus d’une convocation pour se présenter auprès d’une structure médicosociale.

Les lois du 5 mars 2007 et du 10 août 2007 ont instauré une injonction de soins pour les auteurs de violences. Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous tracer un bilan de ce qui est réalisé dans ce domaine et des perspectives que vous nous proposez ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, voici les quelques pistes que je souhaitais aborder pour lancer ce débat.

En tant qu’élus, nous sommes tous sollicités à l’occasion de drames familiaux. Il est essentiel que, chacun à notre niveau, nous apportions, au-delà du réconfort moral et humain, les réponses et les solutions les plus efficaces à nos concitoyennes et à nos concitoyens qui perdent pied face aux difficultés les plus cruciales de leur existence.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Kammermann

Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, les femmes peuvent subir différents types d’atteintes et de violences dans leur vie : dans les espaces publics, au travail, mais aussi dans leur couple. Je souhaite évoquer plus particulièrement ce phénomène de la violence domestique, qui demeure largement méconnu et atteint les femmes de tous les milieux.

Une femme sur dix est victime de violences conjugales, et une femme en meurt tous les trois jours. Un phénomène de cette ampleur et de cette gravité déborde largement la sphère privée et nécessite des réponses appropriées de la société.

La violence au sein du couple n’a un statut particulier que depuis la loi du 22 juillet 1992. Sous l’impulsion de l’Union européenne, les États membres ont été incités à mieux prévenir et traiter le problème.

La loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes a permis de mieux organiser l’accueil des victimes et le traitement spécifique des violences faites aux femmes. Depuis 2004, une série de lois a développé et précisé ce dispositif, en s’attachant en particulier à mieux protéger le conjoint.

La possibilité d’évincer du domicile le conjoint violent a été introduite en 2005, cette éviction permettant d’inverser le rapport de force entre les époux et de mieux prendre en compte les intérêts des enfants.

La loi du 4 avril 2006, surtout, qui avait pour origine deux propositions de loi sénatoriales, a apporté des avancées majeures en matière de prévention et de répression des violences au sein du couple. Cette loi a d’ailleurs été adoptée à l’unanimité, ce qui montre qu’il n’existe pas de clivage politique sur un sujet aussi sensible, qui touche à notre conception des rapports entre les êtres humains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Kammermann

Elle a notamment introduit une circonstance aggravante pour le meurtre commis par le conjoint. Celle-ci a été étendue aux ex-conjoints, ex-concubins ou ex-pacsés, car 31 % des cas de décès surviennent au moment de la rupture du couple ou après celle-ci. Le viol entre époux, qui n’était reconnu que par la jurisprudence, a fait l’objet d’une loi. Notre droit a ainsi rompu avec un non-dit de notre société, imprégnée de l’idée du « devoir conjugal ».

Il y eut encore la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

Nous disposons donc d’un dispositif juridique solide. En outre, un second plan triennal particulièrement ambitieux, dont la mise en œuvre a débuté en 2008, est articulé autour de quatre axes prioritaires : mesurer, prévenir, coordonner et protéger.

Le Gouvernement a déposé cette semaine un rapport très complet qui fait le point sur les résultats de la politique nationale menée dans le domaine des violences au sein du couple. Nous vous écouterons attentivement les décrire tout à l’heure, madame le secrétaire d’État.

Je souhaiterais par ailleurs vous poser plusieurs questions.

Tout d’abord, l’une des dispositions principales du plan triennal vise, me semble-t-il, à mieux quantifier les actes de violence commis à l’encontre des femmes. Les données issues du casier judiciaire donnent une mesure objective, mais elles sont sans doute très en deçà de la réalité, compte tenu de la réticence des victimes à porter plainte. Il faut les compléter par d’autres éléments d’information. Je voudrais connaître les mesures que vous envisagez de prendre dans ce domaine.

À cet égard, je tiens à le souligner, le Conseil économique et social a émis le souhait que soit de nouveau employée la méthodologie de la première enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, qui prévoit une interrogation anonyme et un questionnaire ouvert. Cette enquête pourrait être étendue aux collectivités territoriales d’outre-mer, qui n’avaient pas été prises en compte.

Un rapport d’information déposé par le député Guy Geoffroy en décembre 2007 a posé la question de la disparité des politiques pénales menées par les parquets. Il est en effet anormal qu’il existe, d’un tribunal à un autre, des différences dans la réponse pénale apportée à des faits de violence similaires. Il était prévu qu’en 2008 un guide de l’action publique en matière de violences conjugales adresse un message de grande fermeté pour mettre fin à cette disparité. Pouvez-vous nous préciser si la situation a évolué depuis ?

Je souhaiterais également évoquer le problème de l’hébergement des femmes victimes, car il semble qu’il soit nécessaire d’améliorer le dispositif existant. L’insuffisance des structures d’accueil et d’hébergement a été soulignée par les inspections générales dans un rapport d’évaluation du plan global 2005-2007 de lutte contre les violences faites aux femmes. Je voudrais savoir si l’idée de recourir à des familles d’accueil, qui avait été retenue à titre expérimental, a progressé.

Enfin, les actions de prévention doivent viser plus particulièrement la jeunesse. L’image de la femme est malmenée et de tristes faits divers, tel le phénomène des viols collectifs – les « tournantes » –, sont révélateurs d’un total manque de respect de certains jeunes, qui ne perçoivent souvent même pas la gravité de leurs actes.

Ce n’est qu’en faisant évoluer les mentalités que nous aiderons les femmes victimes à briser le silence dans lequel la peur les enferme et que nous pourrons faire reculer le fléau de la violence.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question des violences faites aux femmes, qui nous réunit aujourd’hui, dépasse les clivages politiques, sociaux, culturels et économiques : elle est malheureusement universelle et touche les femmes, les hommes et les enfants.

Fort heureusement, elle a trouvé une première réponse législative grâce à l’adoption, en 2006, de la loi « Courteau ». Permettez-moi, avant de développer mon argumentation, de saisir l’occasion pour rendre hommage à la pugnacité de notre collègue, éminent défenseur des droits des femmes, auquel nous devons cette loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Cette loi a marqué, en effet, le début d’une prise de conscience collective de ce fléau, non seulement par les pouvoirs publics, mais également par l’ensemble de la société, et d’une volonté d’agir pour prendre en charge les victimes de manière transversale.

Elle a permis de briser le tabou social reposant sur la loi du silence, liée à la fois à un fort sentiment de culpabilité des victimes et à une indifférence des pouvoirs publics, trop longtemps sourds aux revendications du milieu associatif. Elle a surtout libéré la parole des victimes et prévu des sanctions contre les agresseurs.

On peut se réjouir du chemin parcouru. Cette loi participe d’un bouleversement profond de la société française, qui repose sur la lutte contre le sexisme et toute forme de discrimination liée au genre. Elle a plus prosaïquement permis de soustraire les victimes à leurs agresseurs, d’instituer des mesures de protection d’urgence et de prise en charge par des professionnels au travers d’un dispositif à trois niveaux : l’information, la répression et l’aide aux victimes.

Elle s’inscrit dans la droite ligne de la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse, de la loi Neuwirth sur la contraception et de la mise en place du planning familial. Pour autant, le combat contre les violences faites aux femmes est loin d’être gagné.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Nous avons sans doute parcouru la moitié du chemin ; les enjeux sont terribles, puisque trop souvent, hélas ! il est question de vie ou de mort. Sous cet éclairage, la question posée par Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes est pleinement justifiée et la réponse que vous y apporterez, madame la secrétaire d’État, sera déterminante pour l’avenir.

En effet, il a été démontré que 40 % des adolescents violents ont assisté à des violences parentales et que 30 % des enfants violents ont eux-mêmes été victimes de violences. Il y a encore à peine quelques années, ces statistiques n’existaient même pas en France. Pour avancer, nous devons nous inspirer d’exemples étrangers réussis, comme celui de l’Espagne, qui a voté des mesures législatives plus complètes en 2004.

La mise en place d’outils de mesure pertinents et de lieux d’écoute et de conseils aux victimes a conduit à enregistrer, depuis 2004, une hausse de 30 % des plaintes pour faits de violence. Loin de me réjouir d’un tel chiffre, je me contenterai de l’interpréter comme la démonstration de l’efficacité de la loi. Les outils de mesure étant relativement récents, cette évolution semble plutôt apporter la preuve que les victimes dépassent leur peur de témoigner et s’approprient les moyens mis à leur disposition par le législateur.

Tel est le cas dans le département de la Haute-Garonne : le Centre d’information sur les droits des femmes a reçu 3 765 personnes ; 439 demandes étaient liées à la question des violences conjugales et 151 d’entre elles ont débouché, en 2008, sur des consultations juridiques, contre 104 en 2007.

Le témoignage de ces femmes reflète une réalité cruelle. C’est d’ailleurs ce qui motive mon intervention devant vous aujourd’hui. En effet, la violence conjugale physique et psychologique a des retombées désastreuses sur tous les aspects de la vie quotidienne des victimes, que ce soit en matière de santé, d’emploi, de vie sociale, de logement, ou encore d’autonomie financière.

Je n’évoquerai pas plus longuement des sujets pourtant importants, comme la procédure de divorce par consentement mutuel, qui fragilise les femmes victimes de violences, ou encore les circonstances aggravantes, au sujet desquelles un effort de prévention et de transversalité devrait être fait ; je pense, en particulier, aux addictions, notamment à l’alcoolisme.

En revanche, dans une logique pragmatique, je ferai miennes les propositions des principales associations, afin qu’une loi-cadre vienne compléter le dispositif existant et permette à la France de rattraper son retard. C’est le travail accompli sur le terrain par les professionnels et les bénévoles qui doit nous inspirer.

Parmi les principales préconisations, je retiens en particulier les éléments suivants : favoriser un accès au logement prioritaire pour les femmes avec enfants et augmenter le nombre de centres d’hébergement d’urgence ; informer et mettre à l’abri les victimes en temps réel, avant même l’aboutissement des procédures devant le juge aux affaires familiales ; généraliser la formation des personnels qui recueillent la parole des victimes, que ce soit dans les commissariats, les gendarmeries ou encore à l’École nationale de la magistrature ; instaurer un suivi psychologique gratuit pour les victimes et les enfants ; sensibiliser davantage les élèves des collèges et lycées ; renforcer la protection de l’enfant en instaurant un principe de précaution, notamment concernant l’autorité parentale, en introduisant dans le code civil des mesures temporaires d’éloignement de l’agresseur et de restriction de ses droits, en assurant la confidentialité du nouveau lieu de résidence et en suspendant le droit de visite.

Enfin – et je termine là cette énumération laborieuse, mais non exhaustive – il conviendrait de compléter l’arsenal législatif en introduisant dans le code civil le délit de violence conjugal ; cela me paraît indispensable.

Permettez-moi, madame la secrétaire d’État, d’insister sur deux pistes qui me tiennent à cœur.

Il faudrait favoriser la reconnaissance juridique des violences conjugales psychologiques répétées avant qu’elles dégénèrent en violences physiques, et participer ainsi à la prise de conscience des victimes elles-mêmes, notamment grâce à des campagnes nationales d’information du grand public. La reconnaissance de la violence faite aux femmes comme cause nationale devrait vous donner l’occasion de le faire

L’autre mesure incontournable à mes yeux est de rendre possible rapidement la suspension provisoire de la communauté de biens, que ce soit pour les comptes bancaires, l’obtention de crédits, ou encore le logement ; je pense en particulier à une inscription sur les baux locatifs des conjoints.

Après l’amélioration des principes par le biais d’initiatives législatives consensuelles se pose la question des moyens mis en œuvre pour les appliquer.

À ce propos, je tiens à vous faire part de mon inquiétude, madame la secrétaire d’État, sur les difficultés rencontrées par certains centres d’information sur les droits des femmes. Leur financement connaît des dysfonctionnements. Il semblerait en effet que, depuis 2008, le champ d’application « violences faites aux femmes » ne soit plus inscrit dans les priorités de certains services de la direction des affaires sanitaires et sociales, la DASS, lesquels, de ce fait, réduisent considérablement les subventions dédiées à ces actions. Le Conseil national s’en est d’ailleurs ému dans un courrier qui vous a été adressé. Je serai attentive à votre réponse sur ce point.

Concernant le référent unique, mis en avant dans le plan triennal 2008-2010, je souligne que près d’un tiers des départements attendent encore l’appel d’offres de la préfecture pour son lancement. Il faut dire que les professionnels de l’accompagnement aux victimes de violences conjugales soulignent le caractère stigmatisant d’un tel guichet unique, surtout en zone rurale. Mais je crois que vous avez déjà pris acte de leurs remarques.

Telles sont les éléments sur lesquels je voulais attirer votre attention, madame la secrétaire d’État. En tant que membre de la délégation aux droits des femmes, je ne manquerai pas de faire pression auprès de vous pour les inscrire dans la loi !

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, le phénomène des violences faites aux femmes est d’une ampleur et d’une gravité considérables, qu’il s’agisse des violences commises en milieu professionnel ou des violences au sein du couple. Ces dernières constituent un phénomène massif qui touche un nombre important de femmes de tous âges, de tous milieux et de toutes origines. Ce mal fut trop longtemps considéré comme un tabou, appartenant à la sphère privée et relégué au rang de simple dispute de ménage.

Quand une femme sur dix est victime de violences, quand une femme décède tous les deux jours et demi sous les coups de son partenaire, quand plusieurs milliers de femmes sont victimes de viol, quand plusieurs dizaines de milliers de femmes sont victimes de mariages forcés, s’agit-il de simples problèmes d’ordre privé ou d’un grave problème de société ?

C’est pour lutter contre un tel fléau que j’avais effectivement déposé, en novembre 2004, une proposition de loi, avec le soutien du groupe socialiste, des Verts et, plus particulièrement, de Michèle André, ancienne secrétaire d’État chargée des droits des femmes.

Il s’agissait pour nous, au départ, d’une proposition de loi-cadre, mais, dans le contexte politique du moment, j’ai vite compris qu’il valait mieux adopter la stratégie des petits pas, plutôt que celle du « tout ou rien ».

Comme a bien voulu le rappeler Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes, notre proposition de loi fut ensuite, conjointement à celle qui avait été déposée par le groupe CRC, inscrite à l’ordre du jour des travaux du Sénat, et adoptée après modifications à l’unanimité par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale. Enfin, la loi fut promulguée : il s’agit de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.

Les associations, unanimes, ont considéré que cette loi avait représenté une grande avancée et même un pas sans précédent. C’était en tout cas, faut-il le rappeler, la première fois que le Parlement acceptait de légiférer sur un tel sujet. Dès lors, et puisque la mémoire est parfois fragile, j’en rappellerai les grands axes.

D’abord, cette loi a modifié le code civil sur l’âge légal du mariage des femmes, fixé à dix-huit ans. Nous avons en effet considéré qu’à l’âge de dix-huit ans une jeune fille était mieux à même de résister aux pressions familiales, dans le cas d’un mariage forcé, qu’à celui de quinze ans.

Ensuite, la loi a introduit le mot « respect » dans l’article 212 du même code : les époux se doivent « respect, fidélité, secours, assistance. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Le texte comporte aussi des mesures spécifiques permettant de lutter contre les mariages forcés : aggravation des peines pour les faits commis au sein du couple ; possibilité donnée aux magistrats d’éloigner l’auteur des violences du domicile ; incrimination du viol au sein du couple ; accompagnement psychologique, sanitaire et social des auteurs de violences.

Cette loi comporte également des dispositions relatives aux mutilations sexuelles féminines et fait obligation au Gouvernement de déposer tous les deux ans sur le bureau des assemblées parlementaires un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples.

Concernant ce rapport, vous m’avez annoncé mardi dernier, madame la secrétaire d’État, qu’il serait mis en distribution le jour même, ce qui a été fait. Mais convenez qu’il était temps, puisque ce rapport aurait dû être déposé, comme l’a rappelé Michèle André, en avril 2008 ! Il serait d’ailleurs intéressant de savoir si le prochain rapport sera déposé en 2010 ou en 2011.

Debut de section - Permalien
Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Nous ferons une session de rattrapage !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

En fait, ce texte nous permet de mieux avancer dans la lutte contre un tel fléau. La loi peut, en effet, devancer les mentalités et en accélérer l’évolution. Mais, je le reconnais, elle n’est pas la seule réponse à apporter pour éradiquer les violences conjugales : elle doit être relayée par d’autres dynamiques pour faire changer certains schémas profondément ancrés dans les mentalités.

Cela étant, je constate que les choses évoluent. Je note que le taux de réponse pénale augmente, passant de 69 % en 2003 à près de 84 % en 2008. Je note également que la prise en charge des victimes s’est améliorée. Je note encore que, depuis les débats qui ont conduit à l’adoption de nos propositions de loi, les faits de violences sont mieux recensés. Souvenez-vous, je l’avais dénoncé ici même, en 2005 : on connaissait en France le nombre de portables dérobés, celui des taille-crayons fabriqués, mais on ignorait le nombre exact de femmes qui décédaient chaque année des suites de violences qu’elles avaient subies.

Je crois savoir que cela a été en partie corrigé. Toutefois, certaines associations, comme Femmes solidaires, regrettent qu’il n’existe pas, d’une façon générale, de données établies selon le sexe. On déplore notamment « un glissement sémantique tendant à englober toutes les violences dans le terme général de “violences intra-familiales” ».

Je me demande aussi pourquoi les suicides consécutifs aux violences conjugales ne sont pas comptabilisés, mais je mesure la difficulté de la chose. Cela dit, force est de constater que, depuis trois ans, le voile du silence s’est déchiré, la parole s’est libérée : les victimes osent enfin dénoncer et porter plainte.

Les plaintes ont ainsi augmenté de 31 % en trois ans sur le plan national et de plus de 58 % dans le département de l’Aude. Ne vous méprenez pas ! Les violences ne se sont pas multipliées dans l’Aude. Vous l’avez compris : il y a une meilleure prise de conscience collective, une meilleure information sur ce type de violences, une meilleure connaissance des droits et, surtout, un travail important de la part des associations spécialisées et de la mission départementale aux droits des femmes.

Bref, les violences sont de moins en moins cachées et le phénomène de moins en moins tabou, ce qui ne signifie pas que la partie est déjà gagnée, loin de là !

L’ampleur et la gravité de ce phénomène sont telles qu’il faut accroître encore l’effort de prévention. J’ai eu l’occasion de dire ici, à plusieurs reprises, que nous avions besoin, avant tout, de mettre en œuvre une prévention massive, celle-là même que nous avions prévue dans notre proposition de loi initiale, en 2004, et que le Sénat et le Gouvernement n’ont pas souhaité retenir soit au nom de la séparation de la loi et du règlement, soit en raison du manque de volonté de débloquer les financements nécessaires à la mise en œuvre d’un tel dispositif préventif.

Certes, je connais le deuxième plan global triennal 2008-2010 qui est actuellement engagé pour combattre les violences faites aux femmes. J’ai bien noté, parmi les douze objectifs fixés, ceux qui visent à « accroître l’effort de sensibilisation de la société pour mieux combattre et prévenir les violences ». Mais je ne saurais trop insister sur la nécessité de campagnes de sensibilisation plus nombreuses et plus régulières par voie d’affichage et de presse, mais aussi à la radio, à la télévision, au cinéma, sans oublier internet, contre toutes les formes de violences envers les femmes, tant au sein des couples que sur le lieu de travail.

Il faut également faire porter plus fortement l’effort de sensibilisation sur les jeunes. Romain Rolland le disait : tout commence sur les bancs de l’école !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Il avait cent fois raison ! Si nous voulons changer les mentalités, c’est par là qu’il faut commencer. Trop souvent, les jeunes garçons et les jeunes filles sont enfermés dans des représentations très stéréotypées de leur rôle et de leur place dans la société.

Je n’ignore pas que des instructions ont été données en 2006, qui mettent l’accent sur la prévention et la lutte contre les violences sexistes et sur la promotion du respect mutuel entre filles et garçons.

Je sais également qu’en 2005 les instances de l’Union européenne ont bien recommandé aux États membres de veiller à une éducation de base qui évite les schémas et les préjugés culturels et sociaux ou les images stéréotypées du rôle de chaque sexe.

J’avais suggéré fortement, avec mes collègues du groupe socialiste, dans notre proposition de loi initiale, l’introduction dans les programmes scolaires d’une information sur le respect mutuel entre garçons et filles, sur l’égalité entre les sexes, sur le respect des différences, sur le respect de l’intégrité physique, ainsi qu’une sensibilisation à la nécessité de résoudre les conflits d’une façon non violente.

Mais le Sénat, suivant, sur ce point également, l’avis du Gouvernement, n’avait pas retenu cette proposition, ce qui nous était apparu comme très regrettable à la lumière du climat de violence qui commençait déjà à s’étendre autour de certains établissements scolaires.

Pouvez-vous donc m’indiquer, madame la secrétaire d’État, quelles ont été, au cours des trois dernières années, les actions concrètes engagées dans ce domaine auprès des établissements scolaires ?

Je rappelle, en effet, que les différents ministres en charge du dossier des violences à l’égard des femmes avaient, ici même, pris des engagements pour justifier leur refus de voir nos amendements introduits dans la loi, prétextant que tous les outils se trouvaient déjà dans le code de l’éducation et qu’il n’y avait nul besoin d’en créer d’autres. Dès lors, puisque les outils sont censés exister, je souhaiterais connaître l’usage qui en a été fait. Quelles actions ont été engagées, en trois ans, en direction des écoles, et quel bilan peut-on en tirer aujourd’hui ?

Le problème est d’importance, car on assiste à un accroissement des comportements et des violences sexistes chez de nombreux adolescents.

Il m’a été également rapporté que le nombre d’adolescentes victimes d’agression sexuelles serait en augmentation.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Serait-ce dû au fait que, parfois, l’apprentissage de la sexualité chez certains adolescents se fait à partir d’internet ou de cassettes pornographiques qui évoquent l’usage consensuel de la violence dans les relations sexuelles, de même que la banalisation de celles-ci ?

Toujours en ce qui concerne la prévention, il est par ailleurs impératif de veiller à l’image de la femme dans les médias. Voilà pourquoi, à diverses reprises, ici même, j’ai rappelé qu’il fallait que, dans ce domaine, soit appliquée plus rigoureusement la loi de 1986. Cette loi, relative à la liberté de communication, dispose : « L’exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise [...] par le respect de la dignité de la personne humaine ».

Améliorons donc l’application de la loi, en faveur du respect de la personne humaine et contre les images choquantes, dévalorisantes et dégradantes de la femme.

Mais peut-être faut-il aller plus loin pour faire respecter les femmes et leur image, par le biais notamment de campagnes de sensibilisation grand public, et surtout par un réel contrôle qui ne se limite pas aux seules publicités télévisées.

Enfin, je note avec satisfaction l’annonce faite par le Premier ministre d’ouvrir la voie à la reconnaissance de la lutte contre les violences faites aux femmes comme grande cause nationale pour 2010.

Je souhaite également m’attarder quelques instants sur le problème des violences psychologiques. Je rappelle à cet égard que notre proposition de loi initiale les prenait bien en compte. Par ailleurs, un amendement concernant cette question a été rejeté par le Sénat, par 140 voix contre 138, si ma mémoire est bonne.

Trois ans après le rejet par le Sénat de cette disposition, la plupart des associations nous disent attendre que soit introduite dans le code pénal une définition des violences psychologiques. Les questions relatives au harcèlement ou aux comportements « persécutoires » sont au premier rang des préoccupations des associations, car celles-ci en mesurent chaque jour les effets désastreux.

Je n’en suis pas étonné ! Comme je l’ai tant de fois expliqué ici même, la violence psychologique est l’arme de l’agresseur habile. Elle détruit un être à petit feu, elle le conduit vers la dépression et sur des pentes extrêmement périlleuses pour sa santé et pour sa vie. Mais, le plus souvent, elle ne laisse pas de marques visibles. Pas de traces, donc pas de preuves !

J’ai trop entendu dire qu’il ne s’agirait pas là de véritables violences. Pourtant, comment qualifier autrement cet acharnement à détruire la personnalité de sa partenaire, à l’humilier, à la rabaisser, à la harceler, à la dénigrer, à la menacer, et cela de façon répétée, jour après jour, nuit après nuit, durant des mois voire des années ?

Il m’apparaît nécessaire, madame la secrétaire d’État, de faire en sorte que les violences psychologiques soient prises en compte au même titre que les violences habituelles, physiques. Peut-être pourrions-nous y parvenir en insistant sur la notion de « harcèlement » ou de « comportement persécutoire » : les preuves sont en effet plus faciles à réunir dans ces cas-là.

Je rappelle que nous avons déposé, en 2007, une proposition de loi dans laquelle nous suggérions d’insérer, après l’article 222-14-1 du code pénal, un article 222-14-2 visant les violences physiques et psychologiques habituelles – j’insiste sur ce dernier terme – commises au sein du couple, dès lors qu’elles portent atteinte à l’intégrité de la personne. Mais j’aurai sans doute l’occasion de revenir prochainement sur ce sujet.

Je souhaite également évoquer l’une des dispositions phares de la loi du 4 avril 2006, celle qui est relative à l’éloignement du domicile de l’auteur des violences. Comme votre rapport le précise, madame la secrétaire d’État, cette mesure permet d’inverser le rapport de force symbolique, car, trop souvent, la victime était obligée de quitter le domicile. Cependant, sauf erreur de ma part, cette disposition, impatiemment attendue par les associations et, plus largement, par l’ensemble des intervenants, est peu utilisée par les magistrats, car seulement un peu plus de 9 % des affaires donnent lieu au prononcé d’une mesure d’éloignement.

Quelles en sont les raisons ? Les places disponibles dans les structures de prise en charge ou dans les hébergements sont-elles insuffisantes pour accueillir les auteurs des faits ? S’agit-il d’un manque de ressources, ou encore de l’absence de familles d’accueil ? Je m’interroge sur l’effectivité de cette mesure et je sollicite des éléments de réponse de votre part, madame la secrétaire d’État.

Une autre question porte sur l’injonction de soins prévue pour les auteurs de violences conjugales : est-elle appliquée aussi souvent que nécessaire ? La prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique est une mesure importante pour lutter contre la récidive chez les auteurs de violences. Or je note que, sur le plan national, le taux de récidive est croissant. Je précise également que, dans mon département, les associations ont mis en place une permanence d’accueil pour les auteurs de violences et constitué des groupes de parole, en liaison avec la mission départementale.

La prévention de la récidive par l’injonction de soins à l’agresseur implique l’existence de lieux d’accueil, de structures de soins, d’intervenants qualifiés et donc de financements. On en revient toujours au problème récurrent du financement ! Je souhaiterais que vous m’éclairiez sur ce point, madame la secrétaire d’État : quels moyens entendez-vous y consacrer ?

Cela m’amène à revenir sur la réduction des crédits alloués par l’État à des associations comme le Planning familial, même s’il semble que ces crédits soient en voie d’être rétablis.

Debut de section - Permalien
Valérie Létard, secrétaire d'État

Plus que rétablis !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Vous conviendrez que ce n’était pas le meilleur endroit pour faire des économies !

Puisque j’en suis aux épineuses questions financières, je souhaite évoquer les difficultés rencontrées par les associations en matière d’hébergement des victimes. Les places manquent dans ce domaine, tout comme elles manquent en « accueil d’urgence de nuit ».

Nous ne pourrons appliquer correctement cette loi du 4 avril 2006, en matière d’éviction, d’obligation de soins, d’hébergement de l’agresseur et de protection des victimes que si des moyens sont corrélativement mis en place. À défaut, certaines mesures resteront lettre morte.

Pardonnez-moi de le dire ainsi, madame la secrétaire d’État, mais dès lors qu’il s’agit de solidarité nationale, la balle est dans votre camp.

On ne peut décemment laisser les associations, les salariés et les élus bénévoles, se débattre dans d’inextricables problèmes de financement, alors qu’elles s’efforcent de rendre effectif l’essentiel des mesures que nous avons décidées. Prenons garde qu’à trop tirer sur la corde elle ne finisse par casser…

Une autre question concerne la formation des différents intervenants, à commencer par celle des professionnels de santé, souvent en première ligne face aux violences physiques, sexuelles ou psychologiques. Ceux-ci considèrent que le dépistage ou le conseil aux victimes pour prévenir les drames humains n’est pas chose aisée et se disent pris entre le devoir de protection de la santé de leurs patientes et les impératifs du secret professionnel.

Ils leur arrivent même, parfois, de solliciter les associations. Or, dans l’hypothèse de poursuites, la rédaction d’un certificat médical et l’évaluation de l’incapacité temporaire de travail, l’ITT, sont essentielles, d’où la nécessité d’une formation et d’une information approfondies des professionnels de santé.

En fait, sur ce sujet, de nombreux intervenants ont un rôle majeur à jouer en matière de détection, de repérage, d’accompagnement et de prise en charge.

C’est la raison pour laquelle il nous était apparu nécessaire de poser, d’abord dans la proposition de loi, ensuite par voie d’amendement, le principe de la formation initiale et continue de tous les acteurs sociaux, médicaux et paramédicaux : personnels de la police et de la gendarmerie, magistrat, avocats, enseignants.

Il a manqué un consensus pour introduire ces dispositions dans la loi, mais le Gouvernement a pris des engagements. Si j’ai pu vérifier qu’un effort avait été réalisé en matière de formation des policiers et des gendarmes, pour le reste, sauf erreur de ma part, je n’ai rien vu venir. La charte d’accueil ainsi que les instructions interministérielles ont effectivement permis de mobiliser les acteurs de la sécurité. Cependant, en ce qui concerne les autres intervenants, l’essentiel reste à faire en matière de formation.

Ne pourrait-on pas introduire la problématique des violences conjugales dans les programmes des étudiants qui se destinent aux carrières d’avocats, de magistrats, d’enseignants ou de médecins ?

Encore une fois, si les attentes sont fortes et les besoins évidents, les professionnels ne sont pas toujours sensibilisés à la problématique des violences conjugales. À quelques exceptions près, j’ai le sentiment que ce terrain est encore en friche.

Je veux évoquer également le sujet de l’aide juridictionnelle qu’il conviendrait d’accorder, sans condition de ressources, aux victimes de violences conjugales. Celles-ci sont souvent en état de choc et il faut leur faciliter la tâche, notamment dans les moments difficiles où elles décident de réagir. Leur dépendance financière risque aussi de constituer un frein dans la recherche d’un avocat, et il est inutile de compter sur le concours du conjoint ou du partenaire pour faire face à ce type de dépenses.

Une autre priorité serait de permettre aux victimes de violences conjugales d’obtenir, sans condition de ressources, la réparation intégrale des dommages subis, en intégrant, de manière explicite, dans l’article 706-3 du code de procédure pénale, les infractions les plus graves commises au sein du couple. Cette possibilité existe déjà pour certaines infractions.

L’accès au logement social constitue un autre problème. Il s’agit d’une mesure essentielle pour permettre aux femmes de se reconstruire et de se retrouver en sécurité. La solution du centre d’hébergement spécialisé ne peut durer qu’un temps ; ces établissements manquent d’ailleurs de places, je le répète. Il existe une pénurie de logements adaptés aux ressources de ces personnes. On note même, de la part de certains propriétaires, une forte réticence à reloger ces familles monoparentales à revenus faibles.

Il est capital que les femmes victimes de violences conjugales soient véritablement prioritaires dans l’accès au logement social, en particulier celles qui sortent des centres spécialisés. Le logement et l’insertion professionnelle jouent un rôle essentiel dans le retour à l’autonomie. Et même si la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion présente quelques avancées sur ce point, je suggère que, chaque année, des propositions de logements sociaux soient faites aux associations spécialisées.

Je veux enfin m’attarder sur un point capital, que nous n’avons que très rarement évoqué : l’incidence des violences conjugales sur les nourrissons et les jeunes enfants. Ils en sont en effet les spectateurs et les victimes collatérales et, lorsqu’ils sont exposés à des violences domestiques, leur cerveau ainsi que leur développement moteur et cognitif peuvent subir des dommages sévères liés au stress émotionnel ressenti. Ces enfants peuvent présenter des troubles du sommeil ainsi que des troubles du comportement et de la personnalité tels que des dépressions, des tendances suicidaires, une énurésie ou des maladies psychosomatiques.

Certaines études ont par ailleurs révélé que 40 % des adolescents très violents ont eux-mêmes été exposés à ce genre de violences lorsqu’ils étaient jeunes enfants.

Bref, les violences conjugales constituent une redoutable machine à fabriquer et à reproduire de la violence. Les enfants exposés aux violences ont souvent tendance à considérer celles-ci comme un moyen habituel de résoudre les problèmes interpersonnels. Une prise en charge de ces enfants s’impose donc si l’on veut limiter l’impact psychique que peuvent avoir sur eux les violences conjugales. C’est pourquoi certaines associations comme le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles, le CIDFF, du département de l’Aude envisagent de mettre en place des « lieux d’écoute ». Je souhaiterais savoir si vous entendez encourager et, surtout, soutenir de telles initiatives, madame la secrétaire d’État.

Je ferai encore une remarque sur un point soulevé, voilà quelque temps, par notre collègue Raymonde Le Texier. Il a été reproché à une femme battue par son mari, ainsi qu’à l’association qui l’hébergeait, d’avoir dissimulé au père l’adresse réelle de la mère et des enfants. L’affaire a été jugée voilà environ deux ans. Or, s’il est légitime de veiller aux droits du père, il importe aussi d’assurer la protection de la mère et des enfants. Cela soulève le problème du cloisonnement entre le pénal et le civil. C’est pourquoi nous suggérons la création de « lieux neutres » ou d’« espaces de rencontre » où le parent exclu du domicile et tenu de rester éloigné de sa compagne pourra rencontrer ses enfants. Je me permets de vous signaler qu’un tel projet pourrait prochainement voir le jour, en terre d’Aude, sur l’initiative du CIDFF.

Cela me conduit à plaider pour une véritable cohérence entre les procédures pénales et civiles, ce qui rejoint d’ailleurs l’une de vos préoccupations, madame la secrétaire d’État. Plusieurs associations me faisaient remarquer que les juges aux affaires familiales n’étaient pas toujours informés des faits de violences conjugales et des procédures en cours. Je pense aussi que les avocats devraient saisir plus souvent le juge aux affaires familiales dans les cas de violences commises à l’encontre d’une mère.

Il me semble également qu’il conviendrait de compléter l’article 220-1 du code civil, qui permet au juge aux affaires familiales de statuer tout à la fois sur la résidence séparée des conjoints et sur l’exercice de l’autorité parentale. Comme chacun l’aura remarqué, cette disposition ne vaut que pour les couples mariés. Or, à l’instar des magistrats, des associations et des avocats, il me paraît indispensable de l’étendre également aux couples qui vivent en concubinage ou à ceux qui sont liés par un pacte civil de solidarité.

Je ne vous cache pas, madame la secrétaire d’État, que nous essaierons, avec le groupe socialiste, de faire avancer certaines de nos propositions au travers de différentes initiatives législatives à venir.

En tout état de cause, je crois que le Sénat peut être fier d’avoir joué, dès 2005, un rôle de précurseur dans un domaine qui, aujourd’hui encore, nous mobilise, sur l’initiative de Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes.

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si, par nos initiatives respectives, passées, présentes et futures, nous pouvions contribuer à éradiquer les violences au sein du couple par une vraie révolution des mentalités, nous ferions alors vraiment œuvre utile. Certes, la tâche sera ardue... Raison de plus pour la poursuivre et l’amplifier.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, mon analyse de la situation actuelle en matière de violences subies par les femmes est la suivante : un dispositif législatif fort, une prise de conscience politique affirmée, mais des violences persistantes.

Je m’attacherai à développer ce constat et ma collègue Catherine Morin-Desailly insistera sur les moyens qu’il nous semble important de mettre en œuvre.

À titre liminaire, je souhaite insister sur le fait que les violences faites aux femmes constituent une violation des droits humains que sont le droit à la sécurité, le droit à l’égalité, le droit à la liberté et, surtout, le droit à la vie.

Je tiens également à replacer cette violence dans le contexte plus large de la discrimination. En effet, la violence envers les femmes est étroitement liée à une discrimination, qui perdure et qui se fonde uniquement sur l’appartenance sexuelle. Elle s’exerce contre les femmes parce qu’elles sont femmes. La substance même de la discrimination est l’exercice d’une différence de traitement arbitraire. Le sexisme, comme le racisme, c’est nier à un autre son statut d’alter ego.

Les violences faites aux femmes restent entretenues par un système de discrimination qui conforte celles-ci dans une position de subalternes. La discrimination constitue un terreau propice à des manifestations de violence. Elle engendre des rapports de force et de domination et se traduit par un sentiment de propriété du corps et de l’esprit de la femme.

Ces vingt dernières années, notre dispositif législatif a beaucoup évolué, et ce en accord avec les principes du droit international et des droits humains en matière de lutte contre les discriminations et les violences faites aux femmes.

Depuis 1994, quand les violences criminelles ou délictuelles au sein du couple sont le fait du conjoint ou du concubin, elles sont sanctionnées par l’introduction d’une circonstance aggravante.

La loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs a marqué une étape fondamentale. Plusieurs de ses dispositions constituent de réelles avancées. Tel est le cas de l’élargissement au partenaire lié à la victime par un PACS de la circonstance aggravante précitée. Cette extension vaut aussi à l’encontre des « ex » et s’avère tout à fait adaptée. En effet, la période consécutive à la rupture est souvent le moment où la violence se manifeste de manière exacerbée. Ainsi, l’Observatoire national de la délinquance affirme que si seulement 9 % des femmes déposent plainte quand elles sont victimes d’un conjoint, elles sont 50 % à le faire quand l’agresseur est un ex-conjoint.

Au titre des avancées de la loi du 4 avril 2006, je citerai également l’incrimination spécifique du viol et des autres agressions sexuelles au sein du couple, l’interdiction du domicile conjugal ou familial et l’injonction de soins pour le conjoint violent, la prévention des mariages forcés, avec notamment le relèvement de l’âge légal du mariage, le contrôle du consentement des époux et les nouvelles règles de l’action en nullité du mariage pour vice de consentement.

Dans la lutte contre les violences subies par les femmes, le dispositif législatif constitue un cadre normatif essentiel, mais insuffisant. La responsabilité de l’État est également essentielle. Ce dernier doit continuer à se donner les moyens nécessaires pour que ces droits soient véritablement respectés, garantis et protégés. Cela implique non seulement de sanctionner les auteurs de ces violences, d’offrir des réparations adéquates aux femmes, mais aussi de prendre toutes mesures pour prévenir ces violences. Il s’agit d’une véritable obligation de diligence.

L’État doit prendre toutes les mesures ad hoc pour prévenir les préjudices potentiels à l’égard des femmes. Cela signifie qu’il a l’obligation de lutter par tous les moyens contre les comportements sexistes, notamment en intégrant cette démarche dans ses vecteurs éducatifs et dans les cursus scolaires, en soutenant des campagnes d’information régulières, en formant ses agents dans une optique égalitaire.

Madame la secrétaire d'État, vous avez affirmé cette volonté politique, mais les résultats ne semblent pas tout à fait à la hauteur de vos ambitions. Pourtant, à l’occasion des dernières campagnes de sensibilisation, vous avez indiqué vouloir sonner l’heure de la réaction. La campagne d’octobre 2008, avec son ton inhabituellement grinçant et une accroche au second degré, voulait provoquer un déclic, susciter l’action aussi bien auprès des femmes et de leur entourage, trop souvent muet, que des auteurs de violences.

Le label « campagne d’intérêt général » attribué à la lutte contre les violences faites aux femmes va également dans le bon sens, puisque les associations pourront travailler ensemble à une communication qui sera mieux relayée par les médias.

La mise en place d’une plateforme téléphonique d’aide aux victimes – le 39 19 – est aussi une bonne initiative. Le nombre important d’appels – plus de 7 000 par mois – prouve qu’elle répond à une vraie demande.

Toutefois, en dépit d’un dispositif législatif fort, d’une vraie prise de conscience politique, les violences subies par les femmes ne régressent pas.

Les dernières statistiques ne sont guère encourageantes à cet égard. Il ressort d’une enquête récente de l’INSEE, réalisée auprès de 17 500 personnes, qu’une femme sur cinq victime de violences physiques au sein de sa famille n’a ni porté plainte ni parlé à un professionnel, policier ou médecin. Pour les violences sexuelles, la proportion de victimes murées dans leur silence est même de une sur trois.

Au total, toujours selon cette enquête, 6 % des femmes âgées de 18 à 59 ans disent avoir été l’objet d’injures sexistes, 2, 5 % avoir été agressées physiquement et 1, 5 % avoir subi un viol ou une tentative de viol en 2005 ou en 2006.

Madame la secrétaire d'État, beaucoup reste à faire. Notre arsenal législatif est un premier pas vers l’éradication des violences faites aux femmes, encore faut-il que nos lois soient bien appliquées sur l’ensemble du territoire. Très souvent, elles ne le sont pas, faute de moyens suffisants.

Nos lois doivent aussi s’accompagner d’une véritable évolution des mentalités. Cette évolution-là, beaucoup plus lente, est celle qui fera la différence dans la pratique. Sur ce plan, les maîtres mots sont prévention, sensibilisation et formation.

Je laisse ma collègue Catherine Morin-Desailly développer ces différents points, notamment celui de la sensibilisation des plus jeunes au respect de leur corps et de celui de l’autre, à la sexualité et à la prévention des comportements sexistes.

Madame la secrétaire d'État, tels sont notre rapide constat et notre analyse. Nous serons attentifs à vos propositions.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les violences dont sont victimes les femmes, particulièrement au sein du couple, ne peuvent que nous alerter sur le poids d’une société qui se construit toujours, malgré de notables évolutions, sur la domination masculine dans les rapports sociaux de sexes.

Les violences faites aux femmes constituent la violation des droits humains la plus répandue. Il s’agit d’une problématique qui se trouve au croisement d’une question de société et d’une question individuelle. Lorsqu’une femme sur dix est victime de violences dans son couple, on voit bien qu’il s’agit d’un phénomène largement présent dans notre société, fondée sur le patriarcat. En même temps, les comportements individuels s’inscrivent dans des rapports sociaux régis par la domination masculine.

Malgré des conquêtes fondamentales, fruit des luttes collectives des femmes, les inégalités entre les femmes et les hommes perdurent dans notre société. Elles sont le terreau sur lequel se construisent les violences envers les femmes.

Le 4 février dernier, l’Observatoire des inégalités révélait que l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes était de 33 % en moyenne, atteignant 44 % pour les ouvriers. Cette différence s’explique principalement par le travail à temps partiel subi, qui touche particulièrement les femmes : à horaires inférieurs, salaires inférieurs !

Il n’en demeure pas moins que plus on s’élève dans la hiérarchie des salaires, plus l’inégalité entre hommes et femmes est forte. L’écart va de 6 % chez les employés à 30 % chez les cadres supérieurs.

Les violences faites aux femmes sont encore trop souvent niées. Pourtant, leur ampleur et leur dangerosité doivent nous alerter.

Ainsi, selon les études de l’Observatoire national de la délinquance, 47 573 faits de violence à l’égard des femmes ont été enregistrés en 2007 par les services de gendarmerie ou de police. Ce chiffre, en nette progression par rapport à 2004, année au cours de laquelle on a enregistré 36 231 faits de violence, doit nous conduire, en tant que législateur, à chercher toujours les moyens les mieux adaptés pour répondre à ce qui s’apparente à un véritable fléau.

Ce chiffre est d’ailleurs en dessous de la réalité. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le rapport remis en février 2009 par l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, selon lequel 12 % seulement des violences font l’objet d’un dépôt de plainte.

Selon une enquête de l’INSEE, 6 % des femmes âgées de 18 à 59 ans ont été, en 2005, victimes d’injures à caractère sexiste, et 2, 5 % d’entre elles auraient subi une agression physique.

À ce triste tableau, il convient d’ajouter les 130 000 viols dénombrés par l’Observatoire national de la délinquance et les 166 assassinats de femmes par leur partenaire ou ex-partenaire violent en 2007.

J’ai cité tous ces chiffres pour indiquer qu’il y a urgence à mieux protéger les femmes victimes de violences. Cela suppose de les encourager à porter plainte, de mieux les accueillir, de davantage les accompagner dans leurs démarches. Il faut encore que les femmes osent plus souvent porter plainte, et je ne pense pas qu’une énième mission soit nécessaire pour mettre ce fait en évidence. Le phénomène est connu, bien qu’il soit sans doute encore sous-évalué.

À ce stade de mon intervention, je voudrais que nous nous posions collectivement une question : la législation actuelle est-elle suffisante ou faut-il la faire évoluer ?

Au sein du groupe CRC-SPG, nous considérons que la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple et commises contre les mineurs, fruit de l’examen commun de deux propositions de loi, dont l’une était présentée par nos soins, a représenté une évolution positive notable dans la prise en compte et la sanction de ces violences. Mais il faut aller plus loin, en proposant par exemple une ordonnance de protection pour les femmes victimes de violences. Cela correspond également aux conclusions du rapport de la mission d’évaluation du plan global 2005-2007 de lutte contre les violences faites aux femmes. L’observatoire départemental des violences envers les femmes de la Seine-Saint-Denis, qui accomplit un travail remarquable, a analysé les homicides de femmes et fait également cette proposition.

Pour lutter efficacement contre les violences envers les femmes, il faut agir selon quatre axes, en complément de ceux dont j’ai déjà parlé.

D’abord, il faut informer et sensibiliser toute la population sur les mécanismes de la violence masculine et la dangerosité des hommes violents. C’est pourquoi je propose de lancer une grande campagne radiotélévisée et d’affichage sur ce thème.

Ensuite, il convient de former tous les professionnels : ceux de la police, de la justice, de la santé, les travailleurs sociaux, les professionnels de l’enfance, les enseignants, afin de leur permettre de mieux connaître, pour mieux les aider, les femmes victimes de violences.

Nous partageons aussi l’analyse de l’Observatoire de la parité entre les hommes et les femmes, pour qui la législation doit évoluer afin d’y intégrer un volet préventif et éducatif qui fait cruellement défaut à la législation actuelle. Cela est d’autant plus nécessaire que, comme l’a rappelé Roland Courteau, nous savons aujourd’hui combien les enfants et les jeunes souffrent des violences dont leur mère est victime. Il est donc important de prendre en compte le fait que les enfants sont des victimes des violences dans le couple.

Il ne peut y avoir de lutte efficace contre les violences faites aux femmes qu’en actionnant tous les leviers : la prévention, l’éducation, l’apprentissage de la mixité, les sanctions, la protection, la lutte contre les inégalités salariales et contre une image dégradée de la femme.

Je dois d’ailleurs dire combien je regrette que le groupe UMP du Sénat ait profité de l’examen d’un projet de loi de transposition d’une directive européenne contre les discriminations pour autoriser, contre l’avis de la délégation aux droits des femmes, que perdure dans les médias, et particulièrement dans la publicité, le recours à des stéréotypes et à une conception dégradée de la femme.

Je regrette également que la majorité de notre assemblée ait accepté, sous un prétexte fallacieux, de revenir sur le principe républicain primordial de mixité à l’école, mixité dont l’apprentissage doit impérativement se faire en milieu scolaire, dès le plus jeune âge.

Nous proposons en outre de faire de cette politique préventive une véritable mission de l’éducation nationale, en incluant dans le code de l’éducation, par exemple, les principes d’éducation non sexiste.

Nous proposons enfin de modifier le code de la consommation afin de créer une nouvelle catégorie de publicités illicites, à savoir celles qui présentent les femmes de manière attentatoire à leur dignité. Il est en effet grand temps de réaffirmer que les corps des femmes ne sont pas des supports publicitaires.

Le gouvernement auquel vous appartenez, madame la secrétaire d’État, veut faire des violences faites aux femmes une grande cause nationale. C’est une bonne chose, à condition de sortir de la logique d’annonces pour enfin proposer des actions concrètes.

La législation, j’en suis convaincue, doit évoluer. Les chercheurs l’affirment, les associations le demandent : il faut impérativement intégrer à la loi un volet préventif, comme nous l’avions fait en 2006, par voie d’amendements, ainsi qu’en 2007, en déposant, à l’Assemblée nationale et au Sénat, une proposition de loi-cadre issue du travail collectif d’associations et de mouvements féministes. Ce texte comprend cent quinze articles qui, de la prévention à la sanction, couvrent tous les aspects des réponses nécessaires pour éliminer enfin ce fléau !

Le 25 novembre 2008, à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, ces associations ont rappelé l’urgence de l’adoption d’une loi-cadre en apportant à l’Assemblée nationale plus de 16 000 pétitions recueillies dans tout le pays. Les députés ont même décidé la création d’une mission d’information sur ce sujet.

Cette proposition de loi-cadre, à l’image de ce qui a été fait en Espagne, est à la disposition du Gouvernement. Il suffit de l’inscrire à l’ordre du jour d’une des chambres du Parlement.

Prendre en compte les solutions retenues par les pays les plus avancés dans ce domaine serait le signe que nous soutenons l’idée de l’application de la « clause de l’Européenne la plus favorisée ». Il ne faut pas hésiter, pour une fois, à procéder à un alignement par le haut, plutôt que par le bas ! Telle est la proposition que je formule aujourd’hui devant le Sénat au nom du groupe CRC-SPG.

Permettez-moi d’évoquer quelques idées fortes de notre proposition de loi.

Il faut impérativement modifier les dispositions pénales, afin que les femmes qui déclarent avoir été victimes de violences conjugales n’encourent plus le risque de poursuites pénales pour dénonciation calomnieuse.

Il convient d’apporter des réponses concrètes aux difficultés financières que peuvent rencontrer les femmes victimes de violences au sein du couple, difficultés qui, tout le monde le sait, peuvent être une entrave à leur volonté de quitter le domicile commun.

Certes, la législation prévoit que les femmes maltraitées soient prioritaires pour l’attribution de logements sociaux. Mais, vous le savez, madame la secrétaire d’État, en raison de la pénurie de logements sociaux – dont le Gouvernement et les élus de votre majorité sont responsables –, cette priorité demeure trop souvent un principe et reste, dans les faits, lettre morte.

C’est pourquoi nous entendons réformer la politique des aides sociales en instituant une aide d’urgence, équivalente à six mois de salaire et pouvant être débloquée dans le mois qui suit le départ du domicile. Cette mesure participerait des droits qu’ouvrirait l’ordonnance de protection que j’ai évoquée voilà un instant.

Enfin, sur le plan pénal, nous proposons de faire évoluer la notion de violence au sein du couple, en y intégrant la notion de harcèlement moral et sexuel, comme cela a été fait pour le code du travail.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous pouvez le constater, le champ d’intervention, en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, est important.

C’est la raison pour laquelle je veux dénoncer les risques qui pèsent sur le Service des droits des femmes et de l’égalité, le SDFE. Son existence est menacée en raison de l’application de la fameuse RGPP, la révision générale des politiques publiques, dont le « R » signifie trop souvent réduction, et non pas révision ! Ce service joue pourtant un rôle très important. Sa fermeture serait interprétée comme un très mauvais signal. Je vous demande donc de revenir sur ce projet de suppression, qui résulte exclusivement d’une analyse comptable.

Dans le même esprit, nous considérons – et je vous ai récemment posé une question écrite sur ce sujet, madame la secrétaire d’État – qu’il est temps de créer, comme le recommande le Conseil économique, social et environnemental, un ministère des droits des femmes de plein exercice. Ce n’est pas que nous mettions en cause votre personne, madame la secrétaire d’État, mais, en matière de violences, comme dans tous les domaines qui touchent aux droits des femmes, nous avons besoin d’un véritable effort national, conduit par un ministère dédié.

En effet, lutter contre les violences faites aux femmes exige, il faut le dire, une forte volonté politique assortie de moyens humains et financiers, que le Gouvernement ne semble pas disposé à débloquer. Dès lors, en dépit de la volonté que je sais être la vôtre, il est à craindre que l’idée de hisser la lutte contre les violences faites aux femmes au niveau de grande cause nationale ne soit qu’un effet d’annonce. Tout n’est pas budgétaire, certes, mais des moyens sont nécessaires, et ils doivent être mobilisés dans la transparence.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Or, dans le climat de crise économique et sociale que nous connaissons, il semble que le Gouvernement privilégie d’autres choix.

Pourtant, les violences faites aux femmes coûtent cher à la société. Selon une estimation du Service des droits des femmes et de l’égalité, le coût associé s’élèverait à 1 milliard d’euros. Je propose de consacrer cette somme à lutter contre ce fléau.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes. Et on n’invoquerait pas l’article 40 !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Tout à fait, la dépense serait gagée !

Cependant, le Gouvernement fait le choix inverse : devant l’explosion des besoins, il tarit les ressources. J’en veux pour preuve la situation dramatique de l’accueil d’urgence, qui, chacun le sait, devrait jouer un rôle fondamental pour permettre aux femmes de se soustraire à leur compagnon violent. En raison de votre politique budgétaire, l’accueil d’urgence se trouve dans une situation de quasi-indigence. Cette compétence, pourtant nationale selon les textes, est trop souvent assumée par les départements. Or cet échelon territorial, qui intervient dans de trop nombreux cas à la place d’un État défaillant dans le domaine de la solidarité, est aujourd’hui menacé. Si l’État ne prend pas toutes ses responsabilités, qu’adviendra-t-il de ces centres ?

Enfin, permettez-moi de rendre ici hommage aux associations nationales, départementales et locales qui, par leurs réseaux de proximité, viennent quotidiennement en aide aux femmes victimes, aux côtés des professionnels de terrain. Ces associations, ces professionnels manquent cruellement de moyens. Il faut accroître l’aide financière aux associations et renforcer le service public de proximité, qui montre tous les jours son efficacité.

Le chantier est immense, madame la secrétaire d’État. Pourtant, soyons tous convaincus qu’en avançant sur ce sujet, en faisant reculer les violences faites aux femmes, c’est bien la société tout entière que nous ferons progresser.

Aujourd’hui, des femmes meurent encore sous les coups de leur conjoint. Je vous invite donc à faire nôtre le slogan de la Marche mondiale des femmes contre la violence et la pauvreté : « No more ! Ni una mas ! Pas une de plus ! » §

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en France, tous les trois jours, une femme meurt du fait des violences qu’elle subit.

Je ne reprendrai pas les arguments qui ont été développés notamment par Mme Michèle André et M. Roland Courteau. Je partage leurs interrogations, leurs analyses. Leur réquisitoire a été fort et douloureux ; ne pas s’attaquer de manière concrète à cet épineux problème serait lourd de conséquences sociales et humaines.

Je saisis l’occasion de ce débat pour élargir notre approche et l’étendre aux violences sociales que subissent les femmes.

L’accroissement des inégalités constatées entre les hommes et les femmes n’est pas un symptôme mineur, la queue de comète d’un combat achevé ou le dernier soubresaut d’un monde ancien. Il traduit malheureusement un renforcement des pressions et des contraintes qui pèsent sur les femmes et qui nous obligent, en tant que parlementaires, à regarder la situation en face et à nous mobiliser pour inverser la tendance.

Les chiffres sont là, les faits divers sont révélateurs, les témoignages des femmes éloquents, et pourtant le sujet n’est pas au cœur de nos préoccupations. La question se pose même de savoir si notre société a encore conscience de l’importance de ce combat.

Or la violence sociale que subissent les femmes est sensible dans tous les domaines : travail, carrière, statut, vie quotidienne, mais aussi perspectives d’émancipation, liberté de choix de vie et épanouissement individuel.

En matière d’emploi, ce sont les femmes qui alimentent en masse le vivier des travailleurs sous contrats précaires ou à temps partiel. Elles représentent 82 % des actifs à temps partiel et occupent 78 % des emplois non qualifiés. Sachant que moins les emplois sont qualifiés, moins le temps partiel est choisi, cela donne une idée de la situation de nombre de femmes au regard tant de la nature de leur emploi que de la rémunération de leur travail !

Loin de se résorber, ces inégalités s’accentuent depuis les années quatre-vingt-dix : la part des femmes parmi les salariés les moins bien rémunérés et occupant des emplois à temps partiel est de dix points supérieure à celle qui était constatée à l’époque. Et avec la crise, cette situation ne fera qu’empirer ! Il serait bon de garder cela présent à l’esprit chaque fois que, dans cette enceinte, on légifère pour durcir les conditions de travail et développer le recours aux emplois précaires. Il y a eu, au cours des deux dernières années, pléthore de textes allant dans ce sens.

L’existence de telles inégalités, et surtout leur cumul, constituent une véritable violence faite aux femmes.

À cet égard, le cas des « familles monoparentales » est édifiant. Cette expression neutre masque hypocritement une situation monolithique puisque, neuf fois sur dix, il s’agit de femmes élevant seules leurs enfants. Certaines d’entre elles sont en grande difficulté. Ce sont des femmes souvent jeunes qui, au-delà de l’absence du père de leurs enfants, cumulent tous les facteurs de la précarité : solitude familiale, rupture affective, isolement social, horaires inadaptés, travail précaire et fins de mois impossibles.

Ces situations sont largement passées sous silence et n’émergent souvent qu’à travers des événements dramatiques dont, en général, l’enfant est la victime. Ces femmes sont soumises à une pression qui jamais ne se relâche. Leur vie est un véritable combat pour survivre, qui nous rappelle de manière cuisante notre incapacité à réduire la violence sociale.

Pourtant, il est possible d’agir pour lutter contre l’isolement de ces femmes, dont les enfants sont également victimes. En repérant les situations de détresse au moment de l’accouchement ou du suivi de grossesse, on pourrait mettre en place un accompagnement à domicile et, ainsi, entourer ces femmes d’un réseau de professionnels qui conseilleraient, rassureraient, aideraient et rompraient leur solitude.

Lorsque j’ai débuté ma carrière professionnelle, dans les années soixante, le suivi de jeunes mères à domicile fut ma première mission. Ce n’était pas si mal ! §Remettre à l’ordre du jour ce mode d’intervention serait une initiative pertinente. Cela vaudrait mieux que de réduire insidieusement les subventions aux associations qui interviennent dans ce domaine.

Par ailleurs, la liberté des femmes et leur émancipation n’échappent pas à la violence sociale, notamment dans les quartiers sensibles.

Les droits des femmes sont récents, pourtant ils ne cessent d’être insidieusement remis en cause. Au travers des faits divers et de leur cortège de drames, ce sont les tensions de notre société qui nous sont révélées. Dans les cas de « crime d’honneur », de viol collectif, de mariage forcé, de fille brûlée pour avoir refusé de se soumettre à la loi des hommes, c’est le caractère exceptionnel des faits qui frappe d’abord, puis c’est leur répétition qui inquiète.

Ces exemples extrêmes dévoilent la violence quotidienne que subissent les femmes dans ces banlieues que l’absence de mixité sociale a transformées en ghettos. Les débats qui en découlent montrent la résurgence d’un discours obscurantiste sur la place des femmes et leur soumission à un ordre présenté comme naturel.

En France, le poids du sexisme, de la religion et de la tradition est une réalité dont pâtit un nombre croissant de femmes, qui se trouvent assignées à résidence dans un statut inférieur, voient leurs faits et gestes contrôlés, subissent une restriction de leur liberté d’aller et venir, ne peuvent pas s’habiller comme elles le souhaitent et sont entravées dans leurs choix de vie. Dans ce cadre, toute tentative d’émancipation est vécue comme une trahison envers la famille, la culture d’origine, l’identité sociale.

Pour ces femmes, s’affirmer en tant qu’individus revient alors à rompre toutes les solidarités, ce qui est souvent impossible. Il ne leur reste plus qu’à intérioriser la norme et à participer à l’oppression, à la fois victimes consentantes et actrices de leur propre enfermement et de celui des autres.

C’est une situation que peu de responsables politiques dénoncent, dans cette enceinte ou ailleurs. Le travail d’un mouvement comme « Ni putes ni soumises » a eu le mérite de révéler le problème. Mais, concrètement, la situation des femmes de ces quartiers n’a guère évolué, si ce n’est dans le mauvais sens.

Dans son livre Ghetto urbain, ségrégation, violence, pauvreté en France aujourd’hui, Didier Lapeyronnie dresse un tableau très sombre de la situation des quartiers de relégation sociale. Il décrit un univers où le racisme est fortement lié au sexisme. Il explique comment, au fur et à mesure que le racisme et la ségrégation se sont renforcés, le contrôle des femmes est devenu un principe central d’organisation de la vie du quartier. Cela se traduit par une séparation nette des genres, par une pression forte sur les femmes, non seulement par la violence, mais aussi par les rumeurs et les réputations.

Cette étude sociologique démontre ainsi que, lorsqu’une population est placée dans une situation de pauvreté à laquelle s’ajoute la relégation, elle se replie sur des définitions très traditionnelles des rôles sociaux, notamment familiaux, et sur une morale rigide et souvent bigote.

Ce constat, qui nous interpelle, reflète l’explosion des inégalités sociales en France et les échecs en matière d’intégration. Nous le faisons aussi dans nos quartiers : ce n’est pas un cas d’école, mais il est largement absent du discours politique.

Cet abandon est d’autant moins acceptable qu’il repose également sur la crainte de vexer des communautés dont l’emprise sur leurs membres est jugée telle que l’on agit davantage en fonction de leur capacité à mobiliser des votes que du respect des valeurs sur lesquelles nous avons construit notre idéal social. Il est d’autant moins justifié qu’en abandonnant ces femmes à leur sort, on abandonne, plus largement, ces territoires à leur misère éducative et sociale.

À travers ce prisme, ce sont les effets d’une politique de gribouille menée dans les banlieues que nous observons. Le refus de faire de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, une vraie arme pour faire vivre la mixité sociale et arrêter de concentrer l’exclusion et la misère dans les mêmes territoires a de terribles conséquences.

L’abandon de la parole politique et du discours laïque a indiqué aux intégristes de tout poil que ceux qui sont chargés d’incarner et de porter les valeurs de notre société avaient déserté ce combat.

Enfin, l’absence de réflexion, en France, sur les politiques de genre, alors que l’Europe du Nord travaille sur ces questions pour faire avancer concrètement la cause des femmes, est dommageable dans notre situation.

Analyser les violences faites aux femmes sous cet angle est rare. Pourtant, travailler pour faire évoluer les mentalités et mettre en œuvre les solutions concrètes qui permettront de changer la donne est la mission du politique. Il s’agit là d’un enjeu non seulement pour les femmes, mais pour la société tout entière.

Madame la secrétaire d’État, vous me direz peut-être que je suis peu ou prou hors sujet, et j’en prendrai alors acte.

Debut de section - Permalien
Valérie Létard, secrétaire d'État

Ce n’est pas le cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Mme Raymonde Le Texier. Il me semblait cependant important de vous alerter sur ces violences faites aux femmes, dont vous n’ignorez rien et qui méritent, me semble-t-il, toute notre attention.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, depuis le temps où Valéry Giscard d’Estaing nommait Françoise Giroud première secrétaire d’État à la condition féminine, les politiques menées en faveur des femmes se sont largement développées afin de défendre leurs droits et de promouvoir l’égalité entre hommes et femmes. Bien sûr, dans les années soixante-dix, la question des violences subies par les femmes n’avait pas l’acuité qu’elle a aujourd’hui. Sans doute était-elle plus cachée, plus tue ; elle était en tout cas plus taboue.

L’ampleur du phénomène, qui ne peut être considéré comme un ensemble de faits divers et qui ne doit pas être une fatalité, est maintenant pleinement prise en compte par les pouvoirs publics. Je me réjouis d’ailleurs que cette cause ait reçu le label « campagne d’intérêt général » pour l’année 2009. Nous savons également le rôle absolument fondamental joué par les associations dans ce domaine et le travail de terrain qu’elles accomplissent.

De nombreuses mesures et dispositions ont été adoptées depuis quelques années, notamment des plans globaux. Le premier a donné lieu à une évaluation remise au Gouvernement en juillet 2008, évaluation dont il a été tenu compte pour améliorer le deuxième plan que vous avez lancé à l’automne dernier, madame la secrétaire d’État, accompagné d’une large campagne de communication rénovée et percutante.

Un certain nombre de lois ont pris en compte cette réalité, notamment celle du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, que nous avons longuement évoquée aujourd’hui. Je me félicite de ce que le rapport prévu à son article 13 soit disponible, car il nous fournit des éléments sur l’application de cette loi et les points à améliorer. Cette démarche s’inscrit pleinement dans le renforcement des droits et des prérogatives du Parlement, s’agissant notamment de son rôle de contrôle et d’évaluation des politiques publiques tel qu’issu de la révision de la Constitution de juillet dernier.

Au-delà de l’ensemble de ces dispositifs, je voudrais insister sur quelques points qui doivent constituer, me semble-t-il, le cœur de la politique de lutte contre les violences subies par les femmes.

Il est nécessaire de développer et de privilégier une approche transversale et globale, seule à même de permettre une lutte efficace contre ce fléau.

Cela implique de traiter l’ensemble des thématiques de façon articulée : prévention, éducation, information et sensibilisation, répression et suivi des auteurs de violences, accompagnement et réinsertion des victimes. Des acteurs du milieu associatif m’ont rapporté que la prise en charge et le suivi des hommes violents est un aspect insuffisamment pris en compte par les pouvoirs publics. Or, si une femme sur dix est violentée, combien d’hommes sont violents…

Cela suppose par ailleurs une coordination de l’ensemble des intervenants : gendarmerie, police, hôpital, justice, travailleurs sociaux, éducation nationale… Le deuxième plan triennal va dans ce sens et repose sur une démarche interministérielle.

Toutefois, nous savons – les témoignages des femmes ayant déposé plainte l’attestent – que le volet social et le suivi des victimes sont encore insuffisants. Or ces femmes doivent pouvoir être certaines qu’elles auront les moyens d’être autonomes pour trouver la force de dire « stop, ça suffit ! ». Elles doivent être sûres que le chemin vers l’indépendance et la liberté ne sera pas barré par des obstacles insurmontables.

Cette démarche transversale, que vous avez engagée, madame la secrétaire d’État, est essentielle. Elle mériterait à mon sens d’être développée dans les territoires : il revient aussi aux élus locaux, dont nous sommes les représentants, de la mettre en œuvre à leur échelle. Nous devons les y inciter.

En ce qui concerne maintenant les moyens et les structures, un corpus juridique doit certes être élaboré afin de donner un cadre à ce combat, mais il restera lettre morte s’ils sont insuffisants. Il faut faire vite, le temps presse ! Nous avons toutes et tous en tête ce chiffre terriblement effrayant : tous les trois jours, une femme meurt des suites de violences. Les violences contre les femmes progressent plus que l’ensemble des violences commises contre les personnes. Le rapport d’évaluation du premier plan a pointé ce manque de structures et de moyens, garanties préalables pourtant indispensables pour que les femmes victimes de violences franchissent le pas et déposent plainte.

Des progrès législatifs majeurs ont été accomplis ces dernières années, et le cadre législatif français paraît assez complet. Le rapport ne préconise d’ailleurs pas l’adoption d’une loi-cadre comme il en existe par exemple en Espagne. Aussi aimerais-je connaître votre sentiment sur ce point, madame la secrétaire d’État.

Développer les structures, se donner des moyens suffisants, changer les mentalités afin de modifier les comportements des hommes violents et aider les victimes : tels sont les impératifs. En un mot, il faut agir, et je sais, madame la secrétaire d’État, que vous partagez pleinement cet objectif !

Pour changer les comportements des hommes et faire comprendre aux femmes que la violence, physique ou psychologique, n’est ni normale ni acceptable, je crois beaucoup à l’éducation et à la sensibilisation, dès le plus jeune âge, des filles mais surtout des garçons. À cet égard, je regrette que la sensibilisation soit principalement à destination des filles et des femmes, ce qui les place toujours en situation de victimes et de coupables.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Il me semble essentiel qu’un effort tout particulier soit désormais accompli en direction des garçons. Ainsi, madame la secrétaire d’État, ne pourrait-on pas concevoir, pour les garçons, un livre similaire à celui que recevront toutes les jeunes filles de 18 ans lors des journées d’appel de préparation à la défense ? Par ailleurs, il ne faudrait pas oublier les petites filles victimes de viols commis au sein de leur famille et qui portent ce poids toute leur vie.

Les stéréotypes, les clichés, les images ou les propos sexistes sont intériorisés très tôt, parce que largement diffusés, de façon consciente ou inconsciente, d’ailleurs. Les équipes éducatives doivent faire comprendre aux enfants que filles et garçons sont égaux et leur inculquer le respect de l’autre, quel que soit son sexe.

Toutefois, face à l’influence des médias et d’Internet, leur tâche est lourde. C’est pourquoi cette politique de lutte contre les violences doit être menée de pair avec un combat contre les stéréotypes et clichés, véhiculés notamment au travers des médias. J’ai évoqué ce sujet en tant que rapporteur du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. J’espère que, fort de son nouveau cahier des charges, le service public de l’audiovisuel, qui doit être exemplaire dans ce domaine, sera attentif à cette question de la représentation des femmes.

Si des représentations stéréotypées perdurent dans les médias, plus inquiétant encore est ce qui se passe sur Internet. Les jeunes, surfant pendant des heures et sans barrières sur le réseau, sont confrontés à ces représentations déconnectées de la réalité, qu’ils considèrent alors comme vraies. Ils sont exposés à des images dégradantes, humiliantes, qui banalisent la violence sous toutes ses formes. Comment les femmes peuvent-elles ensuite être respectées ? Aussi l’accompagnement des jeunes dans le monde numérique, qui offre par ailleurs, il ne faut pas le nier, de formidables possibilités, doit-il être envisagé très sérieusement : la commission des affaires culturelles y réfléchit actuellement. Il faudrait une sorte de CSA de l’Internet, qui veille au bon usage de la « toile » et au respect de la dignité humaine.

Mme Reiser vous a remis en septembre dernier, madame la secrétaire d’État, un rapport sur l’image des femmes dans les médias, dans lequel elle parle « d’invisibles barrières bloquantes pour les femmes et les jeunes filles françaises qui ont un rôle à jouer dans la société ». Eu égard à votre forte implication sur cette question, pourriez-vous nous préciser quelles suites vous comptez donner à ce rapport ?

Célébrer des journées comme le 8 mars, journée internationale des femmes, ou du 25 novembre, journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, est indispensable pour alerter chaque année l’opinion publique. Mais nous rêvons tous du jour où nous n’aurons plus à célébrer ces journées, parce que les droits et le respect des femmes seront pleinement acquis partout dans le monde.

En attendant, comme vous, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, j’ai une pensée pour cette petite Brésilienne violée par son beau-père et dont la mère a été excommuniée à la suite de l’avortement de sa fille. Que de souffrances qui auraient pu, qui auraient dû être évitées !

La France, pays des droits de l’Homme – avec une majuscule –, a aussi un rôle à remplir pour faire progresser cette cause sans frontières de la lutte contre les violences physiques, psychologiques et morales faites aux femmes, et doit, au sein de chaque instance internationale, jouer de toute son influence.

Je vous remercie des réponses que vous voudrez bien nous apporter, madame la secrétaire d’État, au terme de ce débat.

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité

Monsieur le président, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à saluer le choix de votre assemblée d’inscrire à son ordre du jour, dès sa première semaine de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, la question des violences faites aux femmes. Cela montre combien le Sénat, où les femmes sont, en proportion, plus nombreuses qu’à l’Assemblée nationale, est attentif à tous les sujets de société et à quel point l’image que certains veulent bien en donner est éloignée de la réalité. (Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes et Mme Catherine Procaccia applaudissent.) Il faut combattre de tels clichés qui, comme les stéréotypes de genre, ont la vie dure…

Les violences faites aux femmes constituent un phénomène inacceptable dans nos démocraties modernes. Nous ne devons tolérer aucune atteinte à l’intégrité physique et psychologique des femmes, car ces violences qui s’exercent au quotidien sont une réalité dévastatrice. Elles touchent toutes les catégories sociales, tous les âges, et restent pour les femmes la plus grave violation de leurs droits fondamentaux, ainsi qu’un obstacle récurrent à la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Dans les faits, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela signifie que les femmes sont davantage en danger chez elles que dans la rue ou sur leur lieu de travail.

Debut de section - Permalien
Valérie Létard, secrétaire d'État

Par conséquent, il est essentiel de mener une politique nationale active de lutte contre ces violences que, pour l’heure, il faut bien l’avouer, le progrès social n’a pas permis de supprimer.

Mmes Kammermann, Dini, Terrade et Le Texier ont rappelé des chiffres qui restent terribles : une femme sur dix est victime de violences physiques, sexuelles, verbales ou psychologiques au sein de son couple ; 166 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint ou de leur concubin en 2007, soit une tous les deux jours et demi ; 47 500 faits de violences volontaires sur femmes majeures par le conjoint ou l’ex-conjoint ont été enregistrés en 2007, soit une augmentation de 30 % – les femmes osent plus qu’avant briser le tabou et déposer plainte, cela a été dit, mais 400 000 d’entre elles déclarent avoir été victimes de violences. Selon le dernier rapport de la délégation aux victimes, le nombre de décès survenus à la suite de violences commises au sein du couple a augmenté de 14 % par rapport à 2006.

Mme Kammermann s’est également interrogée sur notre capacité à prendre la mesure de ce fléau. Nos chiffres reflètent-ils l’entière réalité des violences commises au sein du couple, compte tenu de la réticence de certaines victimes à porter plainte ?

Pour approcher au plus près la réalité que recouvrent les chiffres, l’INSEE, en partenariat avec l’Observatoire national de la délinquance, conduit en France métropolitaine une enquête annuelle de victimation destinée à compléter les éléments issus de l’état 4001, lequel recueille les données de la police et de la gendarmerie. Il résulte des enquêtes menées en 2007 et en 2008 que près de 2 % des femmes de 18 à 60 ans déclarent avoir subi des violences au sein de leur couple.

Je tiens également à signaler qu’une enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, l’ENVEFF, est en cours à la Martinique ; ses résultats seront connus à la fin du premier semestre de 2009. Une enquête similaire a déjà été réalisée à la Réunion, et il est prévu d’en mener une en Guadeloupe. La connaissance du phénomène est en effet loin d’être précise pour les départements d’outre-mer, et il était urgent de remédier à cette situation.

Ce constat suffit à montrer à quel point il est nécessaire de rester mobilisés. Dès maintenant, je puis vous rassurer sur le point suivant : il n’existe bien évidemment aucun projet de fermer le Service des droits des femmes et de l’égalité, le SDFE, dont je tiens à saluer l’implication et le professionnalisme des agents. Ce service est essentiel à la mise en œuvre de la politique du Gouvernement, puisqu’il assure la coordination de son action en faveur des femmes. Non seulement il ne sera pas supprimé, mais, au contraire, il sera rattaché à la déléguée interministérielle aux droits des femmes qui sera prochainement créée. De plus, cela a été évoqué tout à l’heure, un document de politique transversale conduira chaque ministère à faire apparaître la part affectée à la promotion des droits des femmes dans son champ de compétences. Ce sont autant d’outils qui renforceront les moyens à notre disposition pour faire progresser les droits des femmes.

Permettez-moi, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, de vous remercier d’avoir été à l’origine de ce débat. Je sais que ce combat vous tient tout particulièrement à cœur, et ce depuis de nombreuses années, vous qui occupiez dans le gouvernement de M. Michel Rocard les fonctions qui sont aujourd’hui les miennes.

Dès 1989, vous aviez pris l’initiative de mettre en place dans chaque département une commission d’action contre les violences faites aux femmes, afin que tous les partenaires institutionnels et associatifs s’impliquent dans cette lutte et travaillent ensemble. Depuis, les gouvernements successifs ont progressé, mais, malheureusement, le phénomène est loin d’avoir disparu.

Vous l’avez souligné : sur le plan international, la situation des femmes est souvent critique. La participation de la France à la conférence de Durban II est subordonnée, comme l’a indiqué Bernard Kouchner, à une décision européenne qui sera prise en fonction de la qualité du texte préparatoire à cette conférence, notamment bien sûr du point de vue des droits des femmes et du respect de l’égalité.

En effet, nombre des intervenants l’ont relevé, à l’heure où l’actualité remet chaque jour cette question au premier plan, nous devons faire preuve de vigilance. Il faut rappeler que toutes les formes d’intégrisme mènent forcément au sexisme, à l’intolérance, qu’il nous faut savoir combattre.

La question du renouvellement du titre de séjour des femmes immigrées victimes de violences conjugales a également été abordée. Comme l’a indiqué Brice Hortefeux dans sa réponse à une question écrite du 19 février 2008, des instructions ont été données aux préfets pour qu’ils appliquent avec la plus grande rigueur les règles protectrices du droit au séjour des femmes victimes de violences conjugales. Je transmettrai néanmoins à Éric Besson votre demande renouvelée, madame André, afin que ces instructions soient rappelées en tant que de besoin.

Par ailleurs, vous avez rappelé, ainsi que M. Courteau et Mme Laborde, l’obligation pour le Gouvernement de remettre au Parlement le rapport prévu à l’article 13 de la loi du 4 avril 2006. Ce rapport a été déposé sur le bureau des assemblées lundi 16 mars. Il nous a paru essentiel – au risque, il est vrai, de retarder son dépôt – d’y intégrer des mesures mises en œuvre récemment et de disposer de données précises. Nous avons pu nous appuyer sur le rapport d’évaluation du premier plan triennal global 2005-2007, réalisé à ma demande par l’Inspection générale des affaires sociales, l’Inspection générale des services judiciaires et l’Inspection générale de l’administration, avec le concours de l’Inspection générale de la police nationale. Ce rapport a été rendu public à la fin de l’été dernier et les recommandations qu’il comporte ont été présentées par leurs auteurs le 1er octobre 2008 devant les membres de la Commission nationale de lutte contre les violences envers les femmes.

En outre, un groupe interministériel copiloté par le ministère de la justice et par le SDFE a été constitué le 2 juillet dernier. C’est dans ce cadre que se traite la question importante de l’ordonnance de protection juridique évoquée par Mme Terrade. Mme la garde des sceaux et moi-même avons effectivement souhaité que soit engagée une réflexion sur l’évolution du cadre juridique, afin de définir et d’explorer des pistes d’amélioration, portant notamment sur la reconnaissance des violences psychologiques et sur l’articulation entre procédures pénales et procédures civiles. Ce groupe rendra ses conclusions très prochainement. Nous ferons alors des propositions concrètes, madame la présidente. Nous formulerons également des propositions en vue de lutter contre les violences au travail, en nous fondant sur les conclusions de la mission confiée à Mme Grésy, de l’IGAS, sur un autre volet de l’action du ministère, celui de la promotion de l’égalité professionnelle. La note d’orientation que cette mission rendra au début de l’été constituera la base d’une concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité salariale, sur l’accès des femmes aux responsabilités, ainsi que sur les questions liées aux violences.

Le rapport qui vous a été remis au début de la semaine dresse le bilan des actions menées en 2006 et en 2007, mais aussi celui de la première année de mise en œuvre du plan 2008-2010 de lutte contre les violences faites aux femmes.

Avec le document de politique transversale relatif aux droits des femmes, dont le Parlement a inscrit le principe dans la dernière loi de finances et qui paraîtra pour la première fois dans les documents annexés au projet de loi de finances pour 2010, nous disposerons ainsi d’un état des lieux précis de toutes les actions engagées, dont nous pourrons, à l’avenir, évaluer précisément l’efficacité. Afin que la loi soit respectée, le prochain rapport au Parlement sera remis en 2010, ce qui permettra, d’une certaine façon, de « rattraper » le retard du premier rapport. Encore une fois, nous avons préféré, pour ce premier bilan, attendre de disposer d’éléments qui nous paraissaient extrêmement utiles et que nous n’aurions pu intégrer si nous l’avions établi plus tôt.

Vous avez été également nombreux à le souligner, la politique de lutte contre les violences conjugales et, plus largement, de lutte contre les violences faites aux femmes présente un caractère transversal et interministériel. Elle mobilise le Gouvernement tout entier : chaque ministère intervient dans son domaine de compétences, mais l’approche adoptée reste globale.

C’est cette approche transversale que je défends depuis mon arrivée au secrétariat d’État. Dans cet esprit, j’ai lancé en novembre 2007 le deuxième plan triennal de lutte contre les violences faites aux femmes. Le rapport permet de présenter les avancées obtenues collectivement par le Gouvernement, avec le concours des collectivités territoriales.

Dans ce travail collectif, je tiens à souligner l’importance de l’apport de la Commission nationale contre les violences envers les femmes, composée de représentants de l’État et des associations, ainsi que de personnalités qualifiées. Renouvelée en décembre dernier, cette commission, que j’ai réunie en séance plénière à trois reprises – en novembre 2007, en mars et en octobre 2008 – et que je convierai de nouveau à la fin du mois d’avril, est une instance essentielle de concertation et d’animation du réseau des conseils départementaux. Elle garantit les échanges de bonnes pratiques, elle émet des recommandations et des propositions de nature législative ou réglementaire. Elle peut aussi faire réaliser des analyses, des études, des recherches, et recueillir des données. Son impulsion, sa vigilance et sa mission de veille sont fondamentales pour assurer la cohérence de notre action.

Au-delà du niveau institutionnel, vous avez rappelé, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur Courteau, madame Laborde, combien la mobilisation des associations sur le terrain est remarquable et leur action nécessaire. Bien évidemment, je partage ce constat, et nous savons tous que ce réseau associatif joue un rôle extrêmement important et puissant dans toutes les politiques en faveur des droits des femmes. Il est au cœur de nos préoccupations et mérite véritablement d’être soutenu.

Debut de section - Permalien
Valérie Létard, secrétaire d'État

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Nous ne les désespérerons pas, monsieur Courteau, ne vous inquiétez pas !

Sourires

Debut de section - Permalien
Valérie Létard, secrétaire d'État

Les intervenants de proximité jouent donc un rôle irremplaçable. Nous ne pouvons que saluer leur action.

Je rappellerai, à cette occasion, que nous avons confirmé que le Gouvernement apportera son soutien au planning familial, dont les ministères chargés de la santé, des droits des femmes, de la famille et de la politique de la ville sont les partenaires et les financeurs, ainsi que de toutes les associations qui œuvrent dans le domaine du conseil conjugal.

De surcroît, nous avons garanti que cet effort financier du Gouvernement ferait l’objet d’une convention triennale. Cela représente une sécurité supplémentaire pour le réseau associatif, qui constitue un véritable pilier dans ce combat.

Vous m’avez interrogée, madame Laborde, sur le financement des centres d’information sur les droits des femmes et des familles, les CIDFF. Vous savez combien, là aussi, nous nous appuyons sur le réseau associatif, auquel l’État a confié la mission d’assurer l’accès des femmes à l’information sur leurs droits dans les domaines juridique, professionnel, économique, social et familial. Parmi les activités des CIDFF, la lutte contre les violences sexistes tient une place essentielle.

Les ressources globales des CIDFF, apportées à hauteur de 34 % par l’État, représentent plus de 30 millions d’euros, le SDFE y contribuant pour plus de 5 millions d’euros en 2009. Je vous confirme mon engagement de maintenir ce niveau de financement.

Plusieurs CIDFF n’ont pas encore reçu les premiers acomptes, car certaines conventions sont en cours de signature. Nous envisageons d’ailleurs de généraliser en 2010 la contractualisation triennale, à l’instar de ce que nous faisons pour le planning familial. Soyez cependant assurée, madame la sénatrice, que je donne instruction aux DDASS de verser les crédits prévus au plus tôt et que, pour l’avenir, grâce à cette contractualisation triennale, nous ne connaîtrons plus ces retards qui peuvent intervenir lorsque l’effort budgétaire est annualisé.

La complémentarité des partenariats institutionnels, réunissant public et privé, associations et élus locaux, est elle aussi essentielle. S’il est un sujet sur lequel la solidarité doit être au rendez-vous, c’est bien celui-là ! Les parquets nouent de nombreuses relations avec les associations. Les travailleurs sociaux sont également de plus en plus sollicités par les professionnels du monde judiciaire, de la police, des unités de gendarmerie. Les services déconcentrés et les collectivités territoriales travaillent aussi en partenariat. De nombreuses actions de sensibilisation et de formation sont organisées à l’échelon local en direction des élus et du grand public, avec le concours des intervenants associatifs.

Ces multipartenariats permettent à l’État de continuer à mener de façon pragmatique une politique volontariste de lutte contre les violences, de mieux en mieux adaptée aux besoins et de plus en plus propre à répondre aux attentes.

Oui, la prise en charge globale des personnes concernées s’améliore. Mme Dini et Mme Kammermann ont mis l’accent sur les avancées obtenues en la matière, même si M. Courteau regrette qu’elles se fassent à petits pas.

Debut de section - Permalien
Valérie Létard, secrétaire d'État

Le travail des acteurs de proximité, l’élaboration d’outils pertinents et les dispositions réglementaires et législatives contribuent à ces progrès. Vous me permettrez de citer quelques exemples à cet égard, en insistant sur certains dispositifs novateurs.

En effet, de nouvelles mesures ont été adoptées et mises en œuvre depuis 2006, et le plan triennal 2008-2010 permet de les conforter.

Mme Dini a relevé que le 39 19, numéro d’appel unique mis en place le 14 mars 2007, recevait 7 000 appels par mois. Ce numéro est facile à retenir, gratuit et, pour éviter de mettre les femmes concernées en danger, il n’apparaît pas sur les relevés de communications téléphoniques. Géré par la Fédération nationale Solidarité Femmes, il dispense une écoute de qualité, professionnelle, anonyme et personnalisée. Le cas échéant, une orientation adaptée est proposée. J’ai tenu à renforcer les moyens financiers de cette plate-forme d’écoute par un redéploiement des crédits d’intervention. Ce numéro national unique a d’ores et déjà permis une avancée significative dans l’appui aux femmes victimes.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogée sur les référents.

Je souhaite insister sur l’importance de la mise en place progressive d’un réseau de référents locaux, qui répond en partie aux préoccupations exprimées tout à l’heure par Mme Le Texier à propos du nécessaire accompagnement des femmes victimes de violences, au fil d’un très long parcours semé d’embûches.

Ces référents sont les interlocuteurs uniques de proximité pour l’accompagnement des femmes victimes de violences au sein du couple. Ils pourront ainsi apporter dans la durée une réponse globale aux femmes et les orienter vers les structures adaptées à leurs besoins.

Douze référents ont été recrutés et sont financés par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, dans le cadre d’une expérimentation. Une vingtaine de départements projettent de les mettre en place prochainement en s’appuyant sur un cahier des charges précis, diffusé avec une circulaire du 14 mai 2008 adressée aux préfets. Leur rôle sera déterminant, j’en suis convaincue, pour simplifier les démarches des femmes victimes de violences et assurer un suivi individualisé de leur parcours, en complément du réseau des partenaires de terrain.

Notre objectif est le maillage du territoire. Le Premier ministre a clairement demandé, le 25 novembre dernier, que leur déploiement soit accéléré et que, d’ici à la fin du premier semestre de 2009, chaque département soit doté d’un tel référent local. Le dispositif a pour vocation non pas de se substituer aux acteurs existants, mais au contraire de les coordonner et de faciliter les démarches de la victime.

C’est pourquoi les déléguées régionales et les chargées de mission du SDFE ne peuvent être elles-mêmes référents locaux. Je veux au contraire qu’elles continuent à assumer des missions transversales, tout en pilotant la mise en place des référents locaux, dispositif qui sera, pour elles aussi, un outil de la politique de lutte contre les violences faites aux femmes.

Vous avez été unanimes à souligner que la réponse à la recherche d’autonomie des femmes victimes de violences passe obligatoirement par une solution adaptée en matière d’hébergement et de logement. De nombreuses mesures ont été prises sur ce plan, mais il nous faut, à l’évidence, encore progresser.

En ce qui me concerne, j’ai souhaité diversifier les réponses offertes. Telle est la raison pour laquelle j’ai lancé une expérimentation concernant les familles d’accueil. Mme Kammermann m’a demandé de faire le point sur cette question. Je vais donc lui indiquer où nous en sommes à l’heure actuelle.

Pour faire suite à une circulaire interministérielle de juillet 2008, nous avons saisi les présidents de conseil général, qui se sont fortement mobilisés. Aujourd’hui, plus de soixante-dix familles ont été choisies pour accueillir les femmes victimes de violences, avec ou sans enfants, là aussi dans le cadre d’une expérimentation. Elles sont réparties dans une vingtaine de départements ; quinze d’entre eux, par exemple la Manche, la Sarthe, l’Oise, la Creuse, la Drôme ou l’Ardèche, veillent à l’opérationnalité des familles. Notre objectif est d’arriver à cent familles d’accueil d’ici à 2010. Lorsque ce dispositif aura été expérimenté sur une période suffisamment longue, nous l’évaluerons et apporterons les ajustements nécessaires.

J’y insiste, nous n’agissons pas ici dans le cadre de la protection de l’enfance. La mise en place de ces familles d’accueil répond à un cahier des charges spécifique, comportant des mesures adaptées et mis en œuvre en liaison, bien sûr, avec le réseau des structures d’accueil et d’hébergement d’urgence, qui ont l’habitude de prendre en charge ces situations, en assurant déjà un accompagnement éducatif et psychologique. Il s’agit de créer un outil adéquat, qui viendra compléter le maillage du territoire, les zones rurales, notamment, étant souvent dépourvues, à l’heure actuelle, de structures collectives d’hébergement d’urgence.

Il nous faut donc approfondir cette question, évaluer et ajuster les solutions envisagées.

S’agissant de l’hébergement d’urgence, sur lequel plusieurs d’entre vous m’ont interrogée, la proportion de femmes accueillies dans les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, est désormais importante. Ces derniers accueillent, en effet, environ 33 % de femmes ; 115 privilégient l’accueil de femmes victimes de violences, 169 hébergent des femmes en grande difficulté sociale.

Par ailleurs, pour les femmes, 40 % des places en CHRS relèvent de structures « éclatées » – il s’agit d’appartements –, et non de structures collectives. Pour la première fois, en 2008, une enquête a été réalisée pour mieux identifier les femmes victimes de violences parmi les publics en difficulté accueillis dans les structures d’hébergement.

Plus globalement, nous veillons aussi à ce que les femmes victimes de violences conjugales soient prioritaires pour l’accès au logement. La loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion adoptée le 19 février dernier comporte, à cet égard, deux dispositions importantes, insérées par voie d’amendements votés à l’unanimité et visant à rendre les femmes victimes de violences conjugales prioritaires pour l’accès au logement social.

Dans le domaine de la santé, je mettrai en exergue les efforts réalisés pour améliorer la connaissance du phénomène des violences envers les femmes, faire de la prévention, développer la formation des professionnels de santé et faciliter le repérage des situations de violence.

Ces actions ciblées en fonction des situations et de la nature des violences témoignent une fois de plus que le Gouvernement s’attache à prendre en compte toutes les formes de violences dont sont victimes les fillettes, les jeunes filles et les femmes.

À cet égard, madame Morin-Desailly, monsieur Courteau, vous avez insisté sur l’importance de la prévention très en amont, dès le plus jeune âge.

C’est un souci constant du Gouvernement. Nous menons un travail en partenariat avec l’éducation nationale, notamment dans le cadre de la convention interministérielle pour la promotion de l’égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, dans le système éducatif, qui implique neuf ministères. Le ministre de l’éducation nationale a chargé Mme Philippe, rectrice de l’académie de Besançon, de piloter l’action et d’animer la mise en œuvre des mesures qui peuvent être prises pour généraliser les dispositifs de prévention, mais aussi d’orientation des jeunes filles, dans l’ensemble des établissements scolaires. Prévenir les comportements violents et combattre les stéréotypes font partie des priorités de Mme Philippe.

Le respect de l’autre ne se décrète pas, il s’apprend sur le terrain. À cette fin, des actions de sensibilisation ont été inscrites dans le plan Espoir banlieues, madame Le Texier. L’éducation au respect, à la mixité et à l’égalité ne se limite pas aux établissements scolaires. Elle doit investir la sphère familiale et toucher les jeunes au travers des dispositifs existants, tels que le programme « Ville Vie Vacances », qui propose des loisirs aux jeunes des quartiers pendant les vacances scolaires. On sait que seulement 25 % des jeunes filles des quartiers y participent aujourd’hui, par crainte de comportements violents de la part des garçons. Nous soutenons ce programme, l’objectif étant d’augmenter de 40 % la fréquentation des jeunes filles en 2008. Il faut encourager les filles à pratiquer les mêmes activités de loisirs, à s’orienter vers les mêmes filières et à exercer les mêmes métiers que les garçons.

Par ailleurs, il convient de renforcer l’accès des filles et des femmes à l’information sur leurs droits, de développer des actions spécifiques concernant les mariages forcés et les mutilations sexuelles en s’appuyant sur les associations et les adultes relais, en utilisant les antennes des centres d’information sur les droits des femmes et des familles et en mettant en place des espaces de dialogue.

Parallèlement, depuis 2006, l’arsenal législatif et juridique est plus répressif et protecteur. Les victimes sont encouragées à porter plainte et le taux de réponse pénale à l’encontre des auteurs de violences conjugales a augmenté, passant de 68, 9 % en 2003 à 83, 8 %. De très nombreux parquets se sont engagés dans la mise en place de conventions ou de protocoles visant à la prévention de la récidive des auteurs de violences grâce à une prise en charge sociale, médicale et psychologique.

De même, l’éviction du conjoint violent, qui constitue une disposition phare de la loi de 2006, se révèle être une mesure pertinente. Elle permet d’inverser le rapport de force qui se crée lors du processus de violence et de limiter les violences indirectes dont sont victimes les enfants. Vous avez souligné, madame André, son intérêt. Les efforts doivent être poursuivis. Nous travaillons avec le ministère de la justice sur ces questions ; j’y reviendrai ultérieurement.

Si de réelles avancées ont été obtenues, elles méritent d’être consolidées.

La coordination des acteurs reste un enjeu fort dans la lutte contre les violences au sein du couple. Ceux-ci prennent de plus en plus conscience de l’importance de développer des relations entre leurs réseaux, d’adopter une démarche interdisciplinaire et de se coordonner au travers de différentes instances.

Le rôle des « référents » est essentiel. D’autres interlocuteurs référents ont été mis en place dans les domaines de la santé, de la justice et du logement. C’est cette articulation de tous les outils et de tous les acteurs qui nous permettra de développer le réseau des acteurs sur le terrain et de répondre à toutes les interrogations dans le cadre d’un pilotage dans la durée. Il faut sans nul doute mieux les identifier et clarifier leurs missions et leur profil en fonction de leurs compétences.

Au-delà des diverses solutions d’hébergement et de logement adapté citées dans le rapport, la situation tendue qui prévaut dans les zones très urbanisées freine l’accès au logement social et retarde le retour à l’autonomie des victimes.

La prise en charge dans les unités médico-judiciaires, les UMJ, constitue un moment important du processus. Les UMJ accueillent, examinent et informent. Au nombre de cinquante, elles méritent d’être déployées. De nouveaux schémas ont été élaborés en janvier dernier avec des établissements pivots pour activer le réseau et assurer un meilleur maillage.

Je voudrais enfin, madame Kammermann, vous confirmer que le guide de l’action publique a été réactualisé en 2008.

S’agissant des auteurs de violences, le manque de places dans les différentes structures de prise en charge thérapeutique réduit l’efficacité de l’éviction du conjoint violent, mesure prononcée dans 9, 6 % des affaires de violences conjugales.

Debut de section - Permalien
Valérie Létard, secrétaire d'État

Nous travaillons à la généralisation des soixante structures d’accompagnement des auteurs de violences qui existent aujourd'hui.

Pour conforter les résultats, la concertation des acteurs locaux et la formation des professionnels – personnels de santé, de la police, de la gendarmerie, de la justice – doivent être renforcées. Roselyne Bachelot-Narquin travaille à la mise en place de modules de formation interdisciplinaires

Debut de section - Permalien
Valérie Létard, secrétaire d'État

Il faut également mutualiser les moyens et les outils existants pour une mise en œuvre homogène sur tout le territoire. Ce sont les clés d’une politique efficace en faveur de la lutte contre les violences au sein du couple.

À ce propos, madame Terrade, vous avez eu raison de citer l’action du parquet de Bobigny. Nous devons nous inspirer des bonnes pratiques que le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et de l’Inspection générale de la jeunesse et des sports, l’IGJS, ont utilement recensées.

À cet égard, j’évoquerai la politique pénale conduite par le procureur près le tribunal de grande instance de Bobigny, qui a désigné depuis 2005 des référents spécialisés au sein du parquet, avec des résultats visibles : le taux de classement sans suite est passé de 24 % à 15 %, et le recours à la médiation pénale a été interdit.

Un mémento à l’attention des membres du parquet a été élaboré afin d’harmoniser les réponses pénales, et des instructions précises sont données aux services de police pour systématiser les rapports téléphoniques, même en l’absence de plainte. On le voit, des marges de progression existent si l’on s’inspire de ce qui fonctionne bien.

Par ailleurs, on ne pourra éradiquer le phénomène des violences au sein du couple sans travailler sur l’image des femmes, comme l’ont indiqué Mme Morin-Desailly et M. Courteau. Le poids des clichés et des stéréotypes continue à se faire sentir et à compromettre les progrès.

C’était l’objectif que j’avais assigné à la commission « Image des femmes dans les médias », présidée par Mme Reiser. Cette commission a rendu ses conclusions, et je souhaite qu’elles ne restent pas lettre morte. Sa mission va être prolongée, afin de lui permettre d’assurer le « monitoring » de nos médias en matière de respect de l’image de la femme. Il convient d’étudier comment nous pouvons faire évoluer l’image de la femme véhiculée par les médias. Ceux-ci étant le miroir de notre société, ce point est essentiel.

Sur le thème connexe du respect, j’ai souhaité m’adresser plus particulièrement aux jeunes filles. Elles recevront, lors des journées d’appel de préparation à la défense, un ouvrage intitulé 18 ans, Respect les filles ! pour les aider à faire respecter leurs droits. Il sera également accessible à tous sur le site internet du secrétariat d’État. Nous envisageons en outre de décliner cet outil en direction des garçons du même âge.

Prévenir, c’est aussi sensibiliser et se doter de nouveaux outils. Vous avez tous insisté sur la prévention par la communication. C’est par le biais des médias – l’écran, l’image, la presse – que l’on entre dans les foyers.

Une première campagne de communication grand public a donc été lancée le 2 octobre dernier. Cette campagne de presse et d’affichage visait trois cibles : la victime, le témoin et l’auteur de violences au sein du couple. Elle est complétée aujourd'hui par un site internet gouvernemental sur l’ensemble des violences faites aux femmes.

Toutes les formes de violences sont prises en compte. Des brochures, en cours d’élaboration, seront destinées, en avril-mai, aux femmes et aux jeunes filles victimes de violences coutumières – mariage forcé, excision. En outre, un spot télévisé sur les violences conjugales sera diffusé avant l’été.

Une pierre a été ajoutée à l’édifice que nous construisons pour protéger les femmes avec l’attribution en 2009 du label « campagne d’intérêt général » à la lutte contre les violences faites aux femmes, en vue de la préparation de la grande cause nationale 2010. Cette action très forte en direction du public sera organisée par l’ensemble du collectif associatif et s’accompagnera d’une mobilisation sans précédent des médias, avec un soutien interministériel renforcé.

Certains d’entre vous considèrent qu’une loi-cadre est indispensable, à l’instar de celle qui a été mise en œuvre en Espagne en 2004. La présentation d’un tel texte est une revendication récurrente de plusieurs mouvements associatifs.

À cet égard, le rapport d’évaluation du premier plan triennal 2005-2007 de lutte contre les violences faites aux femmes devait notamment porter sur l’opportunité de l’adoption d’une loi-cadre. Or il ressort de l’analyse des dispositifs législatifs européens et internationaux, ainsi que des avis des acteurs ministériels, des associations et des décideurs locaux, qu’une loi-cadre n’apporterait pas un bénéfice particulier pour régler les dernières difficultés persistantes.

En effet, nous disposons déjà d’un arsenal juridique complet, particulièrement répressif à l’encontre des auteurs de violences faites aux femmes. Depuis 2004, nous consolidons régulièrement ce dispositif législatif pour mieux protéger les femmes victimes de violences. Nous entendons poursuivre cet effort avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, s’agissant notamment des violences habituelles et psychologiques, au sujet desquelles nous réfléchissons à un texte spécifique.

Aujourd’hui, notre objectif premier est donc l’application pleine et entière de ce dispositif sur le terrain, sachant que, de l’avis général, confirmé par vos interventions, la marge de progrès se situe moins dans l’élaboration de nouvelles dispositions législatives que dans l’application des mesures existantes. C’est là tout l’objet des plans triennaux, dont le deuxième, en cours de mise en œuvre et couvrant la période 2008-2010, va au-delà d’une loi-cadre en visant les auteurs de violences et les enfants exposés aux violences intrafamiliales.

En revanche, il me semble primordial, madame Laborde, de rassembler toutes les dispositions législatives et réglementaires au sein d’un seul et même code commenté sur les droits des femmes. Ce code unique donnera une réelle lisibilité aux multiples mesures actuellement éparpillées dans plusieurs codes. Il permettra aux femmes de connaître leurs droits et simplifiera leurs démarches, tout en répondant à leurs interrogations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ma réponse a été très longue, mais vous aurez compris que je défends cette cause, qui nous est commune, avec autant de conviction que vous et le même souci d’efficacité que celui dont vous faites preuve dans le cadre de vos responsabilités respectives. Je tiens à vous remercier, d’ores et déjà, pour le soutien que vous apporterez à la promotion de toutes les actions qui contribueront à la faire progresser encore. Les années 2009 et 2010 seront riches dans les champs de la lutte contre les violences et du renforcement de l’égalité professionnelle. Nous aurons à travailler beaucoup ensemble ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1212/2005 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines pièces de voirie en fonte originaires de la République populaire de Chine.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4354 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1858/2005 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de câbles en acier originaires, entre autres, de l’Inde.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4355 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil concernant la signature et la conclusion de l’accord sous forme d’échange de lettres entre la Communauté européenne et l’État d’Israël relatif aux mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche, au remplacement des protocoles n° 1 et 2, de l’annexe du protocole n° 1 et de l’annexe du protocole n° 2, et aux modifications de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’État d’Israël, d’autre part.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4356 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. le président du Sénat a reçu de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la proposition de loi de M. Thierry Foucaud, Mme Marie-France Beaufils, M. Bernard Vera, Mme Éliane Assassi, MM. François Autain, Michel Billout, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Claude Danglot, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Évelyne Didier, M. Guy Fischer, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Gélita Hoarau, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Isabelle Pasquet, MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Mmes Mireille Schurch, Odette Terrade et M. Jean-François Voguet, tendant à abroger le bouclier fiscal et à moraliser certaines pratiques des dirigeants de grandes entreprises en matière de revenus (29, 2008-2009).

Le rapport sera imprimé sous le n° 295 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 24 mars 2009 à quinze heures et le soir :

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures (34, 2008-2009).

Rapport de M. Bernard Saugey, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (209, 2008-2009).

Texte de la commission (n° 210, 2008-2009).

Avis de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la commission des affaires économiques (225, 2008-2009).

Avis de Mme Françoise Henneron, fait au nom de la commission des affaires sociales (227, 2008-2009).

Avis de M. Bernard Angels, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation (245, 2008-2009).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures vingt.