Intervention de Jean-Paul Delevoye

Réunion du 19 mars 2009 à 15h00
Communication du médiateur de la république

Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République :

Sur le plan social, les textes ne tiennent pas compte de la mobilité croissante et des fractures de parcours. La mobilité européenne, qui s’accroît, est de plus en plus souvent confrontée à des difficultés de coordination entre les législations. En cas de nouvel emploi, le passage d’une convention collective à une autre n’est pas harmonisé. Le suivi des dossiers se fait difficilement en cas de rupture de couple et de changement de département.

Aujourd’hui, nous sommes particulièrement vigilants devant la situation que connaissent Pôle emploi et les caisses d’allocations familiales. En effet, la réorganisation des services liés à l’emploi et aux allocations familiales coïncide avec l’accroissement du nombre de demandeurs d’emploi. Il ne faut pas que ces services ajoutent une rupture à une rupture : bien souvent, les personnes qui perdent leur emploi et donc leur salaire ne peuvent pas se permettre d’attendre deux ou trois semaines le versement des indemnités auxquelles elles ont droit. Une perte de revenu de 150, 200 ou 300 euros crée de sérieuses difficultés.

Soyons attentifs à ce que les amortisseurs sociaux dont la France dispose par rapport à d’autres pays pour affronter la crise ne soient pas paralysés par des dysfonctionnements administratifs provoquant des ruptures de revenus, au risque d’entrer dans la spirale de l’endettement.

Dans le domaine de la santé, nous souhaitons que l’on passe d’une culture de la faute à une culture de l’erreur. La faute est inexcusable et condamnable, alors que l’erreur doit être expliquée, éventuellement comprise, à condition d’en tirer profit pour changer les procédures.

Je voudrais insister sur le droit à la bonne administration, qui est inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Aujourd’hui, trop d’administrations créent une insécurité juridique par leurs délais de réponse, voire par leur absence de réponse. Les préjudices sont considérables et les possibilités de recours sont insuffisamment indiquées.

La question du « malendettement » sera reprise par les textes que préparent Mme Lagarde et M. Hirsch. Nous remercions le Parlement et le Gouvernement d’avoir accepté que nous soyons saisis de ce sujet.

La totalité des décideurs, qu’ils soient politiques, chefs d’entreprise, médecins, vont devoir prendre des décisions dans des domaines dans lesquels ils seront de moins en moins compétents. La qualité de leurs décisions dépendra donc de la qualité des experts sur lesquels ils s’appuieront.

Or les magistrats n’ont pas aujourd'hui à leur disposition les experts judiciaires médicaux dont ils auraient besoin. Nous devons réfléchir à la qualification d’expert judiciaire, notamment dans le domaine de la santé, qui ne doit pas être uniquement un titre, mais la sanction d’une compétence permettant au magistrat de prendre une bonne décision.

J’ai en mémoire le cas d’un obstétricien qui avait tout perdu – son travail, son honneur, sa femme – à la suite du rapport de deux experts qui l’avaient condamné dans sa pratique. Il a été réhabilité quinze ans après par une expertise reconnue par tous.

La question de l’expertise dans les décisions est donc extrêmement sensible ; j’y reviendrai tout à l’heure. Je souhaite également que vous puissiez avoir un regard distancié sur le principe de précaution. Au nom de ce principe, en effet, on favorise aujourd'hui la non-décision ou la contestation de la décision publique.

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