J’aimerais également aborder les réformes que vous avez engagées, mesdames, messieurs les sénateurs. Certaines sont très importantes. D’autres sont perçues, à tort, comme plus anecdotiques.
Vous avez décidé l’exonération de la redevance audiovisuelle des téléviseurs loués par les personnes détenues. Autrefois, parmi les détenus, ceux qui avaient de l’argent pouvaient acheter un poste de télévision et étaient dispensés de redevance, tandis que les autres étaient contraints de louer un téléviseur et d’acquitter la redevance. Vous avez supprimé cette disparité, qui créait des tensions très fortes dans les prisons.
J’attire également votre attention sur quelques éléments complémentaires.
Aujourd'hui, le Gouvernement se réjouit, non sans raison, de la montée en puissance du statut d’auto-entrepreneur. Mais peut-être faudrait-il instituer quelques garanties. Prenons le cas d’un chômeur, actuellement couvert par un régime de protection sociale, qui deviendrait auto-entrepreneur. S’il dépose son bilan au bout de deux ans, il perd le bénéfice de son régime de protection salariale. Sans doute serait-il intéressant d’envisager une forme de « parachute » d’une durée un peu supérieure.
Je sais que vous suivez avec attention la mise en œuvre des lois qui sont votées, notamment la publication des décrets d’application.
Pour ma part, je salue l’engagement de M. le président du Sénat et de M. le président de la commission des lois en faveur du texte relatif aux tutelles et aux curatelles. Mais je constate avec irritation qu’aucune instruction n’a été donnée aux tribunaux. Dès lors, ceux-ci n’ont pas mené le travail de séparation entre les personnes fragiles psychologiquement, d’une part, et les personnes fragiles socialement, d’autre part. En outre, certains conseils généraux n’ont pas non plus préparé l’accompagnement social.
La loi qui a été votée prévoyait un délai d’adaptation de deux ans. À l’issue de ce délai, que constatons-nous ? Certains présidents de tribunal ou de conseil général se sont mobilisés pour favoriser la mise en œuvre du nouveau dispositif, d’autres n’ont rien fait. La situation est donc totalement inique.
Vous avez adopté une loi sur les contrats d’assurance vie en déshérence. Aux termes de ce texte, un rapport indiquant la part des contrats concernés, les bénéficiaires recherchés et le montant des sommes versées au Fonds de réserve des retraites devait être remis au Gouvernement au 1er janvier 2009. À ce jour, il ne l’a toujours pas été. Où est-il donc ?
Je mentionnerai également les hospitalisations psychiatriques, notamment l’évaluation concernant les droits des malades. Sur ce thème, je vous renvoie au discours du Président de la République.
La collaboration entre les médecins du travail et les médecins-conseils fait trop souvent l’objet d’une rupture par conflit de droits. Prenons le cas d’une personne en arrêt maladie chez qui on décèlerait un handicap. Elle n’est alors plus considérée comme malade et perd le bénéfice de ses indemnités. Compte tenu de son handicap, elle ne peut pas reprendre son activité professionnelle dans les mêmes conditions qu’auparavant. Elle n’est donc ni malade ni salariée, et il y a un conflit de droits entre le médecin du travail et le médecin-conseil. Le Parlement devrait, me semble-t-il, se saisir de cette question.
Les prestations familiales au titre d’enfants séjournant régulièrement en France sont attribuées de plein droit. La loi a été votée et elle est claire. Mais je vous invite à examiner ses conditions d’applications, qui varient selon les caisses d'allocations familiales.
Dans un courrier relatif aux victimes des essais nucléaires, le ministre de la défense a indiqué être favorable à une liste unique ou, plus précisément, à une prise en charge de l’indemnisation par le ministère de la défense plutôt qu’à la création d’un fonds spécifique. Il s’agit d’un véritable débat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite également attirer votre attention sur les conséquences de l’absence de décision politique sur quelques sujets douloureux.
Je vous avais alertés sur la situation des enfants nés sans vie. Je vous en rappelle le contexte. L’Organisation mondiale de la santé avait fixé deux critères pour définir la notion de « viabilité » : une durée d’aménorrhée de vingt-deux semaines et un poids du fœtus de cinq cents grammes. La Cour de cassation a estimé, non sans raison, que cette définition n’avait pas de valeur juridique. Aujourd'hui, le sujet divise la classe politique. Les uns jugent nécessaire de donner une valeur juridique à une telle définition, arguant que la notion de viabilité figure déjà dans quatre codes. Les autres craignent que cela ne relance le débat sur le statut du fœtus, donc sur l’avortement.
Qu’en est-il concrètement aujourd'hui, compte tenu de l’absence de décision politique ?
Dans le monde hospitalier, notamment dans les maternités, la suppression des seuils de viabilité jusqu’alors retenus par référence à une circulaire de la Direction générale de la santé du 22 juillet pose un véritable problème. En effet, l’absence de seuil conduit à faire de la fin de la période considérée comme « fausse couche précoce » le démarrage ou la fin de la viabilité. En d’autres termes, en l’absence de décision politique, la pratique hospitalière a fixé la notion de viabilité à quinze semaines d’aménorrhée. Et on laisse les services municipaux de l’état civil dans la même indécision : s’ils sont sollicités pour délivrer un acte d’état civil, ils pourront opposer un refus…
En outre, les instructions ministérielles ayant accompagné la mise en œuvre de telles dispositions visent à faire de la déclaration à l’état civil une responsabilité parentale. Par conséquent, les enfants décédés en toute fin de grossesse pourront ne faire l’objet d’aucune déclaration en mairie, faute d’initiative parentale. Alors que toutes les grossesses précocement arrêtées étaient systématiquement déclarées, un certain nombre d’entre elles ne le sont plus aujourd'hui.
De plus, les droits sociaux sont hétérogènes selon la nature des enfants.
Une telle absence de décision politique m’amène à vous poser une question simple : envisagez-vous de supprimer la notion de viabilité dans tous les codes ? Je vous le rappelle, au-delà de vingt-deux semaines, la fin de la grossesse est un congé maternité ; en deçà, c’est un congé maladie. Et le droit pour le mari d’avoir un congé de quatre jours vient d’une décision du Premier ministre fondée sur la définition de l’Organisation mondiale de la santé que j’ai évoquée tout à l’heure.